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Le despotisme dans la pensée D’Abd AL-RAHMAN AL-KAWAKIBI
Par Hamid AL MAHMOUD
Publication en ligne le 25 juillet 2019
Table des matières
Texte intégral
1Un grand mouvement de libération intellectuelle, sociale et politique prônant un réformisme en profondeur a agité le XIXe siècle dans le monde arabo-musulman. Ce mouvement est appelé la Nahda ou le réveil1. Parmi les penseurs de cette époque Abd al-Rahmân al-Kawakibi (الكواكبي الرحمن عبد)2 apparaît sans conteste comme l’un des promoteurs et des chefs de file de cette Nahda.
2Réformateur religieux, politique et social syrien, penseur du renouveau musulman, précurseur de l’arabisme, opposant au pouvoir ottoman, défenseur de la liberté et pourfendeur du despotisme, al-Kawakibi est né le 9 juillet 1855 dans la wilaya d’Alep dans le nord de la Syrie actuelle3, au sein d’une famille syrienne traditionnelle, installée dans cette ville depuis le XIVe siècle. Son père, Ahmad Baha’i ibn Mouhammad ibn Masoud al-Kawakibi, était un savant réputé de cette ville. Il connaissait la langue turque à une époque où pourtant la plupart des Ulémas (savants) d’Alep l’ignoraient. Son savoir était tellement vaste qu’il faisait ainsi autorité en matière de droit de succession. De même, il fut secrétaire des fatwas de la wilaya pendant un certain temps, membre et qadi (juge) du conseil d’administration de la wilaya, rédacteur de contrats et d’actes de transactions. Il fut, aussi, prédicateur et Imam dans la mosquée fondée par son grand-père Abou Yahya. Il fut en outre directeur et enseignant à l’école al-Kawakibiya, à l’école orientale (al-Sharqiyya) et à la Mosquée Omeyyade d’Alep4.
3Dans sa ville natale, al-Kawakibi étudie à l’école al-Kawakibiya la Chari’a islamique et plusieurs langues, dont l’arabe, le turc et le persan, ainsi que les sciences juridiques, l’histoire, la logique, la théologie, les sciences naturelles et politiques. Il aimait lire les traductions d’œuvres européennes5. Après avoir été formé à l’école al-Kawakibiya, sa vie publique commence à l’âge de vingt et un ans. S’engageant dans une aventure journalistique, il publie d’abord ses premiers articles dans le journal officiel al-Furat (nom d’un fleuve entre l’Iraq et la Syrie) du célèbre historien turc Jawdat Pacha Wali d’Alep, qui était rédigé en langues arabe et turque, avant de fonder, avec Hashim al-Attar en 1877 le journal al-shahba’ (« la rousse » l’un des surnoms donnés à Alep). Il est le premier Syrien à publier un journal (hebdomadaire arabe) à Alep. Il y dénonce la tyrannie du Sultan ottoman Abdülhamid II qui vient d’abolir la Constitution ottomane de 18766 et de rétablir l’absolutisme impérial. Or, pour légitimer le rétablissement du pouvoir absolu, le sultan ottoman s’appuie largement sur la doctrine panislamique7 qui prône l’union de tous les Musulmans, quelle que soit leur appartenance nationale, au sein d’un même empire, à savoir l’Empire ottoman et sous la conduite d’un seul chef, le Calife ottoman, fonction que les Sultans ottomans ont récupérée depuis que Sélim Ier a transféré le siège du Califat du Caire à Istanbul en 15168.
4À la fin du XIXe et au début du XXe siècles, on commence à parler de l’« homme malade de l’Europe »9, c’est la décadence de l’Empire ottoman, lequel apparaît incapable de résister à la domination occidentale, dominé longtemps par les Turcs. Cela est à l’origine de la naissance du sentiment national arabe. D’ailleurs, al-Kawakibi sème alors les graines de l’idée nationaliste arabe10.
5Face au panislamisme ottoman, al-Kawakibi est en effet l’un des premiers intellectuels arabes et musulmans à promouvoir la thèse du panarabisme, doctrine jusque-là essentiellement défendue par les minorités chrétiennes, traditionnellement plus influencée par la culture politique européenne11. Al-Kawakibi part du même point de départ que ses prédécesseurs et se pose la question de la décadence de la civilisation islamique. Il insiste sur le rôle historique de la nation arabe au sein du monde islamique.
6À ses yeux, l’Islam est décadent parce que les Arabes ne sont pas au pouvoir. Il est ainsi l’un des penseurs arabes qui ont dévoilé les raisons de la sclérose qui s’installe alors dans le monde islamique. Il compare l’état de décadence du monde islamique à l’état de progrès que les Européens ont atteint et qui leur permet désormais de contrôler une grande partie des pays musulmans12. C’est pourquoi, al-Kawakibi prône une communauté arabe solide et cohésive qui appuie les obligations religieuses et existentielles qui relient les différents peuples de la communauté islamique13.
7Il est important de constater aussi qu’al-Kawakibi s’occupe des problèmes des plus humbles et des opprimés en ouvrant un bureau d’accueil pour que ces derniers puissent transmettre leurs plaintes aux autorités ottomanes locales. Il est à cet égard très proche du peuple d’Alep et propose des consultations juridiques gratuites pour les plus démunis, ce qui lui vaut d’ailleurs le surnom de « père des faibles et des exclus » (Abu al-mahrumin ce qui est tout à fait révélateur de son caractère). Il a à cette époque plusieurs postes dans l’administration ottomane. Il est alors le premier Arabe à avoir des fonctions publiques aussi importantes depuis que la tutelle ottomane est sur Alep. En 1879, il est nommé membre de la Commission des comptes de la wilaya d’Alep. Il est également élu membre de la Commission des travaux publics. Ses tâches et ses responsabilités s’étendent à de nombreuses commissions et à de nombreux postes dans divers secteurs : membre de la Commission des marchés, président de la chambre des notaires de la wilaya, membre de la Commission des examens des avocats. Il est ensuite directeur émérite de l’imprimerie officielle à Alep, président d’honneur de la Commission des travaux publics, membre du Tribunal de commerce à Alep et président de la Banque agricole, puis maire de la ville en 1893, avant d’être limogé en raison des mesures réformistes qu’il a lui-même prises au sein du système municipal. Son travail en tant qu’avocat et notaire le conduit aussi à occuper le poste de président de la Chambre des notaires en 1894. En 1896, il devient président à la fois de la Chambre de commerce et de la Commission de vente des terres publiques14. Ainsi, dans toutes ses occupations al-Kawakibi est confronté à la mauvaise gestion et à l’autocratie des autorités ottomanes15.
8Ses articles enflammés éveillent la conscience de ses concitoyens et mettent au grand jour le despotisme régnant ce qui provoque la fermeture de son journal al-shahba’ par le Wali ottoman d’Alep Kamil Pacha, après seulement seize numéros. Cependant, al-Kawakibi n’abandonne pas son action éditoriale. Il crée le journal al-i`tidal (la modération), en 1879, dans lequel il continue de présenter ses idées contre le des- potisme. Néanmoins, al-i`tidal est à son tour interdit, après seulement dix numéros, par les autorités ottomanes à cause de l’audace d’al-Kawakibi quant à la critique du gouvernement de la Sublime Porte16.
9Sa lutte acharnée contre le despotisme représenté par le pouvoir de la Sublime Porte lui vaut donc les foudres du pouvoir ottoman. Il est d’ailleurs emprisonné à deux reprises, ses biens sont confisqués et l’on tente même de l’assassiner.
10Sa vie n’étant plus en sécurité à Alep, pour échapper à l’autoritarisme des Walis ottomans, il se décide à faire entre 1898 et 1900, de nombreux voyages le long des côtes de l’Afrique, des côtes ouest de l’Asie, dans certains pays arabes et dans le sous-continent indien, ce qui nourrit ses réflexions. Il profite de ces pérégrinations pour tisser des liens avec les élites des pays visités et pour mettre sur pied un réseau islamique susceptible de trouver une solution adéquate aux problèmes politiques, économiques et sociaux des musulmans. En mai 1900, il choisit de s’installer en Egypte, au Caire, où il fréquente des intellectuels égyptiens tels que Mohammed Abduh et des intellectuels syriens exilés en Egypte17. Une activité intellectuelle précoce incite ce réformateur syrien à diffuser sa pensée, en mettant l’accent sur deux thèmes principaux : l’Islam et le despotisme. Il exprime son mépris pour le despotisme sous toutes ses formes. C’est ainsi qu’il écrit dans de nombreux journaux égyptiens et arabes notamment dans la revue al-Manar, dirigée par Mohammed Rachid Rida, qui est alors la publication de référence du mouvement de renouveau islamique ayant vu le jour dans la seconde moitié du XIXe siècle.
11Al-Kawakibi publie en outre ses idées dans plusieurs ouvrages. Il est à cet égard surtout connu pour les deux livres qu’il a écrits lors de son long séjour en prison en Syrie et qui sont d’abord publiés sous des pseudonymes. Dans son premier ouvrage qui s’intitule Umm al-Qûra (La mère des cités ou La Mecque)18 et qui regroupe des articles publiés dans la presse égyptienne en 1899, l’auteur construit une fiction, celle d’un congrès, se déroulant à La Mecque en 1898. Il s’agit d’un dialogue entre les membres du congrès lequel est une succession de douze sessions, au cours desquelles les intervenants venus des différents pays musulmans exposent leurs idées réformatrices afin d’analyser la crise de leur religion en s’efforçant de trouver des solutions pour faire que celle-ci devienne un moyen d’émancipation et non pas celui de la répression et de la décadence. Autrement dit, cet ouvrage est, pour lui, un moyen d’exposer des idées réformatrices sous une forme attrayante. Il y met en scène des représentants de pays musulmans qui réfléchissent à la manière de mettre fin à la crise qui touche leur religion et cherchent les solutions pour sortir le monde musulman de la décadence dans laquelle il est plongé. Pour remédier à la division et à la décadence du monde musulman, al-Kawakibi propose la mise en place d’un cadre fédéral respectueux du pluralisme lequel permettra, à terme, l’unité du monde musulman19.
12Dans le deuxième ouvrage intitulé Tabâ’i al-Istibdâd wa masari`al-isti`bad (les caractéristiques du despotisme et les luttes contre l’assujettissement) et paru également d’abord sous forme d’articles publiés au Caire entre 1900 et 190220, al-Kawakibi analyse le despotisme en mettant l’accent sur le rôle du pouvoir absolu dans une société décadente. Il y critique les gouvernements des pays musulmans de son temps et plus particulièrement de l’Empire ottoman. Pour lui, le Sultan Abdülhamid II est l’incarnation de ce despotisme qui maintient le monde musulman dans un état léthargique21.
13Les deux ouvrages d’al-Kawakibi sont, dès leur publication, interdits sur l’ensemble des territoires de l’Empire ottoman ; mais cela n’empêche pas l’introduction clandestine d’un certain nombre d’exemplaires à Alep22.
14Al-Kawakibi meurt empoisonné par des agents turcs au Caire en 190223. Il est inté- ressant de noter que le jour de sa mort il s’était rendu au Palais du Khédive Abbas à Alexandrie pour le convaincre de changer d’attitude envers la Sublime Porte et de se réconcilier avec le Sultan Abdülhamid II. Or al-Kawakibi refuse et quitte le Palais en laissant le Khédive furieux. Dans la soirée, il retrouve des amis auxquels il raconte l’anecdote en buvant une boisson empoisonnée. Avant de mourir, il aurait dit : « Ils m’ont assassiné »24.
15Plus d’un siècle après sa mort, les idées d’al-Kawakibi restent d’une actualité brûlante. Sa volonté de relire l’Islam pour en comprendre son message libérateur, son opposition au despotisme et à toute forme de pouvoir autoritaire, son engagement social et politique sont autant d’éléments qui font de sa pensée et de son action des sources incontournables pour penser la libération dans le cadre de l’Islam25.
16Al-Kawakibi choisit en effet d’axer sa réflexion sur la question du despotisme. Son œuvre est une puissante charge contre le despotisme sous toutes ses formes et ses conséquences dans tous les domaines. Dans l’introduction de son ouvrage, Tabâ’i al-Istibdâd, il pose la question suivante : « Quel est le mal de l’Orient et quel est son remède ? »26. Il se livre tantôt à une analyse critique de l’état de la situation du temps (I), tantôt à l’exposé des moyens qui, selon lui, peuvent remédier à cette situation qu’il juge préoccupante (II).
Une condamnation acerbe du despotisme
17Il convient de dire que le mérite d’al-Kawakibi est d’avoir donné à ses écrits, une certaine unité, car ils concernent tous le despotisme lequel, dans Taba’i` al-istibdad, apparaît comme un vieux problème, aussi vieux que l’existence de la société humaine et remonte à de longues années de l’état naturel, avec l’existence des groupes régis par ceux qui ont de forte puissance physique. A son époque, une telle prise de position est particulièrement dangereuse. Pourtant, al-Kawakibi a été le premier à le traiter d’une manière aussi développée et aussi complète. Il exprime son mépris pour le despotisme sous toutes ses formes, car ce régime est à la fois le mal suprême (§ 1) et le symbole de la décadence (§ 2).
