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La répression en situation exceptionnelle : les procès de l'Algérie française (mai 1961-mars 1963)
Par Éric GOJOSSO
Publication en ligne le 25 juillet 2019
Table des matières
Texte intégral
« De quelque façon qu’on l’examine, l’essence des juridictions d’exception est contraire à la morale »
Maurice Garçon
1La justice n’est pas sortie grandie de la guerre d’Algérie. C’est vrai de bout en bout. Si, en matière de lutte contre le FLN, l’instrumentalisation de l’institution judiciaire et les abus qui en résultèrent ont été amplement soulignés depuis une vingtaine d’années, on ne saurait en dire autant de la répression dirigée contre les derniers partisans de l’Algérie française, après que de Gaulle eut fait le choix de l’indé- pendance2. Mis à part un article de S. Thénault sur le Tribunal de l’ordre public et une communication de R. Draï dont sera tiré ensuite un excellent petit livre situé sur un terrain plus politique et éthique que juridique, il n’existe sur le sujet qu’une seule thèse, soutenue en 2007, à Clermont-Ferrand, où elle n’est pas consultable en dépit de l’autorisation de publication donnée par le jury3. Elle se trouve fort heureusement à la Bibliothèque universitaire de Mulhouse, mais n’est pas à la vérité d’un grand secours dans la mesure où son registre est essentiellement descriptif.
2Par suite, en attendant d’être prolongée par l’analyse des archives, cette présentation rapide se propose de mettre en lumière quelques éléments laissés dans l’ombre pour des motifs qui ne sont pas nécessairement scientifiques4. Elle s’intéressera aux seuls actes juridiques et évènements judiciaires consécutifs au putsch d’Alger et à son échec qui propulsent l’OAS sur le devant de la scène. Le 21 avril 1961, trois généraux, Challe, Jouhaud et Zeller, bientôt rejoints par un quatrième, Salan, prennent le pouvoir à Alger avec le soutien de quelques régiments d’élite. Sans effusion de sang ou presque, ils mettent hors-jeu les représentants de l’État, mais ne parviennent pas à rallier la troupe, le contingent restant fidèle à l’autorité métropolitaine. Le mouvement s’essouffle très vite. Cinq jours plus tard, Challe décide de se rendre, bientôt suivi par Zeller. Salan et Jouhaud entrent alors dans la clandestinité et poursuivent le combat au sein de l’OAS, mouvement qui se signale par de nombreux attentats, en Algérie comme en métropole. Les membres de cette organisation tentent en particulier d’assassiner le chef de l’État, au Petit-Clamart, le 22 août 19625.
3Sur les motivations des différents acteurs de la rébellion, beaucoup a été écrit. Au mépris de l’évidence, leurs détracteurs les ont dépeints comme factieux et fascisants. Au vrai, la cause de l’Algérie française a recruté dans tous les milieux et pas seule- ment chez ceux que leur nationalisme prédisposait à la défense de l’empire : faut-il évoquer ici l’engagement ponctuel d’un Michel Debré ou celui plus durable d’hommes comme Léon Delbecque, Jacques Soustelle, Georges Bidault (successeur de Jean Moulin à la tête du Conseil National de la Résistance en 1943) et Robert Lacoste ? Dans le même sens, R. Draï a rappelé très justement que rien dans la carrière des généraux putschistes, républicains et plutôt marqués à gauche à l’exception de Zeller, n’annonçait le basculement d’avril 1961, sinon le parjure, le mensonge et la duplicité gaullienne6.
4Sous l’angle juridique, essayer d’enfermer la situation exceptionnelle dans un cadre chronologique strict est malaisé. Le point de départ ne fait pas difficulté en réponse au putsch d’Alger, de Gaulle décide le 23 avril 1961 d’assumer les pouvoirs exceptionnels que lui confère l’article 16 de la Constitution de 19587, choix qui est d’emblée contesté par les juristes car le fonctionnement régulier des pouvoirs publics n’a jamais été interrompu8. Léon Noël, alors président du Conseil constitutionnel, en fit l’aveu a posteriori mais n’eut pas sur l’instant le courage de cette conviction lorsque l’avis de la haute juridiction fut demandé9. Parce que la norme suprême ne prévoit à cette époque aucune limite ni ne détermine aucun mécanisme susceptible de mettre un terme à la période des pleins pouvoirs présidentiels, celle-ci ne prend fin que le 29 septembre 196110.
5Néanmoins, un certain nombre de dispositions adoptées durant la crise sont maintenues jusqu’au 15 juillet 1962 : prorogation de l’état d’urgence, délai de la garde à vue de 15 jours au lieu de 5, mesures d’éloignement, d’astreinte à résidence ou d’internement administratif, restriction à la liberté de l’information, suspension de plusieurs articles du code de procédure pénale (crimes et délits commis par des magistrats et certains fonctionnaires)11. Pire, aucune échéance précise n’est assignée aux juridic- tions d’exception mises en place en avril-mai 1961, qui doivent continuer leur activité jusqu’à ce que la loi en ait décidé autrement. C’est pourquoi le même tribunal qui a jugé Challe et Zeller en 1961 aura à connaître des cas de Jouhaud et de Salan, à un an de distance.
6Les choses auraient pu demeurer longtemps en l’état si n’était intervenue la fa- meuse décision du Conseil d’État du 19 octobre 1962, l’arrêt Canal, qui suscitera la loi du 15 janvier 1963 instituant la cour de sûreté de l’État12. On peut être tenté par un mouvement naturel de voir en elle le terme de la période d’exception. Il faut s’en départir car le législateur fera le choix de prolonger de quelques semaines encore l’existence du plus contesté de tous les organes voués à la répression politique.
7Comment cette dernière a-t-elle été assurée durant la séquence qui s’étend donc du printemps 1961 à l’hiver 1962-1963 ? Elle a été conduite par des juridictions peu régulières (I), ayant à appliquer une réglementation régressive (II), et qui l’ont fait de manière inique (III).
Des juridictions peu régulières
8Trois tribunaux d’exception voient le jour en 1961 et 1962, au gré des déconvenues du régime. Au regard des critères retenus par le Conseil d'État dans l’arrêt Canal déjà cité13, deux d’entre eux sont irréguliers, le Haut tribunal militaire et la Cour militaire de justice, la seule à avoir été censurée par la juridiction administrative. Le troisième, le Tribunal militaire, n’est pas affecté des mêmes vices ou l’est à un degré moindre. Sa légitimité a d’ailleurs été reconnue de façon indirecte par l’arrêt Rubin de Servens, du 2 mars 1962, indirectement car le Conseil d'État a refusé de connaître des actes pris par le président de la République en application de l’article 16 de la constitution, actes qui avaient eu pour effet de créer les deux premiers tribunaux d’exception. Le Conseil a justifié cette attitude en expliquant n’avoir pas compétence pour apprécier la légalité des dispositions entrant dans le champ matériel de l’article 34, donc de valeur législative14.
9Le bâtonnier Jacques Charpentier (1881-1974) a dit de ces juridictions d’exception :
« Je ne crois pas que dans l’histoire de la justice on puisse trouver pareille sarabande de tribunaux improvisés, mort-nés, reniés par leurs parents eux-mêmes, qui se remplacent comme les lames du rasoir Gilette ou comme les ministères de la IVe République »15.
10Il faut pourtant les évoquer plus en détail. Le premier créé est le Haut tribunal militaire. Il procède d’une décision prési- dentielle du 27 avril 1961, prise en application de l’article 16 de la constitution16. Il se substitue au tribunal militaire qui a déçu lors du procès des Barricades (nov. 1960- mars 1961) : tous les accusés présents à l’audience ont été acquittés, les contumax seuls ayant été condamnés.
11Le 3 mai 1961, une autre décision présidentielle institue un Tribunal militaire, parfois qualifié de « spécial » pour le différencier de celui qui a eu à connaître du procès des Barricades17. Il est familièrement appelé « Petit » tribunal militaire.
