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La vision constitutionnelle de Nicole Robinet de la Serve : une lecture originale de la charte de 1814
Par Jérémy BOUTIER
Publication en ligne le 25 juillet 2019
Table des matières
Texte intégral
1Voici tout juste deux siècles, l’Île de La Réunion appelée alors Île Bourbon a été rendue par l’Angleterre à l’autorité du roi de France, Louis XVIII1. L’une des personnalités qui joueront un rôle majeur sous les règnes de celui-ci et de son frère Charles X, Joseph de Villèle, avait déjà quitté cette île en 1807, après s’y être réfugié sous la Révolution et marié à la sœur d’un très influent planteur2. Le même voyage de cette île de l’océan Indien à la France avait été effectué peu après, en 1810-1811, par un jeune Réunionnais lui aussi passionné par la politique, Nicole Robinet de La Serve3, qui mérite qu’on porte intérêt aux conceptions qu’il a exprimées dans un ouvrage qu’il a fait paraître en 1819 De la Royauté selon les lois divines révélées, les lois naturelles et la Charte constitutionnelle4.
2Nicole Robinet de La Serve est né à Sainte-Suzanne le 10 avril 17915. Son père était d’une famille de la petite noblesse périgourdine. Il fut officier de Marine puis régis- seur des traites du roi à Madagascar. Il est mort trois ans après la naissance de son fils. Celui-ci a donc été élevé par sa mère qui était issue d’une famille protestante qui s’était installée dans l’île après la révocation de l’Edit de Nantes. Elle eut une grande influence sur lui. Il fut pourvu d’une certaine instruction par des enseignants particuliers et profita beaucoup de la fréquentation d’une riche famille qui disposait d’une très belle bibliothèque. Il s’embarque pour la France en 1810 désireux d’échapper à l’occupation récente des Anglais qui s’étaient emparés de l’île après une ultime déconvenue française dans l’Océan Indien. Il rallie Paris au mois de mars de l’année suivante. Il a la chance d’être accueilli dans la capitale par Alexandre Chevassut, ami de sa famille. Au moment des Cent-Jours, il publie un manifeste de ralliement à Napoléon6. En 1816, ayant obtenu sa licence en droit, il s’inscrit au barreau de Paris. Il épouse l’année sui- vante la fille d’Alexandre Chevassut, un des actionnaires du Constitutionnel, feuille pour laquelle le jeune La Serve devient pigiste. Les bureaux du journal sont un endroit privilégié pour fréquenter quelques libéraux célèbres tels que Constant. Au cours de ses études, il s’était lié d’amitié avec de jeunes juristes qui deviendront célèbres : Thiers, Barthe, Mignet et Isambert. Il a aussi l’occasion de rencontrer Lafayette, Lanjuinais, Manuel et Béranger7. Il est cependant encore inconnu du grand public lorsqu’il publie son ouvrage en 1819. Il a beaucoup lu et il le prouve dans son livre. Il n’est pas avare en citations et montre à chaque page sa connaissance profonde des plus grands classiques.
3De la Royauté est son coup d’éclat. Il s’attache à exposer minutieusement chaque argument à la lumière des penseurs les plus illustres : « Quand il y a un dissentiment sur une question, la seule manière de concilier les esprits est de remonter à l’origine des idées, comme le prescrit la méthode analytique. C’est le mode de procédé des meilleurs esprits ». Sa formation d’avocat transparaît aussi fréquemment.
4Une difficulté pour étudier ce texte est qu’il est quasiment le seul témoignage des idées de son auteur. Certes, La Serve écrit dans le Constitutionnel mais les auteurs du journal ne signaient pas leurs articles8. Contrairement à Lanjuinais, Constant, Royer-Collard ou Chateaubriand, il n’a pas la possibilité de s’exprimer dans une Chambre et ne l’aura jamais9. Son ouvrage connaît cependant un vrai succès de librairie d’après Lanjuinais10. Il fait l’objet de plusieurs comptes-rendus11 et d’une traduction intégrale en espagnol12. Il suscite aussi la rédaction d’une réfutation de 65 pages dont l’auteur n’a pas jugé utile de divulguer son nom13. L’année suivante, l’assassinat du Duc de Berry sera un coup d’arrêt pour la presse et la littérature politique libérale. Il rega- gnera son île dès 1824 après avoir été arrêté en septembre 1822 par la police pour des liens supposés avec des protagonistes de l’affaire des Quatre Sergents de La Rochelle. La Serve n’a pas eu tout le temps nécessaire pour voir évoluer le régime au plus près.
5Au prime abord, le titre du livre ne révèle pas l’opinion de son auteur sur la Charte de 181414. Toutefois, comme le remarquera une personnalité politique de la Réunion sous la IIIe République, Auguste Brunet, ce titre rappelle celui de Chateaubriand : De la Monarchie selon la Charte15. Le titre laisse aussi deviner l’attention particulière portée par l’auteur à la notion de royauté. Sur un plan formel, son ouvrage est composé de trois parties qui suivent l’intitulé16. Il se veut être une analyse du rôle de l’institution royale, en remontant jusqu’à l’Ancien Testament. Le style de l’auteur ne laisse pas indifférent. Souvent à la limite, de l’insulte pour les uns, du blasphème pour les autres, Nicole Robinet de La Serve expose aux yeux de tous sa lecture libérale de la Charte. Sur le fond, il expose que l’absolutisme royal est un non-sens historique car les rois absolus ont confisqué la souveraineté au détriment du peuple. De ce postulat, il élabore une démonstration aussi habile qu’audacieuse en veillant toujours à s’appuyer sur les plus grands auteurs17.
6La Serve est donc un libéral qu’il est difficile de classer parce qu’il n’a pas eu l’occasion de proposer une réflexion murie progressivement à l’aune de l’évolution des monarchies constitutionnelles. Bien entendu, tous les thèmes classiques d’une étude de la Charte sont abordés : l’origine de la souveraineté, le rôle du roi et de ses ministres, la loi des élections, l’inviolabilité royale, la question du pouvoir conservateur du roi, la garantie des droits ou encore la question de l’octroi. Cependant, ils sont plus ou moins développés et l’originalité du système dégagé renforce l’impression de singularité laissée par l’ensemble.
7Cet ouvrage singulier est tombé dans l’oubli, même si Ephraïm Harpaz l’a mentionné dans deux ouvrages traitant des journaux libéraux sous la Restauration18. Plus récemment, Patrick Imhaus lui a consacré un passage de sa biographie19. Nous l’avons signalé en 2009 à propos du transfert de l’idéologie libérale française à La Réunion au début de la monarchie de Juillet20. Son intérêt a été souligné par Oscar Ferreira qui l’a cité à diverses reprises dans sa thèse novatrice : Le pouvoir royal (1814-1848) : un quatrième pouvoir ?21.
8La Serve écrit depuis plusieurs années déjà au Constitutionnel, souvent sur les questions politiques. Très au fait de ces questions, il lui vient naturellement l’envie de se lancer dans un exposé complet de son interprétation de la Charte. Inspiré par certains commentaires, en premier lieu l’étude sur les Constitutions françaises de Lanjuinais qu’il cite abondamment, et déçu par certaines positions comme parfois celles de Constant, La Serve élabore une organisation des pouvoirs qui repose sur une souveraineté nationale qu’il définit avec beaucoup de précision. Tout procède d’elle. Elle délègue alors à des représentants – les députés – le soin d’exercer cette puissance, en collaboration avec le roi et la Chambre des pairs. L’absence de souveraineté royale conduit l’auteur à redéfinir les contours de l’autorité royale en puisant ses justifications au-delà du règne de Clovis. En libéral convaincu, il s’astreint à s’adapter aux circonstances de ce début de la Restauration sans cacher pour autant un sérieux penchant pour la République dont il livre là encore sa conception personnelle. La Serve est aussi un admirateur de la Constitution de 1791, tout comme de la déclaration des droits qui trône à sa tête et propose même de l’exhumer. Classiquement, l’auteur voit dans la Charte une transaction entre les principes anciens et ceux hérités de la Révolution, mais avec une teinte d’originalité. En quoi l’interprétation libérale de la Charte de La Serve est-elle singulière ? Quels principes dégagés peuvent apporter un intérêt nouveau à l’étude constitutionnelle de ce texte ?
9La Serve adopte une démarche didactique au travers de laquelle il rejette de façon argumentée le principe de l’absolutisme, en niant l’origine divine de la souveraineté puis en montrant qu’elle ne peut appartenir qu’au peuple, en dépit de tout autre accord (I). Une fois le débat sur la souveraineté royale clos, La Serve a tout le loisir de déve- lopper sa vision de la Charte, texte qu’il juge légitime, qui doit protéger la liberté et les droits naturels en se basant sur une nation souveraine et un gouvernement mixte et représentatif dans lequel les représentants élus de la nation sont amenés à devenir l’organe prépondérant (II).
La soumission de l’autorite royale au peuple
10Le contexte dans lequel La Serve rédige son ouvrage est relativement favorable. La législation sur la presse permet une certaine liberté dans les propos, y compris à l’en- contre de la religion. La Serve n’en est pas pénétré et il a parfois dû dissimuler à Paris son penchant pour le protestantisme. Cette inclination se retrouve dans ses écrits. Il est certain que les positions qu’il adopte par rapport au catholicisme apostolique et romain ne peuvent qu’attiser la réprobation des Ultras.
11L’originalité de ses propos n’est pas forcément toujours évidente sur le fond, contrai- rement à la forme, ce qui excite d’autant plus ses détracteurs. Au peuple appartient la souveraineté, en aucun cas au roi, les lois divines et naturelles en attestent. Conscient du délicat exercice de la souveraineté, le peuple s’adjoint les services du roi au moyen d’un contrat (§ 1). Dès lors, le manquement aux obligations nées de celui-ci entraîne des conséquences pour celui qui prend en charge l’exercice de la souveraineté (§ 2).
§ 1. – L’origine populaire de la souveraineté
12Plusieurs critiques ou commentateurs du travail de La Serve ont souligné que son ouvrage cherchait principalement à démontrer l’existence de la souveraineté du peuple22. La Serve met d’ailleurs un point d’honneur à parfaire son argumentation. Il n’hésite même pas à s’opposer à Benjamin Constant qui juge oiseuse la recherche de l’origine de la souveraineté23. La Serve ne jouit pas de l’aura et de la célébrité de l’Helvète, il lui faut convaincre en multipliant les preuves. Remonter jusqu’à la Bible lui permet de contester directement les arguments des monarchistes qui s’appuyaient sur les Saintes Écritures pour fonder la souveraineté du monarque de droit divin.
13La Serve analyse l’Ancien et le Nouveau Testament, pour prouver que Dieu condamne l’absolutisme (1). Cette étude préalable lui permet d’ensuite montrer que la souveraineté royale n’est pas fondée et que la puissance civile émane du peuple. Celui-ci peut alors choisir de déléguer l’exercice de la souveraineté mais il en fixe les conditions (2).
La négation de l’origine divine du pouvoir royal
14La Serve justifie ainsi la première partie de son ouvrage : « Je prouverai également que la royauté, selon la Charte et ses lois organiques, est conforme à ce qu’elle doit être selon les lois divines révélées »24. Il inclut ces dernières, au même titre que les lois naturelles, dans les principes du droit public général. La Serve assure d’emblée que « le premier gouvernement que Dieu ait établi pour son peuple est une république »25. Il s’appuie habilement sur un auteur que les ultras monarchistes ne peuvent récuser : Bossuet lui-même dans sa fameuse Politique tirée des paroles de l’Ecriture Sainte. Ce n’est qu’en seconde position qu’il mentionne la démonstration conduite par le républicain anglais Algernon Sidney. Il en tire immédiatement la conclusion que « Dieu donne la préférence aux idées libérales » et invoque en ce sens une preuve qu’il affirme invincible26. Il explique que les Hébreux ne voulant plus la démocratie mais une mo- narchie, Dieu tenta de les dissuader par l’intermédiaire du prophète Samuel qui devait leur montrer les horreurs dont pouvaient se rendre coupables les rois envers eux27. Celui-ci échoua. La Serve relève alors une imprécision du discours du prophète qui n’a pas distingué « le monarque absolu du roi constitutionnel ». Ce dernier, ayant des pouvoirs limités, n’aurait pas pu agir de la sorte28. Dieu est donc opposé aux rois absolus.
15La Serve constate encore que, « le législateur des Hébreux », c’est-à-dire Moïse, « consacre le principe que tous les pouvoirs émanent du peuple, et que c’est à lui qu’il appartient de choisir la forme du gouvernement qui lui convient »29. Ainsi, Saül est devenu roi d’Israël par la volonté du peuple et fut ensuite réélu. David aussi fut reconnu comme roi par le peuple. La Serve en conclut que : « quoique Dieu eût désigné d’avance ceux qui devaient régner sur la nation juive, et qu’il eût été facile de manifester sa volonté par miracle, il voulut, afin de consacrer le principe que tous pouvoirs émanent du peuple, que l’élection se fit régulièrement par le peuple lui-même »30. L’auteur de la réfutation de De la Royauté ainsi que le journal L’Ami de la Religion et du roi ne voient là qu’une interprétation erronée : La Serve aurait lu la Bible avec trop de « précipita- tion »31 et le journaliste se plaît à rappeler les actes de royauté de Saül. Ce que redoute par-dessus tout ce journaliste, c’est l’exaltation de l’insoumission à un ordre et à une paix chrétienne séculaire, en ravivant la flamme révolutionnaire qui avait malmené l’Église. On ressent cette crainte dans son article qui reprend les mots de La Serve sur un ton grave et sentencieux : « Il faut convenir que les auteurs et les journalistes ne se gênent point ; et pourquoi se gêneroient-ils, puisqu’on souffre leurs écarts ; puisque cette royauté, dont ils se jouent, n’est plus à leurs yeux qu’un vain nom. La monarchie n’existe réellement plus, dit M. Delaserve, et la république est constituée »32.
16La Serve précise également que Moïse prescrivit les lois auxquelles le roi devait être soumis. Il en déduit que « Les Rois et leurs sujets sont frères » car soumis aux mêmes lois, « Voilà certainement le grand précepte de l’égalité politique établi par Dieu lui-même », avant de terminer par ces mots : « Rois, qui voulez vivre longuement et conserver la couronne dans votre dynastie, honorez les peuples auxquels vous commandez, c’est Dieu qui vous le dit »33.
17Il en ressort que le roi doit donc respecter les règles fixées par Dieu mais il peut, de plus, être soumis à des lois imposées par le peuple34 : « Il est impossible de désigner plus clairement le gouvernement constitutionnel, c’est-à-dire, la limitation du pouvoir royal et des prérogatives fondamentales, et le droit de coaction sur le prince et les grands, dans le cas où ils voudraient détruire ces lois »35. La Serve prouve son audace en décelant les principes de la monarchie constitutionnelle dans le Deutéronome !
18Attentif à ne pas laisser de raison de le critiquer, La Serve devance ses éventuels détracteurs en faisant remarquer par exemple que cette parole de Salomon « Obéissez aux ordres de votre roi, là est le pouvoir », tirée de l’Ecclésiaste, s’adresse aux particuliers et non au peuple entier36. Dieu ne s’est jamais opposé à la déposition des princes indignes de régner, consacrant ainsi ce droit. Affirmer le contraire impliquerait selon La Serve des contradictions dans les Saintes Écritures. D’ailleurs, Josèphe tout comme Jérémie rappellent que le roi ne peut rien sans le consentement du sanhédrin. Cette volonté d’affirmer une autonomie du peuple par rapport à Dieu indispose les catholiques : « M. De la Serve veut établir la souveraineté du peuple en opposition à celle de Dieu, et il invoque en faveur de sa cause les lois divines révélées, dont il repousse l’esprit et dénature la lettre ; lois naturelles, imposées à l’homme, sans le concours de l’homme, comme but essentiel de la création, et dont néanmoins il rend l’homme arbitre sans égard pour leur origine ; enfin il s’appuie audacieusement sur la charte octroyée par un Roi rétabli sur son trône et qui s’honore d’y être par la grâce de Dieu, pour prouver qu’une telle concession conduit directement à la république, et que cette république fera apparoître le plus parfait des gouvernemens, en assurant l’indépendance absolue du peuple Français sous la protection d’un chef révocable, assujéti à tous ses caprices »37. Ce sont les premiers mots des observations préliminaires de l’auteur de la Réfutation.