§ 1. – Le despotisme, un mal suprême
18L’auteur de Tabâ’i al-Istibdâd tente d’analyser la philosophie même du despotisme en distinguant entre ses diverses formes et catégories. Il consacre à chacune d’elles un chapitre particulier. Cet ouvrage est presque entièrement consacré à démontrer les mé- faits de ce régime à l’égard des différentes valeurs. Tout au long du texte al-Kawakibi fait une critique détaillée et sévère du despotisme en général, surtout ses aspects orien- taux, mettant l’accent sur les effets dangereux de ce régime dans tous les domaines : politique, religieux, scientifique, financier, moral, éducatif…27.
19Il est certain que le despotisme désigné par notre auteur trouve sa réalité dans le pouvoir ottoman si bien que cette critique s’attaque surtout à la dictature ottomane. Ainsi, le panarabisme d’al-Kawakibi, dans la mesure où il s’oppose au gouvernement ottoman, est solidaire d’une dénonciation de celui-ci sous l’angle d’une étude du despotisme28. Néanmoins, si son point de départ est le pouvoir ottoman, il s’en éloigne pourtant rapidement et offre une véritable réflexion conceptuelle, directement inspirée de la pensée libérale européenne, notamment celle de Montesquieu29, qu’il a proba- blement connue à travers des œuvres traduites dans les trois langues (arabe, turc et persan)30. Dans son étude portant sur « Les idées réformistes d’al-Kawâkibî », Norbert Tapiéro pense que si les circonstances politiques et les épreuves subies à Alep dans l’exercice de fonctions variées et importantes, qui ont conduit le penseur syrien à écrire cet ouvrage, il est une autre source « que l’on doit signaler et que l’on sent tout le long du livre : c’est l’Esprit des Lois de Montesquieu »31. Dans Taba’i` al-istibdad, al-Kawakibi montre donc combien sa connaissance de la philosophie des Lumières est fine et s’en sert pour critiquer le despotisme oriental32.
20Pour entamer son cheminement intellectuel sur des bases claires et précises, le penseur syrien commence son ouvrage Tabâ’i al-Istibdâd par la définition de la science politique et du despotisme, qui représente la première des préoccupations de la politique. Selon lui, la science politique est définie comme « l’administration des affaires publiques avec sagesse »33. En revanche, l’auteur ne trouve aucune justification au des- potisme qui représente le « fait de disposer des affaires publiques à sa guise […], de ne se fier qu’à sa seule opinion et de refuser tout conseil, ou l’indépendance de l’esprit face aux droits communs »34. Ainsi, al-Kawakibi met l’accent sur le despotisme politique, lorsqu’il affirme qu’il s’agit de celui « des gouvernements sans frein, dont les méfaits réduisent l’ homme à la plus misérable des créatures ». Il ajoute qu’en politique « le despotisme désigne le pouvoir d’un homme ou d’un groupe qui exerce de force son autorité sur un peuple sans crainte d’avoir à rendre des comptes ou d’être sanctionné »35. À la fin de son ouvrage, il rappelle ainsi la définition du despotisme, en annonçant « il s’agit d’un gouvernement qui n’a pas de lien clairement défini avec la nation, garanti par une loi applicable »36. Le régime despotique concentre tous les pouvoirs, restreint toute liberté et ne craint ni représailles ni châtiment pour ses actes. Le despotisme et l’injustice ne disparaissent jamais, quelle que soit la force exercée sur les gouvernés, quel que soit son degré d’importance. « Les politiques assoient leur despotisme, affirme-t-il, sur des bases analogues en terrorisant les gens par le culte de la personnalité et l’orgueil, en les humiliant par la force et la spoliation des richesses pour les soumettre, les mettre à leur service et profiter d’eux comme de bêtes dont ils boiraient le lait, mangeraient la chair, et qu’ils monteraient avec fierté »37.
21Le penseur syrien oppose par conséquent le caprice à la sagesse laquelle doit être, selon lui, le principe de tout bon gouvernement et surtout le principe de la bonne et vraie politique. Il fait donc l’éloge de ce que serait un État juste, qu’il définit comme un État où les individus seraient libres de servir la communauté, leur liberté étant garantie par l’État lui-même, qui serait en retour soumis au contrôle des citoyens. Il précise qu’un gouvernement, de quel que type qu’il soit, n’échappera pas au caractère despotique, tant qu’il ne sera pas l’objet d’un contrôle sévère et d’une vérification qui ne souffre aucune tolérance38. La démonstration de cette idée est basée sur une observation judicieuse et sur des arguments réalistes et solides39. Pour ce faire, al-Kawakibi compare les sociétés despotiques et celles qui sont libres : « l’état des peuples, écrit-il, relève que les captifs vivent étroitement groupés, se protégeant les uns les autres de l’emprise du despotisme, telles les brebis qui se rassemblent par peur du loup. En revanche, dans les sociétés et les nations libres, les individus vivent indépendants et séparés »40. Une autre comparaison peut être mise en exergue, notamment lorsque l’auteur aborde le rapport entre le despotisme et la science. Il observe en effet que le « despote se comporte à l’égard de ses sujets tel un tuteur traître et puissant, disposant à sa guise des biens et des personnes des orphelins mineurs et sans défense ». Et d’ajouter « qu’il n’est pas de l’intérêt d’un tel tuteur que les orphelins parviennent à leur émancipation, de même il n’est pas dans les vues du despote que ses sujets s’éclairent grâce à la science »41. C’est le cas de l’État despotique qui gouverne les pays arabes à son époque. Le penseur syrien s’attaque bien évidemment au despotisme dans tous ses aspects, car ce régime est hostile à tout ce qui favorise le développement et le bonheur de l’homme. Ainsi, le despotisme maintient les individus dans une ignorance qui vise à les rendre passifs et incapables d’entreprendre une action libre. « Le despote, déclare-t-il, dispose des affaires des gens selon son bon vouloir et non selon leur volonté. Il gouverne selon son humeur et non selon la loi. Il se sait cruel et oppresseur et c’est pourquoi il écrase de sa botte les bouches de millions de gens pour les empêcher de dire la vérité ou de lui demander des comptes. Le despote est l’ennemi du droit, l’ennemi de la liberté et leur bourreau. Or le droit est le père du genre humain et la liberté en est la mère »42. Le despotisme détruit donc selon al-Kawakibi la relation morale qui doit normalement lier les gouvernants aux gouvernés. Il sape en outre les bases morales de la société, empêchant l’épanouissement de comportements courageux et intègres, ce qui témoigne d’un attachement sincère à la communauté. L’auteur fait remarquer que le despotisme et la science sont en guerre permanente43. D’ailleurs, le despotisme et la science s’excluent l’un l’autre. Tout système despotique « cherche [en effet] à éteindre la lumière de la science en maintenant ses sujets dans les ténèbres de l’ignorance »44.
22Pour Al-Kawakibi, le despotisme aliène en outre la volonté de l’homme et l’oblige à agir selon la volonté du plus fort et non selon sa propre volonté. L’auteur observe que certains croient que le despotisme enseigne l’obéissance. Si cela est vrai, c’est à cause de la peur et non de la libre volonté. Il insiste sur la nécessité de respecter les grands, ce qui est vrai, à cause de la haine et non de l’amour. Il diminue aussi les vices, mais par l’effet de la pauvreté et de la faiblesse et non de la religion et de la noblesse. Il minimise enfin les crimes, mais en fait ceux-ci sont étouffés par le silence45.
23Le despotisme est au fond un fléau plus terrible que la peste ; il est à l’égard de la morale sociale, comme ce bûcheron duquel on ne peut attendre que la corruption : « le despotisme affaiblit les qualités naturelles et pervertit les vertus, si bien que l’être humain se met à renier les bienfaits du Seigneur parce qu’il est dépossédé de tout, et à haïr son peuple dans la mesure où il soutient le despotisme. Il perd l’amour de sa patrie, qui ne lui offre ni sécurité ni stabilité, jusqu’à vouloir la quitter »46. Le despotisme prive les esprits de repos, épuise les corps, affecte les cerveaux et déstabilise les sentiments de tous. Les gens pensent que le « remède réside dans le mal et se soumettent au despotisme comme les brebis s’immobilisent à l’approche du loup, précipitant leur mort »47. Selon le penseur syrien, le despotisme combat également la gloire en se proposant de la corrompre, puisque sous le règne de la justice, la gloire revient à tout homme qui s’en montre capable et digne, mais en période de despotisme, elle ne s’acquiert que par la lutte contre l’oppression48.
24Comme le voit al-Kawakibi, le despotisme c’est le pouvoir qui n’est pas lié à la nation par aucun lien déterminé, connu et protégé par une loi en vigueur. Pour cela, il attire l’attention du peuple sur la nécessité d’établir le pouvoir conformément aux lois publiques, et de ne pas tenir compte du serment du gouverneur ou de son engagement par respect de la religion et de la justice. Sous l’emprise du despotisme, la sincérité disparaît même en matière religieuse ; l’homme se livre aux pratiques rituelles sans conviction et cela n’apporte aucun profit à son âme. Il prend en effet des habitudes d’hypocrisie, de mensonge, de tromperie et de flatterie qu’il applique envers « Dieu, sa mère, son père, sa tribu, sa race et même envers lui-même »49. Sa condamnation du despotisme s’appuie même sur des arguments religieux. Le despote craint que ses sujets saisissent le sens de « la Ilâhâ illa Allâh », sens qui ne convient pas au despote, parce qu’il interdit la servitude, la vénération et la soumission à un autre que Dieu. Selon lui, le fait pour un Musulman, d’obéir aveuglément à un souverain, est contraire au dogme de l’unité de Dieu qui veut que le fidèle ne doive adorer qu’Allah et n’obéir qu’à ses ordres. Ainsi, dans le Coran, Dieu a condamné les despotes puisqu’on y lit « la malédiction de Dieu tombera sur les tyrans »50.
25Décrivant le palais du despote, al-Kawakibi déclare : « le palais du despote de tout temps m’apparaît comme le temple de la peur. Le roi puissant est tel un dieu, ses collaborateurs sont des prêtres, sa bibliothèque est un autel, les calames sont des couteaux et les louanges, des prières, tandis que les gens sont des captifs qui offrent des offrandes de la peur »51.
26L’analyse faite par al-Kawakibi du despotisme se veut donc une critique sévère de la société ottomane dans son ensemble dans la mesure où il montre les liens qui unissent les différents secteurs de la société, tous affectés par le manque de moralité induit par le despotisme52. Le penseur syrien use ainsi d’une personnification du despotisme. Il dit à cet égard que si le despotisme était un homme, il se présenterait de la façon suivante : « je suis le mal, mon père est l’arbitraire, ma mère la vilenie, mon frère l’abus, ma sœur la mesquinerie, mon oncle le malheur, ma tante l’ humiliation, mon fils le désoeuvrement, ma fille la pauvreté, ma tribu l’ignorance, ma patrie la destruction, ma religion, mon honneur et ma vie, c’est l’argent, l’argent et encore l’argent »53. Al-Kawakibi concentre donc son analyse et sa critique sur la notion même de despotisme, qu’il considère comme le « mal suprême », la « source permanente de sédition et de stérilité »54 et le facteur principal du déclin et de la décadence.
§ 2. – Le despotisme, symbole de décadence
27Il est à rappeler qu’al-Kawakibi vit les événements politiques qui se sont passés dans la seconde moitié du XIXe siècle. Il ouvre les yeux sur le démembrement de l’Empire ottoman, ainsi que sur la décadence et l’immobilisme des Musulmans. Il vit également la montée de l’Occident dans tous les domaines : politique, économique, scientifique et culturel. C’est pourquoi la politique occupe une place centrale dans sa pensée. Il affirme que le despotisme est à « l’origine de toute corruption [puisqu’il] imprime sa mauvaise marque dans tous les domaines […], il embrouille les esprits, exploite la religion et combat la science pour les corrompre tous »55. Le régime despotique finit donc par corrompre l’individu et par se jouer de la religion. Il la déforme d’ailleurs et combat la science et la dégrade56. Selon lui, « il existe tant d’exemples historiques sur la responsabilité du despotisme dans la décadence de la nation jusqu’à sa disparition - et jusqu’à sa propre disparition »57.