12Ces juridictions pratiquent l’échevinage en associant magistrats de métier et militaires, tous choisis par le chef de l’État sur la base de leur supposée « féalité ». Le Haut tribunal est dirigé par un président de chambre à la Cour de cassation ou un conseiller de ladite cour – ce sera Maurice Patin (1895-1962), par ailleurs membre du Conseil constitutionnel, qui, après le verdict du procès des Barricades, avait dit au premier ministre sa défiance à l’égard des juges militaires18. Il comprend un conseiller d'État et deux premiers présidents de cour d’appel ou présidents de chambre de la cour d’appel de Paris. Il est complété par deux généraux, l’un grand chancelier de la Légion d’honneur, l’autre chancelier de l’ordre de la Libération et trois autres officiers généraux. La balance penche ainsi légèrement du côté des militaires. La composition de cette juridiction sera à peine remaniée en septembre 196119 : les grand chancelier et chancelier seront remplacés par un membre du conseil de leur ordre respectif, potentiellement un civil et c’est ce qui se produira avec la nomination de Louis Pasteur Vallery-Radot (1886-1970)20. La présidence de chacune des chambres du « Petit » Tribunal militaire qui en compte trois21, appartient à un conseiller à la Cour de cassation ou à un président ou conseiller des cours d’appel. Il est entouré d’un magistrat des cours et tribunaux et de trois officiers généraux ou supérieurs (de commandant à colonel). Là aussi, on observe un léger déséquilibre en faveur des militaires qui sera corrigé en septembre 1961 à l’avantage des juges civils cette fois : le nombre des officiers généraux ou supérieurs est abaissé d’une unité et celui des magistrats augmenté d’autant22. Il existe des suppléants dans les deux juridictions.
13Le ministère public est exercé devant le Haut tribunal par le procureur général et les avocats généraux près la Cour de cassation, devant le « Petit » Tribunal militaire par le procureur général militaire. Cette fonction sera tour à tour remplie par Guy Chavanon (1909-2014), procureur adjoint près le tribunal de la Seine de mai 1961 à juin 196223, puis par René Paucot (1909-1998), substitut du procureur général près la cour d’appel de Paris24.
14La répartition des dossiers entre les deux organes est opérée par le pouvoir qui confie la punition des opposants les plus importants au Haut tribunal et réserve les cas plus bénins au Tribunal militaire, tenu par le procureur général Besson lui-même pour un organe « de seconde zone »25.
15Le « Petit » Tribunal militaire juge une centaine d’affaires en lien direct avec le putsch d’Alger, mettant en cause principalement des officiers subalternes et un seul sous-officier. Il acquitte plusieurs prévenus et les peines qu’il inflige sont quasiment toutes assorties de sursis, sauf une qui porte cinq ans de détention criminelle. Il est vrai que les témoins à charge tiennent souvent des propos très favorables aux accusés.
16Le « Petit » Tribunal est plus sévère à l’endroit des membres du « complot de Paris » qui devaient relayer en métropole l’action des généraux d’Alger : il en sanctionne les acteurs de peines allant d’un an à dix ans d’emprisonnement (général Faure et colonel Vaudrey).
17Il est plus encore dans le rôle que l’on attendait de lui lorsqu’il punit les assassins du commissaire R. Gavoury (1911-1961) que le régime avait chargé de combattre l’OAS en Algérie. Le meurtre a lieu en mai 1961. Le procès se déroule du 25 au 30 mars 1962, alors que la guerre a officiellement pris fin. Il débouche sur deux condamnations à mort qui n’ont pas été formellement requises par l’accusation, celles d’Albert Dovecar (1937- 1962) et de Claude Piegts (1934-1962), regardés comme organisateurs, ordonnateurs et instigateurs du crime. Ils sont fusillés le 7 juin 196226. Est-ce anodin : le président du tribunal, Jean Marie Charles Robert (1908- ?), ne tarde pas à être nommé procureur général près la cour d’appel de Paris (septembre 1962). Il semble que la condamnation de Piegts participe de l’erreur judiciaire pure et simple, de l’aveu même d’Edmond Michelet (1899-1970), ancien garde des Sceaux de Michel Debré et très engagé dans la répression de l’Algérie française27.
18Les jugements du Haut tribunal militaire furent loin de donner pleine satisfaction au pouvoir. Ses débuts sont l’occasion d’une déception relative : alors que le gouvernement veut leur mort28, Challe et Zeller sont condamnés en mai 1961 à quinze ans de détention criminelle, mais il est vrai que le procureur général lui-même n’en requérait que vingt. Le commandant de Saint-Marc (1922-2013), chef par intérim du 1er REP, fer de lance du putsch, écope en juin de dix ans quand le garde des Sceaux et le ministre des armées en réclamaient vingt. À la suite, le général Bigot (1909-2008) est frappé d’une peine sévère, analogue à celle de Challe et Zeller, quoiqu’il n’ait pas tenu le premier rang lors du putsch. Les généraux Petit (1909-1999), Nicot (1911-2004), Gou- raud (1905-1991) et Mentré (1909- ?) sont respectivement punis de cinq, douze, sept et cinq ans de détention criminelle. À la même époque (juin-juillet 1961), sept officiers supérieurs de tous grades comparaissent et sont sanctionnés de peines diverses, allant d’un an à huit ans d’emprisonnement, parfois avec sursis29. En revanche, le contentement du chef de l’État est à son comble lorsqu’en avril 1962, saisi de nouveau après une longue parenthèse (juillet 1961-avril 1962), le Haut tribunal prononce la peine de mort à l’encontre du général Jouhaud, unique pied-noir du « quarteron », qui a poursuivi le combat dans l’OAS. L’enthousiasme retombe vite lorsque la même juridiction, contre toute attente, épargne un mois plus tard la vie du chef suprême de l’organisation, le général Salan, auquel sont reconnues des circonstances atténuantes.
19Il n’en faut pas plus pour susciter la colère du chef de l’État qui déclare le soir même que les juges lui ont infligé un « affront ». « L’acquittement » de Salan a été décidé le 23 mai. Le Haut tribunal militaire est supprimé le 2630. Le 1er juin, une ordonnance institue une Cour militaire de justice. Celle-ci est désormais uniquement composée de militaires : un général la préside, auquel sont adjoints quatre officiers ou sous-officiers. Le ministère public incombe à un officier31. Les nominations interviennent le lendemain, 2 juin : outre la présidence qui échoit très provisoirement au général de Larminat (1895-1962), remplacé après son suicide par le général Gardet (1900-1989), sont désignés trois colonels et un adjudant-chef32. On peut douter ici davantage encore de l’impartialité des « juges » qui, au regard de la hiérarchie militaire, se trouvent tous dans la situation de subordonnés du président. La suspicion est encore renforcée par l’absence apparente de juristes. En réalité, le pouvoir procède d’emblée à la mobilisation de certains magistrats. C’est le cas au siège où l’un des trois colonels nommés, André Reboul (1905- ?), est en réalité vice-président du tribunal de la Seine33. C’est aussi le cas au parquet puisque Charles Gerthoffer (1898-1986), avocat général près la Cour de cassation, quitte dès ce 2 juin la robe rouge pour endosser l’uniforme de général de division34. Claude Sudaka (1908-1973), avocat général près la cour d’appel de Paris, sera également rappelé sous les drapeaux avec le grade de général de brigade35. Il n’empêche, comme l’écrira l’un des avocats de l’époque, J.-M. Varaut, « la cour militaire de justice n’eut que peu de rapport avec la justice »36, ce qui est vrai jusque dans sa localisation. Contrairement aux juridictions qui l’avaient précédée, installées dans l’enceinte du palais de justice de Paris, elle siégea dans un sous-sol du château de Vincennes où ne pénétraient ni l’air ni la lumière. Sa création suscite la protestation immédiate du barreau de Paris. L’ordre considère en effet « qu’il résulte, tant de la structure et des caractéristiques de ce nouvel organisme que des circonstances qui ont présidé à sa création, qu’il ne constitue pas une juridiction offrant aux citoyens les garanties ordinaires de la justice »37.
20Avec cette formation aux ordres, l’efficacité est de retour : premier jugé, le lieutenant Degueldre (1925-1962), chef d’un des commandos les plus redoutables de l’OAS, responsable de nombreuses morts, est condamné à la peine capitale le 28 juin et passé par les armes dans des conditions scandaleuses, le 6 juillet 1962. Le même mois, le lieutenant Godot ( ?-2011) et l’adjudant-chef Robin bénéficient d’une forme d’indulgence, bien que poursuivis pour avoir tenté d’abattre le chef des barbouzes gaullistes en Algérie38 : vingt ans de prison seulement leur sont infligés. André Canal ne profite pas d’une telle clémence : auteur de plusieurs attentats en métropole, il est le 17 septembre désigné pour connaître le sort de Degueldre et se trouve sur le point d’être exécuté – l’événement est prévu le 20 octobre 1962 – lorsque le Conseil d'État, jusque-là docile39, rend, le 19 octobre, un arrêt par lequel il annule l’ordonnance créant la Cour militaire de justice compte tenu des graves atteintes portées par elle aux principes généraux du droit pénal.
