Le Préjugé de la couleur François-André Isambert et l’administration de la justice aux Antilles françaises pendant la Restauration

Par Marco FIORAVANTI
Publication en ligne le 25 juillet 2019

Texte intégral

1Pour mener à bien cette recherche, qui relève d’une étude plus large sur le droit et la justice coloniale aux Antilles françaises pendant la Restauration, nous avons travaillé aux Archives Nationales de Paris, aux Archives Nationales d’Outre-Mer d’Aix-en-Provence ainsi qu’aux Archives départementales de la Martinique de Fort-de-France et à la Bibliothèque Nationale de France2.

2Nous avons pris en considération une période de l’histoire coloniale française au cours de laquelle s’affirma une réglementation spéciale et une justice d’exception pour les esclaves et les gens de couleur libres – période qui n’a pas été, jusqu’à présent, suffisamment étudiée et qui mérite ultérieurs approfondissements. À travers l’analyse de la législation et de la jurisprudence coloniales, outre des sources inédites concernant des cas judiciaires de grand intérêt, nous avons tâché de restituer un volet peu connu de l’histoire française, notamment depuis le point de vue juridique.

3Dans la Première Partie de notre étude nous aborderons la discipline juridique de l’esclavage moderne, fondée sur le Code noir de 1685 : il s’agit d’un texte basé sur la tradition romaine, mais interprété et appliqué selon les nécessités coloniales (1.a). Nous analyserons également la condition juridique des gens de couleur libres aux Antilles françaises, qui représentaient un statut intérmédiaire entre blancs et esclaves (1.b).

4Dans la Seconde Partie nous examinerons le rôle de François-André Isambert, au sujet d’une question à caractère administratif concernant des gens de couleur libres soupçonnés d’avoir organisé, avec des esclaves, une révolte manquée (2.a), et par rapport à l’affaire Bissette-Fabien-Volny, auteurs présumés du pamphlet De la situation des gens de couleur libres aux Antilles françaises : cette ouvrage accusait durement la classe dirigeante coloniale, et était par là considéré comme subversif par les magistrats et politiques coloniaux (2.b).

5Dans les Conclusions nous esquisserons l’évolution de la réforme de l’administration de la justice coloniale entre la fin de la Restauration et le début de la monarchie de Juillet.

Première Partie - Modernité de l’esclavage

1.a. Le Code noir

6À l’âge moderne, les premières mesures qui réglementèrent l’esclavage et la condition des habitants des colonies françaises remontent au XVIIe siècle. En ce temps-là, la justice coloniale n’était pas encore tout à fait organisée et ne consistait en fait qu’en un ensemble de pratiques administratives3. Le premier acte législatif inséré dans le code officiel de la Martinique fut l’édit de Louis XIII de mars 1642, par lequel on naturalisait les habitants des Antilles qui s’étaient convertis au christianisme4. Cela dit, l’acte le plus significatif qui deviendra le repère de la réglementation de l’esclavage fut l’Édit touchant la police des îles de l’Amérique, mieux connu sous le nom de Code noir, de mars 16855. Expression de l’absolutisme bourbonien, il fut promulgué par Louis XIV, mais fut en réalité l’œuvre de Jean-Baptiste Colbert, qui sollicita la collaboration de quelques administrateurs coloniaux6. Le ministre des Finances avait déjà institué la Compagnie des Indes Occidentales en 1664 afin de gérer le commerce avec les Antilles, notamment avec La Guadeloupe et La Martinique7, et Saint-Domingue – qui était, au point de vue commercial, la possession française la plus importante8.

7Le droit applicable aux îles françaises de l’Amérique centrale fut établi par la Charte de la Compagnie des Indes, que prévoyait le respect des lois et ordonnances françaises, ainsi que de la coutume de Paris :

8Art. 34. Seront les juges établis en tous lesdits lieux, tenus de juger suivant les loix et ordonnances du royaume ; et les officiers de suivre et se conformer à la coutume de prévôté et vicomté de Paris, suivant laquelle les habitans pourront contracter, sans que l’on y puisse introduire aucune autre coutume, pour éviter la diversité9.

9La Compagnie nommait le gouverneur, qui en incarnait les intérêts commerciaux et politiques. Demeurant longtemps en fonction, il se considérait « comme un véritable Vice-Roi » et administrait directement la justice10. Au début de la colonisation il nommait les juges : « la compagnie avoit établi des juges en chaque isle, mais il n’y avoit point de justice souveraine ; le progrès de la population en exigeant une, la compagnie la demanda, et il y eut création d’un conseil souverain en chaque isle, par déclaration du premier août 1645 ».

10Le Code noir, qui au début n’était appliqué que dans les colonies des îles du Vent (Martinique, Guadeloupe et Saint-Christophe), entra en vigueur à Saint-Domingue le 6 mai 1687, en Guyane le 5 mai 1704, dans l’île Bourbon (La Réunion) ainsi que dans l’île de France (l’Île Maurice) en décembre 1723 et dans toutes les possessions françaises à compter de mars 1724, lorsqu’il fut étendu également à la Louisiane11. Les “codes noirs” représentèrent, mieux que tout autre exemple, le condensé le plus exemplaire de la biopolitique raciale moderne, où convergeaient biopouvoir et racisme12.

11La plupart des spécialistes ont ramené le Code noir à une matrice de droit romain, tandis que d’autres en ont mis en évidence les traits originaux et le lien avec l’administration coloniale13. Considéré comme l’acte fondateur du droit colonial français « en tant que corpus juridique spécifique et dérogatoire au droit commun », il a fait l’objet de nombreuses et souvent divergentes interprétations. Promulgué à une époque où s’affirmait une législation à caractère de codification14, il peut être considéré comme une consolidation en ce qu’il était une systématisation, en droit civil ainsi qu’en droit pénal, du thème de l’esclavage, et n’était guère innovant : « Loin d’innover, le Code noir, préparé en accord avec les notables, enregistre l’ordre juridique antérieur, de formation locale, sans modifier notamment le domaine reconnu à la norme ». Ce texte, dont l’objet était de réglementer les rapports entre maîtres et esclaves, en contradiction avec les doctrines du droit naturel moderne, a été jugé « le texte juridique le plus monstrueux qu’aient produit les temps modernes »15.

12En plus des renvois au droit romain16, parmi les arguments en faveur de l’esclavage figurent la malédiction biblique infligée par Noé à Cam (Genèse, IX) et la conception aristotélicienne de l’« esclave par nature » (Politique, livre Ier). Les justifications de l’esclavage furent en effet d’ordre philosophique, religieux et juridique, outre qu’économique17.

13La condition d’esclave était calquée sur celle propre au droit romain – mais en fait typique de toute la tradition indoeuropéenne18 – d’après laquelle l’esclave n’avait aucune capacité juridique, il n’était guère sujet mais au contraire il n’était qu’objet de droit, il n’était pas considéré comme un citoyen et était complètement soumis au pouvoir de son maître. L’esclavage dans la Rome antique, par rapport au monde helléniste et aux autres sociétés esclavagistes classiques, se transforma progressivement, par suite de guerres victorieuses, d’une servitude de type domestique à une forme d’esclavage où les esclaves étaient considérés comme de véritables biens ou marchandises. Marc Térence Varron, en évoquant une idée aristotélicienne, put les définir comme des « instruments parlants » et Gaius affirma que les hommes se partagent en deux classes, les serfs d’une part et les libres de l’autre : et quidem summa divisio de iure personarum haec est, quod omnes homines aut liberi sunt aut servi19. L’esclavage, en droit romain, était une institution du ius civile qui classait l’esclave comme res mancipi, catégorie qui comprenait des objets de prestige comme les fonds – terres et bâtiments – sur sol italique, les animaux de trait, les bêtes de somme et finalement les esclaves eux-mêmes. La condition d’esclave pouvait être dépassée par l’acte d’affranchissement qui ne pouvait être accompli que par le dominus et prenait plusieurs formes juridiques20. Au travers de la manumission le maître – sans intervention de l’autorité publique – pouvait libérer son propre esclave. Suite à cet acte, l’esclave, privé de capacité juridique, devenait automatiquement citoyen romain, sous la dénomination de libertus, mais gardait quelques différences par rapport à ceux qui étaient nés libres, comme le respect, obsequium, et la prestation de certains services, operae, en faveur de l’ancien maître. Enfin, grâce aussi à l’élaboration de la science juridique, les esclaves pouvaient acheter leur liberté moyennant leurs patrimoines21.

14Dans la France moderne, au contraire, la ratio scripta du droit romain fut interprétée dans le cadre d’une réalité coloniale tout à fait originale par rapport à l’antiquité classique22, où l’esclavage était une « institution totale »23. D’après certains spécialistes, en effet, les codes noirs s’éloignaient de manière significative des principes du droit romain-canonique24 : « Les juristes, imbus d’idées trop générales et abstraites, ne tinrent pas assez de compte des différences capitales qui caractérisent l’esclavage moderne par opposition à l’esclavage ancien »25.

15Les art. 1 à 8 du Code noir – de la même année, il faut le souligner, que la révocation de l’édit de Nantes – réglementaient la sphère religieuse dont ils assuraient l’homogénéité. L’expulsion des résidents juifs des colonies fut prévue en ce qu’ils étaient considérés comme des ennemis de la chrétienté, et tous les esclaves demeurant aux Antilles françaises seraient baptisés et instruits dans la religion catholique, apostolique et romaine, en prohibant tout autre culte (art. 1 à 3). Il était par ailleurs interdit à tous les sujets de confession protestante d’entraver le libre exercice de la religion catholique y compris chez leurs esclaves (art. 5). De même était obligatoire le respect du dimanche et des fêtes chrétiennes (art. 6), maîtres et esclaves ne devant pas travailler ; le marché de ces derniers étant par ailleurs empêché. Enfin, l’art. 8 interdisait le mariage entre catholiques et non-catholiques, qui était considéré comme du concubinage.

16Le texte énonçait des mesures visant une certaine protection, ne serait-ce que formelle, des esclaves. Notamment l’art. 9 établissait que :

17Les hommes libres qui auront eu un ou plusieurs enfants de leurs concubinages avec leurs esclaves, ensemble les maîtres qui les auront soufferts, seront chacun condamné en une amende de deux mille livres de sucre. Et s’ils sont les maîtres de l’esclave de laquelle ils auront eu les dits enfants, voulons qu’outre l’amende, ils soient privés de l’esclave et des enfants, et qu’elle et eux soient confisqués au profit de l’hôpital, sans jamais pouvoir être affranchis. N’entendons toutefois le présent article avoir lieu, lorsque l’homme libre qui n’était point marié à une autre personne durant son concubinage avec son esclave, épousera dans les formes observées par l’Eglise sa dite esclave, qui sera affranchie par ce moyen, et les esclaves rendus libres et légitimes.

18Le droit matrimonial (art. 13 et suivants) établissait que l’esclave, pour se marier, avait besoin de l’accord de son maître, tandis que ses enfants, qui étaient également des esclaves, appartenaient au maître de la femme esclave. Si un esclave se mariait à une femme libre (cas de figure d’ailleurs très rare), les enfants suivaient la condition de leur mère (d’après le brocard du droit romain partus sequitur ventrem), alors que les enfants nés d’un père libre et d’une mère esclave (cas de figure assez fréquent), tiraient leur condition de cette dernière26.

19Les dispositions de police (art. 15 à 27) prévoyaient que les esclaves ne pouvaient porter sur eux aucune arme offensive, qu’ils ne pouvaient se réunir ni le jour ni la nuit, sous peine de punitions corporelles allant des coups de fouet jusqu’à la mort. Même les maîtres qui auraient toléré des comportements interdits à ses propres esclaves encouraient des sanctions essentiellement pécuniaires. Enfin, le maître d’esclaves était autorisé à les battre et à les enchaîner, sans toutefois pouvoir ni les mutiler ni les torturer.

20Les devoirs des maîtres à l’égard des esclaves consistaient à leur assurer la nourriture et les vêtements. Formellement, les esclaves sous-alimentés et mal habillés pouvaient saisir le procureur du roi qui aurait pu poursuivre leurs maîtres pour violation de la loi, mais de facto cette hypothèse ne se réalisa presque jamais ni dans les possessions françaises ni dans d’autres régimes coloniaux27. La possibilité pour les esclaves maltraités abusivement de poursuivre leurs maîtres était prévue à l’art. 26 de l’édition de 1685 du Code noir, devenu l’art. 19 dans celle de 1724. Il établissait que

21Les esclaves qui ne seront point nourris, vêtus et entretenus par leurs maîtres, selon que nous l’avons ordonné par ce présent, pourront en donner avis au procureur général et mettre leurs mémoires entre ses mains, sur lesquels et même d’office, si les avis viennent d’ailleurs, les maîtres seront poursuivis à sa requête et sans frais ; ce que nous voulons être observé pour les crimes et traitements barbares et inhumains des maîtres envers leurs esclaves.

22Cela dit, l’esclave ne pouvait qu’entamer une telle action légale et son témoignage, aussi bien en matière civile que pénale, n’avait aucune valeur par rapport à celui du maître, n’ayant qu’une fonction de mémoire à soumettre aux juges (art. 30 et 31). De telles dispositions furent rarement appliquées et ce ne fut que vers la fin du système esclavagiste qu’elles furent partiellement utilisées – même si les arrêts de condamnation restèrent rares28. Les cas d’absolution de maîtres qui avaient torturés et tués leurs esclaves sont nombreux, ce qui confirme la distance entre la lettre du Code et la réalité coloniale29.

23Comme a pu l’affirmer l’un des premiers spécialistes de l’esclavage aux Antilles : « nous estimons que, pour tracer un tableau fidèle de la situation des nègres aux colonies, il est bon de ne pas s’en rapporter uniquement à une série de textes législatifs. La réalité est loin de correspondre parfois aux prescriptions légales »30. Plus récemment un juriste particulièrement attentif a souligné que : « le Code noir permet d’apprendre beaucoup sur l’esclavage, mais absolument rien sur cette condition réelle. En particulier, les châtiments infligés par les maîtres à l’insu de gens du roi sont nombreux et horribles, et bien peu de maîtres sont poursuivis et punis »31.

24Pour ce qui était du rapport entre esclaves et affranchis, les art. 38 et suivants visaient à entraver leur solidarité, en sanctionnant de manière particulièrement grave et les esclaves fugitifs et les libres de couleur qui leur auraient prêté secours. L’esclave fugitif traqué aurait les oreilles coupées et serait marqué par un lys sur l’épaule. En cas de récidive on lui couperait les articulations du jarret et on le marquerait par un lys sur l’autre épaule. La troisième fois, il serait condamné à mort. Cette politique coloniale française resta en vigueur pendant toute la durée du système esclavagiste car la solidarité entre esclaves, affranchis et libres de couleur, représentait une menace au système colonial et ségrégationniste.

25Du texte du code, on déduit également une distinction entre le pouvoir réglementaire du maître et celui proprement judiciaire des magistrats. L’art. 42 prévoyait en effet une importante marge d’autonomie pour le maître d’esclaves en matière de prescription des peines :

26Pourront seulement les maîtres, lorsqu’ils croiront que leurs esclaves l’auront mérité, les faire enchaîner et les faire battre de verges ou de cordes, leur défendant de leur donner la torture, ni de leur faire aucune mutilation de membres, à peine de confiscation des esclaves, et d’être procédé contre les maîtres extraordinairement.

27Cependant, le pouvoir de police du maître, notamment à l’intérieur des plantations, était tellement vaste qu’il excluait presque toujours l’intervention judiciaire, sauf en cas de traitements inhumains : « Le Code a donc assigné à la norme une fonction très marginale dans le régime des ateliers »32.

28L’art. 44 est particulièrement parlant en ce qu’il considérait les esclaves comme des objets ou des meubles corporels :

29Déclarons les esclaves êtres meubles et comme tels entrer dans la communauté, n’avoir point de suite par hypothèque, se partager également entre les cohéritiers, sans préciput et droit d’aînesse, n’être sujets au douaire coutumier, au retrait féodal et lignager, aux droits féodaux et seigneuriaux, aux formalités des décrets, ni au retranchement des quatre quintes, en cas de dispositions à cause de mort et testamentaire33.

30La réglementation de l’affranchissement prévue dans le texte de Louis XIV était calquée, elle aussi, à quelques différences près, sur l’institution de la manumissio du droit romain34. L’art. 55 prévoyait que les propriétaires de plus de vingt ans pouvaient, par des actes inter vivos ou mortis causa, affranchir leurs esclaves, qui auraient acquis par là les mêmes droits que les hommes libres (art. 57, 59), à l’exception d’une forme de respect qu’il fallait conserver à l’égard des anciens maîtres (art. 58).

31Pour mieux comprendre l’évolution du préjugé de la couleur au cours du XVIIIe siècle, il est utile de s’arrêter sur les différences entre l’édition du Code noir de 1685 et celle de 1724. Cette dernière réglementa de manière plus rigoureuse certains domaines, comme par exemple les domaines matrimonial et économique, et introduisit de nouvelles restrictions pour les esclaves sur la base d’une idéologie ouvertement raciste : le mariage entre blancs et noirs était interdit, les chances d’affranchissement de la femme noire et de ses enfants étaient fortement réduites en cas de mariage avec un noir libre ; en cas de transgression, les amendes infligées aux esclaves étaient plus lourdes et les peines plus dures35.

32Dans le texte de 1685, l’art. 59, dont l’interprétation fut très controversée, établissait formellement un principe égalitaire entre libres et affranchis :

33Octroyons aux affranchis les mêmes droits, privilèges et immunités dont jouissent les personnes nées libres ; voulons que le mérite d’une liberté acquise produise en eux, tant pour leurs personnes que pour leurs biens, les mêmes effets que le bonheur de la liberté naturelle cause à nos autres sujets36.

34Tandis que l’art. 54 de l’édition de 1724 ajoutait une exception : « le tout cependant aux exceptions portées par l’art. 52 des présentes ». Ce dernier article, aux alinéas 2 et 3, interdisait aux affranchis de recevoir des biens, par testament ou donation, de la part des blancs.