19À l’instar de l’Ancien Testament, l’Evangile recèle également des principes libéraux. L’Evangile selon Saint-Mathieu n’a rien d’un « code de la servitude ! »38. Pas de doute pour La Serve, le Nouveau Testament est favorable à la liberté et à l’égalité politique39. La Serve y puise notamment l’assurance que Dieu ne s’oppose pas au droit de résistance des peuples40. Comme le développe le théologien anglais Richard Hooker, ce droit s’applique en cas de violation du droit naturel par le roi puisque les lois naturelles sont des lois de Dieu. Il instaure donc bien une égalité politique en laissant un moyen de pression au peuple contre le roi. En outre, La Serve constate que Dieu punit souvent les peuples pour les fautes de leurs rois lorsqu’ils y ont contribué en négligeant de les réprimer. Ainsi, « Dieu autorise les peuples à réprimer leurs rois, et les punit même lorsqu’ils ne le font pas »41.
20Avant de refermer le chapitre des lois divines révélées par les Saintes Écritures, il est nécessaire de signaler des propos de La Serve qui s’adressent directement à ceux qu’il combat : les Ultras, d’autant plus que le soin apporté à cette étude préliminaire reflète la volonté de l’auteur de leur enlever le recours aux lois divines pour légitimer la souveraineté royale et les privilèges. Habilement, il se sert d’une réprimande à David pour suggérer à Louis XVIII de comparer à Satan ceux qui l’incitent à être intransi- geant envers ses sujets qui ne partagent pas leurs conceptions extrémistes42. Il affirme ensuite que l’Evangile offre « d’admirables leçons de patriotisme » et assure que Jésus-Christ ne devait pas aimer « ceux qui pendant vingt-cinq ans ont fait la guerre contre leur patrie ». La Serve confortait ainsi le reproche adressé aux émigrés de s’être rendus coupables de trahison et de collusion avec les ennemis de la France, reproche qui devint « le leitmotive des attaques libérales » selon la formule d’Emmanuel de Waresquiel43. Le prétendu patriotisme de l’Evangile permet en outre à La Serve de menacer du jugement du Christ « ceux qui ont persécuté et horriblement outragé de pauvres soldats leurs concitoyens, dont le seul crime était d’aimer leur nation »44, c’est-à-dire les vétérans des guerres de la Révolution, du Consulat et de l’Empire.
Le contractualisme de La Serve
21La négation de l’origine divine de la royauté par La Serve pourrait expliquer à elle seule l’opposition des Ultras. Pour l’auteur, le peuple confie la souveraineté au roi qui exerce le pouvoir mais « conformément aux vues de Dieu »45. Telle est l’origine de la souveraineté.
22L’origine divine de la souveraineté proviendrait d’une usurpation qui débute, non pas par une alliance entre la royauté et le clergé comme l’explique l’irlandais Charles Francis Sheridan46, mais dès la république romaine, lorsqu’« Octave fut déifié sur terre, par le titre d’Augustus »47. C’est Jean-Frédéric Gronovius dans son Discours sur la loi royale du peuple romain qui fait ce constat. La Serve en tire cette conclusion : « Ainsi, il faut remonter à cette source impure pour trouver l’origine du droit absurde que nous examinons, droit qui fut ensuite perpétué par l’ignorance et le charlatanisme »48. Ce propos est confirmé par Jean-Jacques Burlamaqui qui avance que « L’opinion de ceux qui prétendent que Dieu est la cause immédiate de la souveraineté des rois, n’a de fondement que dans l’adulation et la flatterie »49, par Samuel Pufendorf qui confesse qu’il lui « paraît certain que Dieu n’est pas plus l’auteur des monarchies que des républiques, et que les unes et les autres sont également produites par des conventions »50, ou encore par William Blackstone qui écrit sans ambages que « la doctrine du droit divin est une absurdité »51. La virulence de ce dernier correspond à celle de La Serve : « la doctrine du droit divin de la royauté n’a aucun fondement raisonnable, (…) elle n’est appuyée ni sur la loi divine ni sur la loi naturelle ; qu’en conséquence elle n’est qu’une vieille chimère ridicule, dont le bon sens doit faire justice »52.
23Après avoir repoussé l’origine divine de la souveraineté, La Serve s’affaire à démontrer que la souveraineté royale est un non-sens.
24La royauté est un établissement humain, comme l’a reconnu Saint-Pierre lui-même53, qui ne peut revêtir un caractère absolu. Ce serait immoral puisque la liberté est un bien inaliénable et imprescriptible54. Or, pour parvenir à son but, le bonheur du peuple, la royauté doit également être légitime55. Le contrat qui lie le roi, en tant que magistrat, doit être valable pour que ce roi soit un chef légitime et non un usurpateur. Bossuet n’en disconvient pas lorsqu’il oppose gouvernement légitime et gouvernement arbitraire, bien que La Serve éclipse totalement l’origine divine du pouvoir royal chez l’Aigle de Meaux56.
25La légitimité est conférée par le peuple. Pour ce faire, La Serve s’appuie sur les idées de Hooker57. De ce propos : « Tout gouvernement dans lequel les lois se font sans le consentement du peuple, est tyrannique »58, La Serve tire deux enseignements. Tout d’abord, pour qu’un gouvernement soit légitime, la nation doit faire ses lois ou du moins concourir à leur formation. Ensuite, la nation doit avoir la possibilité d’en surveiller l’exécution et éventuellement de pouvoir sanctionner : « C’est l’existence de ce double droit qui constitue la liberté politique. Ainsi il n’y a pas de royauté légitime sans liberté politique »59.
26Fondé sur le règne des lois, puisque c’est le concours direct ou indirect de la nation dans leur confection qui rend le gouvernement royal légitime, « il en résulte que les lois ne sont que l’expression de la volonté générale, et que cette volonté règne sur toutes les volontés particulières »60. Avec la bénédiction de Rousseau, La Serve fait cette déduc- tion cruciale : « Il n’y a de royauté légitime, que celle qui est instituée sur la base de la souveraineté du peuple »61.
27D’après les conclusions de la première partie de l’ouvrage, les premiers rois étaient des chefs élus par le peuple à cause de leurs compétences, ce qui en fit des magistrats et non des maîtres62. Ensuite, ce n’est que par l’usurpation des droits du peuple, par la ruse ou la force, que des ambitieux s’emparèrent du pouvoir. Aucun procédé légal ne fut alors utilisé63. Les conventions postérieures conclues n’ont pas plus de valeur pour La Serve car elles contreviennent à la morale humaine. Aliéner sa liberté au point de devenir l’esclave d’un maître est un contrat « immoral et absurde, également réprouvé par la religion, par la loi naturelle et par la plupart des lois positives qui existent aujourd’hui »64. Il concède néanmoins que perdure dans les colonies, l’institution de l’esclavage mais cela est dicté par la « raison d’État » et n’a plus cours en Europe65. Il ne mentionne pas Thomas Hobbes et l’aliénation volontaire du peuple par le pacte de soumission66. En revanche, Jean-Jacques Rousseau trouve grâce à ses yeux, tout comme le protestant Jacques Abbadie : « le droit naturel de notre conservation est tout à fait inaliénable ; ce serait vendre sa propre vie dont on n’est pas le maître »67. La notion de contrat est fondamentale pour La Serve, car elle permet d’établir un raisonnement clair de type juridique. En effet, tout contrat aliénant la liberté d’un ou plusieurs individus est frappé de nullité en raison de l’imprescriptibilité de la liberté68.
28Le roi est soumis à la volonté du peuple. Il est tenu au respect de son contrat. Ainsi, le pouvoir royal doit revêtir certaines caractéristiques. Il ne doit pas être assimilé au pouvoir paternel car celui-ci peut être trop sévère comme celui d’un maître sur son esclave ou, au contraire, trop complaisant par tendresse paternelle69. Il faut donc avoir certaines vertus pour être roi70.
29Le pouvoir royal n’a également rien de patrimonial71. Il n’appartient à aucune famille. La Serve s’attaque donc au principe d’hérédité qui fut admis sous le règne de Philippe Auguste et qui intégra par la suite le corpus des lois fondamentales du royaume de France. Il recherche en fait deux choses : d’une part prouver que la présence de la famille régnante sur le trône de France n’est pas immuable, d’autre part discréditer les plus farouches partisans de cette théorie, les Légitimistes.
30La Serve est objectif lorsqu’il avoue, de concert avec d’illustres noms, que la royauté élective comporte une foule d’inconvénients, de surcroît dans un pays aussi important que la France. Néanmoins, il rappelle que le principe d’hérédité n’y a pas été originel, contrairement au principe d’élection. Même lorsque la pratique de l’élection est peu à peu tombée en désuétude, son idée a toujours été présente lors de la cérémonie du sacre.
31En outre, Bignon souhaite que la nation soit consultée en cas d’extinction de la ligne directe, sans automatiquement en recourir aux branches collatérales afin « que les peuples soient affranchis du scandaleux affront de voir des princes étrangers réclamant le droit de les gouverner »72. Cependant, Bignon omet de rappeler que si le principe de collatéralité a été dégagé en 1328 puis est devenu progressivement une loi fondamentale du royaume (consacré par l’arrêt du Parlement de Paris du 28 juin 1593), c’était précisément pour éviter que la couronne de Charles IV n’échoue sur la tête du roi d’Angleterre, Edouard III73. La Serve remet en fait complètement en question le principe de l’indisponibilité de la couronne74. Ce qui est problématique pour l’argumentaire de La Serve, c’est qu’il néglige, sans doute sciemment, de préciser que les généralités relevées par Bignon, le sont à l’échelle de l’Europe et pas spécialement pour la France, de sorte que certaines critiques ne peuvent pas être émises en ce qui concerne la France75.
32Non content de nier le caractère divin à l’autorité des rois, La Serve veut encore leur ôter tout ce qui peut rappeler les monarques français qui régnaient avant la Révolution. Il réfute la thèse suivante de Benjamin Constant : le pouvoir royal, une des branches du pouvoir monarchique avec le pouvoir exécutif, est « soutenu par des souvenirs et des traditions religieuses »76. Il veut rompre avec la révérence et la vénération des rois qui ne sont plus absolus pour montrer que ces derniers usurpaient la détention de la souveraineté, chose révolue depuis 178977. Cela ne doit altérer en rien le respect dû au roi mais ce respect ne doit être basé que sur « les qualités et le mérite personnel du prince (…) et sur les éminents services (…) rendus à la liberté publique »78. Le roi n’a rien d’intrinsèquement supérieur aux autres hommes, comme l’entendaient Massillon79 ou Montaigne80. Tout le luxe ostentatoire dont se pare inutilement et ridiculement la monarchie doit d’autant plus disparaître qu’il se fait aux dépens des Français : « En voyant ce luxe inutile et ces brillants hochets, il [le sujet] dit, en murmurant, c’est moi qui paie »81. Comble de l’audace ! La Serve n’en est donc pas à une outrecuidance près.
33Malgré toute sa bonne volonté, le roi peut être sujet à des influences extérieures. Une des conséquences malencontreuses pour le peuple de la soumission au pouvoir absolu d’un seul est le risque de transformer des conseillers éclairés et avisés en de simples courtisans corrompus comme le déplorent Montesquieu et Fénelon82. L’usur- pation de la détention de la souveraineté par le roi de France depuis des siècles est alimentée par l’éducation des princes83 mais aussi par l’attitude des courtisans qui l’entourent84.
34Si l’évêque de Cambrai voulait redonner à la noblesse la place et l’utilité qu’elle n’avait plus sous Louis XIV, il la souhaitait concernée, impliquée et zélée sans que ce soit ses privilèges pécuniaires qui la définissent. On retrouve cet élan méritocratique chez La Serve, mais ce dernier ne veut plus de l’inégalité naturelle chère à Fénelon car la Révolution de 1789 a fait son œuvre. En érigeant Fénelon en mentor de ses idées, La Serve fait preuve de partialité. Les passages tirés des Dialogues des Morts du précepteur du grand dauphin ne correspondent qu’à certains aspects des opinions de Fénelon, de sorte que les arguments puisés chez lui ne reflètent pas fidèlement sa pensée. Ces arguments se réduisent à grossir un peu plus le rang des adversaires de l’absolutisme85. Fénelon est en réalité bien plus nuancé. D’ailleurs, La Serve cite trois fois l’auteur des Aventures de Télémaque, mais à aucun moment ces extraits ne donnent de véritables indications sur l’origine et le fondement de la royauté, problème qu’il prétend pourtant régler dans ce chapitre86. Fénelon veut imposer certaines limites institutionnelles au roi mais il ne remet jamais en question l’origine divine de la royauté87.
§ 2. – Le droit de résistance : une réponse à l’absolutisme
35La souveraineté ne pouvant être royale, elle est tout entière au peuple qui choisit de déterminer l’exercice du pouvoir au moyen d’une convention. Toutes les garanties des individus dépendent du respect de ce pacte. Si l’organe dépositaire de ce pouvoir manque à ses obligations, La Serve préconise la réaction car la passivité n’est guère concevable. Néanmoins, il est nécessaire de préciser dans quelles conditions le peuple peut entrer légitimement en résistance contre son oppresseur (1). Afin d’éviter d’en arriver à ce type d’extrémité, La Serve propose d’inclure un arsenal de clauses spéciales dans la Constitution (2).
La légitimation du droit de résistance
36Dans la première partie de son ouvrage consacrée à la royauté selon les lois divines, La Serve a cherché quelques raisons d’affirmer que les Saintes Écritures ne défendent pas au peuple de se soulever dans certains cas.
37La Serve prend un soin particulier à réfuter l’interprétation classique de l’épitre de Saint-Paul aux Romains : « Que tout le monde soit soumis aux puissances supérieures, car il n’y a point de puissance qui ne vienne de Dieu, et c’est lui qui a établi toutes celles sur terre »88. Pour La Serve, c’est Pufendorf qui éclaire la véritable signification de cet épitre. Il rappelle la distinction faite par Saint-Pierre entre établissement divin et établissement humain. Le pouvoir souverain en est un car il émane originairement de ceux qui se sont joints en une société civile, acte approuvé par Dieu car salutaire aux hommes qui en sont les auteurs89. La Serve est même facétieux lorsqu’il cite Rousseau brocardant l’obéissance aveugle : « Toute puissance vient de Dieu, soit ; mais toute maladie aussi vient de Dieu, et il n’est pas défendu d’appeler le médecin »90.
38Dieu n’interdit pas de s’élever contre l’usurpation et la tyrannie, qu’elle soit légitime ou non91. Pour enfoncer le clou, La Serve revient sur la célèbre formule du Nouveau Testament : « Rendez à César ce qui appartient à César ». Le Réunionnais cite un passage de John Milton tiré de la Défense du peuple anglais, traduit par Mirabeau, duquel le Provençal déduit qu’il faut rendre au peuple ce qui lui appartient. Lanjuinais, aux dires de son fils Victor, se contente de nier les prétentions du pouvoir spirituel à s’immiscer dans le gouvernement temporel des hommes92. Dans tous les cas, ces conclusions sur le Cantique de la Vierge divine sont violemment condamnées par le contradicteur de La Serve, qui semble imputer une telle position sur la question à son protestantisme, malgré la discrétion de La Serve sur le sujet93.