28Il fait peser une grande responsabilité sur la politique maladroite des Sultans ottomans58. Ces derniers ont non seulement négligé de préserver la religion, mais ils ont encore abandonné, à leur sort, les parties limitrophes de l’Empire ottoman (l’Andalousie, l’Inde, les grandes Principautés d’Asie et d’Afrique) livrées à l’appétit des conquérants59. Liant le problème de la décadence et celui du despotisme, l’auteur syrien reproche aux Turcs (Ottomans) de n’avoir songé qu’à consolider artificiellement leur pouvoir et leur autorité et d’avoir perdu de vue l’intérêt de l’Islam et de la communauté musulmane. Pour lui, le despotisme est la cause principale du détachement des Musulmans des préceptes islamiques au cours de l’histoire car l’Islam dans ses principes fondamentaux s’oppose à l’autocratie des gouvernants60. Ce pouvoir, au nom de l’Islam, a durant quatre siècles assuré la loyauté des Musulmans : « son but, déclare-t-il, n’était pas d’intéresser les gens à la religion, mais de défendre les intérêts de la monarchie »61. Il affirme ainsi que le despotisme politique et le délaissement du principe islamique de Shûrâ62 (consultation) sont les premiers facteurs engendrant la décadence du monde islamique63.
29Dans son livre Umm al-Qûra, l’auteur traite de la décadence des Musulmans et des causes de leur apathie. Il en évoque différentes raisons, les unes étant religieuses et concernent plusieurs écoles de pensée (le dogme du fatalisme, les Ulémas ignorants et hypocrites, la négligence du consensus de la communauté). Les autres sont politiques (le pouvoir absolu et irresponsable, l’absence de justice et de liberté, la réduction de la politique à des problèmes militaires). Enfin, il parle des causes morales à l’instar de l’ignorance et l’absence de l’éducation, le manque de conférences et d’entretiens autour des problèmes généraux64.
30En critiquant le despotisme, al-Kawakibi affirme que celui-ci annihile la raison65. Ainsi, l’un des dangers les plus grands de ce régime est qu’il commence avec les gou- vernants, mais finit par se répandre à l’ensemble de la société, rendant impossible des comportements sociaux guidés par des principes moraux. Il existe, selon lui, un lien indissoluble entre le despotisme et l’ignorance. « Certaines nations anciennes, déclare al-Kawakibi, comprirent que l’ignorance portait le plus grand tort à l’ homme et que la peur en était la pire conséquence »66. Se demandant les raisons de la division et de la décadence, notre penseur évoque plusieurs réponses. Certains auteurs disent que l’Orient est malade de son ignorance. D’autres affirment qu’il est malade de son éloignement de la religion ou de la décadence morale, du manque d’éducation et des incompétences de la presse. En réalité, le despotisme empêche tous ces auteurs de prononcer même son nom67.
31L’auteur d’Umm al-Qûra écrit : « La question de la régression apparut il y a mille ans ou plus avec la décadence des peuples musulmans dans tous les domaines à tel point que certains peuples nous dépassèrent dans les sciences et les arts qui éclairent les connaissances. Ils réunirent leur puissance et étendirent leur influence sur nombre de pays musulmans et non musulmans. Les musulmans restèrent dans leur torpeur au point que celle-ci s’installa dans toutes les parties du corps de l’empire islamique »68.
32En dehors des désordres et des maladresses commises dans les domaines politique et religieux, les Ottomans ont accumulé les fautes dans le domaine politique et administratif. Al-Kawakibi explique ainsi les causes de la décadence politique et administrative ottomane : « C’est l’Empire le plus important, déclare-t-il, et son sort intéresse la totalité des Musulmans. La plus grande partie de ce désordre y est intervenue dans les soixante dernières années, c’est-à-dire après que l’Empire fut contraint d’organiser ses affaires. Les anciens principes se révélèrent sans utilité et l’Empire ne sut ni imiter les Anciens, ni innover. Il se disloqua, surtout dans les vingt dernières années où il perdit les deux tiers de ses territoires, tandis que l’autre tiers fut ruiné et fut sur le point de disparaître, en l’absence d’ hommes capables et en raison de la préoccupation totale de sa Majesté le Sultan de protéger sa noble personne et de persévérer dans une politique d’isolement »69. Parmi les causes conduisant à la décadence de l’Empire ottoman, l’auteur cite l’uniformité des lois administratives, pénales, juridiques, appliquées à des peuples aux coutumes et au tempérament très différents. Il évoque aussi la centralisation admi- nistrative trop poussée malgré les grandes distances entre la capitale et les provinces ainsi que l’incompétence et l’irresponsabilité des fonctionnaires administratifs et des Walis. Il fait enfin allusion à l’absence de consultation des administrés70. Cette critique est bien celle qui peut être adressée à l’administration d’un gouvernement despotique, affaibli, sombrant dans le favoritisme et la gabegie71. Le pouvoir ottoman est, à ses yeux, par conséquent non seulement responsable de la ruine du royaume mais, il est avant tout, à l’origine de la décadence et de l’immobilisme des Musulmans72.
33D’ailleurs, à la fin de son ouvrage Tabâ’i al-Istibdâd, le penseur syrien conclut que les nations en décadence le sont par leur propre faute et parce qu’elles ne savent pas se gouverner convenablement. La pensée d’al-Kawakibi est en effet fondée sur le refus du fatalisme et sur l’affirmation que chaque nation est responsable de son propre sort.
« Quand une nation atteint sa maturité, écrit-il, et qu’elle connaît la valeur de la liberté, elle trouve sa dignité, et c’est équitable. Dieu n’est injuste envers personne, c’est l’ homme qui est injuste avec lui-même. Dieu n’ humilie aucune nation pour rien, c’est l’ignorance qui est source de toute déficience »73.
34Après avoir condamné le despotisme, l’auteur syrien aborde naturellement la marche à suivre pour s’en débarrasser. Autrement dit, il cherche à administrer des remèdes à la société de son temps pour la guérir de ses maux.
Une lutte ultime et rationnelle contre le despotisme
35À la fin de Tabâ’i al-Istibdâd, l’auteur consacre un chapitre à l’effort à fournir pour abolir le despotisme74. Il vise à voir le despotisme détruit par des méthodes contemporaines par le biais de la science et de la connaissance. Afin de rompre avec le despotisme, al-Kawakibi prône tout d’abord une réforme juridique ambitieuse et la création d’un système juridique moderne au moyen de l’Ijtihad75. Sa position est large, empreinte d’un esprit de liberté, basée sur le rationalisme, l’intérêt général et le consensus, pour toutes les questions de la vie courante. A ses yeux, il est nécessaire de préparer un système alternatif au despotisme. Celui-ci doit être obligatoirement fondé sur la séparation entre la religion et l’État (§ 1) et sur la liberté dans la société arabo-musulmane (§ 2).
§ 1. – La nécessaire séparation entre la religion et l’État
36Il est intéressant de remarquer que dans l’histoire arabo-musulmane, l’historien et philosophe arabe Ibn Khaldoun (1332-1406), dans son analyse historique, ne rompt pas avec l’idéal du Califat des origines et produit une pensée désenchantée de la réalité de la royauté (mulk76). Avant lui, Ibn Rochd (Averroès 1126-1198) affirme la suprématie de la philosophie sur la théologie, sans pourtant aller jusqu’à rompre avec la tradition du pouvoir autoritaire77. Néanmoins, c’est à partir de la Nahda, au XIXe siècle, que les choses commencent à changer, avec la confrontation des idées politiques de l’Europe moderne, en particulier des idées des Lumières et des idéaux de la Révolution française de 178978. La pensée politique arabo-musulmane découvre alors la nature despotique du pouvoir dans le monde musulman. Aussi, le despotisme n’apparaît-il plus comme inévitable et devient au fond l’objet même de la réflexion des intellectuels de l’époque79.
37Al-Kawakibi subit l’influence de la pensée européenne, surtout dans le domaine politique. On en trouve une illustration dans sa proposition de séparer le Sultanat et le Califat ainsi que dans les thèmes proposés à la discussion à la fin de son ouvrage Tabâ’i al-Istibdâd et portant sur la relation entre les trois pouvoirs, le droit du gouverne- ment, les droits de l’homme… Cela ne peut que rappeler au juriste français les idées de Montesquieu et de Rousseau80. Ainsi, al-Kawakibi, sorte de « Montesquieu arabe »81, impute au despotisme la responsabilité de la décadence du monde musulman et fait dépendre de son élimination la renaissance de la civilisation musulmane. C’est pourquoi, il préconise l’instauration d’un régime fondé sur la séparation des pouvoirs religieux et politique ainsi que la séparation entre les pouvoirs législatif et exécutif au sein de l’État. C’est notamment dans son livre Umm al-Qûra, que l’auteur préconise la séparation entre la religion et l’État. Il faut dire à cet égard qu’il est un opposant au Califat ottoman et un militant pour la séparation du Califat et du Sultanat. Il est le seul écrivain musulman qui, du point de vue religieux, refuse le Califat ottoman et appelle à la séparation entre celui-ci et le pouvoir82. Ainsi, al-Kawakibi exprime-t-il fermement sa conviction que des règles doivent être édictées pour séparer le pouvoir politique de la religion. Son programme envisage en effet un Calife qui n’intervient en aucun cas dans les affaires politiques et administratives. Il suggère un Calife élu par un conseil qui l’assiste et dont les membres sont des représentants eux-mêmes élus des musulmans des différents pays. Dans son esprit, le pouvoir du Calife est en outre restreint à la région d’al-Hijâz (La Mecque). Son rôle est enfin presque uniquement spirituel et moral. Certains auteurs ont ainsi considéré al-Kawakibi comme « le premier à lancer, d’une manière concrète et précise, l’idée de la séparation du spirituel et du temporel, à jeter les bases d’un Califat spirituel et d’un régime constitutionnel démocratique et à poser la question de la laïcité de l’État »83. Il met en exergue les mauvais travers de l’accumulation des pouvoirs entre les mains d’une seule personne et montre les consé- quences néfastes voire dangereuses de l’interpénétration des responsabilités : « le roi qui se préoccupe de la politique, de l’administration, de la magistrature, et des problèmes militaires est comme le responsable de la maison qui intervient dans les affaires de son cuisinier et de son jardinier et qui, à la fin, abîme sa nourriture et détruit son jardin »84. Le penseur syrien met l’accent sur la séparation entre les pouvoirs et la détermination des attributions car « la compétence ne pouvant venir que de la spécialisation, tel qu’il est dit dans le Coran : "Dieu n’a pas placé deux cœurs dans la poitrine de l’homme"85, le cumul doit donc être interdit pour prévenir la concentration du pouvoir »86.
38Pour l’auteur syrien, le despotisme est par ailleurs souvent soutenu par une alliance avec une puissance étrangère et par sa puissance militaire, ainsi que par la puissance financière et religieuse87. Ainsi, le soutien apporté par les religieux au pouvoir despotique, au nom de la religion, est un point essentiel évoqué par al-Kawakibi. Selon lui, le rôle de l’autorité religieuse doit se limiter à l’élaboration d’une discipline pour l’exercice du culte. La religion doit donc prendre des distances avec le pouvoir : « voilà pourquoi, affirme-t-il, l’Islam n’a jamais représenté un obstacle à la lutte contre le despotisme »88.
39Refusant toute légitimité religieuse au pouvoir ottoman, il s’oppose vivement au pouvoir despotique qui s’appuie sur le pouvoir religieux afin d’affirmer sa suprématie et bloquer les réformes nécessaires au développement de la société. Dans ce cas, la religion devient un mauvais instrument de pouvoir. Al-Kawakibi réfute le rôle des hommes religieux qui sont, selon lui, davantage des manipulateurs que des prêcheurs. Il met l’accent sur le lien étroit qu’entretiennent les religieux et les pouvoirs politiques pour soumettre les croyants à leur autorité. Le penseur syrien ne se prononce pas seulement contre le pouvoir politique despotique, il est encore plus sévère à l’égard de sa dimension religieuse laquelle est représentée par le Califat. A ses yeux, le politique et le religieux vont de pair. Il en découle que les despotismes politiques et religieux sont inséparables : « quand l’un s’empare d’une nation, il entraîne l’autre, et quand l’un disparaît ou faiblit, l’autre le suit »89. Il nous montre que la religion a plus d’influence que la politique « aussi bien pour réformer que pour corrompre »90. La séparation entre commandement politique et commandement religieux se conçoit dans le cadre d’une vision selon laquelle la réforme religieuse conduit automatiquement à la réforme politique. Elle vise à démasquer le Sultan qui se cache derrière l’Islam. En d’autres termes, bien qu’al-Kawakibi croit que le despotisme politique est la cause de la corruption de la religion transformée en de simples cultes vides de tout sens, il considère que la réforme religieuse est le point de départ de la réforme sociale, y compris de la réforme politique91.