21On sait la fureur dans laquelle entra une nouvelle fois le chef de l’État qui affirma vouloir mettre au pas la haute juridiction administrative. Devenue illégale, la Cour militaire de justice n’est pas toutefois supprimée, preuve s’il en est qu’elle était un instrument efficace. Une loi, enfin une !, votée le 15 janvier 1963, la régularise rétroactivement en décidant que les ordonnances prises « ont et conservent force de loi à compter de leur publication »40. Par là se trouvent validées l’existence de la Cour militaire de justice et ses sentences. Une autre loi, du même jour, institue une Cour de sûreté de l’État, juridiquement plus régulière, qui doit prendre la suite des deux juridictions d’exception subsistantes : le « Petit » tribunal militaire et la Cour militaire de justice41. Mais la valeur répressive de cette dernière est telle qu’en dépit de la création de la Cour de sûreté de l’État, c’est à elle qu’est déféré par un décret du 16 janvier 1963 le procès de l’attentat du Petit-Clamart qui a failli coûter la vie au président de la République. Les avocats de la défense mettent alors tout en œuvre pour prolonger les débats, ouverts le 28 janvier 1963, jusqu’au 25 février, date à laquelle la Cour militaire doit être dessaisie au profit de la Cour de sûreté désormais installée. Le jeu en vaut la chandelle car les accusés bénéficient devant la nouvelle juridiction de la possibilité d’introduire un pourvoi en cassation contre l’arrêt rendu à leur encontre. Cependant, une loi votée le 20 février 1963 vient réduire à néant tous les espoirs en prorogeant la Cour militaire de justice42. Celle-ci accomplit à merveille la besogne qui lui a été confiée et condamne à mort, le 4 mars 1963, trois des hommes impliqués dans l’affaire du Petit-Clamart. Deux d’entre eux, Prévost (1930- ?) et Bougrenet de la Tocnaye (1926-2009), seront graciés. Le dernier, Bastien-Thiry (1927-1963), est exécuté une semaine plus tard. C’est l’ultime acte d’une juridiction déjà morte.
Une réglementation régressive
22Les juridictions d’exception mises en place pour réprimer les activistes de l’Algérie française appliquent des règles dérogatoires. Certaines modifications ont été accomplies en amont du putsch ; elles ne visent donc pas expressément ceux qui allaient être jugés par les tribunaux d’exception, mais l’on ne peut s’empêcher de relever qu’elles sont intervenues après le mouvement insurrectionnel des Barricades de janvier 196043. La plus importante de ces décisions, conséquence de l’ordonnance du 4 juin 1960, est la réintroduction dans l’arsenal répressif de la peine de mort en matière politique, qui en était sortie en 1848. Le pouvoir procède ici subtilement – de façon « diabolique » dira le procureur général Besson : il supprime dans le code pénal les atteintes à la sûreté intérieure de l’État qui n’étaient pas punies de mort et les traite comme des atteintes à la sûreté extérieure de l’État passibles, elles, de la peine capitale. Celle-ci d’ailleurs n’est pas administrée par la guillotine, mais par fusillade. Elle est étendue à un certain nombre d’infractions, normalement sanctionnées par la détention criminelle à perpétuité, dès lors qu’elles ont été tentées ou exécutées avec usage d’armes, catégorie dans laquelle entrent désormais les couteaux et ciseaux de poche, de même que les simples cannes pouvant être employées à tuer ou à blesser, voire seulement à frapper. La mort est également prévue pour la participation, à quelque degré que ce soit, à un mouvement insurrectionnel44. Cette ordonnance enregistre d’autres régressions plus bénignes, notamment le doublement de la durée de la détention préventive, qui feront écrire au professeur Robert Vouin (1913-1975) qu’elle « tend généralement à faciliter la répression plus qu’à garantir la liberté individuelle »45.
23Les entorses textuelles au droit commun se généralisent à partir de l’insurrection militaire d’Alger à la fin avril 1961. Dans l’urgence, une série de décisions du président de la République conduisent à réduire davantage encore les droits et garanties en matière pénale : ainsi le délai de la garde à vue est-il porté de 5 à 15 jours et plusieurs articles du code de procédure pénale sont-ils suspendus46. Mais ce sont surtout les actes créant les juridictions spéciales qui vont se révéler gravement préjudiciables aux droits des prévenus et c’est bien ce qu’a relevé le Conseil d'État dans l’arrêt Canal où se trouvent expressément visées, dans le dernier considérant, la procédure prévue et l’exclusion de toute voie de recours.
24Premier défaut : devant le Haut tribunal militaire, le « Petit » tribunal militaire et la Cour militaire de justice, les accusés sont déférés par un décret, c’est-à-dire par un acte du pouvoir exécutif. Le juge d’instruction et la chambre des mises en accusation sont privés de leur prérogative essentielle : décider si les charges relevées sont suffisantes et si l’information est complète. La chose est inédite dans l’histoire judiciaire et tellement outrée que l’institution de la Cour de sûreté de l’État, en 1963, se traduira par un retour au régime commun. Dans le même sens, on peut également relever qu’une ordonnance du 14 avril 1962 supprimera tout recours à la chambre d’accusation, sauf pour ce qui est de la liberté provisoire, lorsque les faits reprochés sont en relation directe avec les événements d’Algérie47.
25Deuxième défaut, qui a le plus marqué les esprits : l’impossibilité de former aucun recours, pas même de se pourvoir en cassation contre les décisions du Haut tribunal militaire et de la Cour militaire de justice48. L’intention est ici pleinement assumée car les dispositions relatives à la deuxième de ces juridictions recopient littéralement celles applicables à la précédente dont elles se distinguent seulement par l’adjonction d’un alinéa pour le moins explicite : « nul ne peut enregistrer ou transmettre un tel recours ». C’est à l’évidence une réaction aux manœuvres ayant permis de sauver la vie du général Jouhaud que de Gaulle entendait lui ôter pour venger l’affront de « l’acquittement » de Salan. L’imminence de l’exécution amena en effet les défenseurs de Jouhaud, sur une suggestion d’Isorni49, à introduire le 25 mai 1962 une demande en révision sur la base de l’article 622-2° du code de procédure pénale50. Une telle demande avait le mérite d’entraîner la suspension de plein droit de l’arrêt de mort, à la condition que le ministre de la justice saisisse la Cour de cassation (art. 624 du CPP), chose qui n’allait pas de soi car le recours en révision, à l’instar du pourvoi en cassation, était naturellement irrecevable en vertu de la décision du 27 avril 1961 précitée. Jean Foyer (1921-2008) qui venait de succéder à Chenot (lequel avait remplacé Miche- let) Place Vendôme consulta le premier président Battestini et le procureur général Besson. Ce dernier, d’accord sur ce point avec son collègue, rédigea un rapport dans lequel il concluait que « nul ne pouvait mettre obstacle à procédure en révision et que celle-ci devait en conséquence être transmise à la Cour de cassation »51. Le garde des Sceaux, complice tacite de la manœuvre quoique farouchement hostile à l’OAS, suivit ces conclusions et communiqua la demande formée par la défense de Jouhaud à la haute juridiction judiciaire qui ne décida de l’irrecevabilité que le 4 juin 196252. Les quelques jours ainsi gagnés contribuèrent à apaiser le « courroux élyséen » (Varaut) et à sauver la vie du condamné.
26En revanche, il est permis de demander la cassation d’un jugement du « Petit » tribunal militaire53. Doit-on voir derrière cette incohérence une contradiction ? Non car le pouvoir oriente les accusés vers l’une ou l’autre des juridictions et fonde son choix sur le rôle plus ou moins grand qu’ils ont assumé. Il peut donc s’assurer d’une sanction définitive et, l’espère-t-il, radicale à l’encontre des chefs de la rébellion en les renvoyant devant le Haut tribunal militaire. L’arme est toutefois à double tranchant comme le révélera l’expérience. Si une voie de recours avait été offerte, le ministère public aurait pu la suivre pour obtenir l’annulation de la sentence clémente prononcée contre Salan, trop clémente au regard de celle qui avait frappé Jouhaud. En revanche, condamner Salan à l’emprisonnement perpétuel ne pouvait pas ne pas influer de manière favorable sur le sort de Jouhaud, même si le combat mené pour qu’il soit gracié fut long et difficile – après l’échec de la demande de révision, il patienta encore 229 jours dans la cellule des condamnés à mort, Foyer, Pompidou, plusieurs ministres et l’épiscopat français militant auprès du chef de l’État pour la commutation de la peine54.