39En rappelant qu’un roi est un magistrat et non un maître, il n’en fait que le premier des citoyens car, lorsque les individus forment la nation entière, leur volonté et leur autorité sont supérieures à la sienne. La Serve va même au-delà de la soumission du roi à la souveraineté de la nation qui fait de lui un roi constitutionnel. Il semble pencher pour une soumission du roi à la loi94. Il lui importe de nier toute personnification du pouvoir en prohibant tout amalgame entre la personne du roi et la nation, comme c’était le cas aux XVIIe et XVIIIe siècles en France. Étrangement, le publiciste réunionnais n’a pas jugé utile de relever un passage d’Emer de Vattel, dont La Serve cite pourtant à plusieurs reprises le célèbre ouvrage, le passage au cours duquel le jurisconsulte suisse livre une analyse très claire de la question95. Il n’évoque pas plus l’adage d’Ulpien « Princeps legibus solutus est » qui proclame l’indépendance du prince à l’égard des lois, ni la Digna Vox qui soumet l’empereur à la loi ou encore la voluntas principis, élément subjectif qui incline vers une soumission volontaire du prince aux lois ordinaires96.
40Si un gouvernement est arbitraire, il est illégitime, par conséquent « il n’est pas moralement obligatoire pour ceux qui y sont soumis, car force n’est pas droit »97. Telle est l’idée de départ des deux longs chapitres que La Serve consacre à la question du droit d’insurrection des peuples face à la tyrannie98. Le peuple doit avoir des garanties légales pour éviter qu’une telle situation ne puisse continuer de l’opprimer : « un peuple qui se trouve placé sous un pareil gouvernement, conserve toujours le droit de demander des garanties contre l’arbitraire, c’est-à-dire des lois fondamentales qui assurent sa liberté politique et civile : et que dans le cas où on les lui refuserait, il possède également le droit inaliénable de se soulever pour les obtenir par la force »99. Ces garanties sont donc d’ordre constitutionnel. Filangiéri le certifie : « Dans tous les gouvernements, le pouvoir de créer, abolir, changer les lois fondamentales de la nation, est un droit de la nation même »100. Benjamin Constant exprime une opinion semblable : « une nation ne peut être tenue à tolérer une constitution tellement vicieuse, qu’elle se- rait pire que la secousse du changement101. » Pour La Serve, la Révolution de 1789 n’est que l’application de ce principe mais il en condamne prudemment toutes les dérives. La meilleure des constitutions qui produit les meilleures lois pour son peuple ne peut être viable sans cette garantie car la liberté resterait un bien trop précaire à conserver. Il cite alors une kyrielle de penseurs illustres qu’il nomme les législateurs des nations : Aristote, Cicéron, Grotius, Puffendorf, Barbeyrac, Gronovius, Vatel, Mably, Sidney, Burlamaqui, Noodt, Abbadie, Ferguson, Massillon, Montesquieu, Schelius et surtout Locke dont il reproduit des extraits du Traité sur le gouvernement civil sur plusieurs pages consécutives. Ces citations sont d’autant plus intéressantes que ces auteurs ont eu des idées générales divergentes et proviennent d’époques, de milieux et de pays différents. La Serve estime que leur communauté de vue sur la question confère un caractère universel et immuable au droit d’insurrection des peuples. Il concède même que plusieurs de ces auteurs ne sont pas en accord avec ses principes. L’hétérogénéité de la pensée de ces philosophes permet alors de mettre en lumière le procédé utilisé par chacun d’eux pour déclencher juridiquement le droit d’insurrection. On observe alors que La Serve ne mentionne pas de cas extrêmes comme Etienne de La Boétie et sa désobéissance passive ou Jean Boucher et le régicide. Il cite tout de même William Barclay, Juan de Mariana et abondamment François Hotman mais il ne parle jamais du mouvement monarchomaque.
41Le droit d’insurrection est donc une garantie que possède le peuple en cas de dé- rive de celui qui détient le pouvoir souverain émanant de lui. Le roi prête serment de bien gouverner. S’il n’est pas fidèle à ce serment, celui-ci devient nul, car tout serment devient nul « s’il empêche un bien moral plus considérable »102. Or, La Serve considère comme bien moral ce qui est ordonné par le droit naturel : l’amour de la patrie et l’accomplissement des devoirs envers elle. Il conclut alors : « Donc, tout serment est nul lorsque son objet devient contraire à l’intérêt de la patrie »103.
La clause commissoire de déchéance
42La principale crainte de tout peuple est que son bonheur ne soit plus assuré. Pour La Serve, il existe un juste milieu entre les anciennes lois fondamentales du royaume et les excès de la constitution montagnarde. L’article 35 de la déclaration des droits de 1793 était pernicieux car il ne définissait pas ce qui constituait une violation des droits du peuple, ce que La Serve fait : « Distinguons donc, avec Locke et Burlamaqui, entre une violation passagère dont la nation pourrait avoir satisfaction par la responsabilité des ministres et de leurs agens, et une violation manifeste tendant à la détruire, ce qui constitue la tyrannie »104. Il faut donc épuiser la totalité des moyens légaux avant de se résoudre à prendre les armes. Pour éviter d’en arriver à ces extrémités, La Serve pro- pose d’enraciner dans la constitution le moyen de pallier l’usage de la force105.
43Ce moyen est ce qu’il nomme une clause commissoire de déchéance106. Un des premiers à parler de clause commissoire dans le cadre constitutionnel fut Grotius : « Que dirons-nous des promesses accompagnées de cette clause, que, si le Roi vient à violer les engagemens, il sera déchu de la Couronne ? N’est-ce plus alors un Pouvoir Souverain ? Je crois que si : tout ce qu’il y a, c’est que la condition apposée met quelques bornes à la manière de posséder la Souveraineté, et en fait à-peu-près une Souveraineté à tems. Il en est ici comme d’un fond que l’on tient à charge de fidéicommis : ce fond n’est pas moins nôtre, que si on en étoit maître avec un plein droit de propriété : on le possède seulement d’une manière à craindre qu’on ne soit un jour obligé de le rendre. Une semblable clause commissoire peut être ajoutée non seulement aux conventions entre le Peuple et le Roi, à qui il confère l’Autorité Souveraine, mais encore aux autres sortes de contrats, qui ne changent pas pour cela de nature »107.
44La Serve donne également des précisions quant aux conséquences pour le roi qui ne respecterait pas cette clause. Les exemples donnés traduisent une acceptation du principe du recours aux armes mais il reste assez vague sur les modalités d’application.
45Rappelons que La Serve salue le soulèvement du peuple français en 1789 mais il en déplore les dérives violentes. Il préfère se focaliser sur les différentes constitutions qui comprennent ce type de clauses, clauses qui furent pour certaines activées, selon lui. L’exemple le plus fameux est celle de l’Angleterre. Sa constitution établit un contrat avec Guillaume III, « qui a force de loi fondamentale, et qui reconnaît à la nation le pouvoir de se soulever pour en maintenir l’observation », du moins c’est ce que déduit Blackstone des dispositions de nature constitutionnelle de son pays108. La constitution anglaise étant non-écrite, La Serve sait les incertitudes qui peuvent l’accompagner, en particulier depuis la fin du XVIIIe siècle. Qu’importe, cette clause étant commandée par la loi naturelle, elle existe quelle que soit sa façon d’être énoncée. Le peuple de Venise s’est soulevé en 1310. À deux reprises le Stadhouder fut déposé, par les citoyens d’Amsterdam puis par les patriotes hollandais. Les Suédois aussi durent par deux fois rompre avec le pouvoir en place, lors de l’avènement de Gustave Wasa en 1523 ainsi qu’à celui de Charles XIII en 1809. Cette révolution suédoise fait, pour La Serve, écho à celle de 1688 en Angleterre.
46La Serve n’a donc pas besoin d’exhumer en profondeur le droit public français pour justifier la déchéance royale. Il juge néanmoins utile de remonter jusqu’aux origines de la France et le dépôt du père de Clovis, le roi Childéric Ier, par ses sujets francs saliens en 457. La Serve se contente en fait de récapituler différents exemples de ren- voi de rois ayant régné sur la France, exemples compilés par François Hotman dans Franco-Gallia109. L’argument décisif demeure l’accession au trône de France d’Hugues Capet après avoir été élu et avoir prêté serment : « Puisqu’Hugues Capet n’a dû la cou- ronne qu’au droit qu’avait la nation de déposer l’héritier légitime du trône, parce qu’il s’était rendu coupable de félonie envers elle, il s’ensuit que le chef de la dynastie actuelle [c’est-à-dire Henri IV] n’a pu recevoir la couronne que sous la restriction même de ce droit national d’insurrection et de déposition pour les cas de félonie. S’il ne l’a reçu qu’à cette condition, il n’a pu la transmettre qu’à charge, et dès lors les princes de cette dynastie qui règnent aujourd’hui ne la possèdent qu’à ce titre. Ainsi l’Assemblée constituante n’agissait pas seulement d’après les principes du droit naturel et du droit public général, mais bien encore conformément aux anciennes lois fondamentales de la monarchie française, en établissant, par l’acte constitutionnel de sa création, plusieurs clauses commissoires de déchéance »110. Ces articles de la constitution de 1791, La Serve aimerait qu’ils soient bien intégrés à la Charte111. Il en interprète d’ailleurs assez habilement le préambule112. Puisque le roi veut renouer la chaîne des temps anciens et modernes, quoi de plus manifeste que le respect et la garantie d’un droit qui remonte aux plus lointaines origines de la monarchie113 ?
47Fort d’avoir démontré le principe immuable de souveraineté du peuple, d’après les lois divines et naturelles, La Serve s’attelle ensuite à prouver que la Charte est un texte éminemment libéral qui doit consacrer à terme la domination des représentants de la nation.
Une interpretation liberale et singuliere de la charte
48La Serve s’efforce d’adapter les principes qu’il a établis au contexte délicat de ce début de Restauration en s’accommodant des doléances de droite, tout en réfrénant, au possible, les idées émergentes les plus à gauche.
49Durant les Cent-Jours, La Serve a appelé les Français à se rallier à Bonaparte et à se préparer à combattre. Au-delà de son aversion pour les Anglais114, ce ralliement semblait se cantonner à la sphère patriotique sans entrer dans la sphère juridique et plus précisément constitutionnelle. La Serve reconnaissait un lien entre la Constitution sénatoriale, la Charte octroyée de 1814 et l’Acte additionnel aux constitutions de l’Empire qui proposaient de mettre un terme à l’absolutisme au nom de la liberté115. Cette vision ne faisait pas consensus chez les libéraux, notamment de la part de Lanjuinais116.
50La Charte est un texte succinct. Selon le mot du juge Stephen Holmes, Constant la considère comme un simple squelette, auquel il faut donner vie117. Pour La Serve, le roi n’a pas à se donner cette peine. Même s’il est à l’origine du texte, il lui demeure soumis. C’est le peuple français qui doit s’en charger, mais indirectement, conformément aux principes du gouvernement représentatif.
51Bien que ses principes généraux soient dégagés avant qu’il ne se lance dans une analyse exhaustive de la Charte, La Serve prend soin de préciser quels sont ses véri- tables canons constitutionnels (§ 1), avant d’expliquer les mécanismes de la Charte et de préciser l’articulation des pouvoirs dans un cadre général où semblent se confondre monarchie, république et régime parlementaire (§ 2).
§ 1. – Les fondements du constitutionnalisme de La Serve
52La détermination de l’esprit de la Charte provoque un débat d’idées que favorise la brièveté de sa rédaction. Ainsi, des tendances fortes se dégagent chez Constant, chez Royer-Collard ou chez Chateaubriand, caractérisant ainsi le constitutionnalisme de chacun. Chez La Serve aussi on constate l’émergence d’idées maîtresses118. Les questions du pouvoir constituant, de l’octroi ou encore du pouvoir conservateur sont trai- tées au travers de deux piliers essentiels de sa pensée : une conception précise de la souveraineté (1) et une proposition de résolution de la délicate question de la garantie des droits par l’exhumation de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 (2).
De la souveraineté à la majorité nationale indestructible
53Les lois divines et les lois naturelles sont claires : la souveraineté royale n’existe pas, seule existe celle dont le peuple est le titulaire. La Serve se positionne clairement. Sa défense de la souveraineté du peuple tranche avec la souveraineté limitée de Benjamin Constant ou celle de Royer-Collard, mais elle rejoint celle de Lanjuinais.
54Il faut d’abord signaler que la souveraineté nationale et la souveraineté populaire sont synonymes pour lui. Le plus important est la définition bien précise qu’il en donne : « La souveraineté du peuple a été si souvent confondue avec la souveraineté de la populace, c’est-à-dire la tyrannie des démagogues et l’anarchie, que l’on ne doit pas s’étonner de l’effroi que cause cette expression à des personnes qui d’ailleurs aiment et veulent la chose, tout en ayant peur du mot, parce qu’elles l’entendent mal (…). La souveraineté du peuple n’est pas la licence du peuple, le droit de tout faire par lui-même (…) ce n’est pas l’égalité extrême, le partage des terres, etc. Que la volonté générale règne par l’effet des institutions, c’est assez pour la souveraineté du peuple, quelle que soit d’ailleurs la forme du gouvernement établi »119. Sa vision oligarchique conduit au triomphe de la classe moyenne et au gouvernement représentatif120.
55La Serve met en cause l’alliance entre le bas peuple et le despotisme « qui est aussi vieille que la corruption des sociétés »121. La constitution de 1791 doit d’ailleurs une partie de son échec au manque de prépondérance de la « classe moyenne », qu’elle a « noyé en quelque sorte, au milieu des flots d’une démocratie turbulente et désorganisatrice »122. La solution se trouve dans le triomphe de cette dernière classe. Certes, elle doit être suffisamment large pour ne pas se cantonner aux riches aristocrates dont la puissance et l’argent ne sont pas toujours mérités123. La Serve admet aussi, sans aucune originalité, que l’éducation des plus basses couches du peuple fasse grossir les rangs de la classe moyenne, mais il rejette la prépondérance de la masse du peuple124.
56Les républiques antiques, où l’oligarchie et la multitude triomphèrent successivement, ainsi que l’Angleterre, en raison de son système électoral trop élitiste, ne sont jamais parvenues trouver le moyen d’obtenir légalement l’expression fidèle de la volonté générale125. Les idées de Rousseau ne trouvent pas davantage grâce à ses yeux puisque La Serve n’estime pas judicieux que toutes les voix soient comptées pour former fidèlement la volonté générale car le « bas peuple » est incapable de se prononcer sur les sujets pour lesquels ils sont consultés : « il y a des classes entières de la société qui, en réalité et par la seule force des choses, n’entrent en rien dans la formation de ce qu’on appelle opinion publique, volonté générale »126. Il proscrit donc le suffrage universel127.
57Conçue pour atteindre ce but, c’est-à-dire une expression satisfaisante de la volonté générale bien conçue, il est indispensable de doter le royaume d’une loi électorale bien agencée, en application de l’article 35 de la Charte : « La Charte constitutionnelle n’a été sérieusement donnée à la France que le jour où la loi des élections a été promulguée : car cette loi n’est elle-même que la solution affirmative de cette question : La Charte sera-t-elle exécutée dans sa partie la plus essentielle ? »128. A contrario, sans elle, la Charte n’a aucun objet et n’existe pas. Cette loi est même une « seconde Charte (…) dont la révocation serait aussi funeste et aussi criminelle que la Charte elle-même »129. C’est elle qui a rétabli la souveraineté nationale en France « d’une manière bien plus réelle et bien plus effective qu’elle ne l’a jamais été »130. Lorsqu’il publie son ouvrage, la loi d’élection en vigueur est celle du 5 février 1817 qui lui convient parfaitement131.