40L’expérience occidentale, qui a surmonté tant de clivages religieux et ethniques, lui semble intéressante à suivre. Si al-Kawakibi déclare que les nations comme l’Autriche et l’Amérique sont guidées par des méthodes et des principes scientifiques afin d’établir des liens politiques sur un fond de diversité administrative, il jette les bases de l’union de la patrie et de la concorde nationale, sans homogénéité religieuse et sans division confessionnelle92. « Pourquoi ne choisissons-nous pas une voie similaire, déclare l’auteur syrien, afin que nos penseurs puissent dire aux attiseurs de la haine : laissez-nous gérer notre vie ici-bas et réservez la religion à la gestion de l’au-delà ! »93. Malgré son attachement à l’Islam, al-Kawakibi ne peut pas être vu comme un fanatique. Il plaide pour une égalité parfaite entre les religions et pour le respect des croyances afin de préserver la solidarité nationale. Les Musulmans, les Chrétiens, les Juifs cohabitent et s’entendent dans une société car, pour lui, le lien patriotique doit s’élever au-dessus de tout autre lien94. Al-Kawakibi appelle ainsi à l’unité nationale bien avant l’unité de religion. S’adressant aux non-musulmans arabophones, notre penseur les invite à oublier les vexations et les rancœurs pour adhérer à l’union nationale : « laissez-nous régler nos affaires et nous entendre en notre langue, nous comprendre dans la fraternité et être égaux dans le bonheur et le malheur. Occupons-nous de notre vie sur terre et laissons les religions régir uniquement l’autre monde. Réunissons-nous autour des mots d’ordre : "vive la nation, vive la patrie, vivons libres et dignes" »95.
41Se réclamant de Montesquieu, al-Kawakibi complète et précise sa pensée en prônant une séparation totale des pouvoirs, et plus précisément celle des pouvoirs temporel et spirituel. Il juge les autorités religieuses avec sévérité et considère qu’elles sont en grande partie la cause du despotisme politique et de la décadence de l’Islam lui-même96. Cette position est confirmée par l’un de ses contemporains Mohammed Rachid Rida (1865-1935) lorsqu’il dit, à propos de sa relation avec al-Kawakibi, que le plus important de sa pensée est la séparation entre les autorités religieuses et politiques97. À cet égard, Mohammed Amara retient que « quelques-uns l’estiment favorable à l’unité religieuse, alors qu’il est l’un des pionniers de la pensée nationaliste arabe moderne ; et beaucoup l’estiment partisan d’un État religieux, alors qu’il est pour la séparation de la religion et de l’État »98. Dans le même sens, Mohammed Burj écrit que « le plus concret de ce qu’on a vu chez al-Kawakibi est son appel à une unité nationaliste arabe. Pour lui, la religion est à Dieu et la patrie aux hommes »99. Enfin, Jean Dâyi déclare qu’il est probable qu’« al-Kawakibi a conclu le principe de la séparation entre la religion et l’État après qu’il se soit assuré que les fautes du pouvoir ottoman sont dues à plusieurs causes dont la plus importante est celle de l’interpénétration entre la religion et l’État »100.
42Al-Kawakibi insiste sur le fait que le despotisme ne peut être combattu que par les gens modérés et rationnels qui doivent travailler sur l’établissement de la justice grâce à l’orientation intellectuelle. Ces intellectuels ont pour mission de souligner, pour le public, la nécessité de la séparation entre la religion et l’État101. À ses yeux, ces « guides » ont une lourde responsabilité puisque « Les Orientaux - Bouddhistes, Musulmans, Chrétiens et Juifs - ont tant besoin de guides qui ne prêtent pas l’oreille aux charlatans religieux hypocrites et bornés, ni aux chefs ignorants et sans pitié, mais portent un regard neuf sur la religion, sans se soucier d’autre chose que de la vérité »102.
43Au début de son ouvrage Tabâ’i al-Istibdâd, l’auteur définit la base du gouvernement constitutionnel démocratique : la séparation des pouvoirs législatif et exécutif. Il affirme que même un tel gouvernement dit constitutionnel peut avoir un caractère despotique, en cas d’absence de contrôle des pouvoirs « la notion [du despotisme] s’applique également à certains régimes constitutionnels où le législatif et l’exécutif sont totalement indépendants l’un de l’autre ». Car « le despotisme, ajoute-t-il, ne peut dispa- raître que s’il existe entre eux un lien de responsabilité, de façon que les exécutants soient tenus de rendre compte de leurs actes aux législateurs, eux-mêmes responsables devant le peuple. Celui-ci sait alors qu’il est le maître suprême et qu’il a le droit de contrôler et de réclamer les comptes »103.
44Il est certain que l’auteur est un fervent partisan du gouvernement constitutionnel. Cela se ressent, sans équivoque, lorsqu’il observe que tout « gouvernement peut être traité de despotisme tant qu’il n’est pas strictement contrôlé et sanctionné sans indulgence de ses actes, comme [c’était] le cas aux débuts de l’Islam lors des révoltes contre "Uthman et Ali"104, et comme ce qui s’est passé dans la République française actuelle, lors des affaires des décorations et de Panama ou de l’affaire Dreyfus105 ». Il est établi « naturellement et historiquement que n’importe quel gouvernement, même juste, s’il échappe à tout contrôle du fait de l’inattention du peuple ou de la possibilité de distraire son attention, est tenté par le despotisme »106.
45Ayant considéré que la détermination de la forme de gouvernement est le problème le plus important et le plus ancien de la société humaine, le penseur syrien affirme à cet égard que les Occidentaux sont parvenus, grâce à la raison et à l’expérience, à éla- borer des systèmes politiques basés sur le bon droit, tout en admettant des partis politiques concevant d’une manière différente l’application des principes adoptés. A ses yeux, toutes ces règles de base pour les nations civilisées restent « ignorées, curieuses ou repoussantes » des Orientaux, car « la plupart des gens n’en entendirent jamais parler tandis que les autres ne s’y intéressèrent pas de près ou les rejetèrent »107. Par voie de conséquence, il oppose ce système politique occidental à caractère démocratique au despotisme qui repose uniquement sur la force et l’oppression, même si parfois il prétend s’appuyer sur des principes orientés vers l’intérêt général108. Etant influencé par des idées libérales, al-Kawakibi préconise la libération dans la société arabo-musulmane pour éviter le despotisme.
§ 2. – La libération incontournable du cadre arabo-musulman
46L’œuvre d’al-Kawakibi est une apologie de la liberté au sein de l’État islamo-ottoman et de la société arabo-musulmane qui vit, selon lui, sous un régime de despotisme accentué. Il a été l’un des penseurs qui prônent un retour au génie originel de l’Islam. Il insiste sur un retour à la rationalité qui constitue l’essence même de la Révélation islamique. L’Europe domine alors le monde entier, car la souveraineté existe là où la science croît. Il soutient la thèse des philosophes du XVIIIe siècle, à savoir que la science parvient à émanciper les peuples opprimés qui, grâce à elle, peuvent s’affranchir du joug des despotes. Il affirme que « Dieu a créé la science pour faire apparaître le bien et faire échec au mal »109. Pour lui en effet, « la science est un grand don de la lumière divine. Dieu a créé la lumière qui prodigue clarté, chaleur et force, et a fait de la science un éclaireur du bien et un révélateur du mal »110. Refusant toutes sortes d’inégalités dans la société, l’auteur syrien invite à distinguer les individus par la science en se basant sur le Coran selon lequel « sont-ils égaux ceux qui savent et ceux qui ne savent pas »111. Il accorde beaucoup de crédit aux sciences humaines pour la formation de l’individu et son émancipation. Pour lui, le despote ne craint pas les sciences religieuses relatives au rapport de l’homme à Dieu, parce qu’il pense qu’elles ne suppriment pas l’ignorance et ne font pas cesser l’obscurité de l’esprit. En revanche, le despote est « terrorisé par les sciences humaines, tels la morale théorique, la philosophie rationnelle, le droit des gens, la politique sociale, l’ histoire générale, la littérature et autres sciences qui grandissent l’esprit, affinent le jugement et indiquent à l’ homme quels sont ses droits, combien ils sont bafoués, comment les revendiquer, les obtenir et les conserver »112. Rationaliser la politique et la justice, critiquer la dégénérescence de la raison dans le despotisme incarné par l’Empire ottoman, telles sont les missions d’al-Kawakibi : « le despote craint les savants éclairés et éclairants et non hypocrites ou ceux dont la tête est encombrée de livres inutiles »113.
47Notre penseur poursuit le chemin de la réforme dans un climat d’hostilité de la part des pouvoirs politiques ottomans et face à une attitude conservatrice de la société, attitude attribuée en grande partie à l’hégémonie d’une pensée religieuse intégriste et obscurantiste, utilisée par les autorités ottomanes pour réduire les opposants au silence au nom de la religion114. La réforme proposée par lui ne consiste pas seulement à libérer l’Islam et les Musulmans de l’apathie, des fables et des hérésies, mais avant tout à corriger la compréhension de la religion et à revenir aux origines qui puisent dans la nature humaine115. Ainsi, il reconnaît la nécessité d’une relecture des textes reli- gieux, dans le sens d’une adaptation au contexte moderne. Il formule alors une critique acerbe des autorités religieuses traditionnelles notamment des Ulémas, qu’il qualifie d’« ignorants enturbannés ». Pour al-Kawakibi, la réforme des institutions politiques est ainsi indissociable d’une réforme des institutions religieuses. L’auteur nous laisse clairement entendre quel est le régime qu’il souhaite : la démocratie constitutionnelle. Il apporte de nombreux arguments destinés à prouver que ce mode de gouvernement est conforme à l’esprit de l’Islam primitif116. Comme il le croit, chaque Musulman, à toute époque, doit comprendre sa religion, connaître la raison de son culte et de ses devoirs, sans être dominé par des idées préconçues et sans imiter aveuglément les autres117. À ses yeux, l’Islam est fondé sur le principe de la liberté puisqu’il est contre le despotisme et « rejette toute domination »118. Le droit chemin que la religion doit indiquer se définit par la justice, l’égalité, la fraternité, la dignité, la charité et la solidarité119. Il va plus loin lorsqu’il refuse de fermer les yeux sur le pouvoir qui utilise l’Islam comme un masque cachant son despotisme. Il a ainsi le courage de dire qu’un Sultan juste et athée est préférable à un Sultan despote et musulman120.
48Insistant sur la résistance contre l’oppression ottomane, l’auteur d’Umm al-Qûra exalte les bienfaits de la liberté en disant que : « le mal provient de notre manque de liberté […] On reconnaît celle-ci au fait que l’ homme parle et agit comme il l’entend […] ; elle comprend aussi la liberté de l’enseignement, la liberté de faire des conférences, d’im- primer, de se livrer à des recherches scientifiques ; elle engendre une justice totale à tel point que l’ homme ne craint ni tyran, ni oppresseur, ni traître perfide ; elle apporte aussi la sécurité dans la pratique de la religion et dans les âmes, protège la dignité et l’ honneur, sauvegarde la science et ses bienfaits. [Elle] est l’âme de la religion »121. Un peu plus loin, il ajoute qu’il est certain que « la liberté est le bien le plus cher à l’ homme après la vie ». En l’absence de liberté, les espérances se dissipent, les affaires se perturbent, les activités s’amollissent, les législations se paralysent et les lois se déséquilibrent122.
49L’importance qu’il accorde à la liberté est confirmée dans Tabâ’i al-Istibdâd dans lequel il revient très souvent sur ce besoin de liberté laquelle doit permettre à l’homme de se développer et de mener une vie heureuse. Selon lui, le mal est l’asservissement des autres ; le remède est de retrouver une liberté totale123. Il met en évidence cette sécurité morale et matérielle nécessaire pour qu’il puisse mener à bien toutes ses actions. « Les observateurs avertis, précise-t-il, considèrent que [les despotes] craignent la science car il révélerait au peuple que la liberté vaut mieux que la vie, leur apprendrait la dignité, l’honneur, l’humanité et la miséricorde, les droits et comment les conserver et combattre l’injustice »124. Mais, la question qui se pose est de savoir s’il y a, selon le penseur syrien, des gouvernements où l’individu jouit effectivement de ces droits précieux. La réponse est « oui », car notre auteur oppose le despotisme aux gouvernements justes : « au gouvernement despotique, on oppose le gouvernement juste, responsable, contrôlé ou constitutionnel »125. Il affirme que jusqu’à présent aucune nation ne s’est gouvernée uniquement d’après sa propre volonté. Aucune n’a donné le parfait exemple du bonheur fraternel, de l’amour réciproque entre les citoyens et de l’égalité des droits entre les classes sociales126. Il y a néanmoins « quelques exemples de progrès proche de la perfection au cours des siècles anciens, telles la deuxième république de Rome ou l’époque des premiers califes bien inspirés (al-rashidins) […], certaines petites républiques ou principautés obéissent aux règles en vigueur à leurs époques »127. Ainsi, le progrès de l’indépendance personnelle à l’ombre de certains gouvernements justes a-t-il atteint « un tel degré que les hommes vivaient à certains égards de la même façon que les religions le promettent au paradis »128.