27L’ordonnance instituant la Cour militaire de justice du 1er juin 1962 accentue les travers déjà identifiés. Elle s’inspire certes très largement de la décision du 3 mai 1961 créant le « Petit » tribunal militaire, notamment en ce qui concerne le rôle du minis- tère public. Ainsi, comme précédemment, c’est lui qui instruit l’affaire et décide du renvoi de l’inculpé devant la juridiction55. Il n’y a ici ni juge d’instruction comme dans le dispositif applicable au Haut tribunal, même si ses pouvoirs avaient été rognés, ni chambre des mises en accusation. En revanche, l’ordonnance de 1962 renforce les pouvoirs du président de la juridiction. Celui-ci qui a la police de l’audience, se voit reconnaître la faculté de rejeter « tout ce qui tendrait à compromettre » la dignité des débats ou « à les prolonger » (art. 9). Il pourra ainsi, l’espère-t-on au sommet de l’État, maîtriser la défense quand elle s’aventurera sur le terrain de la mise en cause du géné- ral de Gaulle dont la politique algérienne a été caractérisée par des revirements aisément exploitables, mais qu’il n’est pas de raison de rappeler. Le même président peut ordonner le huis clos et « interdire, en tout ou partie », le compte rendu des débats. Accessoirement, le délai minimal de comparution qui était auparavant de huit jours est abaissé à six : c’est le temps qui reste aux avocats pour prendre connaissance des pièces du dossier (art. 8)56.
Une pratique inique
28La pratique va aggraver les défauts présents dans les textes. La justice, si le mot a ici un sens, est rendue de façon expéditive au mépris constant des droits les plus élémentaires de la défense. Devant le Haut tribunal militaire, la procédure ne dépasse pas un mois et une semaine, entre l’arrestation et la condamnation, avec un record de célérité pour Jouhaud dont le cas est traité en 20 jours, alors que la durée moyenne de l’instruction pour les affaires courantes était à l’époque de 4 mois57. Isorni en donna l’explication : « la durée exclut la rigueur, toujours contemporaine de l’événement. Sur-le-champ, on condamnerait plus volontiers à mort, plus difficilement quand les semaines ont passé »58.
29Quelques exemples le vérifieront. Challe se rend le 26 avril 1961. Zeller, un temps caché, finit par se constituer prisonnier le 6 mai 1961. Par décret en date du 20 mai 1961, ils sont tous deux renvoyés devant le Haut tribunal militaire59. Leur procès dé- bute le 29 mai. Il est achevé le 31. Challe dira dans Notre révolte (1968) que l’instruction judiciaire fut « menée à une allure olympique », « au pas de charge »60. Zeller confir- mera de manière plus générale : « les instructions judiciaires sont menées tambour bat- tant et sans que soient constitués de dossiers valables ; les actes d’accusation, muets sur la personnalité des accusés, omettent ou négligent une partie des faits et fourmillent d’erreur »61. Pourtant, les avocats des co-accusés ne le relèveront pas à l’audience.
30Jouhaud est arrêté à Oran le 25 mars 1962. L’instruction qui suit se ramène en tout et pour tout à quatre après-midi, alors qu’il encourt deux fois la peine de mort. Il n’est confronté qu’à un seul témoin. Ses avocats sont prévenus le lendemain des interrogatoires de la veille, lorsqu’ils y sont convoqués car parfois les auditions ont lieu à leur insu. Ils doivent consulter des monceaux de dossiers disparates, non cotés, dans lesquels ne figure aucun original, que des copies ou des photocopies. Certaines pièces utilisées par l’accusation ne leur sont même pas communiquées62. Jouhaud est renvoyé par un décret du 2 avril devant ses juges. Son procès s’ouvre le 11, il est condamné à mort le 13 après un délibéré de deux heures.
31Salan est arrêté à Alger le 20 avril 1962. Il est auditionné par un juge d’instruction les 26, 27 et 28 avril sans parvenir à faire entendre aucun de ses témoins, au rebours de l’usage fort libéral qui s’était établi en la matière63. Il est déféré devant le Haut tribunal militaire par un décret du 1er mai64. Il comparaît du 15 au 23 mai. Devant les juges, l’un de ses avocats, Tixier-Vignancour aura beau jeu de rappeler les précédents historiques : celui des cours martiales versaillaises : « Trois individus sont assis derrière une table de cuisine, dans la salle à manger d’un hôtel désaffecté. Un quatrième sur un siège à l’écart figure le ministère public. L’accusé qui ne le sera jamais, rentre côté cour condamné et sort côté jardin exécuté » ; celui du maréchal Ney :
« Qu’auraient dit M. Berryer père et M. Dupin aîné, qui se plaignirent de manière véhémente (…) que l’instruction n’eut duré que trois mois ? De Louis XVIII au chef de l’État actuel, le délai de trois mois est devenu un délai de trois jours ! »65.
32Les droits de l’accusé Salan sont continûment bafoués. Des pièces sont versées au dossier après le dessaisissement du juge d’instruction. D’autres sont communiquées aux avocats la veille même de l’ouverture du procès, en soirée, rendant impossible à leur sujet tout échange avec leur client. À l’audience, la défense demande en conséquence un complément d’information qui est refusé purement et simplement. Les témoins qu’elle a appelés sont mis en danger : c’est le cas des députés musulmans auxquels la protection policière est retirée, les exposant ainsi aux tueurs du FLN. Les convocations destinées aux témoins qui servent encore dans l’armée ne sont pas toutes transmises par le ministre. Certains viennent parce qu’ils l’ont appris par des amis ou grâce à la presse. Et lorsque la transmission a eu lieu, les destinataires ont été contactés par le chef de cabinet du ministre qui leur a ordonné verbalement de ne pas se présenter – ce qui est une infraction et donnera lieu à un dépôt de plainte visant Messmer, une plainte sans doute classée sans suite ! Le ministère enverra même chercher un capitaine qui se trouve déjà dans l’enceinte du Palais pour l’empêcher de déposer. La comparution des témoins détenus est interdite par le garde des Sceaux pour des questions de sécurité publique, ce qui n’empêche pas certains d’entre eux d’être extraits de leur prison pour être entendus par les juges d’instruction au Palais de justice ! Voilà qui, au moment du verdict, a dû peser sur la décision pour quelques-uns des membres du Haut tribunal.
33Pourtant, le comble n’est pas atteint. Il le sera en réalité avec la Cour militaire de justice. Degueldre est arrêté le 7 avril 1962. Il est jugé le 28 juin : près de trois mois séparent ces deux dates, c’est un record. Pourtant, la parodie de l’audience de jugement est telle qu’en guise de protestation, les défenseurs renoncent au vêtement judiciaire et plaident en tenue de ville. L’audition des quatre témoins à charge dure treize minutes. Il n’y en a pas à décharge. Il ne faut que quarante minutes aux juges pour répondre aux cinquante-cinq questions posées et conclure à la mort66. Lors du procès Salan, le délibéré avait duré deux heures trente pour six questions seulement ! Il avait fallu deux heures pour trancher le sort de Jouhaud, on l’a dit.
34La censure de l’ordonnance créant la Cour militaire de justice ne signifie pas un retour aux principes fondamentaux du droit. La situation d’André Canal l’illustre par- faitement. Au terme de l’arrêt du Conseil d'État du 19 octobre 1962, il se trouve avoir été condamné de manière irrégulière, donc redevient innocent, du moins en attendant l’intervention législative du 15 janvier 1963 qui va valider rétroactivement la Cour militaire de justice et ses décisions. Or dans l’intervalle, le 28 novembre, il bénéficie d’une grâce présidentielle, sa peine étant commuée en détention criminelle à perpétuité67 !
35Les mêmes incohérences caractérisent le procès de l’attentat du Petit-Clamart, porté on l’a vu devant la Cour militaire de justice. La saisine de celle-ci est irrégulière pour une raison très simple : les accusés ont été déférés en application de l’ordonnance du 1er juin 1962 censurée par le Conseil d'État. Cette ordonnance a bien été validée par la loi du 15 janvier 1963, promulguée le 16 et devenue exécutoire le 17, selon les dispositions de l’article 1er du code civil, voire le 18 en vertu d’un décret du 5 novembre 1870. Or c’est un décret du 16 janvier qui a renvoyé les auteurs de l’attentat devant la Cour militaire de justice, date à laquelle elle n’existait plus ou pas encore. La défense développera abondamment ce point à l’audience, mais aucun droit ne sera fait à ses conclusions68. Elle va alors focaliser son attention sur la personnalité d’un des juges, le colonel Reboul, magistrat mobilisé au parquet militaire et pourtant appelé à siéger parmi les juges du siège. Elle ne parvient pas à en obtenir la récusation par la Cour elle- même au début du procès, avant l’interrogatoire des accusés69.