35En droit romain ainsi que dans la législation française, les esclaves libérés acquéraient la citoyenneté et devenaient juridiquement capables. Néanmoins, dans le monde romain ainsi que dans la France coloniale d’Ancien régime, les affranchis étaient moins considérés au point de vue social, ce qui les excluait de facto de l’exercice d’un certain nombre d’activités. Finalement, ils ne s’occupaient que d’artisanat et de petit commerce37.

36Suivant la plus récente et attentive historiographie, l’analyse des articles du Code noir met en évidence des contradictions, des incongruités voire des paradoxes38. L’art. 59 du texte de 1685, par exemple, comme on l’a vu, plaçaient sur un pied d’égalité hommes libres et affranchis, mais l’art. 58 discriminait ces derniers en les soumettant à des peines différentes par rapport à celles qui étaient prévues pour les libres. En outre l’art. 54 de l’édition de 1724 introduisait quelques restrictions par rapport au texte de l’art. 59.

37Comme on a pu l’affirmer, « le nouvel ordre juridique distingue donc nettement entre ceux qui sont nés dans la liberté et ceux qui y accèdent, pas entre les blancs et les hommes de couleur ». On différenciait donc la liberté naturelle de la liberté acquise, cette dernière étant discriminée sur la base d’un système d’exceptions. De sorte qu’un noir libre ou un métis libre n’auraient jamais pu être assimilés juridiquement à un blanc39. Une autre contradiction apparaît à la lecture des articles 2, 5 et 44 précités : alors que ce dernier attribuait aux esclaves la nature de meubles corporels, d’après les deux articles précédents, ces mêmes esclaves devaient être baptisés et instruits dans la religion catholique. Ce qui a poussé l’un des plus réputés historiens du colonialisme français à remarquer, avec une ironie amère : « l’Église baptiserait-elle tables, horloges, charrues ? Une fois de plus, il apparaît que l’esclave n’est pas un homme et, cependant, en est encore un jusqu’à un certain point ! ».

38D’autres contradictions apparaissent au regard des garanties juridictionnelles des esclaves. Le texte, tout en réglementant l’esclavage, introduisait également des garanties pour limiter les abus des maîtres et pour permettre, dans des cas particuliers, l’instruction, l’émancipation et la réduction des peines infligées aux esclaves, comme dans d’autres États esclavagistes tels que l’Espagne et l’Angleterre. Néanmoins, les normes pensées pour assurer une protection juridique aux esclaves ne furent appliquées que très rarement : ainsi, les mariages entre noirs et blancs furent interdits, les affranchissements furent rendus très difficiles, les maîtres s’opposèrent à l’éducation des esclaves car elle aurait pu leur procurer une certaine autonomie. Enfin, les abus subis par les esclaves ne furent jamais sanctionnés40.

39Le Code noir démontre l’ambiguïté du législateur français, car si celui-ci insérait l’esclavage dans un cadre de légitimité juridique, il finissait par nuire ultérieurement aux esclaves et ne limitait guère l’arbitre de leurs maîtres : « Le Code noir – a affirmé l’un des spécialistes les plus autorisés du XVIIe siècle français – permet de mesurer l’ambiguïté de l’œuvre de l’État au temps de Louis XIV : il réglemente, réforme, organise pour mieux conserver l’ordre ancien des choses »41.

40Dans une dimension typiquement coutumière, l’intervention législative des suzerains français au cours de l’Ancien régime fut faible et caractérisée par un absence de mise en œuvre : notamment pour ce qui est du droit civil, bien des lois restèrent lettre morte au profit de la coutume et du droit romain42. Ce déséquilibre fut d’autant plus accentué dans les colonies où le Code noir, qui avait introduit formellement la garantie de quelques droits aux esclaves et aux affranchis, ne réussit guère à contrecarrer la constitution d’un « ordre juridique ségrégationniste ». Celle-ci s’imposa, à compter du XVIIIe siècle, au travers de coutumes, dispositions légales et réglementaires coloniales qui de manière implicite refusaient la matrice du droit romain43.

41Le Code noir n’avait par ailleurs pas affronté la question concernant le traitement des esclaves dans la mère patrie. À ce sujet, le Parlement de Paris joua un rôle ambivalent : dans une première phase, il n’enregistra pas les actes qui enfreignaient le « principe du sol libre de France », prévoyant l’émancipation de tous ceux qui rejoindraient le territoire métropolitain, alors que, dans une seconde phase, il enregistra d’autres dispositions qui discriminaient également noirs et blancs sur le sol français44.

42Dans les colonies, les enfants de maîtres et de femmes esclaves obtinrent souvent l’affranchissement ; pratique qui suscita un développement significatif des libres de couleur, dont le nombre augmenta progressivement dans les possessions aussi bien françaises qu’anglaises, aboutissant à de profondes mutations dans les rapports juridiques et sociaux45. Leur statut juridique était comparable à celui des blancs, à quelques importantes restrictions près, prévues par la législation royale (art. 52 et 54 de l’édit de 1724) et, surtout, par la législation coloniale qui se développa à partir de la moitié du XVIIIe siècle. Jusqu’à l’entrée en vigueur du Code noir, le préjugé à l’égard des libres de couleur n’était pas vraiment enraciné chez le législateur français, alors qu’il s’installait de manière diffuse dans la mentalité des colons et dans la société coloniale46.

43Émilien Petit, un représentant des colons créoles, vers la fin du XVIIIe siècle observa très clairement que les libres de couleur « quoique admis aux privilèges de la liberté, n’en jouissent cependant qu’avec des modifications, qui constituent un état mitoyen entre les blancs et les esclaves »47. Ce statut juridique mitoyen, caractérisé par des préjugés et des discriminations, était reconduit aussi bien par l’administration coloniale que par le gouvernement français48.

44Ainsi, au cours de l’Ancien régime, un consensus presque unanime se dessina sur le principe prônant l’exception de la législation coloniale par rapport au royaume de France, où traite et esclavage n’étaient pas perçus de manière contradictoire par rapport à la coutume générale49. La distinction entre la réglementation publique française et la réglementation coloniale était nette : d’une part, l’État moderne d’empreinte absolutiste, mais basé sur une sorte de “constitution matérielle” d’Ancien régime ; et, d’autre part, une sorte d’« état d’exception permanente » démuni de garanties, où demeuraient des distinctions de statut entre blancs, esclaves et libres de couleur.

1.b. Les gens de couleur libres aux Antilles françaises

45La condition juridique des gens de couleur libres et, plus généralement, la gestion de la justice coloniale, furent au cœur d’une affaire judiciaire qui devint l’une de plus importantes causes célèbres de la Restauration en Martinique50.

46Le 13 décembre 1823, trois hommes libres de couleur furent arrêtés – Charles-Auguste Cyrille Bissette, Jean-Baptiste Volny, Louis Fabien – soupçonnés d’avoir introduit, lu et diffusé dans l’île un texte – De la situation des gens de couleur libres aux Antilles françaises51 – fort critique à l’égard de la politique coloniale française52. Ce pamphlet, remis à la Direction de la librairie le 20 octobre 1823, fut publié en France où il y circula sans censure. Il fut par la suite diffusé en Guadeloupe et introduit en décembre 1823 en Martinique. Il ne s’en prenait pas ouvertement au système colonial et surtout ne jugeait guère l’institution de l’esclavage, laquelle était pourtant alors attaquée par la presse libérale et une partie de la classe politique53. Il s’agissait néanmoins d’une critique radicale de l’administration de la justice coloniale et d’une dénonciation des nombreuses discriminations subies par les gens de couleur libres, qui auraient dû jouir des mêmes droits que les blancs54. Ce texte, dont l’auteur demeure encore aujourd’hui inconnu même si on l’attribue à Bissette55, exaltait la justice et l’égalité assurées par la Charte de 1814, tout en accusant le système colonial de maintenir les noirs en une condition d’inégalité. Les droits constitutionnels reconnus aux sujets français n’étaient pas étendus aux habitants des colonies – où était en vigueur, d’après le rédacteur anonyme, un état d’exception.

47Une autre référence explicite à la violation de la Charte était contenue dans l’Adresse à la Chambre des députés56, écrite par Fabien, trouvée dans l’habitation de Bissette et utilisée comme chef d’accusation : « à l’époque où la Charte était donnée à la France, des supplices barbares et inusités furent reproduits à la Martinique. [...] L’égalité devant la loi, voilà l’objet de notre humble prière ; la Providence et le temps amèneront plus tard et sans danger la plénitude de nos droits politiques »57.

48De la même teneur était le pamphlet, d après lequel en Guadeloupe et en Martinique la caste privilégiée des colons blancs gardait ses privilèges au détriment et en violation des principes d’égalité devant la loi. Les gens de couleur libres qui formaient une classe intermédiaire entre les blancs et les esclaves, avaient progressivement acquis un statut de plus en plus important au sein de la société coloniale en termes de richesse et d’autonomie, au point d’arriver à préoccuper l’administration de la Martinique. En effet le pamphlet fut pour les colons et les notables de l’île le prétexte idéal pour une « contre-attaque », à leur avis nécessaire pour atteindre un double objectif : « effrayer l’exécutif et décapiter la classe intermédiaire de son élite ».

49La situation politique et socio-juridique des noirs pendant la Restauration aux Antilles françaises était pareille à celle de Saint-Domingue d’avant la Révolution menée à bien par Toussaint Louverture. Comme on l’a rappelé dans une étude très ponctuelle « [les libres de couleur] amassaient des richesses comme maîtres artisans, puis comme propriétaires. Lorsqu’ils commencèrent à s’établir à leur propre compte, la jalousie et l’envie des colons blancs devient haine féroce et crainte »58. La crainte et la haine étaient les sentiments qu’éprouvaient encore les colons blancs à l’égard des libres de couleur aux Antilles françaises, tandis que la révolution des « jacobins noirs » avait laissé des traces indélébiles : à Haïti, malgré une dérive oligarchique, l’égalité de tous les citoyens était en vigueur. En revanche, dans les colonies françaises, les discriminations subsistaient offrant du même coup un singulier contraste avec la situation en métropole :

50Aujourd’hui, tout Français, quel qu’il soit, trouve dans la Charte un asile inviolable contre les vexations de l’homme puissant, et peut, avec des vertus ou des talents, arriver aux premières charges de l’État. Mais il n’en est pas de même d’une partie des sujets de Sa Majesté en Amérique : ils y sont tout à la foi exclus des emplois honorables, et exposés à tous les caprices et à toutes les avanies de la caste privilégiée, qui redoute leur industrie et leur intelligence59.

51Les gens libres de couleur, rappelait le pamphlet, s’étaient battus pour la France à Lodi, Marengo, Austerlitz, Iéna, et continuaient pourtant d’être condamnés aux discriminations les plus graves. La critique la plus dure et fréquente était justement adressée à la « caste privilégiée » des colons blancs, qui étaient considérés comme des persécuteurs des noirs, définis dans un autre texte de la même époque comme appartenant à une « caste proscrite »60. D’après les auteurs du pamphlet, le législateur français, libre des contraintes de la « féodalité des colons », avait toujours poursuivi l’égalité entre sujets, alors que dans les colonies un mélange incohérent de normes et jurisprudence s’était développé qui pénalisait une partie de la population.

52Bien que les premières ordonnances, à compter du Code noir de 1685, établissaient qu’aussi bien les colons que les noirs libres pouvaient affranchir une esclave en se mariant avec elle et transmettre à elle ainsi qu’à ses enfants ses propres droits, de facto la situation avait évolué en sens négatif pour les noirs, dont le statut avait été assimilé à celui des esclaves. Ainsi, par exemple, toujours sur la base des ordonnances royales, les colons et les gens de couleur libres pouvaient réciproquement hériter les uns des autres, tandis que d’après un arrêt colonial de 1726 et un autre du 7 novembre 1805, les seconds furent privés du droit d’hériter des premiers, tout en gardant celui de faire testament en leur faveur. Par conséquent, un blanc qui aurait souhaité destiner ses propres biens à des héritiers de couleur, pour contourner la limite que nous venons d’évoquer, aurait dû les confier à un mandataire. À ce sujet, le pamphlet cite un exemple très saillant. Un homme célibataire, qui avait eu deux enfants d’une femme de couleur, ne pouvant pas leur laisser directement en héritage ses propres biens, nomma un légataire universel, à la condition que ce dernier leur concède la liberté. Or, le légataire ne respecta pas les conditions du de cujus et, une fois ce dernier mort, il légua à son frère ses biens, y compris les trois personnes de couleur, qui furent vendues aux enchères publiques. Le rédacteur du texte estimait que ce cas de « barbare dispensation des droits » témoignait des privilèges des colons blancs et de la discrimination des noirs. Et de souhaiter la réforme d’un ordre juridique aussi contraire à la justice et à l’humanité, qui ne restait en vigueur que pour maintenir les libres de couleur dans la misère et l’ignominie.

53Les libres de couleur étaient par ailleurs exclus des fonctions publiques, de toute responsabilité militaire, et ce malgré tous les services rendus à la France ; ils étaient également exclus des professions libérales, « honorables », lucratives et même de celle de prêtre, et ce parce qu’un arrêt du conseil supérieur du 9 mai 1765 affirme : « la probité ne se présume pas dans une naissance aussi vile que celle d’un mulâtre ».

54Ainsi, un homme de couleur ne peut être avocat, notaire, médecin, chirurgien, pharmacien, orfèvre, horloger, charpentier, menuisier, serrurier, maçon, etc., etc., etc. Les injustices et les vexations, dont on les accable, ne se bornent pas à cela : il ne leur est permis que de vendre en détail ce qu’ils achètent en gros ; mesure pleine de prévoyance, qui les empêche de faire d’heureuses spéculations. On a encore porté plus loin le désir de les humilier : on a été jusqu’à faire des lois somptuaires par lesquelles un genre particulier d’habillement leur est prescrit, et des amendes leur sont infligées lorsqu’ils ne s’y conforment pas exactement61.

55La profession de pharmacien62 était plus particulièrement concernée puisqu’elle aurait pu permettre aux libres de couleur d’accéder à des médicaments ainsi qu’à des potions susceptibles d’empoisonner les colons et leur bétail, crime réprimé par la création d’un tribunal spécial (cour prévôtale)63. La seule activité à laquelle les noirs libres pouvaient s’adonner était le commerce, qui n’était guère prestigieuse.

56Une série d’ordonnances et règlements locaux promulgués au cours du XVIIIe siècle avait contribué à la formation de la « constitution coloniale ». Le règlement local du 4 juin 1720 qui à l’art. 3 prescrivait les vêtements que devaient porter les libres de couleur ; le texte de 1733 qui empêchait les colons mariés à une femme noire d’être officiels ou d’avoir un emploi dans les colonies ; l’arrêt de règlement du 9 mai 1765 ; l’art. 3 de l’ordonnance coloniale du 25 décembre 1783, qui interdisait aux services publiques d’embaucher des hommes de couleur ; les ordonnances coloniales de janvier 1773 et de mars 1774 qui leur interdisaient d’utiliser le nom des blancs ; l’arrêt de règlement de 1781 interdisant le nom appellatif sieur et dame ; l’ordonnance de 1783 et le règlement de 1809 leur défendant de porter des armes et de se rassembler ; l’art. 2 de l’ordonnance du 25 décembre 1783 qui leur interdisait d’acheter de la poudre ; l’art. 9 d’un acte du gouverneur de 1796 et l’art. 3 de l’ordonnance de 1809 leur attribuant des sièges séparés dans les spectacles ou lors de cérémonies ; le règlement sur les pharmacies, du 25 octobre 1823, qui prohibait l’utilisation de gens de couleur libres dans la préparation de drogues. Une série d’actes normatifs, donc, qui se poursuivirent jusqu’à la moitié des années 20 du XIXe siècle et qui visaient à discriminer et à créer un ordre juridique à caractère ségrégationniste64. Une telle situation est liée en premier lieu à l’état d’exception en vigueur dans les colonies. Le Code civil, en effet, introduit aux Antilles françaises en 1805, ne s’appliqua vraiment que pour la caste privilégiée, alors que les noirs affranchis ainsi que les esclaves ne tirèrent guère profit de ses garanties et de ses bienfaits65. Le droit pénal, par ailleurs, continuait d’être réglementé par l’ordonnance criminelle de 1670, qui exigeait une procédure à la fois écrite et secrète, sans défenseurs, et maintenait en vigueur le système des “preuves légales”66.

57Les préjugés et les discriminations vis-à-vis des noirs n’étaient seulement tangibles dans l’administration de la justice. Ils étaient également présents à travers la politique “gouvernementale” coloniale, que l’auteur du pamphlet appelait « police subalterne », et qui était dominée, à son avis, par un esprit de haine et d’injustice, à la lisière du ridicule et du perfide. En empruntant le langage et l’apparat rhétorique au discours des premières années de la Révolution française, on dénonçait la présence dans la société coloniale d’une classe de privilégiés qui ne contribuait guère au développement économique du pays, en regard de laquelle une classe de non-privilégiés et de discriminés qui possédait des propriétés (y compris des esclaves), exerçait des activités commerciales et contribuait au paiement des impôts. Il faut d’ailleurs rappeler le haut niveau d’instruction des libres de couleur de la Martinique, qui étaient presque tous capables de lire et d’écrire67. Finalement, se basant sur l’application des principes constitutionnels, ce pamphlet demandait l’abrogation de « cette monstrueuse nomenclature d’ordonnances tout à la fois contraires au bien général et outrageantes envers les particuliers ; ordonnances qui ne sauraient continuer d’être applicables aux gens de couleur libres, sans qu’on violât à leur égard tous les droits de la nature » et l’application « sans restrictions de tous les droits civils et politiques que la Charte accorde à tous les Français ».

Seconde Partie - La justice des colons

2.a. Les déportés de la Martinique

58Avant d’aborder le procès qui impliqua les responsables de la diffusion du pamphlet, il nous échoit de rappeler qu’en plus de la procédure judiciaire il y eut également un ordre de caractère administratif concernant des libres de couleur soupçonnés d’avoir organisé, avec des esclaves, une révolte manquée. La renommée de François-André Isambert, avocat engagé dans la défense des hommes de couleur et en faveur de l’abolition de l’esclavage, se construisit justement à partir de l’affaire dite des déportés de la Martinique68.