50Le penseur syrien se prononce très nettement pour un régime constitutionnel à caractère démocratique, avec séparation des pouvoirs. Ce n’est qu’à cette condition que le retour d’un nouveau despote pourra être évité129. Ce régime doit en outre être fondé sur le développement de l’esprit de liberté, sur le droit, la consultation des gouvernés et le contrôle des gouvernants par le peuple. Ayant signalé les droits dont jouit le citoyen dans les nations libres (Belgique, Suisse, Amérique) et les devoirs qui lui incombent à leur égard, al-Kawakibi explique que la loi peut seule assurer la liberté et l’égalité des puissants et des faibles tout en écartant le risque de despotisme des gouvernants. Pour lui en effet, « Le plus grand progrès pour les hommes est celui réalisé par les gouvernants organisés de façon à élever un barrage solide face au despotisme […]. En établissant qu’aucune force ni influence n’est supérieure à la loi, que le pouvoir législatif est aux mains du peuple, qui ne peut se léser lui-même, et que les tribunaux jugent également le roi et le routier, ces Etats sont comparables par leur justice au grand jugement divin. Ils font en sorte que les fonctionnaires ne puissent dépasser les limites de leurs prérogatives et que la nation veille en permanence à contrôler son gouvernement »130.
51Influencé par les idées libérales, al-Kawakibi souhaite en fait l’instauration d’un système de gouvernement « établi sur la Shûrâ, la consultation aristocratique entre les gens qui nouent et dénouent par la raison et non par les armes »131. Ces gens, appelés Ahl al-hall wal aqd, jouent le rôle de députés dans le parlement. Selon le commandement de Dieu, ils doivent ordonner ce qui est convenable. Ce système politique conduit à la fois à priver les gouvernants du monopole du pouvoir en les incitant à respecter la volonté du peuple et à diminuer l’influence des hommes religieux dans le processus de la prise de décision au sein des gouvernements. Rappelons que pour l’auteur syrien, cette influence accentue les maux de la société arabo-musulmane et entrave toute ten- tative éclairée et réformiste132. Le système politique moderne envisagé par al-Kawakibi doit réaliser la justice sociale et établir l’égalité entre les classes sur le plan de la fortune et des droits tout en suivant un programme d’éducation nationale confirmant l’orientation de la vie commune133. Pour cela, l’auteur énonce et développe des principes ce qui prouve qu’il a un esprit rationaliste et en même temps un tempérament modéré, réfléchi et prévoyant134.
52Il souligne que la nation qui est humiliée pendant des siècles ou des générations par le système despotique perd son sens de la liberté et elle ne la cherche plus. Ainsi, la nation qui ne sent pas à un moment ou à un autre la douleur du despotisme ne mérite pas la liberté : « la nation qui ne souffre pas du despotisme, du moins dans sa grande majorité, ne mérite pas la liberté »135. En effet, une nation avilie et appauvrie par le despotisme peut se contenter simplement de demander un autre despote qui, peut-être momentanément, lui donnera un peu de liberté, mais ne tardera pas à lui refaire subir un despotisme encore plus odieux. « Il arrive qu’on fasse appel à un despote plus fort pour évincer le premier, mais cela reviendrait au même, c’est-à-dire à substituer une maladie aiguë à un mal chronique »136. Cette nation devient comme « un troupeau d’animaux et parfois pire, n’aspirant pas à la liberté, ne recherchant pas la justice et ignorant la valeur de l’indépendance »137. Le penseur syrien précise que si cette nation parvient même à la liberté par hasard, elle n’en profiterait pas, car elle n’en connaît pas le goût et ne saurait la conserver. C’est pourquoi, selon lui, les sages considèrent qu’afin de bénéficier de la liberté, « la nation doit s’y préparer et non l’obtenir par une révolution stupide, car celle-ci ne sert généralement qu’à couper l’arbre du despotisme sans le déraciner, lui permettant de repousser à nouveau et avec davantage de vigueur »138.
53L’auteur syrien tente de mener sa lutte politique d’une façon pacifiste et construc- tive. Selon lui, on ne peut pas résister au despotisme par la violence, mais par le « gra- dualisme ». Comme cela a été déjà dit, le seul moyen de libérer la population c’est la diffusion du savoir et de la science. En d’autres termes, pour s’affranchir du despotisme, al-Kawakibi préfère à la violence un processus d’éducation des gouvernés et des gouvernants pour amener les uns et les autres à apprécier la liberté139. Autrement dit, il affirme que le despotisme ne doit pas être combattu par la violence mais seulement avec clairvoyance et progressivement. Le seul moyen efficace pour l’abolir est donc de faire avancer la nation dans le domaine de la compréhension et de l’intelligence, ce qui ne peut s’obtenir que par l’éducation et l’incitation140.
54Il énonce un autre principe selon lequel « avant de combattre le despotisme, il faut préparer par quoi le remplacer »141. L’important est de déterminer à l’avance la forme du gouvernement souhaité qui doit succéder au despotisme. Le penseur syrien donne une grande importance à la préparation théorique et mentale et prévoit que cela doit être à la portée du public et en outre précéder la pratique. C’est une condition néces- saire au succès de la lutte contre ce régime. Il attire notre attention en soulignant que la connaissance globale et générale ne suffit pas absolument et qu’il faut que le but soit concret, bien déterminé et conforme à l’opinion de la majorité. « Il ne s’agit pas, écrit- il, d’avoir une idée générale mais de déterminer clairement la revendication et [le] plan consensuel ou conforme à l’opinion d’une majorité des trois quarts »142. Car, si « l’objectif, ajoute-t-il, est confus, l’entreprise serait boiteuse, et s’il est totalement ignoré ou rejeté par une bonne partie du peuple, celui-ci rallierait le despote, provoquant une contre-insurrection »143. Néanmoins, la fixation de ce but n’est pas chose facile. Autrement dit, cette préparation théorique est un des points les plus difficiles et ne doit pas être seulement la tâche des élites, mais celle de toutes les classes sociales qui ont ressenti les souffrances causées par le despotisme, mûri pendant des années, voire des dizaines d’années et qui ont sincèrement éprouvé « la véritable aspiration à la liberté »144.
55Considéré comme un pionnier dans le domaine de la réforme de l’éducation, al- Kawakibi invite à prendre l’exemple des Occidentaux qui donnent une grande impor- tance à l’éducation nationale « en consacrant un jour par semaine pour établir des associations et des conférences ; en célébrant le souvenir des grands hommes ; en établissant dans les villes des places et des clubs pour faciliter les réunions, les discours et les manifestations ; en ouvrant les jardins publics pour célébrer les fêtes et carnavals ; et instituant les théâtres… »145. La pensée d’al-Kawakibi vise ainsi à libérer les pays musulmans du joug ottoman et à assurer leur renaissance politique, sociale et religieuse146. Notre penseur met l’accent sur la réforme de l’enseignement et des institutions pour en finir avec le despotisme. Il appelle à des changements fondamentaux de l’enseignement de la langue arabe et des sciences religieuses. Il souhaite aussi une politique d’alphabétisation ambitieuse et insiste avec fermeté sur le rôle de l’école dans la réforme de la société. De même, il montre combien l’éducation de la femme est essentielle afin qu’elle trouve, comme l’homme, sa place dans la vie sociale147.
Conclusion
56En définitive, analysant le rapport entre le despotisme et les différents éléments de la société arabo-musulmane sous l’Empire ottoman, l’œuvre d’Abd al-Rahmân al- Kawakibi doit être considérée comme une puissante charge contre le despotisme et ses conséquences néfastes sur la politique, la religion, la science, l’économie, la morale, l’éducation et le progrès. De nos jours, la question du despotisme prend une grande importance, car c’est l’une des questions les plus délicates à traiter et à expliquer en Orient qui vit depuis des siècles à l’ombre des dictatures et des pouvoirs injustes et oppressifs148.
57Le penseur syrien fait une critique sévère du despotisme sous tous ses aspects, qu’il considère non seulement comme le mal suprême de la société, mais également comme le symbole de la division et de la décadence.
58Il peut être considéré à son époque comme l’un des rares intellectuels des Lumières qui ont combattu le régime despotique ; la plupart des penseurs des Lumières qui étaient à la recherche de voies de progrès ont refusé de critiquer les Ottomans et ont présenté leurs idées favorables à l’État et des projets tout à fait loyaux au pouvoir149. Dans ce contexte, son livre Tabâ’i al-Istibdâd a été très important à l’époque parce qu’il a été interdit aux auteurs et aux journalistes d’évoquer le despotisme qui touchait les gouvernements alors flattés par d’autres auteurs. Ahmad Amîn écrit, à cet égard, que « les sujets traités par al-Kawakibi étaient à l’époque des sujets tabous parce qu’ils touchaient le régime en place, qu’ils mettaient en relief les maladies de la société, qu’ils faisaient comprendre au peuple où sont ses droits et ses devoirs et qu’ils déterminaient les moyens de leur sauvegarde »150. C’est pourquoi, le discours d’al-Kawakibi peut apparaître nouveau et révolutionnaire pour son temps, surtout quand il présente des opinions théoriques appliquées aux conditions arabes sous le régime ottoman. Il est véritablement original et créateur. C’est un fin connaisseur de son époque et un homme particulièrement cultivé. S’il emprunte une idée, il se l’approprie en lui donnant une nouvelle forme, conforme à son milieu propre et à sa culture.
59L’héritage de notre auteur est complexe et plus que jamais actuel. Ses contemporains le considèrent comme l’un des pionniers qui a jeté les bases des idées éclairées qui ont dominé la pensée arabo-musulmane du début du XXe siècle. Il est vrai qu’il a pu être revendiqué par les nationalistes arabes, par les nationalistes syriens, par certains courants socialistes, mais également par les démocrates arabes et les défenseurs des droits de l’homme, notamment ces dernières années à la faveur des soulèvements populaires qui se produisent dans de nombreux pays arabes à partir de décembre 2010.
60Mais il n’en reste pas moins une grande figure du mouvement de réforme islamique. Il relie en permanence le despotisme religieux et le despotisme politique. Il combat les mauvaises habitudes et les traditions révolues et critique les croyances corrompues. Selon lui, l’intégrisme religieux est la principale raison de la décadence. Son discours ne peut que trouver encore aujourd’hui un écho car la Syrie doit absolument éviter de verser dans l’intégrisme. Pour cela, ce qu’il préconise, c’est une vision particulière de l’Islam qui « n’est pas la religion de la majorité des musulmans actuellement mais celle du Coran ». Un Islam où « chacun ayant le loisir de penser librement, puisse le comprendre sans être influencé par qui que ce soit »151. Il montre ainsi des efforts continus pour propager les vertus afin de permettre le redressement des mœurs de la société arabo-musulmane. Influencé par le libéralisme occidental152, al-Kawakibi trouve le remède à ce problème dans l’instauration d’un État fondé sur la séparation entre la religion et l’État et sur la liberté dans la société arabo-musulmane afin d’éviter le despotisme et de protéger les droits de l’homme.
61À l’heure actuelle, le refus de tout type de pouvoir absolu n’est-il pas la meilleure solution pour réaliser la démocratie et établir l’État de droit ? Il semble qu’un regain de curiosité se dessine en faveur d’al-Kawakibi qui sortira peut-être de l’ombre ; il faut l’espérer ! Il est vrai, en effet, qu’il « avait répondu, il y a plus d’un siècle, à la question posée par le "Printemps arabe" sur les meilleurs moyens de combattre le despotisme, et ses réponses n’ont pas vieilli »153.
Notes
1 La Nahda est un mouvement de renaissance arabe moderne, à la fois littéraire, politique, culturelle et religieuse du XIXe siècle. Il s’agit d’un siècle, où les intellectuels arabes se sont trouvés en contact direct avec les mouvements, les régimes, les lois et les idéologies qui se sont répandus en Europe. Ils ont pris connaissance des différents concepts occidentaux comme la liberté, la démocratie, la constitution, la patrie, la nation… Ils ont subi l’influence de la Révolution française et de ses principes (liberté, égalité, fraternité) ainsi que la pensée des philosophes des Lumières. Initialement, ce mouvement était largement influencé par les évènements historiques en Égypte, notamment à la suite de l’expédition française de Napoléon entre 1798 et 1801 et l’arrivée au pouvoir de Méhémet Ali, considéré comme le fondateur de l’Égypte moderne. Celui-ci décide d’envoyer des émissaires en France pour en apprendre plus sur celle-ci. Parmi les penseurs arabes qui ont eu l’occasion de visiter la France, Rifa’a al-Tahtawi (1801-1873). Issu de la vénérable Université d’Al-Azhar, venu se former en France, il se nourrit de la pensée philosophique française (Voltaire, Rousseau, Montesquieu…) et s’enthousiasme pour le Code civil français. De retour dans son pays, il n’a de cesse de faire partager et adopter ses découvertes, proposant notamment de réformer la Chari’a sur le modèle des Codes européens. Il fonde une école de traduction et commence la diffusion d’ouvrages grâce à une imprimerie alors en plein développement. Le mouvement est également lié à la décomposition politique de l’Empire ottoman et à la « réinvention » identitaire du monde arabe qui l’accompagne. AlTahtawi est l’une des personnalités les plus marquantes de son temps. Il insiste ses contemporains à suivre l’exemple des Occidentaux. Dans son ouvrage Takhlîs al-ibrîz fî Talkhîs Bârîz (باريز تلخيص في اإلبريز تخليص la purification de l’or ou l’aperçu abrégé de Paris, Le Caire, 2011, p. 105), l’auteur parle de la charte française de 1814 et rend hommage à son contenu en disant : « ceux qui ont du bon sens ne peuvent pas nier que dans la charte existent des choses qui sont justes […] nous vous citons le contenu de la charte, dont la majeure partie n’est pas dans le livre de Dieu ni dans la Sunna de son Prophète, pour que vous sachiez que, quand ils se servent de leurs cerveaux, ils découvrent que la justice est la base de l’évolution des royaumes et du bonheur des populations ». Sur le mouvement Nahda. cf. Tapiéro (Norbert), Les idées réformistes d’al-Kawâkibî, 1265-1320=1849-1902. Contribution à l’étude de l’Islam moderne, Paris, Les Editions Arabes, 1956 ; Cha- mieh (Ibtissam Kaderi), Socio-politique chez Abd ar-Rahman al-KAWAKIBI, écrivain et réformateur du XXe siècle, thèse de doctorat, Paris, 1986 ; Tauber (Eliezer), The Emergence of the Arab Movements, London, Frank Cass, 1993, chapitre 5 « Abd al-Rahmân al-Kawakibi », pp. 25-33.