36Elle ne parvient pas davantage à l’obtenir lorsque le principal accusé, Bastien-Thiry, ayant commencé la lecture d’une longue déclaration, se trouve subitement dans l’im- possibilité physique de la poursuivre en raison de ce qui s’avérera être une angine, résultat du froid qui règne à la prison de la Santé où les cellules ne sont pas chauffées. Les avocats réclament alors une suspension de séance que le président ne veut pas accorder. C’est à ce moment que le colonel Reboul dit à propos de Bastien-Thiry, assez fort pour être entendu : il « n’avait qu’à moins parler ». À la reprise des débats, la récusation est une nouvelle fois demandée au motif qu’un accusé ayant le droit de dire tout ce qui lui paraît nécessaire à sa défense, le fait pour un magistrat d’exprimer en des termes non équivoques que les explications de l’accusé lui paraissent superflues, permet de douter sérieusement de son impartialité70. À l’appui de ces conclusions, Me Isorni (1911-1995) donne lecture d’un pneumatique que lui a adressé Francis Boyer, un ancien membre du tribunal des crimes de guerre de Rastatt, où, entre 1947 et 1949, il avait siégé avec Reboul et où il avait constaté que ce dernier avait un esprit de répression systématique71. L’avocat général Gerthoffer décide de voler au secours de son collègue ainsi mis en cause et requiert la radiation d’Isorni du barreau pour outrage à magistrat. La Cour militaire de justice – Reboul siégeant ! – le sanctionne finalement d’une inter- diction temporaire de trois ans, mesure immédiatement exécutoire et insusceptible de recours puisqu’il n’en existe pas contre les décisions de cette juridiction72. Et dans son immense mansuétude, elle donne trois jours à l’avocat commis en remplacement pour prendre connaissance du dossier… Ce ne devait pas être le dernier incident : à une audience suivante, un avocat général adjoint, magistrat mobilisé du nom de Floch73, déclare « mépriser » la défense et être prêt à en découdre avec ses membres hors de l’enceinte de la cour74. Me Richard Dupuy (1914-1985) lui enverra ses témoins, mais le ministre des Armées interdira le duel.
37Dès lors, les jeux étaient faits. Neuf accusés comparaissaient. Cinq étaient jugés par défaut. Le délibéré dure deux heures trois quarts, tant sur les questions de procédure restant à régler que sur la culpabilité et la peine. On a déjà dit que trois condamnations à mort avaient été prononcées. Une seule devait être exécutée, celle de Bastien-Thiry, à l’aube du 11 mars 1963 : la juridiction y fut représentée par Reboul, délégué par le président, qui y retrouva l’avocat général Gerthoffer et son adjoint Floch. Curieuse coïncidence. Reboul et Gerthoffer ont menti en soutenant ne pas connaître l’auteur de la lettre mettant en cause le premier des deux, tous trois ayant effectivement siégé au tribunal des crimes de guerre de Rastatt. Par un arrêté du général Koenig en date du 13 octobre 1948, alors que Reboul était désigné président du tribunal de première instance du gouvernement militaire français en Allemagne, Boyer était nommé juge au même tribunal75 ! Gerthoffer ne pouvait pas ne pas l’avoir croisé, qui avait été à la même époque commissaire du gouvernement auprès du tribunal supérieur76.
Conclusion
38Dans de telles conditions, on ne peut qu’être étonné du petit nombre de sanctions lourdes. C’est que le pouvoir n’avait pas pris toute la mesure du facteur humain. Les juges, tant militaires que civils, le ministère public, les avocats et les témoins ont en partie réintroduit une forme de justice dans les procès de l’Algérie française.
39Les juges – Le procureur général Besson en fit l’aveu :
« S’ils peuvent être désignés par le pouvoir dans le secret espoir que leurs habitudes de pensée les orienteront tout naturellement vers une sévérité de bon aloi, nul ne peut se porter garant des profondeurs psychologiques des hommes lorsqu’ils sont placés en face de leurs responsabilités personnelles »77.
40Le ministre des Armées eut les pires difficultés à trouver des militaires pour constituer le Haut tribunal78. L’un de ceux qui avaient accepté de siéger démissionna : le général Ingold (1894-1980), chancelier de l’ordre de la Libération, pour protester contre la peine trop forte infligée à Saint-Marc79. D’autres, écoutant leur conscience, furent enclins à l’indulgence : le général Jousse (1895-1988) s’employa même à convaincre les autres juges du Haut tribunal militaire de la nécessité de voter à Salan les circonstances atténuantes et en convainquit l’amiral Galleret (1902-2001) et/ou le général Gelée (1904-1977)80. Désigné pour présider la Cour militaire de justice, le général de Larminat se suicida, pour ne pas trahir la confiance du chef de l’État dont il était l’un des plus vieux compagnons, mais aussi, selon ses termes, pour n’avoir pas à être le « Fouquier-Tinville de la Ve République »81 puisqu’il lui avait été expressément demandé de prononcer des condamnations à mort, ce à quoi il répugnait. Reste que prenant en compte les réticences des officiers généraux de haut rang à sanctionner durement, le pouvoir fit appel à des féaux comme le général Gardet, favorable à l’exécution de Jouhaud82 et qui, seul rescapé du Haut tribunal militaire, allait remplacer Larminat à la tête de la Cour militaire de justice.
41Pas plus que les militaires, les civils ne firent preuve de la docilité attendue : d’où leur absence de la Cour militaire de justice. Charles Bornet (1897-1970), président de Chambre à la Cour de cassation et président du Haut tribunal militaire en remplace- ment de Patin, malade, vota lui aussi les circonstances atténuantes à Salan, tout comme le conseiller d'État et ancien diplomate Henri Hoppenot (1891-1977). Le professeur Louis Pasteur Vallery-Radot, petit-fils de Louis Pasteur et membre du conseil constitutionnel, appelé à siéger en tant que membre du conseil de la Légion d’honneur, pesa ici de manière décisive, menaçant même de se suicider lors du délibéré, ce qui provoqua la fin de son amitié avec de Gaulle83.
42Le ministère public – Plus exemplaire encore est l’attitude de certains membres du ministère public en 1961. Le procureur général Antonin Besson (1895-1985) a évo- qué en détail les multiples pressions et intimidations qu’il eut à subir lors du procès Challe-Zeller. Les ministres et toute une série d’émissaires de l’Elysée comme des cabinets ministériels lui signifièrent qu’il devait requérir la peine de mort contre les deux putschistes, surtout contre Zeller accusé d’avoir longuement prémédité son crime parce que lié aux milieux activistes. Ce n’était pas sa conviction car, selon ses dires, « la rébellion des généraux avait été une conspiration de fantaisie », sans effusion de sang. Contre la volonté de tous, il se borna à réclamer « la peine maxima de détention criminelle », c’est-à-dire vingt ans84. Le garde des Sceaux de l’époque, Michelet, s’insur- gea en parlant du « détestable réquisitoire du procureur général » et du « scandaleux verdict », conséquences « de l’affaiblissement du civisme chez ceux qui devraient se considérer comme les premiers serviteurs de l’État »85. L’année suivante, Besson fut « placardisé » : lui retirant ses fonctions à la Cour de cassation, le pouvoir le nomma conseiller du gouvernement pour les affaires judiciaires en août 196286, l’homme ayant déjà contribué à la rédaction du code de procédure pénale87. Il ne fut jamais consulté et prit volontairement sa retraite deux mois plus tard pour ne pas paraître cautionner l’ordonnance « scélérate » du 1er septembre 196288. L’avocat général Jean Reliquet (1903- ?) qui devait soutenir l’accusation dans le procès de Saint-Marc, fut confronté aux mêmes manœuvres : Messmer, ministre des armées, relayé par Michelet, garde des Sceaux, exigea vingt ans de détention criminelle. Le parquetier s’en tira en mentionnant explicitement dans son réquisitoire les instructions reçues et en prenant des conclusions écrites conformes. Il ajouta cependant :
« Usant de la faculté que me donne la loi et pour satisfaire ce que je crois être la justice, je ne demanderai pas que la peine infligée soit aussi lourde (…) Le gouvernement a ses soucis. Le juge a les siens, qui ne sont pas nécessairement les mêmes. L’un assure la bonne marche de l’État. L’autre veille à ce que l’équité soit respectée »89.