59Des nombreuses pièces manuscrites que nous avons consultées dans les archives françaises et coloniales nous avons pu remonter à la procédure judiciaire et administrative qui conduisit à l’exil de l’île plus d’une centaine de libres de couleur. Suite à une série de dénonciations, parfois anonymes, présentées au procureur du roi, ou de notes d’information au gouverneur de l’île69, le 21 décembre 1823 un esclave dénonça au procureur de la ville de Saint-Pierre l’existence d’un complot organisé pour le 25 décembre dont l’objectif était d’incendier la ville et les plantations voisines70. Parmi les papiers d’un libre de couleur arrêté par la police on trouva un manuscrit considéré comme subversif parce qu’il critiquait l’organisation politique et judiciaire des colonies. Il mettait en exergue de toute évidence la condition de discrimination dans laquelle vivaient les libres de couleur dans les colonies :

60un ramas incohérent de règlements, ouvrages des administrations excessives, dictées par l’orgueil, les préjugés, l’ignorance et la fiscalité, dégradés sans cesse encore dans l’application par le caprice et l’arbitrage des juges qui décident de la fortune et de la vie des citoyens. Les arrêts mêmes, en matière criminelle ne sont jamais motivés ; l’accusé y est privé de défenseurs et à huis clos et sans relater, les preuves de culpabilité que ce terrible tribunal rend ses redoutables arrêts, si bien que l’Européen condamné, dépouillé même du droit de se pourvoir en cassation, exécutés dans le plus court délai71.

61Suite à la découverte de nombreux textes qui dénonçaient le fonctionnement de l’administration coloniale et la situation d’inquiétude qui s’ensuivit, les colons, le 22 décembre 1823, adressèrent un appel au gouverneur de la Martinique, le général François-Xavier Donzelot72. Ils demandaient l’arrestation des individus soupçonnés de sédition et s’opposaient à toute réforme de l’administration coloniale. « Les blancs – affirmaient-ils – ne consentiront jamais à se voir les égaux des mulâtres »73. Le gouverneur, cédant aux pressions des propriétaires de plantations, le 23 décembre 1823 fit arrêter, à la suite d’une décision prise par le Conseil spécial de Gouvernement dont il était le président74, quelques suspects appartenant à la classe des libres de couleur, et les fit transférer sur la frégate La Constance amarrée dans la baie de Fort Royal (l’actuelle Fort-de-France)75.

62Il réussit à obtenir également le consensus et le soutien du Procureur général Richard de Lucy qui, le 25 décembre, au sujet des arrestations effectuées, affirma : « Aujourd’hui qu’une grande et sage mesure a rétabli la tranquillité et l’ordre, il s’agit de savoir quel est le meilleur parti à prendre à l’égard des individus arrêtés à Saint-Pierre ». En effet, selon Richard de Lucy, si un procès devait avoir lieu contre Bissette et les autres accusés, toute poursuite pénale visant les conspirateurs présumés de Saint-Pierre serait « désastreuse » pour le maintien de la sécurité dans la colonie. Il souhaitait plutôt une action administrative et la mise au ban des suspects par voie de « haute police administrative »76.

63La faculté qu’avait le Conseil spécial de Gouvernement – composé par les titulaires des hautes charges civiles, judiciaires et militaires – d’exiler les individus dangereux en vue d’assurer l’ordre et la sécurité publique remontait à une ordonnance royale du 13 août 181777. Néanmoins en janvier 1822 le ministre de la marine et des colonies Clermont-Tonnerre78 condamna le fait, pour l’administration coloniale, de recourir à des pratiques extrajudiciaires pour la résolution des controverses, et notamment l’expulsion d’individus sans procès.

64L’intention du roi est qu’aux colonies l’on se tienne, autant qu’il est possible, dans les limites du droit commun, notamment en ce qui regarde la liberté individuelle. Il est, d’ailleurs, à remarquer qu’en général la plupart des personnes qui ont été déportées par une mesure de haute police auraient pu, si on les eût traduites devant les tribunaux locaux, être atteintes par les lois en vigueur79.

65Un conflit latent se profilait qui allait continuer pendant longtemps entre l’autorité royale et les magistrats coloniaux, qui résistaient aux timides tentatives réformatrices du gouvernement central. Les pouvoirs extraordinaires, militaires et juridictionnels attribués au gouverneur dans les territoires d’outre-mer représenteraient une constante du droit colonial français, et ils augmenteraient même au cours de la domination française en Algérie et en Indochine80.

66Le Procureur de Saint-Pierre était lui aussi opposé à toute poursuite judiciaire contre les personnes arrêtées, il était par contre favorable à une condamnation suite à une rapide mesure administrative81. Comme convenu avec le Procureur général, entre janvier et mars 182482, par un acte administratif le Conseil spécial de Gouvernement condamna à l’unanimité à l’exil perpétuel de l’île plus de 150 gens de couleur libres83 accusés de complot84. D’aucuns furent envoyés en France85, d’autres dans les colonies africaines françaises (Sénégal, île de Gorée, Mana)86. En réalité, d’après les chiffres fournis par Isambert, il devait s’agir d’environ 220 condamnés ou exilés de l’île87.

67Le Procureur général affirma que les déportations avaient obtenu l’effet espéré, le calme politique et social étant revenu sur l’île. Lucy, qui au mois de mars serait remplacé par un esprit bien plus réformateur, Gabriel Girard – le premier européen à occuper cette charge88 –, souhaitait une alliance entre les souverains européens qui, ayant « déjà fermé l’abîme d’une révolution européenne », pourrait « éteindre en Amérique les derniers feux qui menacent d’embraser le monde ! »89.

68L’opinion publique française resta jusque là presque dans l’ignorance de tels événements. Le Moniteur, organe semi-officiel du gouvernement90, ne mentionna aucune des déportations mises en œuvre, tout en se limitant à écrire que « notre colonie [...] continue à jouir de la plus parfaite tranquillité »91. Ce ne fut que grâce à l’intérêt de quelques juristes et hommes politiques de l’opposition que ces déportations furent portées à la connaissance du public. Isambert était tout particulièrement conscient du fait que vis-à-vis de la position prise par le gouvernement et compte tenu de l’hostilité des colons envers toute réforme, la seule voie envisageable, outre l’action en justice, était celle de l’implication de l’opinion publique et de la sensibilisation des deux chambres92.

69Le 14 mai 1824 Isambert et d’autres juristes envoyèrent au ministre de la marine et des colonies un appel dans lequel ils soutenaient que la déportation par acte administratif était tout à fait illégale93. En même temps, Isambert présenta un recours à la Cour de cassation concernant certains déportés94. Dans une autre lettre datée du 26 juin et adressée au ministre, il affirma l’illégalité des déportations sans procès, sur la base de la législation aussi bien française que coloniale et il joignait une longue Consultation pour les Déportés de la Martinique95. Toujours au mois de juin de la même année, il adressa au gouvernement un Mémoire à consulter où il comparait les décisions du gouverneur aux lettres de cachet d’Ancien régime, utilisées, come chacun sait, pour effectuer des arrestations arbitraires96. L’intervention du pouvoir exécutif sur le pouvoir judiciaire, abusive de toute évidence, avait impliqué l’abolition, laquelle fut acquise au cours de la période du droit intermédiaire et à l’heure de la codification napoléonienne (art. 10 de la loi des 16-26 mars 1790 ; art. 19, sect. 3, tit. 1, par. 2 du code pénal de 1791 ; art. 634 du code des délits et de peines de 1796-3 brumaire an IV ; art. 114, 119, 120 du code pénal de 1810). Si d’un côté un arrêté consulaire du 6 prairial an X (26 mai 1802) publié à la Martinique avait rétabli la possibilité pour le gouvernement de suspendre l’exécution des lois et de juger par voie extrajudiciaire (art. 5, 15, 31), de l’autre, en tant qu’acte administratif sans valeur de loi, il ne reconnaissait pas à l’exécutif le droit de déporter. Dans le Recueil officiel des lois de la Martinique, il n’y avait en outre aucune loi autorisant les déportations sans procès97.

70Isambert envoya par la suite au roi et à son conseil un mémoire qui eut tout de suite un grand retentissement. Il y stigmatisait la condition de misère et d’indigence de la population de couleur, critiquait l’illégalité des déportations, souhaitait une réforme de la législation en vigueur dans les colonies, considérée comme inconstitutionnelle. La déportation, moyennant un acte administratif, d’une partie de la population de couleur des colonies, qui vivait dans une sorte « prison perpétuelle », fut interprétée comme l’expression de l’esprit colonial qui, avec l’alibi d’une prétendue conspiration organisée par les noirs, réprimait en fait de justes volontés de réforme :

71L’ordre de déportation a été délibéré et arrêté dans un conseil de gouvernement, véritable comité colonial, dévoué à ceux qui ont dénoncé cette fausse conspiration [...] En France nul ne peut être détenu sous la surveillance de la haute police sans jugement. La déportation aux colonies françaises du Sénégal ou ailleurs, serait la continuation d’une mesure illégale98.

72Toutefois, le gouvernement répondit que ses propres actes étaient motivés par le souci de maintenir l’ordre public : « Il ne m’a pas paru qu’il eût lieu d’arrêter l’exécution d’une décision motivée sur les dangers qui résultaient pour les Colonie de la Martinique de la présence des individus dont il s’agit ». Isambert présenta alors au Conseil d’État, le 2 juillet 1824, une demande visant à mettre en état d’accusation le sous-préfet de Brest ainsi que le capitaine du navire le Chameau, qui devait transporter les déportés au Sénégal99, pour détention arbitraire et séquestration, en violation des art. 114, 117, 119, 120 qui prévoyaient la dégradation civile pour un fonctionnaire public, de la police administrative ou judiciaire, qui aurait ordonné des actes arbitraires. Mais cette demande ne fut pas accueillie.

73Le même jour Isambert présenta également une pétition à la Chambre des pairs, où il rappelait à ses membres que les déportés étaient tous innocents en raison du fait qu’aucun n’avait été préalablement présenté à un tribunal. À son avis, l’acte administratif de Donzelot revenait à un attentat contre la liberté de la personne et « contre la sûreté de l’État »100. Par conséquent, sur la base d’une résolution de la Chambre haute du 8 mars 1816, qui interprétait l’art. 33 de la Charte101, le gouverneur de la Martinique devait être poursuivi pour attentat à la sécurité de l’État.

74Le ministre, en réponse aux sévères critiques qui lui étaient adressées par Isambert, la presse libérale, les parlementaires de l’opposition et Benjamin Constant, justifia le travail du Gouverneur et du gouvernement en rétorquant que dans les colonies était en vigueur une justice différente par rapport à celle de la mère patrie :

75Un système d’égalité ne peut, en effet, exister dans nos colonies. Quant au système d’équité, il y règne, et la justice est rendue à tous, en raison de la situation dans laquelle chacun se trouve placé par l’organisation de l’ordre social qui n’est pas dans les colonies, et qui ne peut pas être le même qu’en France. Non, Messieurs, les colonies ne peuvent pas être régies ni par les lois, ni mêmes par les principes qui font le bonheur de notre pays102.

76Le 5 octobre 1824 Isambert adressa un appel au roi au nom des gens de couleur libres, commerçants à la Martinique, Joseph Millet et Mont Louis Thébia, et des déportés ou exilés de la part du Conseil spécial de Gouvernement, où il soulignait l’illégalité de l’utilisation de commissions extra-judiciaires103. Les 22 et 31 décembre de la même année, il présenta une autre pétition, à la Chambre des députés et à la Chambre des pairs, dans laquelle il demandait une indemnité pour tous ceux qui avaient été déportés de manière illégale, sur la base d’une loi promulguée pour les émigrés. À son avis, « en supposant, ce qui n’est nullement prouvé, et ce que les jurisconsultes les plus renommés de la France affirment ne point exister, que, dans les colonies, les gouverneurs aient le droit de frapper les personnes de déportation sans jugement, il est de toute évidence que ce pouvoir, créé pour la sûreté de la colonie, cesse de plein droit hors de son territoire ». Cependant cette demande d’indemnité fut rejetée104.

77En dernier ressort, Isambert fit appel au vieux principe du “sol libre français” selon lequel toute discrimination existant dans les colonies aurait dû disparaître dans le territoire métropolitain. Ce principe, à propos duquel, comme nous l’avons vu plus haut, la jurisprudence était partagée, fut durement attaqué par les colons jusqu’à la fin de la monarchie de Juillet105. Cette demande ne fut pas non plus reçue. Ceux qui débarquèrent au Sénégal se trouvèrent, d’après Isambert, dans une condition pire que celle réservée aux esclaves « car à ceux-ci, on fournit au moins la subsistance ».

78Le nouveau ministre de la marine Chabrol106 intervint à la Chambre des députés le 8 janvier 1825 en réitérant les justifications et les arguments de son prédécesseur ; il obtint le soutien de la majorité des membres. Le gouvernement s’était borné à appliquer la législation en vigueur dans les colonies suivant les formes prescrites par les ordonnances royales, tout particulièrement celle de 1817. Pour ce qui était du principe du sol libre de France, il ne pouvait être invoqué parce que les détenus étaient restés dans la rade du port à bord du navire107.

79Le mois suivant, depuis l’île de Bourbon également, la direction coloniale confirma, par un manuscrit, que les libres de couleur, sur la base de la législation coloniale, se trouvaient dans une condition d’inégalité mais d’équité. Le gouverneur de la Guadeloupe, de son côté, en relevant dans cette colonie une situation de tranquillité et de soumission de la part des libres de couleur, n’estima pas nécessaire de divulguer le discours du ministre en réponse à la pétition des déportés de la Martinique108. Encore en mars 1826 Isambert aurait réclamé l’intercession de la Chambre des pairs pour faire en sorte que le gouvernement alloue de l’argent pour les déportés au Sénégal ou alors pour les proches de ceux qui étaient morts au cours de la déportation109. Même les accusés adressèrent en mars 1826 une pétition à la Chambre haute dans laquelle ils soutenaient qu’ils avaient été « immolés en holocauste » puisque « les magistrats des colonies, choisis parmi les familles créoles les plus anciennes, sont dès l’enfance imbus du préjugé de la couleur »110.

80Isambert, en plus de l’illégalité des déportations, dénonça la pratique des remplacements entre parents et enfants ou entre frères : très parlant à ce sujet, entre autres exemples, est le cas de Germain Saint Aude fils, déporté à la place de son père, qui la nuit entre le 24 et le 25 décembre se suicida en se jetant à la mer et exerçant, par là, une forme, quoique désespérée, de résistance111. Isambert demanda une enquête pour éclaircir la vérité concernant la condition des déportés :

81en attendant, une dénégation ne suffit pas ; parce que là où les formes judiciaires ont été omises, la voix de l’opprimé a dans la balance de la justice autant de poids que celle des accusateurs intéressés à dissimuler aux ministres du Roi la vérité.

82Isambert se demandait quelles étaient au juste les limites du pouvoir du gouverneur : « si on peut déporter, ou seulement bannir ? ». À son avis, en se basant sur la législation coloniale aussi bien que sur celle de la mère patrie, le gouverneur pouvait en effet bannir mais non pas déporter. Le précédent invoqué pour transférer quatre libres de couleur de la France vers les colonies, fondé sur un arrêté consulaire du 13 messidor an X (2 juillet 1802), ne s’appliquait, selon Isambert, qu’aux esclaves et non aux libres de couleur, qui, comme on l’a vu plusieurs fois, d’après le Code noir112, jouissaient des mêmes droits que les blancs. De plus, continuait l’avocat défenseur, l’acte du gouvernement napoléonien devait être considéré comme tacitement abrogé, en ce qu’il n’avait aucun caractère législatif, ou alors tombé en désuétude113. À la même époque d’ailleurs, une note manuscrite du ministère de la marine affirmait qu’il était difficile de prétendre appliquer les dispositions de l’arrêté consulaire pour les noirs présents en France, puisqu’elles avaient été promulguées pour les esclaves. La note en arrivait à soutenir qu’« une partie de la décision du Conseil spécial de Gouvernement [était] irrégulière ».

83Malgré ces considérations et bien qu’Isambert eût demandé la libération de tous ceux qui avaient été déportés de manière arbitraire, comme acte de justice et d’humanité, après environ deux mois d’attente le long de la côte française, une décision ministérielle intervint qui confirma, pour à peu près tout le monde, la déportation au Sénégal. D’après Isambert, on devait leur reprocher le fait qu’ils n’avaient pas fait appel à la clémence royale mais, affirma-t-il de manière résolue, « l’honneur défend de demander grâce, quand on a droit de demander justice ». Par la suite quelques déportés furent autorisés par le gouverneur à rentrer sur l’île, mais l’attente fut longue, jusqu’au mois d’août 1830, à savoir dans un nouveau contexte politique, pour que le ministère par une ordonnance décide de révoquer pour quelques déportés les effets des décisions prises par le Conseil spécial de Gouvernement114. Tandis que pour d’autres, condamnés par les tribunaux coloniaux pour des crimes politiques, il ordonna d’annuler toute poursuite judiciaire115.

2.b. L’affaire Bissette-Fabien-Volny

84Parallèlement à l’activité administrative commença l’action pénale à l’égard des auteurs présumés du pamphlet De la situation des gens de couleur libres aux Antilles françaises116. Bien que la critique à l’institution de l’esclavage dans les colonies fût assez mitigée, il accusait durement la classe dirigeante coloniale, notamment les magistrats et les administrateurs, de maintenir dans une situation de discrimination les affranchis, en violation de la législation française. Ce texte aiguisa le ressentiment des colons envers les libres de couleur, même si les premiers étaient tout à fait conscients du fait que seuls ces derniers pouvaient constituer une barrière contre les révoltes des esclaves, afin d’éviter ce qui s’était passé à Saint-Domingue117. À ce sujet, en effet, de nombreux essais, mémoires, pamphlets ou correspondances, qui avaient paru au cours de la Restauration dans les colonies françaises et dans d’autres possessions centro-américaines, témoignaient de la peur, voire de l’obsession, de la part des colons, à l’égard du spectre de Haïti et eu égard à la contagion révolutionnaire. Le propriétaire de plantations martiniquais Pierre Dessalles écrivait en 1811 :

85Il vient de se passer dans la colonie un événement qui d’abord a effrayé tout le monde, mais qui n’occupe plus aujourd’hui que la Cour d’appel. Des mulâtres et des nègres libres et esclaves s’étaient sans doute flattés de l’espoir de fonder à la Martinique un second empire d’Aiti118.