2 Al-Kawakibi se place dans le courant de la tradition réformiste (Islah) de l’Afghan Jamal Al Dîn Al Afghani (1838-1897), de l’Egyptien Mohammed Abduh (1849-1905) et de son compatriote Mohammed Rachid Rida (1865-1935). Cf. Chamieh (Ibtissam Kaderi), Socio-politique chez Abd ar-Rahman al-KAWAKIBI, écrivain et réformateur du XXe siècle, op. cit. ; Kawakibi (Salam), « Un réformateur et la science », in Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée, 101-102, juillet 2003. Reproduit in Kodmani (Hala), Abd alRahmân al-Kawakibi. Du despotisme et autres essais, Actes Sud, 2013, nouvelle édition, 2016, pp. 209-231.
3 Notons que jusqu’au XIXe siècle, la Syrie dite « historique » se nomme Bilad el-Cham (الشام بالد). Durant l’Empire ottoman, dirigé par un Sultan turc, cette région comprend la Syrie actuelle, le Liban actuel, la Jordanie actuelle et la Palestine. À la fin de la Première Guerre mondiale, on assiste à la création de la Syrie actuelle. En réalité, les Européens, essentiellement les Français et les Britanniques, envisagent de mettre la région sous tutelle et d’établir un partage de l’Empire ottoman. C’est l’objet des accords Sykes-Picot signés en mai 1916. En 1918, l’Empire ottoman s’effondre. La Syrie se trouve sous mandat français dès 1920 et ce, jusqu’à l’indépendance en 1946. Géographiquement, la Syrie actuelle est bordée au Nord par la Turquie, à l’Est par l’Irak et au Sud par la Jordanie, Israël et le Liban.
4 Cf. Al-Dahhan (Sami), Abd al-Rahmân al-Kawakibi, 1854-1902, (en arabe), Le Caire, 1964.
5 À cet égard, Ibtissam Kaderi Chamieh note que si al-Kawakibi n’a pas l’occasion d’apprendre les langues européennes, cela ne signifie en rien qu’il est éloigné de la pensée occidentale. L’auteur ajoute qu’en effet al-Kawakibi, « passionné par la lecture, les mathématiques et les sciences naturelles, se documentait en par- courant des journaux turcs que l’on trouvait à Alep et qui publiaient différentes traductions de textes européens ». Cf. Chamieh (Ibtissam Kaderi), Socio-politique chez Abd ar-Rahman al-KAWAKIBI, écrivain et réformateur du XXe siècle, op. cit., p. 42.
6 La Constitution de l’Empire ottoman, officiellement « Loi fondamentale » a été l’unique constitution de l’Empire ottoman et a été en vigueur du 23 décembre 1876 à 1878 puis de 1908 à 1921. Avec cette Constitution, un parlement bicaméral a été mis en place et ce, pour la première fois de l’histoire du pays. Par ailleurs, le Sultan possédait également un pouvoir exécutif. En février 1878, le Sultan ottoman a pris la décision de fermer le Parlement. La constitution était de fait abrogée et l’Empire ottoman redevint une monarchie absolue jusqu’en 1908. À la suite de la révolution « jeune-turque » du 24 juillet 1908, la constitution a été rétablie et l’Empire ottoman est devenu une monarchie parlementaire. Elle est restée en vigueur jusqu’à l’adoption de la nouvelle Constitution du 20 janvier 1921. Ainsi, la Turquie moderne, fondée sous l’impulsion de Mustafa Kemal Atatürk en 1923 sur les ruines de l’Empire ottoman défait par la Première Guerre mondiale, a été une république démocratique, laïque, unitaire et constitutionnelle. Par les réformes d’Atatürk, le Califat a été aboli et remplacé par la République de Turquie. Sur l’Empire ottoman et les dé- buts de la Turquie, cf, Shaw (Stanford Jay), History of the ottoman Empire and modern Turkey, Cambridge, Cambridge University Press, 1982, vol. II ; Dumont (Paul), Mustafa Kemal, Bruxelles, Éditions Complexe, 1983 ; Batu (Hâmit) et Bacque-Grammont (Jean-Louis), L’Empire ottoman, la République de Turquie et la France, Istanbul, Isis, 1986 ; Mantran (Robert), (dir.), Histoire de l’Empire ottoman, Paris, Fayard, 1989.
7 Le panislamisme est un courant de pensée politico-religieux réclamant soit l’union de l’ensemble des communautés musulmanes dans le monde, soit l’union des territoires reconnus comme musulmans. Ce mouvement est jadis fréquemment entré en conflit avec les courants nationalistes arabes. Aujourd’hui, le panislamisme est beaucoup représenté par des mouvements religieux comme les frères musulmans, des organisations antinationalistes qui préfèrent l’Oumma (communauté des croyants) à la nation (watan).
8 Le Califat (en arabe : ِخالفة ) correspond à un territoire sur lequel s’exerce l’autorité d’un Calife, successeur de Mohammed dans l’exercice politique du pouvoir. Le terme sert aussi à désigner le régime politique lui- même et la période pendant laquelle il s’exerce. Depuis la fondation de l’Islam, plusieurs Califats ont existé à la suite des luttes que se livrèrent les différents prétendants au titre de successeur du prophète Mohammed, après les quatre premiers Califes, dits « bien inspirés ou al-rashidins » (Abû Bakr, ‘Umar, ‘Uthman et ‘Ali). Les plus importants sont : les Califats omeyyade de Damas, abbasside de Bagdad ; fatimide du Caire ; et ottoman d’Istanbul. Sur l’évolution historique de l’institution califale, cf. Arnold (Thomas), The Caliphate, Oxford, Clarendon Press, 1924 ; Sourdel (Dominique), « Khalifa », In Encyclopédie de l’islam, 2e édition, IV, pp. 970-980.
9 Cette expression est attribuée à l’empereur Nicolas Ier de Russie, lors d’entretiens avec l’ambassadeur britannique Sir G.H. Seymour en 1853, se réfère à l’Empire ottoman, parce que celui-ci tombe de plus en plus sous le contrôle financier des puissances européennes et qu’il perd des territoires dans une série de guerres désastreuses.
10 L’œuvre d’al-Kawakibi a une réelle influence sur le développement des mouvements nationalistes arabes. Ainsi, les nationalistes arabes, comme Khaldûn Sati’ al-Husarî (1880-1968), revendiquent sa pensée et notamment son opposition à un Calife autre qu’Arabe, soulignant qu’il est l’un des pionniers du concept même de nationalisme arabe. Cf. Hourani (Albert), Arabic thought in the liberal age 1798 – 1939, Cambridge University Press, 1983.
11 Al-Kawakibi se considère comme l’un des théoriciens du panarabisme lequel désigne un mouvement politique, culturel et idéologique séculier qui vise à réunir et à unifier le monde arabe. Il faut noter à cet égard qu’au début du XIXe siècle, la doctrine protestante est introduite dans les pays arabes, l’Evangile est traduit en arabe et les communautés orthodoxes réclament l’arabisation de leur Eglise. Ce sont les arabes Chrétiens qui ont fondé les premières assemblées arabes clandestines dénonçant le pouvoir ottoman et réclamant l’indépendance des pays arabes. Cf. Chamieh (Ibtissam Kaderi), Socio-politique chez Abd ar-Rahman al-KAWAKIBI, écrivain et réformateur du XXe siècle, op. cit., p. 208.
12 Cf. Khaldi (Souad), « Abd al-Rahmân al-Kawakibi : l’islam contre le despotisme », Syrie – 12 mars 2010, http://www.ism-france.org/analyses/Abd-al-Rahman-al-Kawakibi-l-islam-contre-le-despotisme-article-13563, consulté le 4 déc. 2015.
13 En 1902, al-Kawakibi appelle à la création d’un Califat arabe établi à La Mecque afin de s’opposer à la domination occidentale. Cf. Abd al-Rahmân al-Kawakibi, Umm al-Qûra القرى أم(La mère des cités), l’imprimerie égyptienne d’Al-Azhar, 1931.
14 Cf. Abd al-Rahmân al-Kawakibi, Alaamal alkamila lil Kawakibi ou للكواكبي الكاملة األعمال(Œuvres com- plètes) Beyrouth, Centre des études de l’unité arabe, 1995, p. 40. Cité par Kawakibi (Salam), « Un réfor- mateur et la science », op. cit.
15 Chamieh (Ibtissam Kaderi), Socio-politique chez Abd ar-Rahman al-KAWAKIBI, écrivain et réformateur du XXe siècle, op. cit., p. 45.
16 La Sublime Porte est le nom français de la porte d’honneur monumentale du grand vizirat à Constantinople, siège du gouvernement du Sultan de l’Empire ottoman. Il est à remarquer que le mot turc kapi désigne une porte, mais aussi le palais du Sultan (d’où parfois l’expression « porte ottomane »), puis le palais du grand vizir et enfin le siège du gouvernement. À partir de 1654, le grand vizir est doté d’un palais particulier où se tiennent les séances du divan ou Conseil du gouvernement. Ce palais est d’abord appelé Pasa kapisi (palais du Pacha), puis Bab-i Âli, la « Sublime Porte », nom sous lequel les Occidentaux englobent à la fois le palais du Sultan, la cour ottomane et le gouvernement ainsi que l’État ottoman lui-même. Cf. Mantran (Robert), « Porte ou Sublime Porte », In Encyclopædia Universalis. En ligne : URL : http://www.universalis.fr/encyclopedie/porte-sublime-porte/ (Consulté le 8 décembre 2015).
17 Comme Mohammed Rachid Rida, Abd al-qâdir Qabâni, Mohammed Kurd ‘Alî, Ibrâhîm Najjâr, Tâhir al-Jazâ’irî et Abdülhamid al-Zahrâwî. Cf, Dayé (Jean), Sahafat al-Kawakibi, 2e partie, La presse d’al-Kawaki- bi, al-’Arab, 2000 ; Kawakibi (Salam), Al-sîra al-zâtîya li Abd al-Rahmân al-Kawakibiالرحمن لعبد الذاتية السيرة الكواكبي, (Biographie d’al-Kawakibi), Beyrouth, Dâr Bîssân, 2000 ; Kawakibi (Salam), « Un réformateur et la science », op. cit.
18 Abd al-Rahmân al-Kawakibi, Umm al-Qûraالقرى أم (La mère des cités), op. cit.
19 Cf. Khaldi (Souad), « Abd al-Rahmân al-Kawakibi : l’islam contre le despotisme », op. cit.
20 Abd al-Rahmân al-Kawakibi, Tabâ’i al-Istibdâd wa masari`al-isti`bad االستعباد ومصارع االستبداد طبائع (Les caractéristiques du despotisme et les luttes contre l’assujettissement), le Caire, 2011. La traduction de cet ouvrage est principalement tirée de l’ouvrage de Kodmani (Hala), Abd al-Rahmân al-Kawakibi. Du des- potisme et autres essais, op. cit.
21 Cf. Khaldi (Souad), « Abd al-Rahmân al-Kawakibi : l’islam contre le despotisme », op. cit.
22 Chamieh (Ibtissam Kaderi), Socio-politique chez Abd ar-Rahman al-KAWAKIBI, écrivain et réformateur du XXe siècle, op. cit., p. 53.
23 Il est enterré dans le cimetière de Bâb al-Wazîr. On peut lire le mot martyr sur sa tombe « ce qui n’est pas sans rappeler la thèse de son assassinat par les autorités ottomanes ». Cf. Chamieh (Ibtissam Kaderi), Socio- politique chez Abd ar-Rahman al-KAWAKIBI, écrivain et réformateur du XXe siècle, op. cit., pp. 55-56.