43On n’observa pas la même indépendance d’esprit par la suite, ceux qui s’étaient révélés peu fiables, à l’instar de Besson, ne voulant plus participer aux audiences des juridictions d’exception. Substitués à leurs collègues récalcitrants, les avocats généraux Charles Raphaël (1892-1967) (procès Nicot et Jouhaud) et Gerthoffer (procès Bigot, Degueldre, Petit-Clamart) s’avérèrent plus obéissants – ce dernier plus que Sudaka qui débuta le procès du Petit-Clamart mais dut l’interrompre en raison de la dégradation de son état de santé. André Gavalda (1894-1972) est un cas à part. Lors procès du général Mentré, en juillet 1961, son réquisitoire était apparu marqué par la sévérité et l’intransigeance90. Il était donc tout indiqué pour obtenir la tête de Salan et c’est ce que pensa Foyer, dans un premier temps. Quelle ne fut pas sa déception ! Il eut dans ses mémoires des lignes très dures à l’encontre de celui qui incarna un ministère public « inhibé » et « point à la hauteur » : « il sembla apeuré de nommer la peine de mort qu’il désigna plutôt par des périphrases. C’est peu de dire qu’il fut décevant. Il fut inexistant »91. La vérité est que Gavalda était malade – il dut rester assis pendant la majeure partie de son intervention. Si Jean-Baptiste Biaggi (1918-2009) a pu sou- tenir que l’avocat général n’était pas « éloigné de la cause des activistes »92, la chose reste à prouver et paraît démentie par le témoignage d’Isorni qui lui rendit une visite impromptue à la veille de l’audience. L’ancien avocat de Pétain voulait le dissuader de requérir la peine capitale. Gavalda ne lui céda pas, mais pourrait bien avoir été ébranlé par les arguments avancés à cette occasion93. Lors des débats, il dévoila une tendance à l’indulgence qui transparut au terme de la déposition du général de Pouilly (1905- 2000), lui aussi enclin au même sentiment : « ce n’est pas au témoin à se prononcer sur les circonstances atténuantes ; mais je suis d’accord avec vous »94. En réaction, Gerthoffer qui avait donné toute satisfaction au pouvoir fut nommément désigné pour remplir les fonctions du ministère public près la Cour militaire de justice95.
44Les avocats – Ils firent un travail méritoire de grande qualité dans des conditions difficiles. Ils eurent à défendre des clients qui, sauf exceptions notables, assumèrent pleinement leurs responsabilités sans chercher à se dérober. Leur tâche n’en fut que plus ardue. Elle les amena principalement à investir le registre de la procédure, spécia- lement lors du procès de l’attentat du Petit-Clamart pour les raisons de calendrier déjà évoquées. Elle les conduisit également sur le terrain de la morale où la révolte des généraux prenait toute sa signification : ils avaient résisté à un gouvernement formellement légal, comme l’avait été vingt ans plus tôt celui du maréchal Pétain, au nom de principes supérieurs commandant le respect des engagements et le maintien de l’Algérie dans la France96. En dépit de ce que ces procédés et arguments avaient de désobligeant pour des juges, les avocats s’en tirèrent globalement avec brio même si leurs stratégies furent parfois très différentes – autant que la personnalité des prévenus ! Jean Foyer distinguait parmi eux les « plus respectables maîtres du barreau », auxquels Challe, Zeller et Jouhaud confièrent leur défense, des « avocats animés par leur haine du général de Gaulle », Tixier-Vignancour en tête, choisis par Salan97. Cela n’a pas grand sens. Dans ses prises de position, Jacques Charpentier, tenu par Foyer pour « le plus grand [bâtonnier] de sa génération », ne manqua jamais de critiquer le galvaudage gaullien de la justice. Aidé par l’ancien bâtonnier de Tunis Yves Perrussel (1903-1990), « lui aussi très digne homme », toujours selon Foyer, il ne réussit pas à obtenir les circonstances atténuantes pour Jouhaud98. À l’inverse, Jean-Louis Tixier-Vignancour (1907-1989) y parvint pour Salan, avec l’assistance de ses confrères Georges Goutermanoff (1903- ?), d’Alger, Bernard Le Corroller (1924 ?-1968) et Pierre Menuet. Le même cependant n’arracha pas Degueldre à la mort, non plus que Bastien-Thiry dont il assura la défense avec une autre figure du barreau, Richard Dupuy. Il n’empêche, et un contemporain comme Maurice Garçon, spécialiste de l’éloquence judiciaire, ne dut pas s’y tromper, que les procès de l’Algérie française fournirent l’occasion de beaux mouvements oratoires. Les avocats jouèrent pleinement sur la fibre de l’émotion et ne durent pas laisser insensibles les juges. Les juges civils auquel paraît s’adresser en particulier le bâtonnier Paul Arrighi (1895-1976), plaidant pour Challe, lorsqu’il jette un pavé dans la mare du chef de l’État : « une justice qui ne serait qu’un bras séculier ou l’instrument du pouvoir légitime, ne serait plus la justice de France… Alors, Messieurs dans le délibéré de vos âmes, vous vous souviendrez tout à l’heure, avec Bernanos, que « la nuit répare le jour, le jour répare la nuit » et « que les péchés de la veille, quand se lève l’étoile du matin, sont déjà pardonnés »99. Les juges militaires que vise Tixier-Vignancour, dans la péroraison de sa plaidoirie pour Salan, où, avec des accents religieux, il convoque les morts de tous les conflits traversés par son client qui, dit-il, « prient dans la com- munion des héros et des martyrs de notre patrie pour qu’un jugement n’ajoute pas à l’ensemble des malheurs le malheur qui dure plus que les autres »100.
45Les témoins – Ont dû aussi compter les témoignages, souvent poignants, des pieds noirs ou des harkis dont les familles ont été massacrées ou sont condamnées par suite de l’indépendance de l’Algérie – il est si rare d’entendre dans les prétoires les témoins qu’on égorge, chers à Pascal ! Entre cent, on peut retenir ceux de René Mekki (1919- 2002) député d’Oran, français musulman, et de la veuve d’Albert Camus, Francine Faure (1914-1979), qui viennent expliquer à la barre que le général Jouhaud n’a jamais été raciste, bien au contraire101. Et puis, il y a celui, peut-être le plus terrible de tous, de la maréchale de Lattre de Tassigny, Simonne Calary de Lamazière (1906-2003). Appelée comme témoin de moralité par la défense de Salan, elle dit toute l’estime que son mari portait à son subordonné qu’elle désigne encore comme étant le général Salan et se rendant compte subitement qu’elle ne peut plus se référer à ce grade dont il a été privé, elle ajoute : « vous me permettrez d’appeler toujours général le général Salan… j’ai été pendant dix mois la femme d’un ex-général, qui a été jugé par un tribunal d’exception, qui jugeait sans appel… »102 : le tribunal d'État… de Vichy ! Le rappro- chement n’est pas flatteur pour les juges du Haut tribunal militaire. Comme pour de Lattre, il annonce la réhabilitation qui fera de l’ex-général de nouveau un général à part entière, vingt ans après sa condamnation, par la volonté de François Mitterrand. Dans l’intervalle, bien des anciens partisans de l’Algérie française auront été amnistiés et libérés103. En 1966, ça aura été le cas de Zeller, Challe et Saint Marc, notamment, en 1967, celui de Jouhaud. Salan devait être le dernier en 1968, juste après Canal et Godot. Au regard des sentences prononcées, on ne peut qu’être surpris d’un dénouement aussi rapide. Certes, l’Algérie est devenue indépendante, certes le pouvoir a au plan intérieur d’autres préoccupations, mais comment ne pas voir dans l’amnistie qui s’étend peu à peu à l’ensemble des prisonniers, un geste destiné à réparer les errements de la justice d’exception.
Notes
2 Sur la justice pendant la guerre d’Algérie, une présentation synthétique est donnée dans J.-P. Royer et alii, Histoire de la justice en France, Paris, PUF, 4e éd., 2010, pp. 1059 et suiv. On peut l’étoffer avec le volume de l’AFHJ, La justice en Algérie, 1830-1962, Paris, La documentation française, 2005 et les travaux de S. Thé- nault, not. Une drôle de justice, Paris, La Découverte, 2001, qui consacre quelques pages à la répression de l’Algérie française (pp. 285-296 spéc.).