86À la suite d’une plainte présentée en décembre 1823 par Lenormand Morando au procureur du roi Deslandes, deux copies du pamphlet furent trouvées dans l’habitation de Bissette, qui fut arrêté avec Volny et Fabien. D’après le procureur il s’agissait d’un texte séditieux visant au renversement du système politique et judiciaire colonial :

87il était difficile de commettre un crime plus grave contre l’ordre public, la législation et le Gouvernement de Sa Majesté. [Le texte] doit être considéré comme une provocation au mépris des lois et au renversement de l’ordre établi. [...] [Il y a les preuves d’]une conspiration tramée par quelques agitateurs de la classe des gens de couleur libres, dont le but est de renverser l’ordre civil et politique établi dans les colonies françaises119.

88Le tribunal de première instance de Fort Royal, dont les membres relevaient tous de la riche bourgeoisie blanche de l’île, par un jugement du 5 janvier 1824, condamna les accusés parce qu’organisateurs d’une conspiration visant à renverser l’ordre civil et politique colonial. Bissette fut condamné à l’expulsion à perpétuité de l’île tandis que Fabien et Volny furent expulsés pour cinq ans. Le Tribunal ordonna également que le pamphlet soit déchiré et brûlé sur la place du marché de Fort Royal. Des peines moindres ou des absolutions furent prescrites contre d’autres accusés, des libres de couleur impliqués dans la diffusion du texte (Eugène Delfille, Joseph Demil, dit Zonzon, Joseph Frappart, Jean-Martial Bellisle-Duranto)120.

89Le procureur, pour qui le jugement avait été trop mitigé, que les trois accusés, interjetèrent appel. Comme prévu par l’ordonnance criminelle de 1670, qui réglementait encore la matière pénale aux Antilles françaises, la sentence d’appel pouvait être émise en quelques jours. Il n’était point nécessaire, en effet, que la cour reprenne l’instruction, écoute les témoins et procède à un nouvel interrogatoire. L’Arrêt de la cour royale de la Martinique fut donc rendu le 12 janvier 1824 et rejeta les termes du recours des accusés : « [il] met les appellations et ce dont est appel au néant »121. En accueillant les mêmes arguments qui avaient conduit à l’arrêt de condamnation au premier degré, la juridiction de seconde instance rendit une décision encore plus sévère en ce qu’elle condamna Bissette, Volny et Fabien à l’expulsion de l’île, aux travaux forcés à vie et au marquage au fer rouge des lettres GAL (pour galérien)122. Les autres accusés, Delfille, Demil, Frappart et Bellisle-Duranto, qui avaient été disculpés au premier degré, furent bannis à perpétuité de l’île123. Cette sentence interdisait enfin à tous les habitants des colonies de posséder ledit pamphlet, de le vendre et de le diffuser et les obligeait de remettre au parquet chaque copie possédée. Après cet arrêt, les trois accusés demandèrent à en interrompre l’exécution afin de se pourvoir en Cassation, mais ce droit leur fut nié, car d’après la jurisprudence coloniale il ne s’appliquait ni aux esclaves ni aux noirs libres. Le recours à la Haute juridiction ne fut donc pas présenté et, en application de l’ordonnance criminelle qui prévoyait l’exécution de la sentence dans les 24 heures à compter du moment où celle-ci avait été prononcée, le 14 janvier elle fut rendue exécutoire : le pamphlet fut brûlé et les lettres GAL furent marquées sur les trois condamnés qui par la suite furent déportés dans la prison de Brest.

90À partir de là commença l’initiative judiciaire et la campagne politique en faveur de la révision du procès et du pourvoi en cassation, avec l’implication des deux chambres, du ministère de la justice et de celui de la marine et des colonies. Les trois condamnés aux travaux forcés à vie, qui étaient détenus à bord d’un navire qui avait amarré dès le mois d’avril 1824 dans la rade de Brest124, choisirent deux avocats – Claude-François Chauveau-Lagarde125 et Isambert – lesquels, ex art. 424 du code d’instruction criminelle de 1808126, présentèrent le recours en cassation dès le 10 mai au ministre de la justice, qui devait le transmettre au procureur général près la Cour suprême127.

91Des nombreuses pièces manuscrites que nous avons trouvées dans les archives, il ressort qu’aussi bien le ministère de la marine et des colonies que le celui de la justice opposèrent la plus grande résistance à l’égard du recours en cassation. Les pièces confidentielles des deux ministères – à juste titre définis comme « two most formidabile citadels of reaction during the period of the Bourbon Restauration » – montrent bien jusqu’à quel point ils usèrent d’expédients pour éviter, ou à tout le moins retarder, l’admissibilité du recours128.

92En octobre 1825 la direction des colonies du Département de la marine rédigea un Rapport au Roi. D’autres rapports avaient été rédigés par l’administration coloniale qui avaient été adressés au conseil des ministres au cours de l’année 1824129, mais ce manuscrit prenait en compte les nombreux éléments qui avaient compliqué l’affaire. Le ministère s’opposait à ce que le gouvernement déclare le recours admissible puisqu’au cours du procès de nombreuses irrégularités avaient été commises qui auraient poussé la Cour de cassation à se prononcer de manière favorable quant à la recevabilité du recours. Dans un texte confidentiel émergeait effectivement la conscience du gouvernement du fait que, comme l’affirmait la défense, le procès avait été caractérisé par des violations de la procédure en plus d’irrégularités formelles130. Le rapport ministériel considérait que la « vengeance publique » avait été satisfaite par le marquage et la détention des trois accusés et souhaitait un acte de clémence de la part du souverain afin d’assurer la sécurité et la tranquillité dans l’île. La position du ministre de la marine et des colonies Chabrol était donc très nette : refuser de la part du gouvernement le recours en Cassation et octroyer la grâce pour éviter des désordres131.

93L’un des textes normatifs sur lesquels se basait la condamnation des trois accusés était une déclaration du roi du 16 avril 1757 qui, comme le soutenait la défense, n’avait jamais été enregistrée aux Antilles. À ce sujet le ministre interpella le responsable du Dépôt des Chartes et Archives, qui précisa, après bien des recherches, que la déclaration ne figurait pas dans les archives132. En effet, le Code de la Martinique ne mentionnait pas ce texte de 1757.

94Isambert demanda au ministre de ne pas retarder ultérieurement l’envoi des actes du procès des autorités de la Martinique à la Cour suprême, conformément à ce qui avait été établi par la circulaire ministérielle du 26 janvier 1755, « tenant lieu de loi dans les Colonies »133. Il rappela que cinq arrêts de la Cour de cassation, rendus entre 1814 et 1824, établissaient que ce qui avait été affirmé par le ministère – à savoir l’impossibilité d’accueillir tout recours en cassation en matière pénale coloniale – n’était pas correct. Cette jurisprudence se fondait sur le règlement du 28 juin 1738, en vigueur dans les colonies et encore utilisé en France pour le recours en cassation et au Conseil d’État134. D’après ce qui avait été précisé par le procureur général près la Cour de cassation, Mourre, le 16 mai 1826, l’art. 6 du titre 4e de cet acte prévoyait le recours en matière pénale aussi bien que civile mais, au sens de l’art. 29 de ce même titre et de l’art. 5 du titre 8e, le recours n’avait pas de caractère suspensif par rapport à l’exécution de l’arrêt135.

95Le 27 janvier 1826, la section pénale de la Cour de cassation établit l’admissibilité du recours contre la sentence rendue par la cour royale de la Martinique le 12 janvier 1824, sur la base du règlement de 1738136. La Cour donc donna raison aux requérants et estima le recours légitime137.

96La réaction du ministre fut remarquable : le 29 avril 1826, par une lettre adressée au vice-gouverneur de l’île, François-Marie-Michel de Bouillé, il rappela que, après cet arrêt, on devait remettre, dans les plus courts délais, toutes les pièces du procès, afin de ne pas compromettre le fonctionnement régulier de la justice et de ne pas encourir en actions civiles et pénales138. Le gouverneur, à son tour, le 16 juin 1826 envoya à Chabrol l’arrêt de la cour royale de la Martinique ainsi que les pièces de ce même procès139.

97Après cet arrêt inattendu, la cour devait se prononcer sur le fond du recours, mais le gouvernement essaya d’en conditionner l’activité : le ministère de la marine soutint que le règlement de 1738 avait été interprété de manière incorrecte et que par conséquent le recours était irrégulier au point de vue formel140.

98Le 25 juillet 1826, le gouverneur de la Martinique écrivit au ministre de la marine ainsi qu’au procureur général près la Cour de cassation, Raymond Laplagne-Barris141, en précisant qu’aussi bien la déclaration du 16 avril 1757 que la lettre patente du 3 novembre 1789, n’avaient jamais été enregistrées sur l’île, comme soutenu avec force par la défense142. On devait par conséquent considérer comme étant en vigueur à la Martinique l’ancienne législation en matière pénale, qui avait été confirmée par l’arrêt du conseil souverain du 23 avril 1794, inséré dans le Code de la Martinique143, par l’arrêt consulaire du 29 prairial an X (18 juin 1802)144 et par la proclamation du roi du 12 décembre 1814.

99Lors de l’audience extraordinaire du 28 septembre 1826, auprès de la section criminelle de la Cour de cassation présidée par Joseph-Marie Portalis145, Chauveau-Lagarde se livra à une harangue en faveur des trois accusés. L’avocat près le Conseil du roi et la Cour de cassation, très réputé, se basa sur trois principes : le pamphlet incriminé ne violait guère la loi en ce qu’il se limitait à demander l’abrogation de normes exceptionnelles ; la sentence rendue s’appuyait sur un acte normatif, la déclaration de 1757, qui n’avait jamais été enregistré aux Antilles et qui était tombée en désuétude en France ; enfin le système colonial d’Ancien régime prévoyait l’application de lois arbitraires. En un deuxième temps intervint Isambert, qui reprit ses considérations concernant aussi bien la procédure pénale que l’application de la loi – dont il s’était à maintes reprises déjà réclamé – et rappela à l’auditoire que les habitants de couleur des colonies « gémissent encore sous le régime arbitraire de l’ordonnance criminelle, puisqu’aucune loi n’a été promulguée dans ces colonies ».

100Suite à la longue défense des deux avocats en présence de la section criminelle de la Cour de cassation, le recours fut accueilli. Le 30 septembre 1826, la Cour suprême, présidée par le Pair de France Portalis, conformément aux réquisitions de l’avocat général Laplagne-Barris, cassa et annula l’arrêt d’appel pour vices de forme. La Cour rappela qu’à la Martinique était en vigueur l’ordre juridique d’Ancien régime et que « rien ne saurait justifier une violation si manifeste des lois du royaume »146.

101Même dans ce cas la réaction du ministre de la marine fut tout à fait éloquente : « il n’y a pas un moment à espérer. [...] Je ne puis m’empêcher d’exprimer le vif regret que j’éprouve de voir se renouveler sur le lieu même, un procès qui ne peut manquer de donner aux passions un nouvel effort »147. Les trois condamnés furent en effet transférés le 15 décembre 1826 en Guadeloupe, où était en vigueur le même système qu’en Martinique148.

102Victor de Broglie, le futur président de la Société française pour l’abolition de l’esclavage, se félicita avec Isambert pour ce succès judiciaire tout en souhaitant que ce ne soit que le prélude à une sentence favorable de la prochaine cour d’appel149. Mais ce souhait s’avéra sans fondement. La cour royale de Guadeloupe, en effet, le 28 mars 1827, disculpa Fabien et Volny tandis qu’elle confirma la condamnation à l’encontre de Bissette, pour les mêmes raisons invoquées par la cour de la Martinique, même si elle mitigeait la peine en la réduisant à dix ans de mise au ban des colonies françaises, en plus du paiement des frais du procès150, sur la base de l’ordonnance sur la réforme de la justice de Moulins du février 1566151. D’après la cour, qui s’inspirait d’une jurisprudence coloniale constante, aux Antilles, en matière pénale, était en vigueur la législation qui administrait le royaume de France avant 1789. Soit un système d’Ancien régime, où perduraient des différences de statut et des discriminations sociales et raciales, qui se plaçait en dehors du schéma basé sur la codification. Pour les esclaves et les libres de couleur demeurant dans les colonies aucune garantie légale ou constitutionnelle introduite par les codes et par la Charte n’était prévue. Dans un autre contexte historique et politique, nous pouvons ainsi affirmer, dans le sillage de l’un des plus réputés spécialistes évoquant le système de la justice coloniale italienne, que « per le colonie si faceva così strada la scelta di un sistema di diritto comune del tutto opposto agli schemi di uniformità codicistici ».

103L’arrêt de la cour royale établit un principe qui représentait de manière on ne peut plus parlante la mentalité des juges coloniaux. Il serait stigmatisé plusieurs fois au cours des phases successives du procès et dans la polémique politique qui s’enflamma au cours de ces années. Le juge colonial confirma la thèse de l’« esclave par nature » :

104[Considérant que] le caractère distinctif qu’imprime la nature ne peut être effacé, et qu’en accordant aux gens de couleur libres et aux affranchis la jouissance des droits civils, ces lois exigent que cette classe intermédiaire ne perde jamais de vue le respect qu’elle doit à la classe des blancs qui lui a conféré le bienfait de la liberté et de la propriété152.

105L’articulation de la société coloniale en trois classes – les blancs, les esclaves et les libres de couleur – était donc une distinction créée par la nature elle-même. Nier ce principe reviendrait, pour les juges, à céder à nouveau aux erreurs révolutionnaires qui avaient bouleversé la France. Suivant le raisonnement du juge d’outre-mer,

106toute tentative de la part des individus de la classe des hommes de couleur libres pour renverser le régime colonial, soit par des complots secrets, soit par des libelles diffamatoires et séditieux imprimés ou manuscrits, conservés ou distribués, est, aux termes des lois criminelles, un attentat à l’ordre et à la tranquillité publique153.

107Le 21 juillet 1827 Isambert présenta au ministre de la justice les actes qu’il fallait transmettre à la Cour de cassation pour le recours contre l’arrêt rendue par la cour royale de la Guadeloupe154. Les raisons qui justifiaient la condamnation en appel de Bissette étaient substantiellement au nombre de deux : le fait d’avoir récolté et conservé plusieurs écrits diffamatoires et séditieux favorables aux revendications des libres de couleur et le fait d’avoir reçu et diffusé le pamphlet De la situation des gens de couleur libres aux Antilles françaises, par la lecture qu’il en avait fait en présence de nombreuses personnes et en plusieurs endroits. Fabien et Volny, leur crime n’étant pas tout à fait prouvé, furent mis hors de cour.

108Dans le recours présenté émergeaient et des violations strictement formelles et des erreurs au regard de l’interprétation ainsi que de l’application de la loi. Dans le premier cas, plusieurs règles de procédure avaient été violées, comme la parenté, interdite par la loi, entre deux membres du tribunal ou alors le fait qu’une même personne occupe aussi bien la charge de président de tribunal que celle de conseiller de la cour d’appel. Surtout, avait été violé le principe de la publicité des débats pénaux, prévue par la lettre patente de Louis XVI du 3 novembre 1789 et introduite comme loi de l’État dans la colonie par l’arrêt du 13 janvier 1827.

109Décisive fut l’application malencontreuse des lois pénales. Comme nous l’avons vu, l’acte législatif principal sur lequel se fondait la condamnation était la déclaration de 1757, et notamment les art. 1 à 3. Isambert souligna le fait que cet acte, n’ayant pas été enregistré en Martinique, n’avait pas force de loi : par conséquent, la cour de Guadeloupe avait violé aussi bien le principe prévu à l’art. 1 du Code civil, enregistré en Martinique en 1805 (« Les lois sont exécutoires dans tout le territoire français, en vertu de la promulgation qui en est faite par le Roi »), que le principe consolidé de droit pénal, bien synthétisé par le brocard latin nullum crimen, nulla poena, sine lege, qui empêchait de condamner qui que ce soit sur la base d’une loi non promulguée.

110Nul crime, nul délit, même les contraventions de police, ne peuvent être punis de peines qui n’étaient pas prévues par la loi avant qu’ils fussent commis. Art. 4 du Code pénal, qui n’est que la répétition des art. 8 et 11 de la loi du 3 novembre 1789, sur la déclaration des droits. Or une loi non promulguée est comme une loi non existante155.

111L’ordonnance de Blois de mars 1579, de Moulins de février 1566 et celle de 1629156 ne furent pas promulguées aux Antilles. De plus, on ne pouvait guère appliquer des lois antérieures au rattachement de ces colonies à la France, réalisé en 1634. Si ces ordonnances avaient été en vigueur on aurait dû appliquer la peine capitale, l’art. 183 de l’ordonnance de Blois ainsi que l’art. 179 de celle de 1629 interdisant aux juges de mitiger les peines. Toutefois, une autre disposition était invoquée par le procureur général : « Quiconque aura affiché ou semé des libelles séditieux ou diffamatoires sera pendu et étranglé jusqu’à ce que mort s’ensuive » ; par conséquent, ne pouvant pas en matière pénale procéder par analogie, on avait appliqué une norme qui n’était pas en vigueur.

112L’ordonnance de 1629 contient, il est vrai, quelque chose de semblable ; mais les termes ne sont pas ceux que le ministère public a cités ; et en matière criminelle on ne procède pas par assimilation : cet édit de 1629 n’a d’ailleurs été enregistré que par surprise, au parlement de Paris qui, par une sorte de consentement du Roi, ne l’a point considéré comme loi. [...] Déclarer un citoyen coupable pour avoir conservé un dépôt des écrits, fussent-ils incendiaires et subversifs au regard des tous les devoirs religieux et politiques, est donc commettre un excès de pouvoir, et faussement appliquer les lois pénales157.

113Isambert dénonça également la violation de l’édit de 1642 et de celui de 1685, tous deux insérés dans le Code de la Martinique. Comme on l’a vu, l’art. 13 du premier et l’art. 59 du second assimilaient les blancs aux noirs affranchis, tandis que la cour de Guadeloupe avait discriminé les accusés en tant que gens de couleur. La sentence donc – qui considérait les trois accusés coupables d’avoir désavoué la légitimité de l’esclavage naturel et d’avoir trahi la confiance des blancs – violait d’après Isambert les droits inaliénables et imprescriptibles de l’homme, le droit divin et naturel, outre que les actes normatifs de 1642 et de 1685 ainsi que la législation ayant aboli la traite158.