58La prépondérance politique de la classe moyenne permet donc la formation de cette majorité nationale qui doit devenir progressivement indestructible132, de telle sorte que les représentants de la nation puissent orchestrer harmonieusement et paisible- ment l’exercice du pouvoir.
59En fait, sa vision de la souveraineté est voisine de celle de beaucoup de libéraux de l’époque. La Serve est d’ailleurs sur la même longueur d’onde que Royer-Collard, à ceci près qu’il fait toujours un amalgame entre souveraineté nationale et souveraineté populaire. À l’occasion d’un discours à la Chambre des députés sur le vote de la loi du 5 septembre 1816, le leader des doctrinaires associe la souveraineté du peuple enfantée par la Révolution, à ce qu’est la souveraineté sous l’empire de la Charte grâce à la loi d’élection qui sélectionne les électeurs aptes à se prononcer133.
60Impossible d’analyser la Charte sans évoquer son octroi134. La Serve nie le pouvoir constituant du roi en s’appuyant sur Lanjuinais. La loi d’élection a un rôle d’approbation de la Charte. En considérant que le roi dispose du pouvoir législatif conjointement avec les Chambres (en vertu de l’article 15 de la Charte), La Serve explique que ce sont les parlementaires qui choisissent de consacrer le principe de l’élection en loi. Ces derniers étant les représentants élus de la nation, il est donc possible de déduire qu’indirectement, le peuple français a son mot à dire dans l’entrée en vigueur de la Charte. La Serve est conscient des risques du débat sur la valeur juridique de l’octroi de la Charte, aussi l’élude-t-il : « Sans nous arrêter à discuter cette question, nous dirons : la Charte existe, le peuple la veut quelle qu’en soit l’origine, et sa volonté la consacre comme loi fondamentale. Si on prétend la lui avoir donné comme une faveur, il l’impose à son tour comme une obligation, et ceci répond à toutes les objections »135. Benjamin Constant est également conscient que la question de la « technique » de l’octroi de la Charte est susceptible de soulever des questions délicates. Comme le relève Emeric Travers, il cherche à éviter toute polémique de cette nature afin de faciliter l’acceptation de la Charte et éviter toute contestation sur l’origine de la souveraineté136.
61Pour conclure ce développement sur la souveraineté, il est indispensable de rappeler que La Serve préparait une nouvelle version plus approfondie de son ouvrage. C’est Lanjuinais qui le rapporte : « M. de la Serve, auteur du livre De la Royauté, dont la première édition est depuis longtemps épuisée, a de nouveau examiné et approfondi la théorie délicate dont il s’agit [la souveraineté nationale]. Il a refondu et doublé son ouvrage, qui va bientôt paraître sous ce Titre : La Royauté fondée sur la Souveraineté de la Nation, suivant les lois révélées, les lois naturelles et la Charte constitutionnelle »137.Cette référence à La Serve montre la considération du célèbre publiciste et parlementaire pour son travail. Elle autorise aussi à lier un peu plus la postérité des idées de La Serve à la péninsule ibérique puisque Lanjuinais conseille les développements du Réunionnais sur la souveraineté à son lecteur à l’occasion d’une étude détaillée à laquelle il se livre sur la Constitution de l’Espagne. Malheureusement, les événements de février 1820 closent l’ère libérale du régime qui a progressivement raison de la liberté de la presse. Celle-ci, en raison du titre de la nouvelle version de l’ouvrage de La Serve, aurait fait risquer les plus graves ennuis à ce dernier, tout comme à son éditeur138.
La garantie des droits : le retour à la déclaration des droits du 26 août 1789
62La question de la nature des droits et libertés énumérés dans les premiers articles est récurrente. Les Ultras et les libéraux s’opposent à cet égard. Les premiers les voient comme des droits octroyés par le roi tels des privilèges, alors que les seconds les conçoivent comme des droits antérieurs dont jouissent les individus, droits inhérents à leur qualité d’êtres humains.
63Ce qu’écrit La Serve n’est pas d’une clarté limpide mais a au moins le mérite de l’originalité. Il suggère de supprimer le préambule de la Charte, en faisant valoir qu’il « ne contient aucune disposition législative », et que « par conséquent (il) ne fait point légalement partie de la Charte, et n’est point obligatoire comme elle ». Il lui reproche en outre « des locutions inexactes qui n’y furent introduites que comme une sorte de transaction avec les passions contre-révolutionnaires du moment ». Cet « ouvrage de circonstance », il propose de le remplacer par la « déclaration des droits de l’ homme qui se trouve en tête de la constitution de 1791 »139. Il affirme même que cette déclaration n’ayant pas été abrogée « elle a conservé sa vigueur législative, elle doit donc figurer à la tête des lois dont elle est la source »140. En réalité, il veut écarter cet encombrant préambule qui jette le doute sur le bien-fondé des interprétations libérales.
64Au début de la Monarchie de Juillet, La Serve fera encore valoir auprès de ses compatriotes bourbonnais que diverses lois votées par l’Assemblée Nationale Constituante n’ont pas été abrogées141. Il est coutumier du fait puisque la Déclaration des Droits de l’Homme de 1789 ne l’est pas non plus pour lui en 1819.
65La Serve reconnaît à la Charte une valeur suprême ; elle est au sommet de la hiérarchie des normes. C’est pour cette raison qu’il n’y a pas à craindre l’usage de l’article 14 de celle-ci qui permet au roi de faire « les règlements et ordonnances nécessaires pour l’exécution des lois et la sûreté de l’État », puisque le pouvoir du roi est limité par la Charte, qui le constitue. Ses développements en la matière sont très succincts car il renvoie son lecteur aux développements de Lanjuinais142. Il est regrettable que La Serve n’aille pas jusqu’à aborder la question du contrôle de constitutionnalité. La « faible intensité constitutionnelle » de la Charte n’y incitait pas encore143. C’est sous le règne de Charles X que des juridictions judiciaires se sont mises à refuser d’appliquer les ordonnances royales qu’elles ont considérées comme inconstitutionnelles ainsi que l’ont relevé Jean-Louis Mestre144 et Grégoire Bigot145.
§ 2. – La primauté de la Chambre des députés dans une monarchie républicaine
66Les circonstances sont primordiales pour évaluer la qualité d’un texte constitutionnel. En 1798, Germaine de Staël s’évertuait à faire entrer les principes aristocratiques chers à sa monarchie constitutionnelle dans un cadre républicain146. La Serve adopte en 1819 une démarche semblable, mais en sens inverse : il veut faire entrer les principes républicains dans un cadre monarchique, ce qui le rapproche de Benjamin Constant.
67S’il ne semble pas envisager de système constitutionnel sans roi lorsqu’il rédige son ouvrage, il refuse de reconnaître à celui-ci une place dominante, qu’il laisse à terme à la Chambre des députés conformément à sa conception de la souveraineté nationale (1). Les circonstances font qu’il doit articuler une organisation des pouvoirs dans un cadre formel monarchique qui dissimule une république laissant une voie ouverte à la parlementarisation du régime (2).
La singulière prééminence de la Chambre des députés
68À lire la Charte, il paraît indéniable que les prérogatives du roi sont bien supé- rieures à celles de la Chambre élue147. Comme l’explique Joseph de Maistre, tout procède du roi, il est le centre d’impulsion c’est lui seul qui « propose la loi », aux termes de l’article 16 de la Charte. La Serve le concède, mais en minore la portée. En réalité, « la Charte constitutionnelle est bien plus libérale dans le fond que dans la forme »148.
69Sur ce point, Lanjuinais, qui a une certaine estime pour le Réunionnais, a du mal à le suivre. Pour comprendre la prééminence de la Chambre des députés chez La Serve, il faut prendre en compte plusieurs éléments.
70Tout d’abord, rappelons que, chez lui, la majorité nationale indestructible doit mener à terme à une prépondérance (et même à une domination) de la Chambre élue149 : « Le système de la balance des pouvoirs n’exclut (…) pas une certaine prépondérance dans l’un d’eux ; et celui dans lequel cette prépondérance existe, donne l’impulsion à toute la machine du gouvernement, et lui imprime son caractère particulier. En Angleterre, la Chambre des pairs, c’est-à-dire, l’oligarchie, domine le roi et les communes. En France, depuis la restauration, c’est le roi qui a dominé la Chambre des pairs et celle des députés. Lorsque cette dernière aura acquis la majorité nationale indestructible, elle dominera le roi et la Chambre des pairs, c’est-à-dire, lorsqu’il y aura dissentiment entre les diverses branches de la puissance législative, ce sera en dernier lieu la Chambre des députés qui devra l’emporter »150.
71Deuxièmement, le roi est confronté à une volonté qui lui est supérieure et à laquelle il est soumis : « Tous les citoyens individuellement sont ses sujets, mais tous collectivement lui sont supérieurs, parce qu’ils forment le corps de la nation, le véritable souverain de qui émanent tous les pouvoirs, et à l’avantage duquel ils doivent tous se rapporter »151. Le roi doit se plier à cette volonté supérieure car cette soumission puise sa force obligatoire dans la promesse qu’il a faite de respecter la Charte (article 74 de la Charte). C’est pour cela que La Serve ne voit pas d’inconvénient au monopole royal de l’initiative des lois.
72Enfin, l’expérience constitutionnelle de la période révolutionnaire a permis de dé- celer une faille récurrente : l’absence d’une force capable de résoudre les conflits institutionnels152. Ce pouvoir qui est tantôt neutre, tantôt conservateur, tantôt préserva- teur, tantôt régulateur, la Serve le conçoit comme modérateur, tel un arbitre doté d’une puissance de contrôle. La puissance de la Chambre des députés n’annule pas le pouvoir du roi mais lui fait perdre du terrain au point de le cantonner à celui de modérateur et d’arbitre. De plus, la Chambre des pairs peut également jouer ce rôle, même si elle est subordonnée au roi en raison de l’article 27 de la Charte153. Il n’y a pas véritablement de neutralité comme chez Constant154, ni de supériorité, ce qu’on retrouve chez Royer-Collard ou Lanjuinais.
73Le premier, bien qu’attaché à la prééminence royale, penche pour une régulation entre les pouvoirs : le roi dispose d’un pouvoir de régulation mais les Chambres aussi. Il existe donc une égalité entre ces acteurs en termes de modération d’un pouvoir sur les autres155. Néanmoins, cette vision n’est pas encore aussi claire en 1819. Il faut attendre le ministère De Villèle et une certaine expérience de la pratique de la Charte pour qu’elle soit aussi bien perçue par lui. De son côté, Lanjuinais a l’occasion de don- ner son opinion sur l’ouvrage de La Serve à un instant précis, juste après sa publication. Il semble faire une lecture littérale du texte sans prendre en considération la dimension évolutive du processus d’ancrage de la constitution qui est fonction de l’indestructibi- lité croissante de la majorité nationale que prédit cet ouvrage156.
74Laurent Pertué explique que la seule réponse trouvée dans la Charte par Royer- Collard pour s’opposer au régime des ordonnances de Charles X est l’élargissement de la légitimité et de la compétence de la Chambre élective (et sa représentativité de l’opinion), ainsi que le renforcement de sa mission de régulation et de contrôle du gouvernement. La Serve arrivait déjà à ce résultat en 1819 en érigeant la Chambre des députés en organe d’impulsion tandis que Royer-Collard « crut que le rééquilibrage des pouvoirs n’était pas incompatible avec le maintien du rôle directeur du roi »157. Les principes de La Serve dispensent d’avoir à croire à un tel compromis entre le roi et la Chambre élue, en tranchant d’emblée en faveur de la seconde.
75S’agissant de Lanjuinais, celui-ci remit directement en question l’idée de La Serve, non sans avoir souligné les qualités de l’ouvrage. La Serve serait dans l’erreur et il le démontre par un raisonnement dont la rigueur juridique vient saper les bases du mécanisme constitutionnel de La Serve. Il avance que le vœu du corps législatif ne peut pas être l’expression fidèle de la volonté générale158. Celle-ci est donc présumée par ses représentants. Il ajoute que les autres organes du gouvernement, les « co-législateurs » (le roi et la Chambre des pairs) ne sont amenés à légiférer que par un moyen fictif puisqu’ils n’ont pas été élus. Ce moyen fictif est leur rôle de modérateur du pouvoir législatif qu’ils doivent jouer en cas de blocage institutionnel159. Or, selon Lanjuinais : « Toute représentation est (…) en elle-même moins réelle que présomptive ; toute présomption légale est une fiction convenue à cause de la nécessité. Ainsi, les trois branches du gouvernement représentatif ne sont, ne peuvent être que des représentants fictifs »160.
76La vérité est sans doute entre les deux. La Serve base son raisonnement sur une présomption, ce qui rend précaire son édifice. Lanjuinais refuse d’aller au-delà d’une interprétation stricto sensu du texte, d’autant plus que sa brièveté invite à de nombreuses précisions ultérieures à même d’orienter différemment la Charte161.
77Lanjuinais ne s’arrête pas à ce constat et poursuit son raisonnement afin d’infirmer incontestablement la prééminence de la Chambre des députés : « Quand il existe une Constitution écrite, elle est présomptivement aussi, et réellement par convention, expression de la volonté générale, constituante. À ce titre, elle est la règle continuellement inviolable de tous les citoyens, et de chacun des trois grands pouvoirs constitués »162. Seule la Constitution peut déterminer quel pouvoir peut prendre le pas sur l’autre. Lanjuinais conclut alors : « or, il n’est pas douteux, en France, que c’est le roi, selon notre Charte constitutionnelle » qui est la branche principale par l’importance et le nombre de ses prérogatives. La Chambre des pairs, comme celle des députés, a « une part indivise du pouvoir législatif et (…) après le Roi, elle a le premier rang de l’État »163.
78Royer-Collard adopte un point de vue similaire sur le caractère de la représentation lors de son discours sur la loi des élections du 24 février 1816 : « Royer-Collard s’est attaché à démontrer, à propos de la Chambre des députés, que cette dernière tenait ses compétences de la Charte, et non de la nation : La représentation n’existe nulle part dans notre gouvernement. La Chambre telle que la Charte l’a conçue, est un pouvoir et non une représentation. La Charte étant le seul titre de son existence, elle est aussi la seule définition légale de son caractère politique. La Chambre est ce que la Charte la fait : rien de plus, rien de moins. Comme c’est la charte qui constitue la Chambre et non l’élection, celle-ci ne lui donne en réalité que les membres qui la composent. Dans le fait, la Chambre n’exprime jamais que sa propre opinion : il ne lui est pas imposé ou accordé davantage dans la Charte »164. Royer-Collard est également d’accord avec Lanjuinais quant à la place du roi. La Charte indique cette primauté, renforcée par la place qu’il a tenue dans l’histoire et par l’initiative législative165.
79Il est encore intéressant de faire une comparaison avec l’opinion de Charles Du- noyer. Celle-ci constitue un paradoxe au regard des idées développées par La Serve. Dans un article du Censeur consacré à l’institution royale, Dunoyer a développé sa vision du pouvoir modérateur166. Il faut préciser que cet article a été écrit durant les Cents-Jours167, l’auteur jouissait donc d’une certaine liberté au regard de la première expérimentation de la Charte de 1814 qu’il critique car la distribution des pouvoirs n’est pas, à son sens, la bonne, particulièrement parce que l’initiative des lois appartient au roi. Cette attribution exclusive risque de le mettre en danger vis-à-vis de l’opinion, rend son veto inutile et rend la Chambre des pairs inutile. « Nous croyons seulement qu’il ne sera pas inutile de dire clairement que le roi n’use de toutes ses prérogatives et même de la sanction et du veto, que comme chef suprême modérateur du pouvoir législatif, ainsi que des autres pouvoirs, et nullement comme participant à l’exercice des pouvoirs. Le roi ne fait point partie intégrante de la puissance législative, ses fonc- tions se bornent purement et simplement à sanctionner et à rejeter les actes, selon qu’il approuve ou les désapprouve »168.