3 S. Thénault, « La justice au secours de l’État : le cas particulier du tribunal de l’ordre public », La justice en Algérie, op. cit., pp. 247-256. Dans un autre article, « L’OAS à Alger. Histoire d’une violence terroriste et de ses agents », Annales HSS, 2008, n° 5, pp. 977-1001, l’auteur s’intéresse essentiellement aux personnalités et aux parcours de ceux qui comparurent devant le TOP. R. Draï, « État, justice et morale dans les procès du putsch d’Alger et de l’OAS », AFHIP, Justice et État, colloque d’Aix-en-Provence, septembre 2013, Aix, PUAM, 2014, pp. 441-472 et La fin de l’Algérie française et les juridictions d’exception, Paris, éditions Manucius, 2015. O. Arnoux de Maisonrouge, L’Algérie française en procès, thèse droit, Clermont I, 2007.
4 Peut-il en être autrement lorsque le vae victis rejoint le politiquement correct ? Cf. au-delà les trois « bu- toirs » recensés par R. Draï, art. cité, pp. 443-444 : l’hagiographie gaulliste, l’histoire officielle algérienne, l’exécration de de Gaulle par les rapatriés.
5 Sur l’OAS, parmi une abondante littérature assez inégale, cf. O. Dard, Voyage au cœur de l’OAS, Paris, Perrin, 2005 et 2011.
6 La fin de l’Algérie française, op. cit., spéc. pp. 46 et suiv.
7 Décision du 23 avril 1961, JORF, 1961, p. 3874.
8 A. Besson, Le mythe de la justice, Paris, Plon, 1973, p. 268.
9 Seul Jean Gilbert-Jules, ancien ministre de l’intérieur, ne vota pas en faveur de l’applicabilité de l’article 16, cf. P. Avril, « Georges Pompidou au Conseil constitutionnel », Les Nouveaux cahiers du conseil constitu- tionnel, 2014/1, en ligne, consulté le 27 juillet 2016.
10 Décision du 29 septembre 1961 mettant fin à l’application…, JORF, 1961, p. 8963.
11 Décision du 29 septembre 1961 relative à certaines mesures…, ibid., p. 8963, art. 1er.
12 C’est elle qui assurera l’essentiel de la répression des activistes en jugeant plus de deux mille personnes entre 1963 et 1968, cf. V. Codaccioni, Justice d’exception, Paris, CNRS éditions, 2015, p. 146. Nous ne l’aborderons pas dans cette présentation, laissant ainsi de côté les procès Argoud (enlevé à Munich par les services français) et Curutchet (arrêté à Dakar).
13 Recueil Lebon, 1962, n° 58502.
14 Ibid., 1962, n° 55049 55055.
15 Préface à J.-L. Tixier-Vignancourt, J’ai choisi la défense, Paris, La Table ronde, 1964, p. XX.
16 Décision du 27 avril 1961, JORF, 1961, p. 3947.
17 Décision du 3 mai 1961, ibid., 1961, p. 4115.
18 In S. Thénault, Drôle, op. cit., p. 290.
19 Décision du 29 septembre 1961 relative à certaines mesures…, JORF, 1961, p. 8963, art. 3.
20 Décret du 1er mai 1962, ibid., p. 4485, art. 1er. En revanche, un militaire, le général Jousse, sera choisi pour représenter le conseil de l’ordre de la Libération.
21 Décrets n° 61-658 du 26 juin 1961, ibid., p. 5786, art. 1er et n° 61-1156 du 24 octobre 1961, ibid., p. 9718, art. 2.
22 Décision du 29 septembre 1961 relative à certaines mesures…, ibid., p. 8963, art. 4.
23 Décret du 11 mai 1961, ibid., p. 4360. Chavanon dirigera en 1962 le cabinet du garde des Sceaux et termi- nera sa carrière comme procureur général à la Cour de cassation de 1976 à 1979.
24 Décret du 2 juin 1962, ibid., 1962, p. 5380. Il remplira les mêmes fonctions à la Cour de sûreté de l’État entre 1963 et 1965 puis sera avocat général à la Cour de cassation, de 1965 à 1978. Dans l’intervalle, une ordonnance du 14 avril 1962 a prévu la délégation de magistrats civils pour l’exercice des fonctions du ministère public, afin d’épauler le procureur général militaire, ibid., 1962, p. 3894.
25 Le mythe, op. cit., p. 270.
26 Y.-Fr. Jaffré, Les tribunaux d’exception, 1940-1962, Paris, NEL, 1962, pp. 261-271, pour un bilan d’en- semble succinct de l’activité du tribunal militaire et M. Cottaz, Les procès du putsch d’Alger et du complot de Paris, Paris, NEL, 1962, pp. 73-237 pour un résumé détaillé des instances de la période allant de juillet 1961 à février 1962. Récit du procès de Dovecar et Piegts dans G. Fleury, Histoire secrète de l’OAS, Paris, Grasset, 2002, pp. 664-667.
27 J.-M. Varaut, Un avocat pour l’histoire, Paris, Flammarion, 2007, p. 137.
28 Cf. la lettre de Michelet à Besson reproduite in J.-R. Tournoux, Jamais dit, Paris, Plon, 1971, pp. 277-281.
29 M. Cottaz, op. cit., pp. 9-72 pour un résumé de l’ensemble des procès du Haut tribunal militaire entre juin et juillet 1961 et Y.-Fr. Jaffré, op. cit., pp. 248-260.
30 Ordonnance n° 62-598 du 26 mai 1962, JORF, 1962, p. 5150.
31 Ordonnance n° 62-618 du 1er juin 1962, ibid., p. 5316.
32 Décrets du 2 juin 1962, ibid., p. 5350 et du 17 juillet 1962, ibid., p. 7065.
33 Parmi les suppléants figure un « colonel » Albert Crinon, juge du tribunal de la Seine également mobilisé.
34 Décret du 2 juin 1962, ibid., p. 5350.
35 Le décret du 4 octobre 1963, ibid., 1963, p. 8951, met fin à ses fonctions. La date de sa nomination n’a pas été trouvée.
36 J.-M. Varaut, op. cit., pp. 121-122.
37 Protestation de l’Ordre des avocats de Paris reproduite in Y.-Fr. Jaffré, op. cit., pp. 326-327.
38 Sur l’action des barbouzes gaullistes à Alger et leur confrontation avec l’OAS, cf. O. Dard, op. cit., pp. 190-197.
39 G. Bigot, Introduction historique au droit administratif depuis 1789, Paris, PUF, 2002, pp. 311-313.
40 Loi n° 63-23 du 15 janvier 1963, JORF, 1963, p. 512, art. 50.
41 Loi n° 63-22 du 15 janvier 1963, ibid., pp. 507-508.
42 Loi n° 63-138 du 20 février 1963, ibid., p. 1723.
43 A. Besson, op. cit., p. 252.
44 Ordonnance n° 60-529 du 4 juin 1960, JORF, 1960, pp. 5107 et suiv.
45 « L’application du Code de procédure pénale et le malheur des temps », Rev. Sc. Crim., 1962, p. 71.
46 Décisions du 24 avril et 4 mai 1961, JORF, 1961, pp. 3876 et 4147. L’inamovibilité des juges du siège exer- çant en Algérie est même supprimée, décision du 26 avril 1961, ibid., p. 3930.
47 Ordonnance n° 64-429 du 14 avril 1962, ibid., 1962, p. 3893.
48 Art. 8 de la décision du 27 avril 1961, ibid., 1961, p. 3947 et art. 10 de l’ordonnance n° 62-618 du 1er juin 1962, ibid., 1962, p. 5316.
49 J. Isorni, Jusqu’au bout de notre peine, Paris, La Table ronde, 1963, p. 76 ; E. Jouhaud, Ce que je n’ai pas dit, Paris, Fayard, 1977, p. 305.
50 La partie essentielle du recours a été publiée par J. Foyer, Sur les chemins du droit avec le Général, Paris, Fayard, 2006, p. 228.
51 A. Besson, op. cit., p. 297.
52 Bulletin criminel, 1962, n° 216, pp. 444-445.
53 Art. 12 de la décision du 3 mai 1961, JORF, 1961, p. 4115. Cette faculté est conservée par l’ordonnance n° 62-430 du 14 avril 1962, ibid., 1962, p. 3894.
54 Foyer, op. cit., p. 233, revendiquera en l’espèce, après coup, un rôle déterminant. Il fut loin toutefois d’être le seul à plaider la cause du général déchu.