114En soutien du recours en cassation de nombreux appels furent faits au cours de cette période, parmi lesquels ressortaient ceux d’influents et renommés juristes, dont Camille-Hyancinthe-Odilon Barrot, Jean-Baptiste Sirey, Desiré Dalloz, Alphonse-Honoré Taillandier, André-Marie-Jean-Jacques Dupin159. D’après ce dernier – qui aurait partagé avec Isambert les combats politiques pendant la Monarchie de juillet, et qui définissant celui-ci comme « un député courageux » – l’arrêt était contraire à tout principe de droit pénal et contenait de surcroît une assertion contraire au droit naturel, à la morale et surtout à la religion chrétienne « par l’absurde infériorité de race qu’il proclame entre les hommes de couleurs et les blancs. Je plains le pays où une pareille jurisprudence pourrait être impunément proclamée ».

115Lors de l’audience du 29 décembre 1827, près la Chambre criminelle de la Cour de cassation présidée toujours par Portalis, Isambert, en justifiant son pourvoi sur les art. 1-2, tit. 7, du règlement de 1738160, tâcha de donner à son intervention un caractère universel :

116cette cause n’est plus une question de personnes, mais une question de haute civilisation et d’organisation sociale. Bissette, Fabien et Volny ne sont pas les seuls intéressés à sa solution ; ce sont aussi leurs enfants, leurs compatriotes de la Martinique, ce sont leurs frères des autres colonies, ce sont les descendants des Indiens et des races indigènes de l’Amérique, puisqu’ils diffèrent de notre couleur161.

117Après la récapitulation des événements qui avaient mené à la condamnation de ses clients, Isambert évoqua, comme à d’autres occasions, la figure de Jean Calas en tant que symbole d’innocent condamné par le fanatisme de ses accusateurs, et rappela le droit des accusés à la révision du procès. Ceux-ci, à son avis, n’avaient pas joui des garanties prévues par la loi pour tout citoyen parce que dans les colonies régnait « une autre justice »162. Bissette et les autres accusés n’avaient pas été jugés par leurs propres pairs, selon le principe du legale judicium parium suorum qui remontait jusqu’à la Magna Carta, mais par des hommes d’une autre classe et d’une autre couleur, puisque malheureusement, continuait laconiquement Isambert en s’adressant aux trois accusés, « vous êtes nés sur un sol esclave »163. Bien que concernant des hommes libres et des propriétaires, l’avocat défenseur en profita pour attaquer le système esclavagiste en vigueur dans les colonies, dont le procès en cours représentait bien un aspect.

118L’avocat insista sur le fait que la déclaration de 1757 n’avait pas été enregistrée dans les colonies et qu’elle était tombée en désuétude même en France. Par ailleurs, le texte normatif des art. 1 et 2 était tellement flou que n’importe qui aurait risqué d’être condamné à la peine de mort pour la publication ou la diffusion d’un texte critique à l’égard de l’ordre constitué. Le règlement avait en effet été promulgué en une phase historique précise, au cours de laquelle la monarchie française se sentait « menacée » par les philosophes. Il prévoyait :

I. Tous ceux qui seront convaincus d’avoir composé, fait composer et imprimer des écrits tendant à attaquer la religion, à émouvoir les esprits, à donner atteinte à notre autorité, et à troubler l’ordre et la tranquillité de nos États, seront punis de mort. II. Tous ceux qui auraient imprimé lesdits ouvrages, les libraires, colporteurs et autres personnes qui les auraient répandus dans le public, seront pareillement punis de mort164.

119L’art 1 n’était pas applicable puisque Bissette n’avait point été jugé en tant qu’auteur des écrits, alors que l’art. 2, qui concernait les imprimeurs, les libraires, les vendeurs et tous ceux qui diffusaient le texte incriminé en public – « répandus dans le public » – n’était pas non plus applicable à l’accusé, celui-ci n’ayant diffusé le pamphlet que parmi des particuliers. Qui plus est, l’ordonnance de Louis XV, dans les nombreux cas de diffusion de pamphlets en France entre 1757 et 1789, n’avait jamais été appliquée. Et d’ailleurs même les autres actes normatifs invoqués par la Cour – qui étaient définis par Isambert comme les « ordonnances sanguinaires de Charles IX »165 – ne furent jamais promulgués à la Martinique.

120Isambert enfin, en s’adressant aux membres de la Cour, affirma que, si les libres de couleur, propriétaires, exploitants agricoles et contribuables, étaient des citoyens, « il vous est impossible de ne pas casser l’arrêt de la cour de la Guadeloupe, pour violation des lois, constitutives du régime colonial, de l’humanité, de la raison, de la justice »166.

121Malgré cette harangue passionnée, typique du style oratoire d’Isambert167, ce même jour la Cour de cassation rejeta le recours de la défense. Pour ce qui était de la requête de révision, l’arrêt établit que, s’il était vrai que le règlement de 1738 réglait encore le pourvoi en Cassation contre les sentences rendues dans les colonies, néanmoins les dispositions relatives à la révision de la sentence de la part du Conseil du Roi avaient été abrogées de la manière la plus absolue par la loi qui avait institué la cassation ainsi que par les ordonnances ayant organisé le Conseil de Sa Majesté. Par conséquent la Cour de cassation, présidée par Portalis, n’avait pas reçu de la loi le droit de réviser le procès et la sentence. Si, parfois, elle en avait bien été autorisée par quelques lois spéciales pendant les premières années de la Révolution, cela ne représentait que l’exception et non pas la règle. Loin de là, ces exceptions indiquaient clairement qu’elle ne pourrait nullement ordonner la révision du procès, sans dépasser ses compétences, puisqu’aucune loi ne l’y autorisait : « La cour rejette la demande en révision »168.

122Pour ce qui était de l’enregistrement dans les colonies des lois promulguées en France, d’après la Cour suprême celui-ci n’était pas nécessaire pour toute loi précédant l’institution du Conseil supérieur de la colonie. Ainsi, même s’il n’avait pas été enregistré, l’acte de 1757, sur la non-applicabilité duquel avait misé toute la défense, était à considérer comme étant en vigueur en France aussi bien que dans les colonies.

123Quant au fond, les éléments qui avaient persuadé les juges de la cour de la Guadeloupe au sujet du caractère séditieux et diffamatoire du pamphlet, ne pouvaient être soumis à l’évaluation de la Cassation, qui ne jugeait que le droit. Par ailleurs, pour ce qui était du privilège dont jouissaient les cours souveraines d’appliquer les peines avec une vaste marge d’arbitraire, s’il avait été abrogé par la législation révolutionnaire, il résistait pour les cours des colonies françaises, qui étaient encore placées sous « l’empire des lois anciennes »169.

124Les arguments de la Cassation se fondaient presque complètement sur la distinction entre l’ordre constitutionnel en vigueur en France et le système législatif régissant les colonies. Ce dernier reposait principalement sur des règlements et des ordonnances et gardait un châssis institutionnel typique de l’Ancien régime, où le pouvoir arbitraire des juges et l’ingérence de l’exécutif dans le judiciaire se doublaient des discriminations dues à la classe d’appartenance et à la couleur de la peau.

125Finalement, malgré la mobilisation des principaux juristes de la France de la Restauration en faveur de la cassation de la sentence, le 29 décembre 1827 la Cour suprême rejeta le pourvoi, clôturant définitivement l’affaire judiciaire, mais sans aucunement mettre fin à l’affaire politique. Bissette, une fois libéré, se serait installé à Paris où il commença son combat en faveur des gens de couleur libres et, dès le début de la monarchie de Juillet, contre l’esclavage, en devenant l’un des plus radicaux abolitionnistes français170. Isambert pour sa part contribua à la fondation de la Société française pour l’abolition de l’esclavage, en 1834, dont il devint le secrétaire, et milita pour l’émancipation des noirs.

Conclusions

La réforme de l’administration de la justice coloniale

126Les débats judiciaires liés aux déportés de la Martinique contribuèrent à augmenter la division entre colons et libres de couleur et déplacèrent le conflit du combat pour la revendication des droits civils, politiques et de propriété de la part des noirs libres vers le combat, conduit avec les esclaves, pour l’égalité juridique de tous les hommes, pour l’abolition de la traite clandestine et de l’esclavage même. Le développement de cette affaire politico-judiciaire et le retentissement qu’elle eut en France impliqua également la nécessité d’une réforme de l’administration de la justice aux Antilles, outre que dans les autres territoires coloniaux français171.

127Deux ordonnances, promulguées le 9 février 1827 et le 24 septembre 1828, caractérisèrent la réorganisation politique et judiciaire en Guadeloupe et en Martinique. Celle de 1827, proposée par le ministre de la marine Chabrol, introduisit des éléments de nouveauté et de garantie au niveau du gouvernement des deux îles : en tâchant de limiter la « justice des colons » et de rendre les magistrats compétents et indépendants des planteurs ; en ramenant à de justes proportions le pouvoir des juges coloniaux et du Conseil privé. Par conséquent la réduction du nombre des magistrats créoles au profit de ceux provenant de France – demandée presqu’à l’unanimité par tous les réformateurs – provoqua d’âpres conflits entre juges locaux et métropolitains172. Pendant la monarchie orléaniste en effet s’imposa sur la scène coloniale, non seulement à la Martinique, un sujet nouveau : le juge métropolitain qui contribua à introduire dans l’administration de la justice les idées d’émancipation de l’esclavage provenant de l’Europe et à s’opposer au pouvoir des colons173.

128La figure la plus importante dans l’administration des colonies françaises fut sans aucun doute, comme nous l’avons vu, celle du gouverneur. Il avait des fonctions militaires et administratives tandis que l’intendant s’occupait de justice et plus en général de la police. Il avait également la faculté d’exercer la « justice retenue » en matière civile, mais progressivement ce dernier acquit des pouvoirs et des attributions civiles de plus en plus importants au détriment du premier, jusqu’en 1817, lorsqu’au gouverneur furent attribuées aussi bien les fonctions militaires que civiles174. Par l’ordonnance organique de 1827 le gouverneur, dépositaire de l’autorité royale dans les colonies, garda les pouvoirs militaires, administratifs, civils et juridictionnels. Il exerçait également des fonctions extraordinaires : il pouvait par exemple rendre provisoirement exécutoires des actes normatifs qu’il proposait et qui n’étaient pas encore approuvés par le roi, si le Conseil privé l’estimait nécessaire175. Se, en outre, la sécurité de la colonie était en danger, ex art. 73 de l’ordonnance de 1827, « le gouverneur peut même, sans s’arrêter à l’avis émis par le Conseil privé sur ces projets d’ordonnances, les rendre exécutoires ». Cependant, afin d’éviter un excès de contrôle de l’action judiciaire par l’administration coloniale, les possibilités d’ingérence du gouverneur dans l’administration de la justice furent limitées. Par exemple, il ne pouvait ni intervenir dans les questions de compétence des tribunaux ni convoquer aucun habitant de l’île pour des matières civiles ou pénales. Le paragraphe 2 de l’art. 48 établissait qu’ « Il lui est également interdit de s’opposer à aucune procédure civile ou criminelle » et l’art. 49 prévoyait qu’en matière civile il n’avait ni la faculté d’empêcher ni celle de retarder l’exécution des sentences. Il contrôlait la presse de manière discrétionnaire, à travers la concession d’autorisations à la publication des journaux, se réservant le pouvoir de les révoquer en cas d’abus. Exceptionnellement il pouvait ordonner l’expulsion de la colonie de citoyens de condition libre, en violation, entre autres choses, du principe du juge naturel. En matière pénale le gouverneur ordonnait dans le Conseil privé l’exécution des sentences de condamnation ou, lorsque le Conseil décidait qu’il fallait avoir recours à la grâce royale, il prononçait le renvoi (art. 47)176.

129Néanmoins le gouverneur, représentant du roi dans les colonies, était assujetti d’une part au contrôle central du ministère, de l’autre au contrôle local des colons, qui s’exerçait à travers des organes dont le plus important était le Conseil privé. Celui-ci, institué en 1825 près l’île Bourbon, fut établi en Martinique par les ordonnances royales du 21 août 1825 et du 2 janvier 1826, mais il fut réglementé dans les détails par les ordonnances du 9 février 1827, du 31 août 1828 et du 22 août 1833. Composé, en plus du gouverneur, par le capitaine militaire, le directeur de l’intérieur, le procureur général, l’inspecteur des services administratifs et financiers, il avait compétence dans le domaine des contentieux administratifs, il s’occupait des douanes, des finances et des commerces (y compris celui des esclaves) et ses décisions étaient passibles de recours au Conseil d’État.

130En plus de prendre part aux décisions du gouverneur, le Conseil privé avait également le pouvoir, d’après l’ordonnance de 1828, de statuer sur les contentieux administratifs ainsi que sur l’appel pour les sentences rendues par les tribunaux de première instance, concernant les échanges avec l’étranger et le régime des douanes (dans les colonies les tribunaux de commerce n’avaient pas été institués). Même après les réformes de la fin des années 20, le Conseil privé garda des fonctions juridictionnelles ; cependant, suite à la révolution de 1830, il ne pouvait plus fournir d’avis contraignant au sujet de la libération d’esclaves de la part du gouverneur. La réduction des prérogatives du Conseil privé fut considérée par Bissette lui-même comme l’une des rares normes en phase avec les principes constitutionnels introduits par la révolution de juillet, visant à ramener à de justes proportions le pouvoir des colons : « avec le concours des conseillers coloniaux le bien eût été impossible ».

131L’ordonnance de 1827 institua également le Conseil général, ayant des fonctions à caractère consultatif, composé par douze membres nommés par le souverain à partir de propositions présentées par les colons et choisis parmi les classes privilégiées de l’île (art. 190). Si la loi n’excluait pas formellement les hommes de couleur, pour être nommé on devait posséder un patrimoine tellement considérable que les noirs étaient de facto exclus au profit des colons blancs. Le Conseil général rendait son avis annuel sur le budget et sur les frais coloniaux et s’exprimait au sujet des besoins et des nécessités de la colonie (art. 6). Cependant, sa fonction de loin la plus importante était de présenter les candidats parmi lesquels le ministre de la marine choisirait les mandataires à envoyer à Paris, chargés de la tâche de soumettre au gouvernement les doléances et les plaintes provenant des colonies (six représentants pour la Martinique aussi bien que pour la Guadeloupe, trois pour l’île Bourbon). On sait bien, en effet, que les colonies françaises, sauf pendant la courte période 1789-1793, n’avaient pas eu de propres représentants à Paris. La loi du 24 avril 1833 remplaça le Conseil général par le Conseil colonial, lui aussi élu par les propriétaires terriens sur la base d’un système à double niveau, où le patrimoine des éligibles devait être le double de celui des électeurs. Les colonies n’auraient leur représentation parlementaire qu’en 1848 lorsque le gouvernement provisoire républicain conféra aux Antilles le droit d’élire ses propres représentants et, par conséquent, supprima le Conseil colonial le 27 avril de cette même année.

132Mais l’objectif principal des ordonnances organiques de la fin des années 20 était justement de réformer l’administration de la justice, qui avait été jusque là gérée par le Conseil supérieur (ensuite Conseil souverain), institué en Martinique le 11 octobre 1664177 et en Guadeloupe par la déclaration du 1er août 1645178. Établi en 1698 à Fort Royal, il était comparable à un juge d’appel et de dernier ressort, en matière de police et de finance, et prenait part à la fonction législative à travers l’enregistrement des actes souverains et la pratique des remontrances. Par une ordonnance du 22 novembre 1819 il fut supprimé et remplacé par une cour royale, qui deviendrait par la suite cour d’appel. Dans la réorganisation de la justice coloniale, le 24 septembre 1828 le ministre de la marine promulgua une ordonnance, enregistrée en Martinique le 5 mars 1829, visant à rendre les magistrats coloniaux davantage indépendants par rapport au pouvoir des colons et des propriétaires terriens, auxquels ils étaient liés par des intérêts financiers et familiaux. L’art. 112 établissait en effet que :

Nul ne pourra être procureur général ou avocat général s’il est né dans la colonie, s’il y a contracté mariage avec une créole de l’île, ou s’il y possède des propriétés foncières, soit de son chef soit de celui de sa femme. Si le mariage a été contracté ou la propriété acquise postérieurement à la nomination, il sera pourvu à son remplacement.

133Les tribunaux ordinaires étaient représentés par des tribunaux de première instance , par les tribunaux de paix, par une cour royale et par des cours d’assises , alors qu’une juridiction extraordinaire était maintenue. Pour ce qui était du recours à une jus-tice d’exception, prévue par l’institution d’une cour prévôtale, une note ministérielle prévoyait qu’elle ne serait utilisée, confor-mément à la lettre de la Charte de 1814, « que pour des circonstances très graves et avec une excessive réserve, semblable à ces remèdes héroïques qui ne promissent d’effet salutaires que lorsqu’on les emploie rarement et qu’ils n’ont qu’une courte durée ».

134On avait par ailleurs atténué le mélange de l’administration et de la justice, en réduisant les fonctions juridictionnelles du gouverneur. La cour royale, qui avait en France la fonction de juridiction d’appel, jouait dans les colonies un rôle assimilable à celui de la Cour de cassation. De plus, dans les matières pénales, elle aurait établi en première instance et en dernier ressort – sur la base du Code de procédure pénale – le débat oral, la défense et la publicité. En effet les 12 et 19 octobre 1828, deux ordonnances introduisirent le Code de procédure pénale et le Code pénal aussi bien en Guadeloupe qu’en Martinique, et furent enregistrées sur cette île le 5 mars 1829 , en remplacement du règlement du 28 juin 1738.