24 Cf, Amara (Mohammed), Abd al-rahman al-Kawâkibi, Shahid al-hurrîa wa mujadid al-islâmاحلرية شهيد اإلسالم ومجدد (Martyr de la liberté et réformiste de l’Islam), Beyrouth, Dâr al-Wahda, 1984 ; Dayé (Jean), Sa- hafat al-Kawakibi, op. cit ; Kawakibi (Salam), Al-sîra al-zâtîya li Abd al-Rahmân al-Kawakibiلعبد الذاتية السيرة الكواكبي الرحمن, (Biographie d’al-Kawakibi), op. cit. ; Kawakibi (Salam), « Un réformateur et la science », op. cit.
25 Cf. Khaldi (Souad), « Abd al-Rahmân al-Kawakibi : l’islam contre le despotisme », op. cit.
26 Abd al-Rahmân al-Kawakibi, Tabâ’i al-Istibdâd wa masari`al-isti`bad, op. cit. Cf, Kodmani (Hala), Abd al-Rahmân al-Kawakibi. Du despotisme et autres essais, op. cit., p. 15.
27 Ibid.
28 Cf. Aït Mokhtar (Inès), « Abd al-Rahmân al-Kawakibi : une analyse panarabe du despotisme », 2013. En ligne : http://www.lesclesdumoyenorient.com/Abd-al-Rahman-al-Kawakibi-une.html?preview=true. (Consulté le 05 déc.-15).
29 Charles-Louis de Secondat, baron de la Brède et de Montesquieu est né au château de la Brède, près de Bordeaux (France), le 18 janvier 1689 et mort le 10 février 1755. L’auteur de l’Esprit des lois a laissé après lui un héritage incommensurable. Il a violemment condamné le despotisme où « un seul, sans loi et sans règle, entraîne tout par sa volonté et par ses caprices », en mettant l’accent sur la nécessité de disposer de moyens indispensables pour préserver et favoriser la justice et la liberté contre un régime despotique injuste et arbitraire. Cf. Al Mahmoud (Hamid), La philosophie du droit chez Montesquieu : l’exemple de la justice, Thèse, Droit, Poitiers, 2013.
30 Cf. Chamieh (Ibtissam Kaderi), Socio-politique chez Abd ar-Rahman al-KAWAKIBI, écrivain et réfor- mateur du XXe siècle, op. cit., p. 69. Les œuvres des réformistes turcs des années 1870, comme Nâmiq Kâmil ont beaucoup influencé l’action d’al-Kawakibi. Leurs traductions presque complètes des œuvres de Montesquieu et de Rousseau ont ainsi constitué un outil essentiel pour connaître la pensée française des Lumières et les principes constitutionnels et démocratiques de la Révolution. Il y reconnaît le rôle de l’Eglise, de son pouvoir sur les esprits et sa place dans les modèles occidentaux du despotisme. Cf. Kawakibi (Salam), « Un réformateur et la science », op. cit.
31 Cf. Tapiéro (Norbert), Les idées réformistes d’al-Kawâkibî, 1265-1320 =1849-1902. Contribution à l’étude de l’Islam moderne, op. cit., pp. 13-14. L’auteur ajoute que l’influence des idées de Montesquieu sur Taba’i` al-istibdad wa masari`al-isti`bad est nette. Certaines idées importantes exposées par le penseur syrien dans le domaine politique « ont leur source dans l’œuvre de Montesquieu […] par exemple : la séparation des pouvoirs, la responsabilité de l’exécutif devant le législatif, la participation de la nation à la gestion des affaires publiques par l’intermédiaire de ses représentants élus ». Dans Tabâ’i al-Istibdâd wa masari`al-isti`bad, abordant le rapport entre le despotisme et la science, le penseur syrien déclare que « les temps sont avares de mères donnant naissance à un Al-Kumayt ou un Hassân, un Montesquieu ou un Schiller ». Cf. Abd al-Rahmân al-Kawakibi, Tabâ’i al-Istibdâd wa masari`al-isti`bad, op. cit., p. 36.
32 Dans cet ouvrage, al-Kawakibi cite l’écrivain italien Vittorio Alfieri (1749-1803), en rappelant les despotes « l’avertissement du célèbre Alfieri, qui écrit : ‘‘Que le tyran ne se réjouisse pas de grande force, car combien de puissants obstinés furent terrassés par de petits opprimés’’» . Notons ici qu’Alfieri, après avoir étudié les œuvres de Voltaire, de Rousseau et de Montesquieu, a publié un ouvrage intitulé « Della Tirannide » (De la tyrannie) et s’est imprégné de leurs idées sur la liberté et le despotisme. Cf. Abd al-Rahmân al-Kawaki- bi, Tabâ’i al-Istibdâd wa masari`al-isti`bad, op. cit., p. 115. Cf, Kodmani (Hala), Abd al-Rahmân al-Kawakibi. Du despotisme et autres essais, op. cit., p. 170.
33 Ibid., p. 12. Cf, Kodmani (Hala), ibid., p. 15.
34 Ibid., pp. 12 et 19. Cf, Kodmani (Hala), ibid., pp. 15 et 19.
35 Ibid., p. 15. Cf, Kodmani (Hala), ibid., p. 19.
36 Ibid., p. 110. Cf, Kodmani (Hala), ibid., p. 163.
37 Ibid., p. 22. Cf, Kodmani (Hala), ibid., p. 29.
38 Ibid., pp. 16-17. Cf, Kodmani (Hala), ibid., p. 21.
39 Tapiéro (Norbert), Les idées réformistes d’al-Kawâkibî, 1265-1320 =1849-1902. Contribution à l’étude de l’Islam moderne, op. cit., p. 83.
40 Abd al-Rahmân al-Kawakibi, Tabâ’i al-Istibdâd wa masari`al-isti`bad, op. cit., p. 18. Cf, Kodmani (Hala), Abd al-Rahmân al-Kawakibi. Du despotisme et autres essais, op. cit., p. 14.
41 Ibid., p. 35. Cf, Kodmani (Hala), ibid., p. 49.
42 Ibid., p. 18. Cf, Kodmani (Hala), ibid., p. 24.
43 Ibid., p. 36. Cf, Kodmani (Hala), ibid., p. 52.
44 Ibid., p. 39. Cf, Kodmani (Hala), ibid., p. 56.
45 Ibid., p. 67. Cf, Kodmani (Hala), ibid., p. 98.
46 Ibid., pp. 65-66. Cf, Kodmani (Hala), ibid., p. 95.
47 Ibid., p. 36. Cf, Kodmani (Hala), ibid., p. 96.
48 Ibid., p. 43. Cf, Kodmani (Hala), ibid., p. 61.
49 Ibid., p. 78. Cf, Kodmani (Hala), ibid., p. 115.
50 Sourate 11 (Hûd), verset 18. Cf. ibid., p. 81. Cf, Kodmani (Hala), ibid., p. 119.
51 Ibid., p. 38. Cf, Kodmani (Hala), ibid., p. 55.
52 Kawakibi (Salam), « Un réformateur et la science », op. cit.
53 Abd al-Rahmân al-Kawakibi, Tabâ’i al-Istibdâd wa masari`al-isti`bad, op. cit., p. 53. Cf, Kodmani (Hala), Abd al-Rahmân al-Kawakibi. Du despotisme et autres essais, op. cit., p. 76.
54 Ibid., p. 20. Cf, Kodmani (Hala), ibid., p. 27.
55 Ibid., p. 41. Cf, Kodmani (Hala), ibid., p. 58.
56 Ibid.
57 Ibid., p. 103. Cf, Kodmani (Hala), ibid., p. 153.
58 Sur la critique de la politique des Ottomans, cf. Tapiéro (Norbert), Les idées réformistes d’al-Kawâkibî, 1265-1320 =1849-1902. Contribution à l’étude de l’Islam moderne, op. cit., pp. 93 et suiv.
59 Abd al-Rahmân al-Kawakibi, Umm al-Qûra القرى أم (La mère des cités), op. cit., pp. 203-205 et 211.
60 Cf. Khaldi (Souad), « Abd al-Rahmân al-Kawakibi : l’islam contre le despotisme », op. cit.
61 Abd al-Rahmân al-Kawakibi, Umm al-Qûra القرى أم(La mère des cités), op. cit., pp. 211 et suiv.
62 Le terme Shûrâ (en arabeشورى ) « concertation », « conseil », (Majles el-Shoura) désigne notamment le parlement d’un État islamique, le conseil d’administration d’un parti ou d’une institution religieuse. Dans le cadre religieux musulman c’est un concile de juges musulmans.
63 Abd al-Rahmân al-Kawakibi, Tabâ’i al-Istibdâd wa masari`al-isti`bad, op. cit., p. 7.
64 Abd al-Rahmân al-Kawakibi, Umm al-Qûraالقرى أم (La mère des cités), op. cit., pp. 138-142.
65 Abd al-Rahmân al-Kawakibi, Tabâ’i al-Istibdâd wa masari`al-isti`bad, op. cit., pp. 16, 19, 42 et 85.
66 Ibid., pp. 19, 35 et 38. Cf, Kodmani (Hala), Abd al-Rahmân al-Kawakibi. Du despotisme et autres essais, op. cit., p. 55.
67 Ibid., pp. 71-72. Cf, Kodmani (Hala), ibid., p. 105.
68 L’auteur nous montre la perversion des mœurs par la décadence du lien entre le domaine religieux et le domaine social : « il n’y a rien d’étonnant, affirme-t-il, à ce que la communauté se lasse de sa vie et que s’empare d’elle l’inertie, alors que les siècles se sont succédés tout comme les fractions se sont divisées ; ce à quoi nous sommes habitués. La perte d’espoir s’est ancrée en nous ainsi que l’abandon du travail et l’éloignement du sérieux et du réconfort jusqu’à arriver à la paresse, à la plaisanterie, à l’enlisement dans les plaisirs pour apaiser les douleurs de la captivité de l’âme, et pencher pour la passivité par désir de repos de l’esprit qui est sous pression de tous les côtés […]. Notre âme a failli […]. C’est ainsi qu’a faibli notre sentiment et que mourut notre ardeur. Nous commençons à faiblir et à haïr ce qui nous rappelait les obligations qu’implique la vie normale et notre faiblesse à les accomplir ; faiblesse concrète non naturelle ». Abd al-Rahmân al-Kawakibi, Umm al-Qûra القرى أم (La mère des cités), op. cit., pp. 9-10. Dans le même sens, cf. Abd al-Rahmân al-Kawakibi, Tabâ’i al-Istibdâd wa masari`al-isti`bad, op. cit., pp. 97 et suiv.
69 Abd al-Rahmân al-Kawakibi, Umm al-Qûraالقرى أم (La mère des cités), op. cit., p. 142.
70 Ibid., pp. 143 et suiv.
71 Tapiéro (Norbert), Les idées réformistes d’al-Kawâkibî, 1265-1320 =1849-1902. Contribution à l’étude de l’Islam moderne, op. cit., p. 96.
72 Chamieh (Ibtissam Kaderi), Socio-politique chez Abd ar-Rahman al-KAWAKIBI, écrivain et réformateur du XXe siècle, op. cit., p. 103.
73 Abd al-Rahmân al-Kawakibi, Tabâ’i al-Istibdâd wa masari`al-isti`bad, op. cit., p. 121. Cf, Kodmani (Hala), Abd al-Rahmân al-Kawakibi. Du despotisme et autres essais, op. cit., pp. 178-179.
74 Ibid., pp. 109 et suiv. Cf, Kodmani (Hala), ibid., pp. 161 et suiv.
75 L’Ijtihad désigne l’effort de réflexion que les Ulémas ou Muftis et les juristes musulmans entreprennent pour interpréter les textes fondateurs de l’Islam et en déduire le droit musulman ou pour informer le musulman de la nature d’une action (licite, illicite).
76 Le Mulk se définit par le pouvoir profane, c’est-à-dire le pouvoir politique, par opposition au pouvoir divin. Cf. Abd Al-Salam (Ahmad), Ibn Khaldûn et ses lecteurs, éd. Presses universitaires de France, Paris, 1992.
77 Cf. Arnaldez (Roger), Averroès : un rationaliste en Islam, Balland, 1998.
78 Cf. Mouaqit (Mohammed), Du Despotisme à la démocratie, le Fennec, 2000, notamment « La pensée arabo-musulmane, prisonnière du principe d’obéissance ». En ligne : http://lavieeco.com/news/societe/la-pensee-arabo-musulmane-prisonniere-du-principe-dobeissance-6312.html.
79 Ibid.
80 Chamieh (Ibtissam Kaderi), Socio-politique chez Abd ar-Rahman al-KAWAKIBI, écrivain et réformateur du XXe siècle, op. cit., p. 100.