80Sur ces points, La Serve est d’accord avec Dunoyer : « En réalité, la Chambre des députés est la principale partie de notre parlement national ; elle est le grand ressort du gouvernement : les deux autres branches de la puissance législative lui sont subordonnées de fait. (…) Ici le roi est bien le grand chef supérieur, le magistrat suprême et le sommet de la pyramide. Il est vrai que par un résultat admirable, le roi peut domi- ner les autres pouvoirs lorsque ceux-ci s’écartent de la ligne du bien public, ce qui a fait dire avec raison, que le roi en était le modérateur et l’arbitre. Ainsi l’action des Chambres devient-elle funeste ? Le roi change la majorité de celle des pairs ou dissout celle des députés. L’action des ministres est irrégulière ? Le roi les destitue. L’action même des tribunaux est fâcheuse ? Le roi la tempère par le droit de grâce169. Mais il ne faut pas perdre de vue que, même en exerçant ce pouvoir modérateur et arbitral, le roi reste subordonné à la volonté générale »170.
81Le paradoxe est que les deux auteurs arrivent à une conclusion similaire alors qu’ils partent d’un postulat différent car Dunoyer n’apprécie guère l’initiative directe des lois par le roi171, tout comme Constant172, Chateaubriand, Lanjuinais173, et contrairement à La Serve qui, non seulement, s’en accommode mais en plus n’y voit que des atouts. Il défend également les articles 19 et 20 de la Charte qui permettent aux Chambres de supplier le roi de proposer une loi174. Cette initiative indirecte des Chambres permet l’amélioration successive du texte par les différents acteurs créant ainsi un compromis par une autocensure, ce qui est impossible avec l’initiative directe qui réduit le roi à accepter ou rejeter le texte. La lenteur du système n’est pas néfaste, car « on doit la considérer comme une excellente garantie de la durée et de la stabilité des institutions. Si l’expérience fait sentir le besoin de quelques améliorations, elles se feront lentement, et par conséquent elles se feront bien »175. Il n’y a donc rien à craindre d’une plus grande interdépendance entre les pouvoirs, c’est d’ailleurs pour La Serve la meilleure garantie offerte « aux entreprises des factions qui peuvent quelquefois trouver accidentellement des organes dans la majorité des assemblées législatives »176. Cela prouve, une fois encore, l’importance d’une vraie majorité nationale. En outre, Dunoyer croit clarifier la distribution des pouvoirs en clarifiant la nature de l’autorité royale, c’est-à-dire en la plaçant au-dessus des autres177.
82Alors que Dunoyer reste dans la théorie, La Serve se projette dans la réalité en réussissant à concilier une bonne distribution des pouvoirs (comme celle de Dunoyer) avec la Charte constitutionnelle.
83Si leurs avis diffèrent sur la participation du roi au pouvoir législatif, La Serve s’accorde avec Lanjuinais sur « la prééminence et la suprématie du roi »178 quant au pouvoir exécutif179. Royer-Collard et Dunoyer n’en disconviennent pas. Néanmoins, il est nécessaire de préciser un peu la conception de ce pouvoir chez La Serve. L’élé- ment caractéristique du pouvoir exécutif se traduit ainsi : « la séparation du pouvoir ministériel et du pouvoir royal repose sur une ingénieuse fiction de laquelle naissent l’inviolabilité du monarque et la responsabilité du ministre ». Mais en dernière analyse, ajoute-t-il, le fait que les ministres soient responsables « consacre le principe que les rois sont comptables envers les peuples »180. Étant donné que le roi est faillible, il faut lui éviter que le peuple puisse se retourner contre lui. La responsabilité du roi en- vers la nation n’est pas exprimée par la Charte, bien au contraire, puisque la personne du roi est inviolable et sacrée, mais la véritable signification de la Charte (et des lois qui la complètent) implique officieusement ce principe : « tant que la constitution sera en vigueur, le roi restera inviolable, et ses ministres seuls pourront être accusés et mis en jugement »181. Ceci est renforcé par la nomination des ministres par le roi, nomination qui ne l’exonère pas de considérer la volonté générale à laquelle il est soumis182. Chez Constant, c’est la neutralité du pouvoir royal qui lui permet de se détacher du pouvoir ministériel qui se manifeste dans la passivité de son action exécutive.
84La Serve n’est pas très précis sur la solidarité du ministère mais sa logique tendrait vers une démission des ministres en cas d’une victoire d’un parti opposé à sa mouvance politique aux élections partielles, ou bien à un renvoi ordonné par le roi, qui ne ferait que suivre la volonté générale. La même hypothèse est valable sur la nécessité ou non de la formation d’un « cabinet ministériel » issue de la majorité de la Chambre des députés183.
85Une fois encore, La Serve partage l’acceptation de principes, en l’espèce la distinc- tion entre pouvoir royal et pouvoir ministériel, mais sa mise en action va à rebours de la plupart des penseurs de son époque, en raison de ses postulats originaux.
86La condamnation de la toute-puissance royale par La Serve se retrouve encore dans son interprétation de l’article 67 de la Charte, qui consacre le droit de grâce et celui de commuer les peines. Pour La Serve, il s’agit là de « la plus belle faculté du pouvoir royal », mais le monarque ne peut en user « que favorablement à l’accusé », ce qui exclut toute majoration de peine, ce qu’avait fait Louis XIV au détriment de Nicolas Fouquet.
87De plus, le roi ne doit pas s’en servir comme d’« un moyen d’impunité pour le crime », il ne doit pas faire preuve de partialité »184. On devine la crainte de la Serve, celle de voir le roi gracier des royalistes coupables de crimes.
La monarchie républicaine : une parlementarisation sans démocratisation ?
88Une lecture littérale de la Charte en 1814 ne permet pas d’y entrevoir un régime parlementaire, notamment en raison de la totale soumission des ministres au roi. Leur nomination et leur révocation par le roi renforcent leur dépendance vis-à-vis de celui-ci qui détient seul le pouvoir exécutif185. Leur responsabilité est pénale. Ils l’engagent en cas de trahison ou de concussion, selon l’article 56 de la Charte. Ils sont jugés par la Chambre des pairs, après avoir été accusés par celle des députés (en vertu de l’article 55 de la Charte). Mais, l’expérience a rapidement montré que se cantonner à la lettre du texte était tout à fait réducteur et que chacun pouvait y développer son idéal monarchique.
89La Serve tente de persuader son lecteur que la monarchie constitutionnelle selon la Charte est éminemment libérale au point de permettre d’y voir une république186. Il incline en fait vers la « Monarchie républicaine »187. Dès 1815, lors des Cent-Jours, La Serve l’a affirmé sans ambages : « Les Français sont éclairés aujourd’hui sur les vrais principes des Gouvernements ; ils ne veulent pas plus d’une démocratie pure, que d’une monarchie absolue ; il n’y a que quelques Royalistes qui affectent de parler de Jacobins et de bonnets rouges, afin d’épouvanter les gens assez crédules pour croire en leurs feintes terreurs. Mais si les Français repoussent un Gouvernement purement républicain, ils veulent une Monarchie républicaine, c’est-à-dire un Gouvernement qui réunisse les avantages de la république et de la monarchie ; qui soit libre comme l’une, et stable comme l’autre »188. La Serve est un apôtre du gouvernement mixte. Il ne se formalise pas sur l’enveloppe mais davantage sur ce qu’elle contient. Il poursuit son propos ainsi : « Sous ces rapports, la Constitution présentée par Napoléon, pour être soumise à l’acceptation des Assemblées primaires, remplirait ce but, quoique susceptible encore de quelques modifications »189.
90Le débat sur la nature républicaine du régime n’a même pas lieu d’être : « Dans les gouvernemens mixtes, c’est l’élément politique qui domine qui doit donner son nom à la constitution. Ainsi, la dénomination de république est véritablement le mot propre. Nous tenons à ce mot, parce qu’il exprime avec énergie et sans ambiguïté le principe fondamental de notre constitution actuelle (Tout pour la chose publique), principe qui est le caractère essentiel de la meilleure organisation sociale »190. Il revient ainsi à ses arguments initiaux indiquant une inhérence du libéralisme et de la res publica dans tout gouvernement légitime. La république est « un gouvernement où tout se rapporte à l’utilité générale par l’effet des institutions »191.
91Peu après les journées de juillet 1830, Henri Rivoire consacre un petit ouvrage intitulé De la république selon la Charte192. L’évocation du titre fait écho à certains développements de la Serve en rapport avec l’idée de république. On y trouve des similitudes avec le Réunionnais mais ce travail n’a rien de comparable par sa taille et par l’époque à laquelle il a été écrit.
92La Serve ne dissimule donc pas son amour pour la république, république qu’il ne conjugue pas avec la démocratie193. Il juge ses explications suffisamment étayées pour qu’il n’y ait aucun amalgame entre son républicanisme et les excès révolutionnaires postérieurs à 1792. En revanche, il est beaucoup moins lisible sur la question du régime parlementaire. Pourtant, au premier abord, rien ne semble s’y opposer. Sa conception très limitative du pouvoir conservateur cadre bien avec le parlementarisme. Pareillement, la prépondérance de la Chambre des députés sur le roi doit conduire à l’effacement progressif de ce dernier au profit des ministres. Il est donc indéniable que La Serve leur reconnaît une certaine responsabilité politique puisqu’il lie leur sort à la volonté de la Chambre des députés, voix de la nation194. Chaque renouvellement partiel des représentants de celle-ci est une occasion de contrôler si l’action gouvernementale est validée par la volonté générale. Il anticipe même les critiques de l’éventualité d’un trop fréquent changement de majorité source d’instabilité (de surcroît avec l’application de l’article 37 de la Charte) puisqu’il explique que ces bouleversements s’estomperont peu à peu avec l’indestructibilité croissante de la majorité nationale. Alors que le parlementarisme devient envisageable selon sa lecture de la Charte, le concept original de majorité indestructible se meut en obstacle195. En considérant que l’ancrage du parlementarisme requiert l’alternance politique des partis majoritaires (sans parler de bipartisme), le système idyllique de La Serve bascule dans l’utopie. En effet, comment affirmer que la volonté générale va inéluctablement s’exprimer raisonnablement tout en satisfaisant les intérêts particuliers de chacun ? Cela suppose une grande probité des représentants (sans entrer dans le débat sur le mandat impératif ou représentatif), mais cela suppose surtout une communauté d’intérêts digne de la conception sociétale des Anciens qui paraît obsolète pour les libéraux. La volonté d’élargir l’électorat de La Serve ne ferait que favoriser la collision des intérêts particuliers.
93Nous pouvons avancer deux débuts d’explications pour comprendre cette attitude équivoque à l’égard du régime parlementaire. Tout d’abord, La Serve semble ne pas voir, ou occulter, le développement du fait démocratique : développement de l’instruction, développement de l’opinion publique, développement de la libéralisation des droits individuels à un point encore jamais atteint. Si ce manque de prospective est sincère, il pourrait signifier que La Serve est trop jeune pour considérer tous ces facteurs ou alors déjà trop vieux, dans le sens où sa formation académique (de juriste et de publiciste) et sa vision de la société sont déjà trop archaïques196. Si ce manque de prospective est délibéré, il est susceptible de signifier que La Serve refuse ce qu’il entrevoit déjà : la démocratie et le suffrage universel dans la veine d’un Tocqueville. Ceci pourrait alors rejoindre la seconde explication.
94Rappelons que La Serve n’a quitté son île natale qu’à vingt ans. Il a donc été confronté à la société esclavagiste dont il connaît les ressorts. Sa déchéance politique à l’Ile Bourbon à la fin des années 1830 est indiscutablement le fait d’un trop grand progressisme, notamment à l’égard des esclaves. Néanmoins, à son retour dans la colonie en 1824, il s’accommode de ce que son ami Sully Brunet appelle « la fâcheuse nécessité »197. Mais au-delà de cela, il faut bien comprendre que la société esclavagiste est composée de colons qui partagent tous l’impératif de l’ordre public et de la prospérité économique. Bien que les relations entre eux ne soient pas toujours au beau fixe, ils savent faire corps lorsque cela est nécessaire, en particulier lorsque le principal outil de production, l’esclave, est menacé de disparition par le fait de la Métropole198. Privés d’une véritable vie politique basée sur l’antagonisme des partis et les campagnes électorales, les colons ne forment qu’un parti uni par les mêmes intérêts. Cependant, si cette solidarité est possible dans l’océan Indien, elle n’est guère envisageable en Métropole. Il demeure toutefois difficile d’affirmer que La Serve transpose (consciemment ou non) cet idéal de concorde sociétale à l’échelle de la nation française.
95Il faut encore rappeler un élément important. Si la rédaction de De la Royauté s’effectue dans un contexte de libéralisation du régime sous le ministère Decazes, son brutal durcissement causé par les évènements de février 1820 trahit un certain opportunisme de l’auteur. Convaincu que la Charte s’enracine à mesure que les lois sur la presse et sur les élections évoluent favorablement, il peut se persuader que la monarchie constitutionnelle, telle qu’il la décrit et telle qu’elle est en train d’être animée, va durer et véritablement faire la transaction entre l’Ancien régime, l’Empire et la Révolution. L’assassinat du duc de Berry est un camouflet pour tout ce qu’il a exprimé. Révolté par la nouvelle teinte de l’application d’un texte qu’il a tant cherché à mettre en valeur, La Serve se radicalise. Le fait que la seconde édition de son ouvrage comportant ce signi- ficatif changement de titre ait été écrite avant 1820, prouve une nouvelle fois que rien ne laissait présager cet attentat. Membre de la Charbonnerie, il est chef d’une vente. Les bureaux du Constitutionnel sont un lieu d’échange pour Lafayette et ses proches. En 1822, La Serve comparaît devant la Cour d’assises de Paris. Il est accusé d’être l’auteur de manœuvres criminelles menées contre les jurés et les magistrats chargés de juger les Quatre sergents de La Rochelle. Tout indique qu’il n’était absolument pas impliqué et qu’il était sans doute victime d’une méprise ou d’une calomnie199. Félix Barthe est son avocat tandis que Lanjuinais écrit en sa faveur200. Il est jugé non coupable mais sa réputation est désormais ternie201.
96Ses relations avec la Charbonnerie indiquent une inclination vers la république ce qui explique plus encore sa volonté à démontrer le cadre républicain de la France de 1819. Il pourrait d’ailleurs être comparé au métaphysicien imaginé par les auteurs du Censeur, renvoyant tour à tour un royaliste pur, un royaliste constitutionnel et un républicain, à leurs théories immuables202. La Serve accepte de puiser divers éléments de divers systèmes politiques pour les adapter au contexte français de la Restauration en affirmant que la Charte constitutionnelle qu’il décrit organise le meilleur régime politique que la France n’ait jamais eu.