135Cependant, dans ce nouveau système judiciaire tous les esclaves furent exclus des garanties civiles et politiques, et de nom-breuses difficultés demeurèrent qui concernaient notamment le domaine pénal et tout particulièrement la distinction des trois statuts juridiques des individus. Les plus fortes garanties introduites vers la fin des années 20 prévoyaient, en plus d’un deuxième juge pour l’instruction spécialisé dans les questions pénales et de deux juges suppléants, un avocat d’office pour les esclaves. Même la profession d’avocat, autorisée en Martinique par les ordonnances du 14 juillet 1738 et du 11 décembre 1776, avec des attributions très limitées, ne fut admise librement sur l’île que par l’ordonnance du 15 février 1831 . Cependant la présence de juges créoles continuait de conditionner l’administration de la justice coloniale.

136Au cours de la Restauration se multiplièrent les interventions critiques à l’égard de la traite clandestine et de l’esclavage et, suite aux journées révolutionnaires de juillet 1830, continua le processus, certes ambigu et loin d’être linéaire, d’élargissement des droits de citoyenneté des libres de couleur, sans toutefois mettre en discussion le pouvoir colonial. Dans une perspective plus gé-nérale, nous pouvons affirmer que la Révolution de 1830, de même que les réformes britanniques de la même époque, non seu-lement favorisa les intérêts de la partie dominante de la bourgeoisie libérale sans introduire pour autant d’éléments démocra-tiques, mais qu’elle marqua aussi l’expansion de la domination d’outre-mer française par la conquête de l’Algérie . Cette pé-riode fut néanmoins caractérisée par davantage d’attention du législateur et de l’opinion publique française à l’égard de la ré-forme du système colonial et de la réglementation de l’esclavage.

Notes

2 Abréviations : AN (Archives Nationales de France) ; ANOM (Archives Nationales d’Outre-Mer) ; ADM (Archives Départementales de la Martinique) ; BNF (Bibliothèque Nationale de France) ; Isambert, Recueil (Recueil général des anciennes lois françaises depuis l’an 420 jusqu’à la Révolution de 1789, sous la direction de Jourdan, Decrusy, Isambert, Armet, Taillandier, 29 v., Paris 1821-1833) ; Code de la Martinique (Code de la Martinique, 8 v., Saint-Pierre 1767-1822).

3 B. Durand, Premiers modèles et premières leçons de la justice coloniale, in Le juge et l’outre-mer, I, Phinée le devin ou les leçons du passé, sous la direction de B. Durand, M. Fabre, Montpellier 2005, pp. 13-41.

4 Edit sur l’établissement de la compagnie des Indes de l’Amerique, Narbonne, mars 1642, in Isambert, Recueil, XVI, pp. 540-545 ; art. 13 : « Voulons et ordonnons que les descendans des Français habitants esdites îles, et même les sauvages convertis à la foi chrétienne et en feront profession, soient censés et réputés naturels Français, capables de toutes charges, honneurs, successions et donations, ainsi que les originaires et régnicoles, sans être tenus de prendre lettres de déclaration ou naturalisés », Isambert, Recueil, XVI, p. 544 ; le texte est publié aussi dans le Code de la Martinique, I, pp. 1-9.

5 Parmi les nombreuses éditions, voir M.-L.-E. Moreau de Saint-Méry, Loix et Constitution des colonies françaises de l’Amérique sous le vent, Paris 1784-1790, I, pp. 414-424 ; Code de la Martinique, I, pp. 404-412 ; Isambert, Recueil, XIX, pp. 494-504.

6 Voir L. Peytraud, L’esclavage aux Antilles françaises avant 1789. D’après des documents inédits des archives coloniales, Paris 1897, pp. 143 ss. ; voir aussi P. Haudrère, Code noir, in Dictionnaire de l’Ancien régime. Royaume de France XVIe-XVIIIe siècle, sous la direction de L. Bély, Paris 1996, pp. 274-275 ; G. Patisso, « Le droit des esclaves. I codici neri del 1685 e del 1724 nei territori della nuova Francia », Giornale di Storia Costituzionale, VII, 2007, n. 14, pp. 43-62 ; V.V. Palmer, « Essai sur les origines et les auteurs du Code noir », Revue internationale de droit comparé, L, 1998, n. 1, pp. 111-140 ; L. Sala-Molins, Le Code noir ou le calvaire de Canaan, Paris 1987, n.é. 2007 ; J.-F. Niort, « Homo servilis. Essai sur l’anthropologie et le statut juridique de l’esclave dans le code noir de 1685 », Droits, 2009, v. 50, pp. 120-141 ; Id., Code noir, in Dictionnaire des esclavages, sous la direction de O. Pétré-Grenouilleau, Paris 2010, pp. 155 ss.

7 En Martinique vers la fin de l’Ancien régime les blancs étaient 10.000, les libres de couleur 5.000 et les esclaves 80.000 ; voir E. Daubigny, Choiseul et la France d’outre-mer après le traité de Paris. Étude sur la politique coloniale au XVIIIe siècle, Paris 1892, pp. 4 ss. ; C. Huetz de Lemps, Esclavage, in Dictionnaire du Grand siècle, sous la direction de F. Bluche, Paris 1990, pp. 546-547 ; F. Thésée, Le général Donzelot à la Martinique. Vers la fin de l’ancien Régime colonial (1818-1826), Paris 1997, pp. 7 ss. ; L. Elisabeth, La société martiniquaise aux XVIIe et XVIIIe siècles (1664-1789), Paris - Fort-de-France 2003, pp. 84 ss. ; G. Manceron, Marianne et les colonies. Une introduction à l’histoire coloniale de la France, Paris 2003, p. 71. Parmi les îles du Vent, en Guadeloupe en 1784 on trouvait 1.300 libres de couleur, 13.000 blancs, et, en 1810, 100.000 esclaves ; voir Y. Debbasch, Couleur et liberté. Le jeu du critère ethnique dans un ordre juridique esclavagiste. I. L’affranchi dans les possessions françaises de la Caraïbe (1635-1833), Paris 1967, pp. 263 ss.

8 Voir notamment C.L.R. James, The Black Jacobins. Toussaint Louverture and the San Domingo Revolution, New York 1938, trad. fr. Les Jacobins noirs. Toussaint Louverture et la Révolution de Saint-Domingue, Paris 2008 ; L. Bély, La France moderne. 1498-1789, Paris 1999, p. 72.

9 Pour le texte cf. E. Petit, Droit public, ou Gouvernement des colonies françoises d’après les loix faites pour ces pays, Paris 1771, publié avec introduction et table analytique par A. Girault, Paris 1911, pp. 21 ss. Sur les Compagnies coloniales voir A. Girault, Principes de colonisation et de législation coloniale, I, Paris 1927, pp. 162 ss. ; C. Lecomte, « Les compagnies maritimes et l’État royal : où est la réalité du pouvoir ? », dans le cadre du colloque sur Les colonies (I). Confrontation des systèmes juridiques et acculturation normative organisé par l’Institut d’histoire du droit de Poitiers, Poitiers, 2 et 3 septembre 2010, à paraître.

10 Pour le Sénégal cf. S. Sankale, Quand le directeur de la Compagnie des Indes rend la Justice, in Le juge et l’outre-mer, V, sous la direction de B. Durand, M. Fabre, M. Badji, Lille 2010, pp. 231-244.

11 Une interprétation comparée des deux textes, 1685 et 1724, est offerte par L. Sala-Molins, Le Code noir, op. cit., pp. 89 ss. ; et aussi par J.-F. Niort, J. Richard, in Droits, 2009, v. 50, pp. 145-161.

12 Voir M. Foucault, « Il faut défendre la société ». Cours au Collège de France (1976), Paris 1997, pp. 52 ss. ; Id., Naissance de la biopolitique. Cours au Collège de France (1978-1979), Paris 2004 ; cf. E. Traverso, Biopouvoir. Les usages historiographiques de Michel Foucault et Giorgio Agamben, in Id., L’histoire comme champ de bataille. Interpréter les violences du XXe siècle, Paris 2011, pp. 185-209.

13 D.-A. Mignot, « La matrice romaine de l’édit de mars 1685, dit le Code noir », in Du Code noir au Code civil. Jalons pour l’histoire du droit en Guadeloupe, sous la direction de J.-F. Niort, Paris 2007, pp. 87 ss. ; L’édit royale de mars 1685 touchant la police des îles de l’Amérique française dit “Code noir” : Versions choisies, comparées et commentées par J.-F. Niort, J. Richard, in Droits, 2009, v. 50, pp. 143-161 ; contra, pour exemple, V.V. Palmer, Essai sur les origines, op. cit., p. 116 : « le Code noir est un code rédigé dans les Antilles par les plus hauts responsables des îles : le Gouverneur-Général et l’Intendant. [...] Le fondement du Code se trouve dans les cinquante années de pratique de l’esclavage que la France acquit dans le Nouveau Monde avant de promulguer le Code et non pas dans sa confiance dans l’ancien droit romain ».

14 A. Padoa Schioppa, Storia del diritto in Europa. Dal medioevo all’età contemporanea, Bologna 2007, p. 322.

15 L. Sala-Molins, Le Code noir, op. cit., p. VIII ; mais aussi A. Castaldo, Présentation à Codes noirs. De l’esclavage aux abolitions, Introduction de C. Taubira, Paris 2006, pp. 3 ss. ; contra J.F. Niort, « Homo servilis », op. cit., p. 134.

16 Y. Debbasch, Couleur et liberté, op. cit., pp. 30 ss.

17 Voir C. Biondi, Mon frère, tu es mon esclave! Teorie schiaviste e dibattiti antropologico-razziali nel Settecento francese, Prefazione di C. Rosso, Pisa 1973, pp. 17 ss. ; sur l’Amérique du sud voir H. Vignaux, Esclavage et rébellion. La construction sociale des Noirs et des Mulâtres (Nouvelle Grenade – XVIIe siècle), Montpellier 2007, pp. 101 ss. ; A. Pagden, The fall of natural man. The American Indian and the origins of comparatives ethnology, Cambridge 1982.

18 E. Benveniste, Le vocabulaire des institutions indo-europeennes. I. Économie, parenté, société, Paris 1969.

19 Gai 1, 9 ; mais aussi I. 1, 3 pr. ; D. 1, 5, 3 ; cf. G. Santangelo, Schiavitù, in Enciclopedia Giuridica Italiana, XV, 1905, I, pp. 769-823 ; G. Franciosi, Schiavitù (dir. rom.), in Enciclopedia del Diritto, XLI, pp. 620-632 ; J. Gaudemet, « Membrum, persona, status », Studia et Documenta Historiae et Iuris, LXI, 1995, p. 2 ; B. Pasciuta, « Homines aut liberi sunt aut servi : riflessione giuridica e interventi normativi sulla condizione servile fra medioevo ed età moderna », in Schiavitù, religione e libertà nel Mediterraneo di età medievale e moderna, sous la direction de G. Fiume, Incontri mediterranei, XVII, 2008, nn. 1-2, pp. 48-60 ; F. Reduzzi Merola, Droit antique, in Dictionnaire des esclavages, op. cit., pp. 193 ss. ; A. Paturet, « L’individu entre l’homme et la chose. Note sur l’esclave en droit romain », in L’esclavage : la question de l’homme. Histoire, religion, philosophie, droit/2, Droits, 2010, n. 51, pp. 3-26.

20 Gai 2.14-22 ; cf. M. Marrone, Istituzioni di Diritto Romano, Palermo 2006, pp. 200 ss.

21 Voir G. Santangelo, Schiavitù, op. cit., pp. 787 ss. ; M. Marrone, Istituzioni, op. cit., pp. 187 ss. ; cf. aussi O. Pétré-Grenouilleau, Affranchissement, in Dictionnaire des esclavages, op. cit., pp. 60 ss.

22 A. Castaldo, Présentation à Codes noirs, op. cit., p. 8.

23 A. Schiavone, Spartaco. Le armi e l’uomo, Torino 2011, p. VIII.

24 L. Peytraud, L’esclavage aux Antilles, op. cit., pp. 154 ss. ; Y. Debbasch, Couleur et liberté, op. cit., pp. 30 ss. ; M.I. Finley, Esclavage antique et idéologie moderne, Paris 1981, pp. 14 ss. ; Sala-Molins, Le Code noir, op. cit., passim ; A. Castaldo, Présentation à Codes noirs, op. cit.

25 L. Peytraud, L’esclavage aux Antilles, op. cit., p. 155.

26 Cf. Ph.-A. Merlin de Douai, Répertoire universel et raisonné de jurisprudence, 4e éd., Paris 1811, Esclavage, tome IV, pp. 836-844.

27 Par exemple, en Nouvelle Grenade « les principales obligations incombant aux maîtres permettant de “justifier” l’état de servitude n’étaient pas remplies », H. Vignaux, Esclavage et rébellion, op. cit., p. 99 ; voir aussi M. Lucena Salmoral, Le esclavitud en América española, Warszawa 2002, p. 238 ; « Cuba et l’esclavage », Cahiers des Anneaux de la Mémoire, VII, 2005.

28 L. Benoiton, Le droit de l’esclave d’ester en justice contre son maître. Réflexions sur une disposition du Code noir protectrice de l’esclave, in Esclavage et droit, op. cit., pp. 43-52.

29 Voir P. de Vaissière, Saint-Domingue (1629-1789), Paris 1909, pp. 186-188.

30 L. Peytraud, L’esclavage aux Antilles, op. cit., pp. 149-150.

31 A. Castaldo, Présentation à Codes noirs, op. cit., p. 11 ; voir aussi L. Sala-Molins, Le Code noir, op. cit., p. 77 ; P. Haudrère, entrée Code noir, op. cit., p. 274.

32 Y. Debbasch, « Au cœur du “gouvernement des esclaves” », op. cit., p. 34 ; C. Oudin-Bastide, « La dialectique entre justice domestique des maîtres et justice publique du roi (Guadeloupe, Martinique, XVIIe-XIXe siècles) », Droits, 2010, v. 51, pp. 75-90.

33 « En tant qu’esclave, être humain juridiquement dépendant et socialement infériorisé, l’homo servilis est d’abord membre d’une classe et d’une caste, soumis à un statut juridique déterminé dans l’ordre social colonial. Puis, en tant qu’objet de propriété doté d’une valeur économique, il est aussi juridiquement réifié, ou plus exactement patrimonialisé par le droit, il devient alors un bien », J.-F. Niort, « Homo servilis », op. cit., p. 129.

34 Cf. D.-A. Mignot, « Le droit romain aux Antilles : la pratique des affranchissements », Revue historique de droit français et étranger, 2001, n. 79, pp. 347-360.

35 L. Sala-Molins, Le Code noir, op. cit., pp. 108 ss. ; G. Patisso, « Le droit des esclaves », op. cit., pp. 51 ss.

36 Il y avait quelques distinctions dans les diverses versions de l’art. 59 : celle utilisée par le Code de la Martinique et par Isambert, plus libérale, établissait : « Octroyons aux affranchis les mêmes droits, privilèges et immunités dont jouissent les personnes nées libres ; voulons que le mérite d’une liberté acquise produise en eux, tant pour leurs personnes que pour leurs biens, les mêmes effets que le bonheur de la liberté naturelle cause à nos autres sujets » ; en revanche dans les Loix et Constitution de Moreau de Saint-Méry il y avait une difference remarquable : « Octroyons aux affranchis les mêmes droits, privilèges et immunités dont jouissent les personnes nées libres ; voulons qu’il mérite une liberté acquise et qu’elle produise en eux, tant pour leurs personnes que pour leurs biens, les mêmes effets que le bonheur de la liberté naturelle cause à nos autres sujets ». L’expression “qu’il mérite une liberté acquise” plutôt que “le mérite d’une liberté acquise”, semble vouloir dire que la liberté n’était pas acquise pleinement par les affranchis, mais qu’ils dévaient la méritait.

37 M. Marrone, Istituzioni, op. cit., pp. 204 ss.

38 Y. Debbasch, Couleur et liberté, op. cit., p. 32 ; Y. Benot, La modernité de l’esclavage. Essai sur la servitude au cœur du capitalisme, Paris 2003, p. 124 ; L. Sala-Molins, Le Code noir, op. cit., pp. 200-201 ; L. Elisabeth, La société martiniquaise, op. cit., pp. 244 ss. ; A. Castaldo, Présentation à Codes noirs, op. cit., pp. 7 ss. ; J. Ehrard, Lumières et esclavage. L’esclavage et l’opinion publique en France au XVIIIe siècle, Bruxelles 2008, pp. 38 ss. ; L. Bély, La France au XVIIe siècle. Puissance de l’État, contrôle de la société, Paris 2009 ; contra L. Peytraud, L’esclavage aux Antilles, op. cit., pp. 157 ss., et, plus nuancée, J.-F. Niort, « Homo servilis », op. cit.

39 L. Sala-Molins, Le Code noir, op. cit., pp. 200-201.

40 « Des acte émanés de l’autorité royale, ordonnances, édits, déclarations, lettres patentes, étaient la source de la législation particulière aux colonies. Mais en dehors de ces actes spéciaux, un grande difficulté existait sur le point de savoir dans quelle mesure il fallait appliquer aux colonies les lois en vigueur en France. Sans doute, à plusieurs reprises, le roi avait ordonné de se conformer à la coutume de Paris et de rendre la justice aux colonies suivant les lois et les ordonnances du royaume. Mais souvent cette législation métropolitaine était ignorée ou difficilement applicable aux colonies », A. Girault, Principes de colonisation, op. cit., I, pp. 204-205.

41 L. Bély, La France au XVIIe siècle, op. cit., p. 598 ; selon Louis Sala-Molins le Code « théoriquement apparaît comme un ensenmble de lois articulant une série de droits et de devoirs d’exception au concert général de la loi française ou, plus modestement, aux usages juridiquement retenus en métropole. […] Mais le code blanc est à son tour fondé sur des principes dont la négation radicale est indispensable à l’existence du Code noir et à son fonctionnement », Le Code noir, op. cit., p. 73 ; contra M. Santoro, Il tempo dei padroni. Gerarchia, schiavitù, potere nell’antropologia di Antico Regime (Haiti 1685-1805), Milano 1998, pp. 83 ss.

42 Voir J.-L. Halpérin, L’impossible Code civil, Paris 1992, pp. 37-38 ; J.-M. Carbasse, « Le roi législateur : théorie et pratique », Droits, XIX, 2003, pp. 18 ss. ; Id., Manuel d’introduction historique au droit, Paris 2006, pp. 196 ss.