81 Mouaqit (Mohammed), Du Despotisme à la démocratie, op. cit.
82 Chamieh (Ibtissam Kaderi), Socio-politique chez Abd ar-Rahman al-KAWAKIBI, écrivain et réformateur du XXe siècle, op. cit., p. 111.
83 Tapiéro (Norbert), op. cit., 106.
84 Abd al-Rahmân al-Kawakibi, Umm al-Qûraالقرى أم (La mère des cités), op. cit., pp. 155-156.
85 Sourate 33 (Les coalisés), verset 4.
86 Abd al-Rahmân al-Kawakibi, Tabâ’i al-Istibdâd wa masari`al-isti`bad, op. cit., p. 114. Cf, Kodmani (Hala), Abd al-Rahmân al-Kawakibi. Du despotisme et autres essais, op. cit., p. 168.
87 Al-Ariss (Ibrahim), « Early Advocate of Separation Between Religion and State, Abd al-Rahman al-Kawakibi, from the Mysteries of His Life to the Clarity of His Ideas », in Al Jadid, vol. 4, n° 24, 1998, En ligne: http://www.aljadid.com/content/early-advocate-separation-between-religion-and-state-abd-al-rah-man-al-kawakibi-mysteries-his (Consulté le 07 déc. 2015).
88 Abd al-Rahmân al-Kawakibi, Alaamal alkamila lil Kawakibi ou للكواكبي الكاملة األعمال (Œuvres complètes), op. cit., p. 450. Cf. Kawakibi (Salam), « Un réformateur et la science », op. cit.
89 Abd al-Rahmân al-Kawakibi, Tabâ’i al-Istibdâd wa masari`al-isti`bad, op. cit., pp. 23-24. Cf, Kodmani (Hala), Abd al-Rahmân al-Kawakibi. Du despotisme et autres essais, op. cit., pp. 33-34.
90 Ibid.
91 Chamieh (Ibtissam Kaderi), Socio-politique chez Abd ar-Rahman al-KAWAKIBI, écrivain et réformateur du XXe siècle, op. cit., p. 140.
92 Al-Ariss (Ibrahim), « Early Advocate of Separation Between Religion and State, Abd al-Rahman al-Ka- wakibi, from the Mysteries of His Life to the Clarity of His Ideas », op. cit.
93 Abd al-Rahmân al-Kawakibi, Alaamal alkamila lil Kawakibi ou للكواكبي الكاملة األعمال (Œuvres complètes), op. cit., p. 515. Cf. Kawakibi (Salam), « Un réformateur et la science », op. cit.
94 Chamieh (Ibtissam Kaderi), Socio-politique chez Abd ar-Rahman al-KAWAKIBI, écrivain et réformateur du XXe siècle, op. cit, p. 57.
95 Abd al-Rahmân al-Kawakibi, Tabâ’i al-Istibdâd wa masari`al-isti`bad, op. cit., p. 98. Cf, Kodmani (Hala), Abd al-Rahmân al-Kawakibi. Du despotisme et autres essais, op. cit., pp. 145-146.
96 Cf. Aït Mokhtar (Inès), « Abd al-Rahmân al-Kawakibi : une analyse panarabe du despotisme », op. cit.
97 Al-Ariss (Ibrahim), « Early Advocate of Separation Between Religion and State, Abd al-Rahman al-Kawakibi, from the Mysteries of His Life to the Clarity of His Ideas », op. cit.
98 Amara (Mohammed), Muslimûn Thûwâr ثوار مسلمون.(Musulmans révolutionnaires), Beyrouth, 1974, p. 213.
99 Burj (Mohammed), Abd al-Rahmân al-Kawakibi, Le Caire, 1972, p. 98.
100 Dayé (Jean), Sahafat al-Kawakibi, Beyrouth, 1984, p. 56.
101 Al-Ariss (Ibrahim), « Early Advocate of Separation Between Religion and State, Abd al-Rahman al-Kawakibi, from the Mysteries of His Life to the Clarity of His Ideas », op. cit.
102 Abd al-Rahmân al-Kawakibi, Tabâ’i al-Istibdâd wa masari`al-isti`bad, op. cit., p. 75. Cf, Kodmani (Hala), Abd al-Rahmân al-Kawakibi. Du despotisme et autres essais, op. cit., p. 110.
103 Ibid., p. 16. Cf, Kodmani (Hala), ibid., p. 21.
104 Ils sont respectivement troisième et quatrième califes, successeurs du Prophète Mohammed. Le Califat d’"Uthman est entre 644 et 656 et celui d’Ali" est entre 656 et 661.
105 L’affaire ou le « scandale » de Panama est une affaire de corruption liée au financement du canal de Pana- ma. Projet lancé en 1879 pour relier l’océan Atlantique à l’océan Pacifique par l’Amérique centrale. Plu- sieurs hommes politiques de la Troisième République française sont impliqués et des industriels français sont désignés du doigt. Quant à l’affaire Dreyfus qui est une grave affaire politique, militaire et religieuse qui divise profondément la France entre 1894 et 1906. Alfred Dreyfus, capitaine d’origine alsacienne et de confession juive, était officier de l’État-Major de l’armée de terre. À la fin de 1894, il est arrêté et accusé d’avoir livré des secrets militaires à l’Allemagne. Après un procès, Dreyfus est condamné, par un conseil de guerre, pour espionnage au profit de l’Empire allemand et envoyé au bagne à l’île du Diable en Guyane.
106 Abd al-Rahmân al-Kawakibi, Tabâ’i al-Istibdâd wa masari`al-isti`bad, op. cit., pp. 16-17. Cf, Kodmani (Hala), Abd al-Rahmân al-Kawakibi. Du despotisme et autres essais, op. cit., p. 21.
107 Ibid., p. 110. Cf, Kodmani (Hala), ibid., pp. 162-163.
108 Cf. Tapiéro (Norbert), Les idées réformistes d’al-Kawâkibî, 1265-1320 =1849-1902. Contribution à l’étude de l’Islam moderne, op. cit., pp. 87-88.
109 Abd al-Rahmân al-Kawakibi, Tabâ’i al-Istibdâd wa masari`al-isti`bad, op. cit., p. 35. Cf, Kodmani (Hala), Abd al-Rahmân al-Kawakibi. Du despotisme et autres essais, op. cit., p. 49.
110 Ibid., p. 35. Cf, Kodmani (Hala), ibid., p. 49.
111 Sourate 39, verset 9. Cf. Abd al-Rahmân al-Kawakibi, Umm al-Qûra القرى أم(La mère des cités), p. 50.
112 Abd al-Rahmân al-Kawakibi, Tabâ’i al-Istibdâd wa masari`al-isti`bad, op. cit., p. 36. Cf, Kodmani (Hala), Abd al-Rahmân al-Kawakibi. Du despotisme et autres essais, op. cit., p. 51.
113 Ibid., p. 36. Cf, Kodmani (Hala), ibid., p. 51.
114 Kawakibi (Salam), « Un réformateur et la science », op. cit.
115 Chamieh (Ibtissam Kaderi), Socio-politique chez Abd ar-Rahman al-KAWAKIBI, écrivain et réformateur du XXe siècle, op. cit., p. 133.
116 Tapiéro (Norbert), Les idées réformistes d’al-Kawâkibî, 1265-1320 =1849-1902. Contribution à l’étude de l’Islam moderne, op. cit., p. 13.
117 Chamieh (Ibtissam Kaderi), Socio-politique chez Abd ar-Rahman al-KAWAKIBI, écrivain et réformateur du XXe siècle, op. cit., p. 134.
118 Abd al-Rahmân al-Kawakibi, Tabâ’i al-Istibdâd wa masari`al-isti`bad, op. cit., p. 25. Cf, Kodmani (Hala), Abd al-Rahmân al-Kawakibi. Du despotisme et autres essais, op. cit., p. 41.
119 Ibid.
120 Abd al-Rahmân al-Kawakibi, Umm al-Qûraالقرى أم (La mère des cités), op. cit., pp. 33-34.
121 Ibid., pp. 28-29.
122 Ibid.
123 Abd al-Rahmân al-Kawakibi, Tabâ’i al-Istibdâd wa masari`al-isti`bad, op. cit., p. 12. Cf, Kodmani (Hala), Abd al-Rahmân al-Kawakibi. Du despotisme et autres essais, op. cit., p. 16.
124 Ibid., p. 39. Cf, Kodmani (Hala), ibid., p. 57.
125 Ibid., pp. 103-104. Cf, Kodmani (Hala), ibid., pp. 19-20.
126 Ibid., pp. 103-104. Cf, Kodmani (Hala), ibid., pp. 154-156.
127 Ibid., p. 103. Cf, Kodmani (Hala), ibid., p. 154.
128 Ibid., p. 104. Cf, Kodmani (Hala), ibid., pp. 154-155.
129 Cf. Tapiéro (Norbert), Les idées réformistes d’al-Kawâkibî, 1265-1320 =1849-1902. Contribution à l’étude de l’Islam moderne, op. cit., pp. 86 et suiv.
130 Abd al-Rahmân al-Kawakibi, Tabâ’i al-Istibdâd wa masari`al-isti`bad, op. cit., p. 107. Cf, Kodmani (Hala), Abd al-Rahmân al-Kawakibi. Du despotisme et autres essais, op. cit., p. 159
131 Ibid., p. 25. Cf, Kodmani (Hala), ibid., p. 41.
132 Cf. Kawakibi (Salam), « Un réformateur et la science », op. cit.
133 Chamieh (Ibtissam Kaderi), Socio-politique chez Abd ar-Rahman al-KAWAKIBI, écrivain et réformateur du XXe siècle, op. cit., pp. 125 et 129.
134 Cf. Tapiéro (Norbert), Les idées réformistes d’al-Kawâkibî, 1265-1320 =1849-1902. Contribution à l’étude de l’Islam moderne, op. cit., p. 92.
135 Abd al-Rahmân al-Kawakibi, Tabâ’i al-Istibdâd wa masari`al-isti`bad, op. cit., p. 115. Cf, Kodmani (Hala), Abd al-Rahmân al-Kawakibi. Du despotisme et autres essais, op. cit., p. 170.
136 Ibid., p. 115. Cf, Kodmani (Hala), ibid., p. 171.
137 Ibid., p. 115. Cf, Kodmani (Hala), ibid., p. 170.
138 Ibid.
139 Abd al-Rahmân al-Kawakibi, Alaamal alkamila lil Kawakibi ou للكواكبي الكاملة األعمال(Œuvres complètes), op. cit., p. 531. Cf. Kawakibi (Salam), « Un réformateur et la science », op. cit.
140 Abd al-Rahmân al-Kawakibi, Tabâ’i al-Istibdâd wa masari`al-isti`bad, op. cit., p. 117. Cf, Kodmani (Hala), Abd al-Rahmân al-Kawakibi. Du despotisme et autres essais, op. cit., pp. 173-174.
141 Ibid., p. 118. Cf, Kodmani (Hala), ibid., p. 176.
142 Ibid., p. 119. Cf, Kodmani (Hala), ibid., pp. 176-177.
143 Ibid., pp. 119-120. Cf, Kodmani (Hala), ibid., p. 177.
144 Ibid., p. 120. Cf, Kodmani (Hala), ibid., pp. 177-178.
145 Abd al-Rahmân al-Kawakibi, Umm al-Qûra القرى أم (La mère des cités), op. cit., pp. 55-56.
146 Tapiéro (Norbert), Les idées réformistes d’al-Kawâkibî, 1265-1320 =1849-1902. Contribution à l’étude de l’Islam moderne, op. cit., p. 14.
147 Abd al-Rahmân al-Kawakibi, Umm al-Qûra القرى أم (La mère des cités), op. cit., pp. 157et suiv.
148 Chamieh (Ibtissam Kaderi), Socio-politique chez Abd ar-Rahman al-KAWAKIBI, écrivain et réformateur du XXe siècle, op. cit., p. 130.
149 Al-Ariss (Ibrahim), « Early Advocate of Separation Between Religion and State, Abd al-Rahman al-Kawakibi, from the Mysteries of His Life to the Clarity of His Ideas », op. cit.
150 Amîn (Ahmad), Zuamâ’ al-’Islâh fî al-Asr al-Hadît احلديث العصر في اإلصالح زعماء (Chefs réformistes de l’ère moderne), Le Caire, 1948, p. 272.
151 Abd al-Rahmân al-Kawakibi, Alaamal alkamila lil Kawakibi ou للكواكبي الكاملة األعمال (Œuvres complètes), op. cit., p. 450. Cf. Kawakibi (Salam), « Un réformateur et la science », op. cit.
152 Tapiéro (Norbert), Les idées réformistes d’al-Kawâkibî, 1265-1320 =1849-1902. Contribution à l’étude de l’Islam moderne, op. cit., p. 104.
153 Cf, Kodmani (Hala), Abd al-Rahmân al-Kawakibi. Du despotisme et autres essais, op. cit., « Préface » de Salam Kawakibi, p. 7.