97Au final, l’interprétation de La Serve est difficile à classer. En reprenant les trois « positions-types » de Lucien Jaume, dans laquelle placer La Serve203 ? Il ne rejette pas en bloc les idées de l’ultracisme modéré d’un Fiévée ou d’un Montlosier (c’est un peu moins vrai vis-à-vis des idées de Chateaubriand)204. L’opinion de Guizot est partagée par le Réunionnais en ce que la Charte consacre l’égalité de 1789 mais le premier ne voit pas d’interprétation parlementaire car il privilégie « une prédominance du chef de l’État, qui conduit une politique personnelle »205. Il est sur ce point en rupture avec l’auteur de De la Royauté. La troisième mouvance, celle des Idéologues, se rapproche du système anglais par le développement de la responsabilité ministérielle. En l’espèce, La Serve ne saurait formuler d’objection mais il faut rappeler que son pouvoir préservateur n’est pas le pouvoir neutre de Constant. Les Idéologues ne font en aucun cas la promotion de la prédominance de la Chambre basse. De plus, l’alternance politique n’est guère compatible avec la majorité nationale indestructible. En dernier lieu, la Charte doit entrer en pleine possession de ses moyens par le triomphe de cette même majorité indestructible, mais le texte n’a pas à être changé. L’éloge qu’en fait La Serve ne cadre pas avec son caractère « non pas définitif, mais améliorable »206. Il est possible de ranger La Serve avec les libéraux d’opposition, en désaccord avec les libéraux de gouvernement représentés par les doctrinaires qui repoussent le parlementarisme, au moins jusqu’en 1819207.
Conclusion
98L’ouvrage de Nicole Robinet de La Serve est donc important en ce qu’il propose un point de vue neuf sur plusieurs questions. Le nombre de ses détracteurs indique bel et bien que ses constructions ne sont pas toujours d’une solidité à toute épreuve mais la finesse du raisonnement et la multiplication de citations des plus grands auteurs rendent sa démonstration recevable, c’est du moins ce qu’en pense la frange la plus libérale.
99Comme Benjamin Constant ou Madame de Staël, la Monarchie de Juillet consacre une bonne partie des principes de La Serve, à ceci près que Germaine Necker donnait un grand rôle à l’aristocratie208, alors que le Réunionnais consacre la prépondérance de la classe moyenne à l’instar de Guizot. Le texte constitutionnel demeure, à quelques modifications près. La Charte supprime le préambule ce qui ne pouvait que plaire à La Serve.
100Finalement, la vision politique originale de La Serve qui implique une certaine conception de la classe moyenne, se vérifie une dizaine d’années plus tard alors qu’il est de retour dans son île natale depuis quelques années déjà. Les problèmes auxquels ont été confrontés les petits et moyens propriétaires comme lui, qui ont contribué à l’établissement de la loi du 24 avril 1833, ont donné une part plus importante à la par- ticipation aux affaires publiques à cette classe intermédiaire209. À partir de 1834, les libres (blancs ou de couleur) de l’Ile Bourbon peuvent élire une représentation locale, le conseil colonial210. Ce dernier vise à contrebalancer le poids des représentants de l’administration que sont le gouverneur et son conseil privé ainsi que ses principaux subordonnés, conformément à l’ordonnance royale du 21 août 1825. Bien qu’il n’ait pas d’hostilité à l’égard des gens de couleur, il s’accommode très bien de la présence des esclaves qui ne peuvent participer à la chose publique, de même qu’il justifie l’exclusion des citoyens pauvres. Cette populace qu’il délaisse dans De la Royauté, il n’a même pas besoin de l’écarter dans le cadre de la société esclavagiste bourbonnaise de la monarchie de Juillet.
101La Serve est une sorte de météorite dans le paysage constitutionnel de la France, aussi soudain qu’éphémère. Il n’a pas eu le temps d’asseoir ses opinions. Néanmoins, son interprétation de la Charte s’avère juste à plusieurs niveaux puisqu’elle convient à la Monarchie de Juillet. Difficilement classable sur l’échiquier politique, son libéralisme est souvent comparable à celui d’autres mais la plupart du temps sur quelques points précis seulement, de sorte que la somme de ses vues forme un ensemble homogène mais qui ne peut être assimilé à aucun autre courant, à aucune autre interprétation de la Charte. Il reste à espérer que l’œuvre de La Serve soit définitivement réhabilitée en France pour donner à son ouvrage toute la considération qu’il mérite.
Notes
1 Sur les rapports entre l’île et la Métropole à partir de cette restitution, nous nous permettons de renvoyer à notre thèse d’histoire du droit et des institutions, La question de l’assimilation politico-juridique de l’île de La Réunion à la Métropole (1815-1906), Université d’Aix-Marseille, 2015, 595 p.
2 Ibid., p. 60.
3 Son patronyme est orthographié de plusieurs façons. Pour plus de commodité, nous emploierons l’orthographe suivante « La Serve ». De façon significative, son fils Alexandre, député puis sénateur de la colonie de La Réunion sous la IIIème République, fait peu à peu disparaître la particule du patronyme signant ainsi : « Alexandre La Serve ».
4 Librairie Constitutionnelle de France, Chez Baudoin et Frères, Paris, 1819, 285 p.
5 La majorité des éléments biographiques relatés dans cet article est issue de l’ouvrage de Patrick Imhaus intitulé : Robinet de la Serve, l’énergumène créole (Paris, coédition Michel de Maule et Océan Editions, 2007). Cet ouvrage repose sur une documentation archivistique et bibliographique importante, qui a permis de limiter les inconvénients de la destruction par une descendante de La Serve, de papiers dont elle avait hérité. Georges Imhaus, l’arrière-grand-père du biographe, avait épousé la fille de Nicole Robinet de La Serve.
6 N. Robinet de La Serve, Adresse aux bons Français ou considérations sur leurs véritables intérêts, 1er mai 1815, Chez les marchands de nouveautés, Paris, 1815. En dernier lieu, sur l’ensemble des problématiques relatives à cette période, se reporter à Emmanuel Waresquiel, Cent Jours. La Tentation de l’impossible. Mars-juillet 1815, Paris, Tallandier, 2014, 687 p.
7 P. Imhaus, Robinet de la Serve, l’énergumène créole…, op. cit., p. 23-74.
8 Patrick Imhaus souligne tout de même que la plume provocatrice de La Serve est reconnaissable malgré l’anonymat des productions.
9 Ses mandats de conseiller colonial de l’Ile Bourbon dans les années 1830 ne sont évidemment pas pris en compte.
10 Cf. Infra.
11 Le journal de La Serve lui consacre trois articles au cours de l’automne 1819. Le Constitutionnel, des 15 septembre, 6 octobre et 12 décembre 1819. Le Journal des Débats fait de même le 16 décembre de la même année. Tissot de La Minerve analyse longuement l’ouvrage dans l’édition du 29 septembre 1819, article qui a un certain retentissement puisqu’il est souvent cité et a sans doute permis de faire davantage connaître le livre. Dans sa réédition de ses articles du Censeur Européen et du Courrier Français, Augustin Thierry a lui aussi fait l’éloge du publiciste réunionnais en lui consacrant un petit chapitre de ses Dix ans d’études historiques. A. Thierry, Dix ans d’études historiques, Just Tessier, Paris, 1835, p. 242-252. La presse n’a cependant pas été unanimement dithyrambique, en particulier à droite. Saint-Prosper est très critique à l’égard de l’ouvrage dans Le Défenseur dans un article intitulé Des deux royautés (Le Défenseur, ouvrage politique, religieux et littéraire, t. 2, Nicolle, Paris, juillet 1820, p. 460). Ce même auteur est encore plus offensif dans son compte-rendu de l’ouvrage dans un développement nommé Progression des idées révolutionnaires. C-P. Ducancel, Bibliothèque royaliste faisant suite au Correspondant ou recueil de matériaux pour servir à l’histoire de la Restauration de la maison de Bourbon en 1814, 1815, etc., t. 4, Imprimerie d’Everat, Paris, 1819, p. 327-336.
12 L’ouvrage est traduit en espagnol et édité dès 1821. Comme la version originale, celle-ci ne comporte pas le prénom de La Serve, en revanche, il est parfois répertorié non comme Nicole mais comme Charles, pré- nom que portait son demi-frère. De la autoridad real según las leyes divinas reveladas, las reyes naturales y la carta constitucional. Obra escrita en Francés por El Señor De La Serve, abrogado en Paris y traducida la Castellano por Antonio Ortiz De Zarate, Quien la dedica a la Gran Nación Española, Imprenta de I. Sancha, Madrid, 1821. Celui-ci est cité dans la session extraordinaire du 28 octobre 1821 du Parlement espagnol, Diario de las actas y discusiones de Las Cortes extraordinarias del ano de 1821, Tomo tercero, En la Imprenta Nacional, 1821, p. 1. Dans son numéro du 25 janvier 1822, Le Constitutionnel reproduit l’extrait d’une lettre qui concerne les affaires d’Espagne : « D. Antonio Ortiz de Zarate y Herrera vient de faire paraître à Madrid la traduction espagnole de l’ouvrage de M. de la Serve, avocat de Paris, intitulé : De la Royauté selon les lois civiles, les lois naturelles et la charte constitutionnelle ». Le titre comporte une erreur puisque « lois divines révélées » est remplacé par « lois civiles ». Il s’agit sans doute d’une erreur de retranscription de l’auteur de la lettre mais il peut paraître curieux que le journal du beau-père de La Serve n’ait pas pris la peine de signaler l’erreur au lecteur. L’omission de cette correction pourrait également faire écho à la publication prévue (mais qui n’a jamais eu lieu) d’une version approfondie de De la Royauté, avec une modification non négligeable du titre : La Royauté fondée sur la Souveraineté de la Nation, suivant les lois révélées, les lois naturelles et la Charte constitutionnelle. Cf. Infra. Zarate de Ortiz a également traduit en espagnol une traduction en français de l’ouvrage de l’Anglais Richard Philippe, Treatise on the Power and Duties of Juries and on the Criminal Laws of England, publié en 1811, traduite par Charles Comte en 1819. La volonté de traduire les ouvrages de deux écrivains français libéraux de Zarate pourrait montrer une certaine communauté de vue entre La Serve et les fondateurs du Censeur, Charles Comte et Charles Dunoyer (Ch. Comte, Des pouvoirs et des obligations des jurys, par Sir Richard Philippe, Au bureau du Censeur Européen, Paris, 1819). Cf. Infra. W. E. A. Axon, Stray chapters in literature, Folk-lore and archaelogy, John Heywood, Manchester et London, 1888, p. 257.
13 BNF, 8-LB48-3138, Réfutation du livre de M. De La Serve, avocat, intitulé De la Royauté selon les lois divines révélées, les lois naturelles et la charte constitutionnelle, imprimé en 1819, Imprimerie de Prud’homme, Saint-Brieuc, 1819.
14 Les actes d’un important colloque organisé par Jacky Hummel et Armel Le Divellec ont été publiés dans Jus Politicum, n° 13, 2014 (sur internet) et volume VII, 2015, p. 7-178. Voir aussi l’article de Stéphane Rials « Essai sur le concept de monarchie limitée (autour de la Charte de 1814) », in Revue de la recherche juridique, 1982 ; et son ouvrage, Révolution et contre-révolution au XIXème siècle, Paris, Edition Albatros et D. U. C., 1987, 88-125.
15 Auguste Brunet a dédié son ouvrage Jules Simon et le problème de la constitution coloniale à la mémoire de Nicole Robinet de La Serve. Auguste Brunet a été député de La Réunion de 1924 à 1940 et sous-secrétaire d’État aux colonies en 1933. Son grand-oncle, Sully Brunet, était un intime de Nicole Robinet de La Serve. A. Brunet, Jules Simon et le problème de la constitution coloniale, Charles-Lavauzelle & Cie, Paris, 1945, p. 147-148.
16 La première qui comprend vingt pages s’intitule donc « De la Royauté selon les lois divines révélées », la seconde « De la Royauté selon les lois naturelles, c’est-à-dire, d’après les principes du droit public général » (114 pages) et la dernière simplement « De la Royauté selon la Charte Constitutionnelle » qui compte 133 pages.
17 « L’ouvrage de M. de la Serve est le livre le plus hardi, peut-être, qui ait été publié depuis la restauration ; mais en même temps il est écrit avec une modération et une sagesse qui désarmeraient les magistrats les plus ombrageux. Les principes et les doctrines qu’on y trouve auraient infailliblement attiré l’attention de la police correctionnelle, si l’ouvrage eût paru à l’époque où ce redoutable tribunal épuisait toutes les rigueurs sur des écrivains dont les plus grandes hardiesses ne s’élevèrent jamais à cette hauteur. Cependant nous croyons qu’il eût été fort difficile, pour ne pas dire impossible, d’en faire condamner l’auteur. Comment en effet le plus subtil des procureurs du roi aurait-il pu atteindre un écrivain toujours retranché derrière les plus imposantes et les plus respectables autorités de la religion et de la philosophie ? Avec cet impé- nétrable bouclier on conçoit facilement qu’il eût pu braver le système désespérant des interprétations du parquet ? Il aurait fallu, pour le mettre en jugement, dresser en même temps l’acte d’accusation de Moïse, de Jésus-Christ, d’Aristote, de Cicéron, de Trajan, de Marc-Aurèle, de Grotius, de Puffendorf, de Fénélon, de Massillon, etc. ; c’est-à-dire, qu’il aurait fallu faire le procès à l’esprit divin lui-même, et aux plus sages et aux plus vertueux des mortels ; ce qui assurément n’eût pas été une petite affaire », Bibliothèque Historique ou recueil de matériaux pour servir à l’histoire du temps, t. 10, Chez A. Eymery et Delaunay, Paris, 1819, p. 382-386 (Il s’agit en fait du compte-rendu de l’ouvrage de La Serve).
18 Néanmoins, cet auteur ne semble pas avoir eu accès à l’ouvrage puisqu’il ne le cite que d’après le compte-rendu qui en a été fait par Tissot dans la Minerve du 25 septembre 1819. E. Harpaz, Le Censeur. Le Cen- seur Européen. Histoire d’un Journal libéral et industrialiste, Slatkine Prints, Genève, 2000, p. 144 et p. 212 (la première édition date de 1959). E. Harpaz, L’école libérale sous la Restauration. Le « Mercure » et la « Minerve » 1817-1820, Librairire Droz, Genève, 1968, p. 34, p. 38 et p. 397. Le site internet de la Bibliothèque nationale de France indique que l’ouvrage a été mis en ligne en octobre 2007 tandis que le site internet Google books (https://books.google.fr) propose la même version issue de la Bibliothèque de l’État de Bavière numérisée le 8 février 2012.
19 P. Imhaus, Robinet de la Serve, l’énergumène créole…, op. cit., p. 80-88.
20 J. Boutier, « Quelques remarques sur le transfert de l’idéologie libérale à Bourbon de 1830 à 1833 », in Revue historique de l’océan Indien, n° 5, AHIOI, 2009, p. 66.
21 O. Ferreira, Le pouvoir royal (1814-1848) : un quatrième pouvoir ?, thèse de droit dactyl. sous la dir. de P. Rolland, Université Paris XII, 2010, p. 27, 41, 50, 60-61, 133, 173, 191, 242, 264, 266-267, 319, 372-373, 384, 484-485, 488, 558, 642, 651, 768. Nous tenons à remercier très vivement Oscar Ferreira de nous avoir offert un exemplaire de son ouvrage, ce qui nous a permis d’en profiter, ainsi que le Professeur Patrice Rolland de son obligeance. Oscar Ferreira a évoqué aussi l’ouvrage de La Serve dans les articles suivants : « Le Roi « dans » la Charte de 1814. Prisons imaginaires », in Jus Politicum, n° 13, 2014, p. 19 (http://juspoli- ticum.com/Le-Roi-dans-la-Charte-de-1814.html) et « Les équivoques du « constitutionnalisme octroyé » : un débat transatlantique », in Historia constituticional, n° 16, 2015, p. 77, 11, 130. En outre, Oscar Ferreira a établi un lien évident entre le journal brésilien O Farol Paulista, qu’il qualifie de « Minerve brésilienne », et des écrits de libéraux européens et notamment français : le compte-rendu de La Minerve a été traduit en portugais dans le numéro du 17 novembre 1829, « Un vecteur de diffusion des cultures juridiques et politiques françaises au Brésil : O Farol Paulistano (1827-1831) », in Droit et cultures [En ligne], 69 | 2015- 1, mis en ligne le 12 mai 2015, consulté le 13 novembre 2015. URL : http://droitcultures.revues.org/3572. Nous nous sommes aperçus que la version espagnole avait été citée en 1988, J. De Posada Herrera, Lec- ciones de administración, 2nde Edition, Instituto Nacional de Administración Publica (España), Madrid, 1988, p. 29 ; et plus récemment par Manuel Martinez Neira, « Relevancia del derecho administrativo Francés en la educación jurídica Española », in Forum Historiae Iuris, 27 mai 2005 (http://www.forhistiur. de/fr/2005-05-martinez-neira/ ?l =es.