43 Y. Debbasch, Couleur et liberté, op. cit., pp. 34 ss. ; voir aussi C. Biondi, « Le problème des gens de couleur aux colonies et en France dans la seconde moitié du XVIIIe siècle », Cromohs, VIII, 2003, pp. 1-12; J.-F. Niort, « La condition des libres de couleur aux Iles du Vent (XVIIIe-XIXe siècle) : ressources et limites d’un système ségregationniste », Cahiers aixois d’histoire des droits de l’outre-mer français, 2004, n. 2, pp. 61-119.

44 Voir S. Peabody, « There are no slaves in France ». The political culture of race and slavery in the Ancien régime, New York-Oxford 1996 ; Ead., « La question raciale et le “sol libre de France” : l’affaire Furcy », Annales. Histoire, Sciences sociales, LXIV, 2009, n. 6, pp. 1305-1334.

45 « In the late eighteenth century, free colored were at most 8 percent of the total slave population in the French and British colonies », H.S. Klein, The Atlantic Slave Trade, Cambridge 1999, p. 35.

46 Cf. C. Biondi, « Le problème des gens de couleur », op. cit.

47 É. Petit, Traité sur le Gouvernement des esclaves, Paris 1777, p. 111. Ici et ailleurs, les italiques dans les citations sont le fait des auteurs cités.

48 Cf. A. Lebeau, De la condition des Gens de couleur libres sous l’ancien régime, Poitiers 1903, pp. 3 ss.

49 A. Castaldo, Présentation à Codes noirs, op. cit., pp. 6-7.

50 En Martinique vers la fin de la Restauration on trouvait 9.937 blancs, 10.786 libres de couleur, 81.142 esclaves, pour un total de 101.865 ; voir l’État sommaire, Martinique, 1826, conservé aux ANOM, Fonds ministeriels, Série géographique, Martinique, Carton 52, dossier 432 ; voir aussi ADM, CG (Correspondance générale), C8A105, 1802.

51 ANOM, Fonds ministeriels, Série géographique, Martinique, Carton 51, dossiers 409-429.

52 Voir M.D. Kennedy, « The Bissette Affair and the French Colonial Question », The Journal of Negro History, XLV, 1960, n. 1, pp. 1-10 ; F. Thésée, Le général Donzelot, op. cit., pp. 114-145 ; S. Pâme, Cyrille Bissette. Un martyr de la liberté, Fort-de-France 1999 ; E. Mesnard, « Résistance Movements in the French Colonies : The Bissette Affair (1823-1827) », Les abolitions de l’esclavage. De L.F. Sonthonax à V. Schœlcher, 1793-1794-1848, sous la direction de M. Dorigny, Paris-Santi-Denis 1995, pp. 255 ss. ; L.-R. Abénon, « La résistance à l’oppression esclavagiste. Les Révoltes serviles à la Martinique de 1789 à 1831 », Rétablissement de l’esclavage dans les colonies françaises (1802). Aux origines de Haïti : ruptures et continuité de la politique coloniale française (1800-1830), sous la direction de Y. Benot, M. Dorigny, Paris 2003, pp. 241-250 ; R.H. Schloss, Sweet Liberty. The Final Days of Slavery in Martinique, Philadelphia 2009, pp. 99 ss. ; C. Oudin-Bastide, Cyrille Bissette, in Dictionnaire des esclavages, op. cit., p. 123.

53 Bissette en 1822 avait participé à la répression d’une revolte d’esclaves ; voir Y. Benhanzin Joseph-Noel, « Les esclaves et affranchis des Petits Antilles françaises et des colonies espagnoles dans les conflits internes, les guerres coloniales et les luttes pour la liberté », Cahiers des Anneaux de la Mémoire, I, 1999, pp. 279-295.

54 F. Régent, La France et ses esclavages. De la colonisation aux abolitions (1620-1848), Paris 2007, pp. 282 ss.

55 Y. Debbasch, Couleur et liberté, op. cit., pp. 276 ss. ; F. Thésée, Le général Donzelot, op. cit. ; S. Pâme, Cyrille Bissette, op. cit., pp. 48 ss.

56 Pour le projet d’adresse à la Chambre des députés voir Cour de cassation. Consultations et mémoires à l’appui du recours en cassation des hommes de couleur, Bissette, Fabien et Volny, contre l’arrêt de la cour royale de la Guadeloupe, du 28 mars 1827, Paris 1827, pp. 55-65 ; voir aussi le manuscrit du 25 avril 1824, ANOM, Fonds ministeriels, Série géographique, Martinique, Carton 51, Dossier 419 : Evénements de décembre 1823. Notes et rapports du bureau d’administration de la Direction des Colonies (1824-1825).

57 Adresse à la Chambre des députés, in Cour de cassation. Consultations et mémoires, op. cit., p. 60 et p. 61.

58 C.L.R. James, Les Jacobins noirs, op. cit., p. 67 ; voir aussi Y. Benot, La Révolution française et la fin des colonies, Paris 1989, pp. 60 ss. ; M. Santoro, Il tempo dei padroni, op. cit., pp. 110 ss.

59 De la situation des gens de couleur libres aux Antilles françaises, Paris 1823, pp. 9-10.

60 J.-E. Morenas, Précis historique de la traite des noirs et de l’esclavage colonial, contenant l’origine de la traite, son progrès, son état actuel, Paris 1828, p. 247.

61 De la situation des gens de couleur libres, op. cit., pp. 16-17.

62 Le règlement colonial, 11 novembre 1823, défendait « à tous les gens de couleur libres ou esclaves, d’excercer d’une manière quelconque la pharmacie ; de vendre ou distribuer aucune drogue ou remède secrets, à peine de poursuites extraordinaires » (art. 39) ; voir le Règlement sur l’exercice de la pharmacie dans la Colonie, 11 novembre 1823, ADM, Série U, Justice, 2U, Cour royale de la Martinique, 10 septembre 1820 - 30 novembre 1825, ff. 232-239 ; et voir aussi le Règlement du 13 juin 1828, ivi, novembre 1825 - septembre 1832, ff. 97v-98.

63 Ordonnance du Gouverneur administrateur portant création d’une cour prévôtale pour la répression des crimes d’empoisonnement, Code de la Martinique, VIII, pp. 356-363 ; le manuscrit se trouve aussi aux ADM, Cours souveraine de la Martinique, 10 septembre 1820 - 30 novembre 1825, ff. 99-106. Voir Y. Debbasch, « Opinion et droit. Le crime d’empoisonnement aux îles pendant la période esclavagiste », Revue française d’histoire d’outre-mer, LI, 1963, pp. 137-188 ; G. Leti, « L’empoisonnement aux Antilles françaises à l’époque de l’esclavage (1724-1848) », in L’esclave et les plantations. De l’établissement de la servitude à son abolition. Un hommage à Pierre Pluchon, sous la direction de Ph. Hrodej, Rennes 2008, pp. 209-227 ; J. Savage, « Between Colonial Facts and French Law : Slave Poisoners and Provostial Court in Restoration-Era Martinique », French Historical Studies, XXIX, 2006, n.4, pp. 567-568 ; M. Fioravanti, « Fonti e documenti per una storia della giustizia coloniale francese. Le giurisdizioni penali straordinarie nella Martinica della Restaurazione », à paraître.

64 Cf. J.-F. Niort, « La condition des libres de couleur », op. cit., pp. 72 ss.

65 Cf. G. Manceron, Marianne et les colonies, op. cit., p. 69 ; P. Delpiano, La schiavitù in età moderna, Roma-Bari 2009, p. 43.

66 Cf. A. Esmein, Histoire de la procédure criminelle en France et spécialement de la procédure inquisitoire depuis le XIIIe siècle jusq’à nos jours, Paris 1882, pp. 177 ss. ; D. Salas, Du procès pénal, Paris 1992 ; A. Laingui Introduction au Code Louis, II, Ordonnance criminelle, Milano 1996 ; J.-M. Carbasse, Histoire du droit pénal et de la justice criminelle, Paris 2009, pp. 208 ss. ; P. Cipolla, La giustizia della spada. Origini e ideologia dell’Ordonnance criminelle, Prefazione di N. Picardi, 1670, Roma 2011.

67 Y. Debbasch, Couleur et liberté, op. cit., pp. 264 ss. « S’ils [les libres de couleur] “n’omettent point ce qui peut ajouter à l’instruction de leurs enfants”, c’est qu’ils voient dans cet alignement sur la classe dominante un signe de leur promotion, tout autant qu’un moyen de la mieux réaliser ; les colons l’ont bien compris, qui s’opposeront en 1828 à ce que leur soit donné à la Guadeloupe même, c’est-à-dire sans les frais d’un séjour prolongé hors de l’Ile, un enseignement d’un niveau supérieur à celui dispensé dans les modestes écoles alors existantes », pp. 264-265 ; « Les libres de couleur possèdent environ 20% des esclaves de Saint-Domingue et 5% en Guadeloupe, à la veille de la Révolution », F. Régent, Libres de couleur, op. cit., p. 317 ; voir aussi C. Oudin-Bastide, Travail, capitalisme et société esclavagiste, Paris 2004, p. 92.

68 Sur Isambert – Chevalier de l’ordre royal de la Légion d’honneur, 30 avril 1836, AN, Lh 1336/16 – voir AN, BB/1/144 à 147 ; BB/33/3 avril 1836 ; BNF Département des manuscrits, NAF, 13239 et NAF 23769-23772 ; La littérature française contemporaine : XIXe siècle, IV, Paris 1852, pp. 359-360 ; A. Taillandier, Isambert (François-André), in Nouvelle biographie générale depuis le temps plus reculés jusqu’à nos jours, XXVI, Paris 1858, pp. 42-46 ; Isambert (François-André), in Dictionnaire des parlementaires français, III, Paris 1890, p. 384 ; C. Meyer, Isambert (François-André), in Dictionnaire de biographie française, XVIII, Paris 1989, col. 206-207 ; J.-L. Halpérin, Isambert François-André, in Dictionnaire historique des juristes français XIIe-XXe siècles, sous la direction de P. Arabeyre, J.-L. Halpérin, J. Krynen, Paris 2007, p. 418.

69 ANOM, Fonds ministeriels, Série géographique, Martinique, Carton 51, dossier 428.

70 Voir le Rapport adressé par M. de Champvallier Procureur du Roi de S. Pierre au Gouverneur et administrateur pour le Roi en date du 21 décembre 1823, conservé aux ANOM, Fonds ministeriels, Série géographique, Martinique, Carton 29, dossier 251 ; mais aussi Affaire des gens de couleur soupçonnés de complot en décembre 1823, condamnés à la déportation (Bissette, Fabien, Volny, etc.). État nominatif. Correspondance (1823-1824), in ANOM, Fonds ministeriels, Série géographique, Martinique, Carton 51, dossier 409 ; très important le manuscrit Liberté accordée au nègre Modeste, esclave, pour avoir révélé l’existance d’un complot (1824), conservé aux ANOM, Fonds ministeriels, Série géographique, Martinique, Carton 18, dossier 158.

71 Copie d’une pièce trouvée dans les papiers de Francisque, mulatre libre de la Basse Pointe, écrite de sa mains, 28 décembre 1823, ANOM, Fonds ministeriels, Série géographique, Martinique, Carton 51, dossier 417, Evénement de décembre 1823. Décisions rendus par le Conseil spécial de Gouvernement (déc. 1823 – jan. 1824).

72 Gouverneur de la Martinique de 1817 à 1826 ; cf. ANOM, Fonds ministeriels, EE. 722/46, Dossier François-Xavier Donzelot ; voir aussi l’entrée Donzelot (François-Xavier, comte), in Dictionnaire biographique des Généraux & amiraux français de la Révolution et de l’Empire (1792-1814), Paris 1934, I, p. 366 ; F. Thésée, Le général Donzelot, passim.

73 Adresse des colons au général Donzelot, gouverneur de la Martinique, in J.-E. Morenas, Précis historique de la traite des noirs, op. cit., pp. 288 ss.

74 ANOM, Fonds ministeriels, Série géographique, Martinique, Carton 51, dossier 417, Evénement de décembre 1823, op. cit.

75 Voir le manuscrit Lettre écrite à M. le Gouverneur de la Martinique par M. Richard de Lucy, Procureur général par interim, conservé aux ANOM, Fonds ministeriels, Série géographique, Martinique, Carton 29, dossier 251.

76 Rapport adressé par M. Richard de Lucy Procureur général, au Gouverneur et administrateur pour le Roi, op. cit.

77 Le roi avait nommé Donzelot gouverneur et administrateur de la Martinique, ANOM, Fonds ministeriels, EE. 722/46, Dossier François-Xavier Donzelot.

78 Aimé Marie Gaspard de Clermont-Tonnerre, ministre de la marine et des colonies du 14 décembre 1821 au 4 août 1824.

79 Dépêche ministerielle au gouverneur sur l’illégalité des déportations extrajudiciaires par lui ordonnées, 17 janvier 1822, in Code de la Martinique, VII, pp. 320-321.

80 « Exercée par un homme jouissant de prérogatives immenses, cette monarchie sui generis est jugée nécessaire pour s’imposer face à une “race” autochtone qui continue de se livrer à la piraterie, aux pillages et aux vols », O. Le Cour Grandmaison, De l’indigénat, op. cit., p. 9 ; voir aussi P. Guillaume, Le Monde Colonial, XIXe-XXe siècle, Paris 1994, pp. 145-146.

81 ANOM, Fonds ministeriels, Série géographique, Martinique, Carton 51, dossier 415.

82 Décision du Conseil spécial de Gouvernement, portant condamnation au banissement de plusieurs individus de couleur, 5 février 1824, ANOM, Fonds ministeriels, Série géographique, Martinique, Carton 29, dossier 251. Voir aussi Conseil spécial de Gouvernement, 27 décembre 1823-5 février 1824, ANOM, Fonds ministeriels, Série géographique, Martinique, Carton 51, dossier 409.

83 Voir la lettre de Donzelot au ministre de l’interieur, 12 mars 1824, ivi ; voir aussi ANOM, Fonds ministeriels, Série géographique, Martinique, Carton 51, Dossier 419, Evénements de décembre 1823, op. cit.

84 ANOM, Fonds ministeriels, Série géographique, Martinique, Carton 51, dossier 409.

85 Décision du Conseil spécial de Gouvernement dans le complot des gens de couleur libres, de S. Pierre, 27 décembre 1827, ANOM, Fonds ministeriels, Série géographique, Martinique, Carton 29, dossier 251.

86 Décision du Conseil spécial de Gouvernement relative aux nommé […] accusé de complicité dans le complot de gens de couleur libres, de S. Pierre, 5 janvier 1824, ANOM, Fonds ministeriels, Série géographique, Martinique, Carton 29, dossier 251 ; Décision du Conseil spécial de Gouvernement, relative à divers individus de couleur accusés de complicité dans les projets coupables d’agitateurs de leur classe, et d’être des perturbateurs du repos public, 16 janvier 1824, ivi ; Décision du Conseil spécial de Gouvernement portant condamnation de plusieurs individus de couleur, au banissement à perpétuité, 25 janvier 1824, ivi.

87 ANOM, Fonds ministeriels, Série géographique, Martinique, Carton 51, dossier 414 et 416 ; selon J.-E. Morenas (Précis historique de la traite des noirs, op. cit., p. 296) les déportés furent 260.

88 Ordonnance du Roi qui nomme M. Girard, Procureur général de la Martinique, 16 février 1824, ADM, Série U, Justice, 2U, Cour royale de la Martinique, 10 septembre 1820 - 30 novembre 1825, ff. 267-268 ; voir aussi M. Girard, Procureur général de la Colonie de la Martinique, 1824-1826, in ANOM, Fonds ministeriels, Série géographique, Martinique, Carton 29, dossier 252 ; dossier manuscrit conservé aux AN, BB/30/ 614, Demandes de places et renseignements sur les candidats, les magistrats, l’organisation des tribunaux dans les Colonies. Voir le Procès-verbal d’installation de M. Girard, Procureur général de la Martinique, du 2 mars 1824, avec interventions de Lucy et Donzelot, ADM, Série U, Justice, 2U, Cour royale de la Martinique, 10 septembre 1820 - 30 novembre 1825, ff. 276-288 ; voir aussi État de services de M. Gabriel Girard, AN, BB/30/ 614.

89 Rapport sur les derniers événements de la Martinique, en date du 27 février 1824, in ANOM, Fonds ministeriels, Série géographique, Martinique, Carton 29, dossier 251.

90 C. Cassina, Idee, stampa e reazione nella Francia del primo Ottocento, Manduria-Bari-Roma 1996, p. 13 ; voir une lettre du ministre de la marine, 7 février 1825, au gouverneur de la Martinique pour faire insérer des opinions favorables dans le Moniteur, in ANOM, Fonds ministeriels, Série géographique, Martinique, Carton 51, dossier 424.

91 Fort Royal (Martinique), 29 mars 1824, in Moniteur, 1er mai 1824, p. 509.

92 Lettre de M. Isambert, op. cit., pp. 24 ss.

93 ANOM, Fonds ministeriels, Série géographique, Martinique, Carton 51, dossier 416.

94 Première Déclaration de pourvoi en cassation, 21 mai 1824 ; Deuxième Déclaration de pourvoi en cassation, 23 juillet 1824, AN, BB/20/1/6, Dossier 2, Affaire des nommés Bissette, Fabien fils et Volny.

95 ANOM, Fonds ministeriels, Série géographique, Martinique, Carton 51, dossier 416.

96 F.-A. Isambert, Mémoire à consulter, Paris 1824, in Affaire des déportés de la Martinique, 1823-1824, Mémoires, consultations, pièces justificatives, etc., Paris 1825, pp. 65-75.

97 Ivi, pp. 73-74.

98 Ivi, p. 56 et pp. 62-63 ; voir la liste des déportés, ivi, pp. 81-115.

99 F.-A. Isambert, Demande au Conseil d’État, afin de mise en jugement du Sous-Préfet de Brest et du Commandant du navire le Chameau, in Affaire des déportés de la Martinique, op. cit., pp. 123-126 ; voir aussi Id., Mémoire au Conseil d’État pour les déportés de la Martinique, à fin d’autorisation de mise en jugement du Sous-Préfet de Brest et du Commandement du navire le Chameau, Pour détention arbitraire et séquestration de personnes, Paris 21 mai 1824.