55 Art. 5, 6, 7, 8 de l’ordonnance n° 62-618 du 1er juin 1962, JORF, 1962, p. 5316, à rapprocher des art. 5, 6, 7, 8, 10 de la décision du 3 mai 1961, ibid., 1961, p. 4115.
56 Ce délai de six jours figure déjà dans l’ordonnance n° 62-430 du 14 avril 1962 modifiant les règles appli- cables au « Petit » tribunal militaire, ibid., 1962, p. 3894.
57 R. Vouin, art. cité, p. 72.
58 J. Isorni, Lui qui les juge, Paris, Flammarion, 1961, p. 112.
59 Décret du 20 mai 1961 in Le procès des généraux Challe et Zeller, Paris, NEL, 1961, p. 17.
60 Notre révolte, Paris, Presses de la cité, 1968, p. 69 et p. 85.
61 Dialogues avec un général, Paris, Presses de la cité, 1974, p. 270.
62 E. Jouhaud, Ô mon pays perdu, Paris, Fayard, 1969, pp. 464-466. La liste des manquements aux règles élémentaires de procédure se trouve détaillée dans la plaidoirie de Me Perrussel, Le procès d’Edmond Jouhaud, compte rendu sténographique, Paris, A. Michel, 1962, pp. 288 et suiv.
63 J.-L. Tixier-Vignacour, Des Républiques, des justices et des hommes, Paris, Albin Michel, 1976, pp. 39-40.
64 Décret du 1er mai 1962 in Le procès du général Raoul Salan, sténographie complète des audiences, Paris, NEL, 1962, pp. 13-14.
65 Ibid., p. 35 et p. 38.
66 Y. Fr. Jaffré, op. cit., pp. 327-329 ; J.-M. Varaut, op. cit., pp. 123-124. Sur ce procès, l’un des bien moins documentés, voir aussi J.-L. Tixier-Vignancour, J’ai choisi la défense, Paris, La Table ronde, 1964, pp. 196-201.
67 G. Liet-Veaux, Revue Administrative, 1962, p. 623.
68 Le Procès de l’attentat du Petit-Clamart, compte rendu sténographique, Paris, A. Michel, 1963, t. 1, pp. 12 et suiv.
69 Ibid., t. 1, pp. 73 et suiv.
70 Ibid., t. 1, pp. 287 et suiv.
71 Ibid, t. 1, pp. 292 et suiv.
72 Le bâtonnier Grente avait expressément demandé que la sanction prononcée – il ne doutait pas qu’elle le fût – ne prît effet qu’à la fin du procès, ibid., t. 1, p. 300.
73 Il s’agit selon toute vraisemblance de Guy Floch, né en 1923, qui devait instruire plus tard l’affaire de Broglie.
74 Ibid. t. 2, pp. 633-636.
75 Arrêté n° 97 du 13 octobre 1948, art. 1 et 3, in supplément du 15 octobre 1948 au Journal officiel du com- mandement français en Allemagne, non paginé.
76 Il participa notamment au procès Röchling, après avoir été avocat général à Nuremberg, cf. Y. Pendaries, Les procès de Rastatt, (1946-1954), Bern, Peter Lang Verlag, 1995, p. 332.
77 Op. cit., p. 273.
78 J. Foyer, op. cit., p. 220. Pierre Dabezies, chef de cabinet de Messmer, attestera des nombreux refus essuyés par le ministre des armées qui peina à trouver des « volontaires » pour constituer le Haut tribunal militaire, L. Beccaria, Hélie de Saint-Marc, Paris, Perrin, 1988, pp. 241-242. Dans le même sens, le pouvoir eut le plus grand mal à opérer la désignation du peloton qui devait fusiller Jouhaud, le 26 mai 1962.
79 L. Beccaria, op. cit., pp. 257-258.
80 F. Laroche, Salan devant l’opinion, Paris, Ed. Saint Just, 1963, pp. 209-210 ; Cl. Paillat, La liquidation, Paris, Laffont, 1972, pp. 738-746 ; A. Gandy, Salan, Paris, Perrin, 1990, p. 402 ; J.-P. Angelelli et B. Zel- ler, Salan, Grez-sur-Loing, Pardès, 2016, p. 97.
81 J. Isorni, Jusqu’au bout, op. cit., p. 92.
82 Il avait siégé en remplacement du général Gelée qui s’était déporté lors du procès Jouhaud et qui participa à celui de Salan. Gardet, aux termes du décret du 13 février 1962, JORF, 1962, p. 1571, était le seul militaire désigné comme suppléant.
83 A. Gandy, op. cit., p. 402 ; J.-P. Angelelli et B. Zeller, op. cit., p. 97 ; J.-L. Tixier-Vignancour, Des Républiques, op. cit., p. 50, avec des informations intéressantes sur le verdict, deux des juges ayant d’emblée fait le choix de l’acquittement, les circonstances atténuantes ayant été acquises visiblement par 5 ou 6 voix contre 4 ou 3. Dans ses mémoires, publiés en 1966, Pasteur Vallery-Radot dit, entre les lignes, son opposition à la peine de mort pour Salan et exprima une certaine nostalgie coloniale, Mémoires d’un non- conformiste (1886-1966), Paris, Grasset, 1966, pp 385-390.
84 A. Besson, op. cit., pp. 279-289 et J.-R. Tournoux, op. cit., pp. 258-281, qui publie un memento de Besson enregistrant les pressions subies et une lettre de Michelet enjoignant de requérir la mort.
85 Centre Michelet, Brive, Fonds Michelet, liasse D 146, cité par J.-M. Valade, « Du putsch des généraux, à Alger, en avril 1961, à la prison de Tulle. Essai d’utilisation de quelques sources du Centre Michelet », Archives en Limousin, n° 28 (ael.celeonet.fr/ael/content/view/50/35, consulté le 3 novembre 2014).
86 Décret du 28 août 1962, JORF, 1962, p. 8475.
87 La procédure pénale avait été réformée sur la base du rapport établi par la commission présidée par le procureur général Antonin Besson. Le code qui en est la suite avait été adopté en deux temps, par la loi n° 57-1426 du 31 décembre 1957, pour le titre préliminaire et le livre Ier, et l’ordonnance n° 58-1296 du 23 décembre 1958, pour la suite (livres II à V et adaptation des dispositions déjà adoptées).
88 A. Besson, op. cit., pp. 9-10 et 316 et suiv. sur l’ordonnance proprement dite.
89 L. Beccaria, op. cit., pp. 242-259, citation de Reliquet pp. 255-256. Les avocats généraux Henri Lemoine (1896- ?) et Gaston Albucher (1894- ?) l’imitèrent, J. Isorni, Lui, op. cit., p. 114.
90 M. Cottaz, op. cit., p. 69.
91 Op. cit., pp. 224-225. Gavalda dit en effet : « à défaut de circonstances atténuantes, sous réserve d’une grâce, la seule peine que je requiers est une peine irréversible », Le procès du général Raoul Salan, op. cit., p. 419.
92 Cf. O. Arnoux de Maisonrouge, thèse citée, p. 331.
93 J. Isorni, Jusqu’au bout, op. cit., pp. 64-72.
94 Le procès du général Raoul Salan, op. cit., p. 203. Il n’empêche que l’Université d’Harvard voulut immédia- tement publier le réquisitoire de Gavalda dans la collection « les classiques du droit pénal », F. Laroche, op. cit., p. 200.
95 Décret du 2 juin 1962, JORF, 1962, p. 5350.
96 R. Draï, La fin, op. cit., pp. 86 et suiv.
97 Op. cit., p. 224.
98 Ibid., p. 228.
99 Le procès des généraux Challe et Zeller, texte intégral des débats, Paris, NEL, 1961, pp. 284 et 286. Dans son discours télévisé du 8 mai, de Gaulle avait fait de la justice le « bras séculier » du pouvoir, avec l’armée et la police.
100 Le procès du général Raoul Salan, op. cit., pp. 470-471. Sur la stratégie oratoire adoptée par Tixier et sa motivation, cf. J.-L. Tixier-Vignancour, Des Républiques, op. cit., pp. 42-43 et J.-D. Bredin et Th. Lévy, Convaincre. Dialogue sur l’éloquence, Paris, O. Jacob, 2002, pp. 257-266.
101 Le procès d’Edmond Jouhaud, op. cit., pp. 264-268 et p. 244.
102 Le procès du général Raoul Salan, op. cit., p. 141.
103 Sur les amnisties, cf. S. Gacon, « Les amnisties de la guerre d’Algérie (1962-1982) », La justice en Algérie, op. cit., pp. 271-279.