22 « Le livre tout entier n’est en effet que le développement de la théorie de la souveraineté du peuple, envisagée sous les trois aspects que ce titre indique », Bibliothèque Historique…, op. cit., p. 382-386.
23 « Il faut écarter les discussions oiseuses sur l’origine de la souveraineté, discussions dangereuses quand elles sont inutiles, et que la force des événements éclaircit quand malheureusement elles ne le sont pas », B. Constant, Réflexions sur les Constitutions et les garanties, publiées le 24 mai 1814, avec une esquisse de Constitution, Plancher, Paris, 1818, p. VIII (avant-propos). « Quelque déférence que j’aye pour les opi- nions de ce publiciste, je ne puis partager sa doctrine sur ce point », N. Robinet de La Serve, De la Royauté…, op. cit., p. 32. La Serve aurait sans doute apprécié la lecture de ce chapitre de Tocqueville : Du principe de la souveraineté du peuple en Amérique bien que l’auteur s’y montre un brin cynique, comme pour dépasser cet impératif de La Serve : « Le principe de la souveraineté du peuple, qui se trouve toujours plus ou moins au fond de presque toutes les institutions humaines, y demeure d’ordinaire comme ense- veli. On lui obéit sans le reconnaître, ou si parfois il arrive de le produire un moment au grand jour, on se hâte bientôt de le replonger dans les ténèbres », A. de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, t. 1, Pagnerre, 13 éd., Paris, 1850, p. 65-66 (Livre Ier, Ch. 4).
24 N. Robinet de La Serve, De la Royauté…, op. cit., p. V-VI.
25 Bossuet, Politique tirée des propres paroles de l’Ecriture Sainte à Monseigneur le Dauphin, ouvrage posthume, Chez Pierre Cox, Paris, 1709, p. 66-67.
26 N. Robinet de La Serve, De la Royauté…, op. cit., p. 2.
27 « Vous crierez alors contre votre roi que vous vous serez élu, et le seigneur ne vous exaucera point, parce que c’est vous-mêmes qui avez demandé d’avoir un roi », Livre des Rois, livre Ier, ch. VIII, cité par La Serve (N. Robinet de La Serve, De la Royauté…, op. cit., p. 3).
28 « Par ce portrait peu flatteur De la Royauté, très fidèle par rapport à un monarque absolu, ne l’est nullement à l’égard d’un roi constitutionnel, dont les pouvoirs sont justement limités ». Il ajoute en note : « Il ne faut pas oublier que dans le langage de la Bible le nom de roi ne s’applique qu’aux rois absolus ». N. Robinet de La Serve, De la Royauté…, op. cit., p. 4.
29 Il tire ce principe du Deutéronome, XVII.
30 N. Robinet de La Serve, De la Royauté…, op. cit., p. 7-8.
31 L’Ami de la Religion et du Roi, t. 22, 22 janvier 1820, p. 335.
32 Ibid., p. 335-336.
33 Ibid., p. 8. On perçoit une pique à l’encontre des Légitimistes. La Serve sera bien plus clair et direct par la suite. Cf. Infra.
34 « Il leur accorde en effet, d’enchaîner les rois et les grands des nations, et d’exécuter sur eux les anathèmes de la justice éternelle ». La Serve fait une mise au point sur sa citation car la version originale indique que ce sont les Saints qui exercent ces droits sur les rois mais qu’il assimile les saints au peuple juif, d’après les enseignements de Bossuet (Cf. Bossuet, Politique tirée…, op. cit., p. 93). N. Robinet de La Serve, De la Royauté…, op. cit., p. 9.
35 Ibid., p. 9.
36 « Mais cet avis ne regardait nullement le sanhédrin, c’est-à-dire le sénat israélite, ni la totalité de la nation », ibid., p. 10.
37 Réfutation du livre de M. De La Serve…, op. cit., p. 1.
38 « Un roi chrétien ne doit être que le ministre et le serviteur du peuple », Evangile selon Saint Mathieu, cité par N. Robinet de La Serve, De la Royauté…, op. cit., p. 18. Il cite aussi l’évêque Jean-Baptiste Massillon rappelant à Louis XV son statut d’homme que La Serve traduit comme une apologie de l’égalité.
39 La Serve est beaucoup plus critique à l’égard des principes développés par les Pères de l’Église, comme l’avaient été avant lui Pufendorf ou Barbeyrac. Ibid., p. 22.
40 Il développe plus amplement le droit de résistance dans la seconde partie de l’ouvrage. Cf. Infra.
41 N. Robinet de La Serve, De la Royauté…, op. cit., p. 6.
42 « Je ne puis m’empêcher de citer encore un trait qui prouve combien l’Ecriture est favorable aux bonnes doctrines politiques. David avait pardonné à un homme qui s’était rendu coupable envers lui des plus sanglans outrages. Des gens, qui s’appelaient aussi les fidèles serviteurs du roi, lui représentant avec un faux zèle qu’une telle offense ne devait pas être si facilement remise, le saint roi leur répondit avec vivacité : Qu’y a-t- il de commun entre vous et moi, enfans de Sarvia ? vous m’êtes aujourd’hui un Satan ! Nous connaissons un roi qui de nos jours pourrait tenir à de nouveaux enfants de Sarvia le même langage que le bon roi David, et leur dire comme lui : Vous m’êtes un Satan », ibid., p. 11-12.
43 C’est la Révolution qui continue ! La Restauration. 1814-1830, Paris, Tallandier, 2015, p. 264.
44 N. Robinet de La Serve, De la Royauté…, op. cit., p. 21.
45 Ibid., p. 14 et 24.
46 La Serve cite un passage de son ouvrage A History of the late Revolution in Sweden : « Ainsi, en retour des immunités, des privilèges et des richesses, prodigués par les souverains au clergé, celui-ci prêcha l’obéissance passive et la non-résistance, aux sujets de leurs bienfaiteurs, et ils attribuèrent aux rois un droit divin de régner sans contrôle », N. Robinet de La Serve, De la Royauté…, op. cit., p. 25-26. (Dans son commentaire de l’ouvrage de La Serve, La Minerve (29 septembre 1819) se montra favorable aux propos de celui-ci : « C’est une idée ingénieuse, et peut-être fondée, que d’attribuer à la corruption des Romains du temps d’Auguste, et à l’apothéose que cet habile tyran obtint avant sa mort, l’indigne politique que La Serve attribue aux rois un droit divin de régner sans contrôle »).
47 Discours sur la loi roiale du peuple romain traduits du latin de Jean-Frédéric Gronovius, discours tiré de J. Barbeyrac, Du pouvoir des souverains et de la liberté de conscience en deux discours, traduits du latin de M. Noodt, seconde édition revue et augmentée de plusieurs notes, Chez Pierre Humbert, Amsterdam, 1714, p. 47 et 54.
48 N. Robinet de La Serve, De la Royauté…, op. cit., p. 26.
49 J-J. Burlamaqui, Principes ou élémens du droit politique, Chez François Grasset et Comp., Lausanne, 1784, p. 54.
50 S. Pufendorf, Le droit de la nature et des gens ou système général des principes les plus importants de la morale, de la jurisprudence, et de la politique traduit du latin par Jean Barbeyrac, t. 1, Chez Henri Schelte, Amsterdam, 1704, p. 245.
51 W. Blackstone, Commentaires sur les loix angloises de M. Blackstone traduits de l’Anglois par Ed. Chris- tian sur la quatrième édition d’Oxford, t. 1, Chez J. L. de Boubers, Bruxelles, 1774, p. 300.
52 N. Robinet de La Serve, De la Royauté…, op. cit., p. 31.
53 Maximes du droit public François. Tirées des Capitulaires, des Ordonnances du Royaume et des autres Mo- numens de l’Histoire de France, 2nde Edition, T. 1, Chez Marc-Michel Rey, Amsterdam, 1775, p. 172. Voir aussi, R. Derathé, Jean-Jacques Rousseau et la science politique de son temps, Vrin, Paris, 1995, p. 41.
54 N. Robinet de La Serve, De la Royauté…, op. cit., p. 39-40.
55 Ibid., p. 46-54.
56 Ibid., p. 13 et 15. « Le gouvernement est établi pour affranchir tous les hommes de toute oppression et de toute violence, et c’est là la marque du gouvernement légitime », Bossuet, Politique tirée…, op. cit., p. 397.
57 « En suivant de près saint Thomas, Hooker rappelait dans ses Laws of Ecclesiastical Polity, que les lois requièrent le consentement et l’approbation du public. Dans un pays où, de longue tradition, politique et religion se sont toujours étroitement mêlées, il en venait à estimer que le Commonwealth et l’Église coopèrent au point de se confondre : ainsi, disait-il en substance, les lois ecclésiastiques qui ne peuvent être édictées qu’au sein du parlement et sous l’autorité suprême du Roi, possèdent la même force obligatoire que les lois civiles : tout sujet leur doit donc obéissance. Celle-ci n’est pas une obéissance puisque toute loi requiert le consentement public ; elle est adhésion à l’ordre civil et l’obligation, politique ou religieuse, exprime la vertu de l’ordre. Autrement dit, s’opposer à la loi, comme le font les sectes protestataires et, tout particulièrement, refuser, dans l’anglicanisme, la religion officielle de la monarchie, équivaut à renier l’obligation politique ; c’est faire fi de l’ordre public », S. Goyard-Fabre, John Locke et la raison raison- nable, Vrin, Paris, 1986, p. 53.
58 N. Robinet de La Serve, De la Royauté…, op. cit., p. 41. Laws of ecclesiastical polity d’Hooker est nommé Politique ecclésiastique par La Serve.
59 Ibid., p. 42.
60 Ibid.
61 Ibid.
62 Ibid., p. 33-34. La Serve s’appuie notamment sur le Tableau des mœurs des Germains de Tacite. Il cite également l’écossais Adam Ferguson, A. Ferguson, Essai sur l’histoire de la société civile, ENS Editions, Lyon, 2013. Il cite encore le Discours sur le gouvernement d’Algernon Sidney. Voir à ce sujet, F. Quastana, « La réception des Discours sur le Gouvernement d’Algernon Sidney au XVIIIe siècle français », in La Révolution française [En ligne], 5 | 2013, mis en ligne le 31 décembre 2013, Consulté le 31 juillet 2015. URL : http://lrf.revues.org/1031.
63 N. Robinet de La Serve, De la Royauté…, op. cit., p. 34.
64 Ibid., p. 35. Il fait référence aux articles 1183 et 1780 du Code civil des Français.
65 Ibid.
66 T. Hobbes, Le Léviathan, Livre II, Chap. XVII : Des causes, de la génération et de la définition d’une République. Dans le chapitre précédent, Hobbes est un modèle de pensée pour La Serve car à l’instar de Grotius, Pufendorf et Wolf, il considère que la souveraineté émane du peuple. Cf. Supra.
67 J. Abbadie, Défense de la nation britannique, ou les droits de Dieu, de la Nature, et de la Société clairement établis au sujet de la révolution d’Angleterre contre L’Auteur de l’Avis important aux Réfugiés, Chez Abraham de Hondt, La Haye, 1693, p. 260.
68 « Si donc un particulier se rendait esclave d’un autre en vertu d’une convention, ce contrat serait nul et de toute nullité, et la plus longue possession, soit sur l’individu qui aurait fait la convention originaire, soit sur des descendants, serait insuffisante aux yeux de la morale et de la loi, pour valider un pareil contrat, parce que la liberté est un bien imprescriptible », N. Robinet de La Serve, De la Royauté…, op. cit., p. 36.
69 Une fois encore La Serve ne cite que les passages qui accréditent sa thèse. Lorsqu’il s’appuie sur Bossuet pour montrer que le gouvernement légitime ne peut pas être oppresseur, il omet de rapporter le propos immédiatement précédent de l’ecclésiastique : « Il ne faut que rappeler les passages, où nous avons étably ; que le gouvernement étoit paternel : & que les rois étoient des peres : ce qui fait la denomination des enfans, c’est qu’ils naissent libres, & ingenus », Bossuet, Politique tirée des propres paroles de l’Ecriture Sainte à Monseigneur le Dauphin, ouvrage posthume, Chez Pierre Cox, Paris, 1709, p. 397.
70 Charles Dunoyer le rejoint sur ce point, tout comme sur « la soumission respectueuse et passive de la nation », C. Dunoyer (publié sous les initiales M.G.), Réponse à quelques pamphlets contre la constitution, Chez les Marchands de nouveautés, Paris, 1814, p. 6. Cf. Infra.
71 La Serve s’appuie sur l’ouvrage de Louis Bignon, alors député de l’Eure, Coup d’œil sur les démêlés des cours de Bavière et de Bade, paru en 1818. Ce dernier explique que les rois et empereurs d’Europe ont toujours eu tort de considérer les territoires et les peuples comme de simples biens dont ils pouvaient jouir à leur guise (La Serve ajoute quelques remarques de l’abbé de Volney faites à l’Assemblée Constituante sur le même sujet). Si cela peut être vrai pour certains empires, force est de constater que les lois fondamentales du royaume de France ont comporté de plus en plus d’obstacles à la jouissance par les rois du patrimoine de la couronne comme d’un patrimoine personnel, notamment par le principe d’inaliénabilité du domaine de la couronne (L’édit royal de Moulins de 1566 par exemple).
72 N. Robinet de La Serve, De la Royauté…, op. cit., p. 80.
73 Des libéraux comme Dunoyer ont repoussé l’interprétation des Ultras qui érigeait les Parlements (mais aussi les Etats-Généraux) en représentants de la nation capables de contrebalancer l’absolutisme royal puisque la nation ne leur avait jamais confié de pouvoir de défense ou de représentation. Leur droit de remontrance n’avait d’ailleurs jamais servi à protéger les intérêts de la nation. C. Dunoyer, Réponse à quelques pamphlets…, op. cit., p. 7-8.
74 « Quoi qu’il en soit, je cite ces exemples (…) pour montrer que les monuments mêmes de notre histoire contredisent la doctrine que nous combattons sur l’inviolabilité du droit de succéder au trône ; et que dans le cas où un roi sage reconnaîtrait l’incapacité de son héritier ou ses mauvaises intentions, il agirait sans doute dans les intérêts de la nation, conformément aux véritables principes du droit public, et sans violer aucune loi, en l’excluant de la succession avec le concours des autres branches de la puissance législative, de même que cela se pratique en Angleterre », N. Robinet de La Serve, De la Royauté…, op. cit., p. 77-78.
75 Bignon est avant tout un diplomate qui est missionné dans toute l’Europe par le régime napoléonien.
76 La Serve attribue ces mots à Constant mais ce dernier en attribue la paternité à Stanislas de Clermont-Tonnerre. B. Constant, Cours de politique constitutionnelle, 3ème édition, Société Belge de Librairie, Bruxelles, 1837, p. 1.
77 Cela lui permet également d’interpréter la « marge de manœuvre » du roi dans la Charte plus restrictivement par rapport à la Chambre des députés. Cf. Infra.