100 F.-A. Isambert, À la Chambre des Pairs du Royaume. Plainte pour les déportés de la Martinique, contre le général Donzelot, gouverneur général et administrateur, pour le Roi, de la colonie de la Martinique, Paris 1824, p. 2.

101 « La Chambre des pairs connaît des crimes de haute trahison et des attentats à la sûreté de l’État qui seront définis par la loi ».

102 Discours du ministre de la Marine à la Chambre des député, séance du 17 juillet 1824, ANOM, Fonds ministeriels, Série géographique, Martinique, Carton 51, dossier 420.

103 ANOM, Fonds ministeriels, Série géographique, Martinique, Carton 51, dossier 414.

104 ANOM, Fonds ministeriels, Série géographique, Martinique, Carton 51, dossier 424.

105 Voir ADM, Série K, Conseil privé, 5K 7, ff. 41-42, Examen d’un projet d’ordonnance royale sur les affranchissements dans les colonies françaises, 22 février 1834 ; la position des colons était très claire : « que la liberté sera toujours acquise à l’esclave qui aura touché le territoire franc du Royaume par quelques moyen qu’il y soi parvenu. Ici se trouverait une récompense pour la conduite la plus hostile envers la tranquillité publique puisque tous ceux qui s’evadent des colonies françaises pourraient, en se rendant en France de St. Lucie ou la Dominique, en passant sur les navires anglais comme matelots, revenir ensuite à la Martinique jouir de la liberté qu’ils avaient acquise par le dol et la fraude. Quel exemple pour les esclaves bons sujet qui attendent de leurs maîtres une récompense qu’ils verraient donner à des noirs dont la pluspart se seraient soustraits à des chatiments que réclamait leurt mauvaise conduite », f. 42v.

106 Pair de France, Christophe Chabrol de Crousol fut ministre de la marine et des colonies du 4 août 1824 au 3 mars 1828.

107 ANOM, Fonds ministeriels, Série géographique, Martinique, Carton 51, dossier 420.

108 Lettre du 29 avril 1825, in ivi.

109 Moniteur, 26 mars 1826, p. 384.

110 À la Chambre des Pairs du Royaume, manuscrit conservé aux ANOM, Fonds ministeriels, Série géographique, Martinique, Carton 50, dossier 407 ; voir aussi Pétition des hommes de couleur libres de la Martinique. Qui depuis deux ans attendent, dans les Prisons de Brest, l’envoi de la procédure, à la suite de laquelle ils ont été condamnés aux Galères perpétuelles, déposée à la Chambre des Pairs le 22 mars 1826.

111 F.-A. Isambert, Observations pour les déportés de la Martinique, en réponse à quelques opinions émises à la tribune de la Chambre de Députés (Séance du 8 janvier 1825), Paris 1825, pp. 7-8.

112 Art. 57 et 59 de l’édition de 1685 et art. 52 et 54 de celle de 1724.

113 F.-A. Isambert, Observations pour les déportés de la Martinique, op. cit., p. 14.

114 Quelques exemples in ANOM, Fonds ministeriels, Série géographique, Martinique, Carton 51, dossiers 427-428.

115 ADM, Série M, 1M 18158, Dépêches ministérielles, 3 février 1829.

116 « Les conspirateurs prétendus ont été éloignés de la colonie par une mesure administrative, et les simples distributeurs de la brochure ont été condamnés aux galères perpétuelles et à la flétrissure », F.-A. Isambert, Mémoire pour les déportés de la Martinique, op. cit., p. 55.

117 L. de Gouvion-Saint-Cyr, Mémoire pour servir d’Instruction au siuer lieutenant géneral Donzolet, gouverneur et administrateur pour le Roi à la Martinique (1817), cité par F. Thésée, Le général Donzelot, op. cit., pp. 7-8.

118 P. Dessalles, La vie d’un colon à la Martinique au XIXe siècle. Correspondance 1808 - 1834, présentée par H. de Frémont, sl, 1980, p. 26 ; voir aussi Mœurs des trois couleurs aux Antilles ou lettre de la Martinique sur les vices du système colonial dans les colonies françaises, Paris 1822 (ouvrage attribuée à de Lucy, selon R.H. Schloss, Sweet Liberty, op. cit., p. 95).

119 Réquisitoire du Procureur du Roi du Fort Royal dans le procès criminel contre le né Bissette et consorts, 13 décembre 1823, pour le président du tribunal de première instance de Fort Royal, ANOM, Fonds ministeriels, Série géographique, Martinique, Carton 29, dossier 251.

120 ANOM, Fonds ministeriels, Série géographique, Martinique, Carton 29, dossier 252.

121 Le texte de l’arrêt se trouve aux ANOM, Fonds ministeriels, Série géographique, Martinique, Carton 51, dossier 420 ; voir aussi À la Chambres des pairs. Pétition addittionnelle pour Bissette, Fabien fils et Volny, avril 1826.

122 À la Chambres des pairs. Pétition addittionnelle, op. cit., p. 27.

123 Arrêt de 4 janvier 1828 de la Chambre criminelle de la Cour de cassation, ANOM, Fonds ministeriels, Série géographique, Martinique, Carton 51, dossier 427 ; voir aussi ADM, Série U, Justice, 2U, Cour royale de la Martinique, novembre 1825 - septembre 1832, ff. 94v-95 ; et Mémoires pour les hommes de couleur, Paris 1828, pp. 1-4.

124 Manuscrit de la Cour royale de la Martinique, 11 mai 1824, conservé aux AN, BB/20/1/6, Dossier 2, Affaire des nommés Bissette, Fabien fils et Volny.

125 Voir Claude-François Chauveau-Lagarde, in J. Tulard, J.-F. Fayard, A. Fierro, Histoire et dictionnaire de la Révolution française, Paris 1987, p. 645.

126 Cf. J.-M. Carbasse, Histoire du droit pénal, op. cit., pp. 434 ss.

127 F.-A. Isambert, À S. G. Monseigneur le Garde-des-Sceaux, in Affaire des déportés de la Martinique, op. cit., p. 79.

128 Le ministre de la marine soutenait que « l’ordonnance de 1670, qui régit encore la Martinique quant aux affaires criminelles, porte que l’exécution du jugement aura tenu dans les 24 heures », in ANOM, Fonds ministeriels, Série géographique, Martinique, Carton 50, dossier 402, Affaires judiciaires. Affaire Bissette, Fabien et Volny. Correspondance entre le ministre et les avocats Isambert et Chauveau-Lagarde. Pétitions de condamnés (1824-1826).

129 Voir pour exemple le Rapport au Conseil des Ministres, 20 mai 1824 et le Rapport au Roi, 13 octobre 1824, ANOM, Fonds ministeriels, Série géographique, Martinique, Carton 51, dossier 424.

130 « Il faudrait alors recommencer l’instruction, entendre les témoins, réveiller des faits déjà presque oubliés et, après avoir ansi donné aux passions un nouvel aliment, et à la malveillance de nouvelles armes, après avoir augmenté les élémens d’agitation et de troubles qui existent dans nos Antilles, on aurait peut être à subir un arrêt d’acquittement, résultat d’autant plus regrettable que les trois condamnés ayant été marqués avant d’être envoyé en France, on ne manquerait pas de les faire considerer comme des victimes de l’injustice et de l’animosité des colons », ANOM, Fonds ministeriels, Série géographique, Martinique, Carton 50, dossier 402, Affaires judiciaires, op. cit.

131 Voir aussi une lettre au ministre de la justice, du 24 août 1824 : « La législation coloniale – disait le ministre – n’admet point le recours en cassation dans les affaires criminelles, et que le pourvoi des trois hommes de couleur de la Martinique devrait être rejetté lors même qu’il aurait été formé dans la colonie », AN, BB/20/1/6, Dossier 2, Affaire des nommés Bissette, Fabien fils et Volny.

132 ANOM, Fonds ministeriels, Série géographique, Martinique, Carton 50, dossier 404.

133 Deux lettres, du 3 et 16 janvier 1826, au ministre de la marine, conservées aux ANOM, Fonds ministeriels, Série géographique, Martinique, Carton 50, dossier 402, Affaires judiciaires, op. cit.

134 Règlement concernant la procédure du conseil, in Isambert, Recueil, XXII, pp. 42 ss.

135 ANOM, Fonds ministeriels, Série géographique, Martinique, Carton 50, dossier 405, Martinique. Affaire Bissette, Fabien et Volny. Correspondance avec le Procureur général de la Cour de cassation (1826).

136 Demandes en cassation d’arrêt ou de jugements rendus en dernier ressort, Partie I, Titre IV, art. 1 à 4, in Isambert, Recueil, XXII, p. 45.

137 Le texte de l’arrêt du 27 janvier 1826 se trouve aux AN, BB/20/1/6, Dossier 2, Affaire des nommés Bissette, Fabien fils et Volny.

138 ANOM, Fonds ministeriels, Série géographique, Martinique, Carton 50, dossier 405, Martinique. Affaire Bissette, Fabien et Volny. Correspondance avec le Procureur général de la Cour de cassation (1826).

139 ANOM, Fonds ministeriels, Série géographique, Martinique, Carton 50, Dossier 406, Affaire Bissette, Fabien et Volny. Correspondance entre le ministre et le gouverneur (1826).

140 Réflexions sur l’arrêt de la Cour de cassation, du 27 janvier 1826, in ANOM, Fonds ministeriels, Série géographique, Martinique, Carton 50, dossier 405.

141 Lettre reçue le 16 septembre 1826, conservée aux ANOM, Fonds ministeriels, Série géographique, Martinique, Carton 50, dossier 405, Martinique. Affaire Bissette, Fabien et Volny, op. cit.

142 « Il parait impossible de savoir – écrivait le gouverneur – si cette loi a été adressé en 1790 et années suivantes aux autorités de la Martinique. […] Ce qui est certain, c’est que cette loi n’a jamais été enregistrée sur les régistres du conseil supérieur et n’a due jamais été légalement connue à la Martinique », ANOM, Fonds ministeriels, Série géographique, Martinique, Carton 50, Dossier 406, Affaire Bissette, op. cit.

143 Arrêt du conseil souverain, qui ordonne le réinstallation des Tribunaux de la Colonie, 23 avril 1794, in Code de la Martinique, IV, pp. 253-254.

144 Arrêt consulaire, relatif à l’Administration de la Justice dans les Colonies rendues à la France par le Traité d’Amiens, du 29 prarial an X (18 juin 1802), « Art. 1 : Dans les colonies rendues à la France par le traité d’Amiens, du 6 germinal dernir, les tribunaux existans en 1789 continueront de rendre la justice, tans au civil qu’au criminel, suivant les formes de procéder, les lois, règlemens et tarifs alors observés, et sans qu’il soit innové à l’organisation, au ressort et à la compétence des dits tribunaux », Code de la Martinique, IV, pp. 473-474.

145 Sur Portalis (1778-1858), voir J.-L. Halpérin, Portalis Joseph-Marie, in Dictionnaire historique des juristes français, op. cit., p. 636.

146 Arrêt rendu par la Cour de cassation, 30 septembre 1826, ANOM, Fonds ministeriels, Série géographique, Martinique, Carton 50, dossier 402 ; une synthèse de l’arrêt se trouve aussi dans le Moniteur, 1er octobre 1826, p. 1374.

147 Lettre du ministre de la marine et des colonies au ministre de la justice, du 4 novembre 1826, conservée aux ANOM, Fonds ministeriels, Série géographique, Martinique, Carton 50, dossier 402, Affaires judiciaire, op. cit.

148 Lettre de l’intendent de la marine, Redon, au ministre de la marine et des colonies, du 18 décembre 1826, conservée aux ANOM, Fonds ministeriels, Série géographique, Martinique, Carton 50, dossier 407.

149 Lettre de M. le duc de Broglie à M. Isambert, avocat à la Cour de cassation (5 octobre 1826), publiée pour la première fois par Bissette dans la Revue des colonies du 1840, après in Lettre de M. Isambert, op. cit., pp. 55-56.

150 Arrêt de la cour royale de la Guadeloupe, 28 mars 1827, in Cour de cassation. Consultations et mémoires à l’appui du recours en cassation des hommes de couleur, Bissette, Fabien et Volny, contre l’arrêt de la cour royale de la Guadeloupe, du 28 mars 1827, Paris 1827, pp. 38-46.

151 Ordonnance sur la réforme de la justice, février 1566, in Isambert, Recueil, XIV, p. 189 ; dans la note à cette ordonnance, redigée par Taillandier en 1829, on peut lire : « Cette ordonnance est encore en viguer à la Martinique et à la Guadeloupe, bien qu’elle n’y ait jamais été ni enregistrée, ni même publiée. Ainsi jugée par arrêt de la Cour de cassation du 29 décembre 1827 (affaire Bissette et Fabien) ».

152 Cour de cassation. Consultations et mémoires, op. cit., p. 42.

153 Ibidem.

154 AN, BB/20/1/6, Dossier 2, Affaire des nommés Bissette, Fabien fils et Volny.

155 Cour de cassation. Consultations et mémoires, op. cit., pp. 6-7.

156 Ordonnance (Code Michaud) sur les plaintes des états assemblés à Paris en 1614, et de l’assemblée des notables réunis à Rouen et à Paris, en 1617 et 1626, janvier 1629, in Isambert, Recueil, XVI, pp. 223 ss. ; en particulier les art. 170 à 343, Droit criminel, armes prohibées, associations illicites, priviléges de la noblesse, vénalité des offices, délits de chasse, police militaire.

157 Cour de cassation. Consultations et mémoires, op. cit., p. 9 et p. 13.

158 Ivi, pp. 15-16.

159 Sur Barrot (1791-1873) voir B. Yvert, Dictionnaire des Ministres (1789-1989), Paris 1990, pp. 225-226 ; P. Alvazzi del Frate, Il giudice naturale. Prassi e dottrina in Francia dall’Ancien Régime alla Restaurazione, Roma 1999, pp. 215 ss. ; l’entrée de J.-J. Clère, in Dictionnaire historique des juristes français, op. cit., pp. 40-42 ; sur Sirey (1762-1845), voir B. Pacteau, Le Conseil d’État et la fondation de la justice administrative française au XIXe siècle, Paris 2000, pp. 80 ss. ; l’entrée de G. Guyon, in Dictionnaire historique des juristes français, op. cit., pp. 716-717 ; sur Dupin (1783-1865), voir l’entrée de F. Brami, in Dictionnaire historique des juristes français, op. cit., pp. 281-283.

160 Titre VII. Des requêtes en révision en matière criminelle, in Isambert, Recueil, XXII, p. 56.

161 Cour de cassation (Chambre criminelle), présidence de M. Portalis, audience du samedi, 29 décembre 1827. Plaidoyer de M. Isambert, pour Bissette, Fabien et Volny, propriétaires, hommes de couleur libres de la Martinique, Paris 1828, p. 4.

162 Ivi, p. 21.

163 Ibidem.

164 Déclaration portant défenses à toutes personnes de quelque état et condition qu’elles soient, de composer ni faire composer, imprimer et ditribuer aucuns écrits contre la règle des ordonnances, sous les peines y mentionnées, 16 avril 1757, Reg. P.P. 21., in Isambert, Recueil, XXII, p. 273.

165 Cour de cassation. Consultations et mémoires, op. cit., p. 11.

166 Cour de cassation (Chambre criminelle), présidence de M. Portalis, op. cit., p. 102.

167 Voir Gazette des tribunaux, 25 janvier 1846, conservée auprès du Département des manuscrits de la BNF, NAF 23770, Papiers F.-A. Isambert, II, Notes et documents sur le rôle politique et législatif d’Isambert (1841-1846), f. 296.

168 AN, BB/20/1/6, Dossier 2, Affaire des nommés Bissette, Fabien fils et Volny.

169 Ivi.

170 « The most radical abolitionist », secondo L.C. Jennings, French Anti-Slavery. The movement for the Abolition of Slavery in France (1802-1848), London- Cambridge 2000, p. 24 ; voir aussi N. Schmidt, L’abolition de l’esclavage. Cinq siècles de combats (XVIe-XXe siècle), Paris 2005, pp. 254 ss.

171 Pour exemple l’ordonnance du 30 septembre 1827 pour la Réunion, du 21 décembre 1828 pour la Guyane, du 26 juillet-31 août 1830 pour Saint-Pierre et Miquelon.

172 Voir B. Durand, Juges, justices et justiciables sous les tropiques au milieu du XIXe siècle, in Le juge et l’outre-mer, I, op. cit., pp. 193-208.

173 Cf. C. Oudin-Bastide, Des nègres et des juges. La scandaleuse affaire Spoutourne (1831-1834), Paris 2008.

174 Voir L. Elisabeth, La société martiniquaise, op. cit., pp. 74 ss.

175 « Les projets d’ordonnances qui, aux termes de l’article 68, doivent être soumis à notre approbation, peuvent provisoirement être rendus exécutoires par le gouvernement, lorsque le conseil reconnaît qu’il y a nécessité absolue, et qu’il y aurait de graves inconvéniens à attendre notre décision », Duvergier, Collection complète, XXVII, p. 17.

176 Voir le débat sur cet article dans les actes du Conseil privé, Interprétation de l’article 47 de l’ordonnance du 21 août 1825, conservés aux ADM, Série K, Conseil privé, 5K 1, f. 95.

177 Lettres-patentes portant établissement du Conseil Supérieur de la Martinique, 11 octobre 1664, Code de la Martinique, I, pp. 9-13.

178 Voir D. Destouches, V. Gobert, Le Conseil souverain et la magistrature coloniale en Guadeloupe sous l’ancien régime, in Le juge et l’outre-mer, I, op. cit., pp. 285-306.

Pour citer ce document

Par Marco FIORAVANTI, «Le Préjugé de la couleur François-André Isambert et l’administration de la justice aux Antilles françaises pendant la Restauration», Les cahiers poitevins d'histoire du droit [En ligne], Troisième cahier, mis à jour le : 25/07/2019, URL : https://cahiers-poitevins.edel.univ-poitiers.fr:443/cahiers-poitevins/index.php?id=203.

Quelques mots à propos de :  Marco FIORAVANTI

Ricercatore confermato, Université de Rome “Tor Vergata”