78 N. Robinet de La Serve, De la Royauté…, op. cit., p. 30.
79 Cf. Supra.
80 « Les âmes des empereurs et des savetiers sont jetés au même moule », M. Montaigne, Essais, livre II, Chap. XII.
81 N. Robinet de La Serve, De la Royauté…, op. cit., p. 263-264.
82 La Serve incrimine beaucoup Louis XIV et Louis XV qu’il accuse d’avoir favorisé « cette odieuse inégalité au profit d’une classe privilégiée », ibid., p. 39. Il se réfère à l’Histoire de France pendant le dix-huitième siècle de Charles Lacretelle, publiciste qui fut emprisonné sous le Directoire pour ses sympathies royalistes mais qui put bénéficier du soutien notamment de Madame de Staël. E. Barrault, « Lacretelle, un écrivain face à la Révolution française (1766-1855) », in Annales historiques de la Révolution française, n° 333, 2003, p. 67-83. La Serve mentionne également Pierre-Edouard Lémontey et son Essai sur l’établissement monarchique de Louis XIV publié en 1818 (à noter que La Serve parle d’un Essai sur l’Institut monarchique de Louis XIV) qui reproche notamment à Voltaire dans son Siècle de Louis XIV d’être trop élogieux à l’égard de ce monarque. P-E. Lémontey, Essai sur l’établissement monarchique de Louis XIV, Déterville, Paris, 1818, p. 451.
83 Il vise manifestement Bossuet.
84 N. Robinet de La Serve, De la Royauté…, op. cit., p. 84-85. Il utilise les idées de Jacques-Vincent Delacroix tirées de son ouvrage Constitutions des principaux états de l’Europe et des Etats-Unis. Voir à ce sujet, O. Moorman Van Kappen, « L’histoire politique des Provinces-Unies du XVIe siècle à la veille de la Révolution batave aux yeux d’un professeur de Droit public parisien », in Tijdschrift voor Rechtsgeschiedenis, t. LXIV, vol. 1 (Hommage à Philippe Godding), 1996, p. 79-96 ; J-L. Mestre, « L’étude des Consti- tutions au Lycée de Paris durant les premières années de la révolution », in Droit, histoire et société, Mélanges en l’honneur de Christian Dugas de la Boissonny, Presses universitaires de Nancy, 2008, p. 261-280 ; C. Magoni, « L’Europe des constitutions dans l’ouvrage de Jacques-Vincent Delacroix (1791-1801) », La Révolution française [En ligne], Dire et faire l’Europe à la fin du XVIIIe siècle, mis en ligne le 08 juin 2011, consulté le 10 juillet 2015. URL : http://lrf.revues.org/268.
85 N. Robinet de La Serve, De la Royauté…, op. cit., p. 37-38.
86 Seconde partie, Chapitre II : Origine et fondement De la Royauté.
87 « Ce n’est point pour lui-même que les Dieux l’ont fait roi », Fénelon, Les Aventures de Télémaque, fils d’Ulysse, Mme Veuve Dabo, Paris, 1824, p. 81. Voir l’introduction de Charles Urbain, Fénelon, Ecrits et lettres politiques publiées sur les manuscrits autographes, par Ch. Urbain, Slatkine, Genève-Paris, 1981 (réimpression de l’édition de 1920), p. 11-28. Voir aussi, A. Vergnioux, « L’impensé pédagogique du Télémaque de Fénelon », in Documents pour l’histoire du français langue étrangère ou seconde [En ligne], 30 2003, mis en ligne le 01 janvier 2012, consulté le 10 juillet 2015. URL : http://dhfles.revues.org/1519. G. Bonno, « La Culture et la Civilisation britanniques devant l’opinion française, du Traité d’Utrecht aux « Lettres philosophiques » (1713-1734), in Philadelphia, The American philosophical Society (Transac- tions of the American philosophical Society), vol. 38, part. 1, 1948, p. 47.
88 N. Robinet de La Serve, De la Royauté…, op. cit., p. 13.
89 S. Pufendorf, Le droit de la nature et des gens ou système général des principes les plus importants de la morale, de la jurisprudence, et de la politique traduit du latin par Jean Barbeyrac, t. 2, Chez Pierre De Coup, Amsterdam, 1712, p. 252.
90 J-J. Rousseau, Du contrat social, livre Ier, chapitre III.
91 Il reprend les opinions de l’écossais William Barclay (De regno et regali potestate, adversus Buchananum, Brutum, Boucherium et reliquos Monarchomachos, livre III, chap. XVI, que La Serve intitule simplement Contra monarchomachos) et de l’évêque anglais Thomas Bilson et son Traité de la soumission chrétienne. Voir à ce sujet l’ouvrage de Karen Fiorentino, Les Monarchomaques britanniques, PUAM, Aix-en-Provence, 2003, 170 p.
92 J-D. Lanjuinais, Œuvres, avec notice complète par Victor Lanjuinais, t. 1, Dondey-Dupré pères et fils, Paris, 1832, p. 80.
93 « Il répugne de s’arrêter sur tant d’extravagances : partout la même confusion d’idées. On applique impudemment à l’un ce qui appartient à l’autre ; à la chair ce qui s’adresse à l’esprit, à la soumission ce qui se rapporte à l’autorité. On prend dans le sens absolu ce qui est dit dans un sens relatif, et dans un sens restreint ce qui est dit de manière absolue ; du particulier on conclut hardiment le général, pour peu qu’on y trouve d’avantage ; enfin on s’efforce de retracer, mais d’une manière que l’ignorance rend tout à fait grossière et dégoûtante, les sophismes que les protestants et autres hérétiques ont entassés pour se soustraire à l’autorité de Dieu et de son Eglise ; et en effet c’est la même cause, parvenue au dernier degré d’avilissement et d’opprobre », Réfutation du livre de M. De La Serve…, op. cit., p. 24.
94 « C’était pour bannir jusqu’au souvenir de cette dénomination insultante, et en même temps pour mar- quer la véritable place du pouvoir royal dans l’ordre constitutionnel des idées, que l’Assemblée constituante avait décrété que les actes publics commenceraient par cette formule, qui pourrait aujourd’hui servir d’épigraphe à notre Charte constitutionnelle : la nation, la loi, le roi », N. Robinet de La Serve, De la Royauté…, op. cit., p. 58.
95 Voir notamment le paragraphe 46 intitulé : En quel sens le Prince est soumis aux lois, Livre 1, Chapitre IV. E. de Vattel, Du droit des gens ou principes de la loi naturelle appliqués à la conduite et aux affaires des nations et des souverains, t. 1, Librairie diplomatique, française et étrangère de J-P. Aillaud (traduction de P. Royer-Collard), Paris, 1835, p. 120.
96 S. Petit-Renaud, « Le roi, les légistes et le parlement de Paris aux XIVe et XVe siècles : contradictions dans la perception du pouvoir de « faire loy » ? », in Cahiers de recherches médiévales [En ligne], 7 | 2000, mis en ligne le 03 janvier 2007, consulté le 11 août 2015. URL : http://crm.revues.org/889 ; DOI : 10.4000/ crm.889.
97 N. Robinet de La Serve, De la Royauté…, op. cit., p. 91.
98 Deuxième partie, Chapitre VII : L’Insurrection est-elle un droit inaliénable des peuples contre un pouvoir despotique ou tyrannique ?
99 Ibid., p. 91.
100 Œuvre de Filangieri, traduites de l’Italien, nouvelle édition, t. 1, P. Dufart, Paris, 1822, p. 121.
101 B. Constant, Collection complète des ouvrages publiés sur le Gouvernement représentatif et la Constitution actuelle de la France, formant une espèce de Cours de politique constitutionnelle, vol. 1, Plancher, Paris, 1818, p. 167. En 1819, Benjamin Constant n’a pas encore publié son Commentaire sur l’ouvrage de Filangieri.
102 N. Robinet de La Serve, De la Royauté…, op. cit., p. 110. L’extrait est tiré de la traduction du Droit de la nature et des gens de Pufendorf par Barbeyrac.
103 Ibid., Cf. Supra.
104 Ibid., p. 90. L’article 35 de cette déclaration dispose que « Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs ».
105 « Dans le premier cas (…), l’insurrection est un crime qui doit être sévèrement puni ; dans le dernier c’est un devoir sacré dont l’accomplissement a quelquefois mérité des statues », ibid.
106 On trouve une définition de cette notion dans l’Encyclopédie des gens du monde : « On appelle clause commissoire de déchéance le droit que les monarchies limitées, tant anciennes que modernes, se sont reconnu de renverser du trône le prince qui voudrait substituer le pouvoir absolu au régime des lois ». Celle-ci est rédigée par Alphonse Taillandier, elle-même extraite de la définition du terme déchéance. Elle comporte plusieurs similitudes avec l’ouvrage de La Serve, notamment les pages 122 et 123 dans lesquelles il est successivement question de Juan Mariana et du roi d’Aragon, de la Grande Charte de Pologne puis des constitutions du Brabant. A-F. Artaud de Montor, Encyclopédie des gens du monde, répertoire universel des sciences, des lettres et des arts avec des notices sur les principales familles historiques et sur les personnages célèbres, morts et vivants, t. 7, Librairies de Treuttel et Würtz, Strasbourg, 1836, p. 620-622. À noter que le premier volume de cette encyclopédie a été publié en 1833. Il était déjà question de clause commissoire ou de pacte commissoire dans les Maximes du droit public des Français : « Indépendamment de ce que dictent sur ce point les règles générales, il peut y avoir eu des conventions particulières. Le Monarque peut s’être soumis à rendre compte. Il peut avoir accepté la Couronne sous une clause commissoire. L’Histoire fournit une foule d’exemples de Souverainetés offertes et acceptées sous des conditions qui resseroient plus ou moins celui qui commandoit (…) Dans certains pays, la Monarchie est établie purement et simplement ; dans d’autres, elle est tempérée par l’Aristocratie, dans d’autres, elle est conditionnelle, et soumise à un pacte commissoire », Maximes du droit public François. Tirées des Capitulaires, des Ordonnances du Royaume et des autres Monumens de l’Histoire de France, 2nde Edition, T. 2, Chez Marc-Michel Rey, Amsterdam, 1775, p. 201-228 (article V : En supposant le Pouvoir Souverain reçu immédiatement de Dieu, cela n’empêche pas la Nation de pourvoir à ses intérêts, lorsque le Prince est devenu incapable de l’exercer, ou qu’il le néglige ; article VI : En supposant le Pouvoir Souverain, reçu de Dieu immédiatement, il trouve bon que les Peuples y apposent des conditions, et ne s’y soumettent que sous ces conditions ; et dans plusieurs cas on ne laisse pas le perdre de plein droit).
107 H. Grotius, Le droit de la guerre et de la paix, t. 1, Chez Emmanuel Thourneisen (traduction en français de J. Barbeyrac), 1746, p. 148.
108 « Lorsque les garanties constitutionnelles ont été violées et que la nation est opprimée par son gouvernement, elle a le droit de se soulever pour maintenir le contrat originaire établi entre le roi et le peuple », N. Robinet de La Serve, De la Royauté…, op. cit., p. 124. La Serve cite fréquemment Blackstone. Il s’ins- pire d’ailleurs beaucoup des Commentaires sur les lois anglaises de ce jurisconsulte britannique, notamment sur l’idée de contrat original ou primitif liant le roi et le peuple.
109 À cet égard, La Serve semble partager plusieurs aspects de la conception monarchique de François Hotman. Sur celle-ci, il faut voir l’introduction détaillée d’Antoine Leca de Franco-Gallia. F. Hotman, Franco-Gallia, Intro. et notes d’A. Leca, PUAM, Aix-en-Provence, 1991. Il y a également à certains égards des similitudes avec Massillon et Mably qu’il cite ainsi qu’avec Mademoiselle de Lézardière et Boulainvilliers qu’il ne cite pas.
110 La Serve détaille les différents articles de la constitution du 3 septembre 1791 qui établissent, selon lui, ces clauses commissoires de déchéance. Il préconise encore d’ajouter une autre clause « résultant du cas où le roi demanderait le secours avec des princes étrangers, ou ferait des alliances avec les étrangers ou un ennemi contre ses propres sujets », N. Robinet de La Serve, De la Royauté…, op. cit., p. 131-132.
111 « Serait-il permis d’exprimer le vœu que les dispositions si importantes de la Constitution de 1791 (…) fussent de nouveau converties en loi supplémentaire de la Charte, et qu’on y ajoutât cette dernière clause de déchéance (…), et même cette autre clause fameuse de la constitution d’Angleterre, qui reconnaît à la nation le droit de se soulever pour maintenir l’observation de sa loi fondamentale ? », Ibid., p. 133.
112 Voir à ce sujet, E. Waresquiel, « Le préambule de la Charte du 4 juin 1814 », in Jus Politicum, vol. VII, 2015, p. 9-18.
113 « Le roi, à qui nous devons le bienfait de la Charte, ayant annoncé que dans cet acte, il n’avait fait que renouer la chaîne des temps modernes et des temps anciens, ne nous donne-t-il pas lieu par-là d’espérer qu’il ne serait pas éloigné de faire cette déclaration solennelle, qui ne serait elle-même que la restauration des anciennes maximes de la monarchie ? », N. Robinet de La Serve, De la Royauté…, op. cit., p. 134. Cette position vis-à-vis des principes anciens de la monarchie l’oppose à Lanjuinais. Cf. Infra.
114 Il saisit l’opportunité d’aller en France en 1810 car il supportait mal l’idée de vivre sous la domination anglaise. Il a gardé une rancœur envers l’Angleterre principalement pour cette raison.
115 N. Robinet de La Serve, Adresse aux bons Français…, op. cit., p. 50. En 1819, La Serve soutient que Louis XVIII a consacré la liberté au détriment des adversaires de celle-ci, les ultraroyalistes : « Il semblerait qu’une main savante ait cherché à couvrir la liberté naissante et faible encore des formes de la puissance absolue, afin de la dérober aux yeux de ses ennemis, ou au moins de leur donner le change et de lui laisser le temps de grandir et de se fortifier à l’aide de ce déguisement. Grâces soient rendues au roi magnanime qui, pour faire du bien à ses sujets, a été obligé en quelque sorte de se cacher et de tromper, par une fraude innocente et bien louable sans doute la coalition de l’orgueil, de la sottise et des privilèges », N. Robinet de La Serve, De la Royauté…, op. cit., p. 202-203.
116 « Les écrivains libéraux se sont fortement élevés contre la doctrine qui fait de la Charte un acte addition- nel aux constitutions précédentes. M. Lanjuinais, surtout, en a montré les inconvénients d’une manière pressante. (…) la doctrine du gouvernement, qui considère la Charte comme un acte additionnel, n’est dangereuse que par l’abus qu’il en a fait en invoquant les lois et les décrets que l’article 68 de la Charte a véritablement abrogés parce qu’ils sont antipathiques avec sa lettre ou son esprit. Si cette doctrine était appliquée avec justice, elle n’aurait pour résultat que la conservation de ce qu’il y a de bon et de libéral dans toutes les lois précédentes. Ce vaste dépôt contient assurément plus d’armes à l’usage de l’arbitraire, que des droits et de garanties en faveur de la liberté ; mais, puisque les premières ont été brisées par la Charte et qu’elle a laissé subsister les autres, sachons démêler avec soin les parties restées intactes au milieu de ce grand naufrage, emparons-nous de ces débris précieux qui peuvent nous servir de matériaux pour remplir quelques-uns des vides que présente encore notre nouvel édifice constitutionnel », N. Robinet de La Serve, De la Royauté…, op. cit., p. 266. Voici la réponse de Lanjuinais : « L’auteur [La Serve], ami loyal et ardent de la liberté sans la licence, prend trop aisément le fait pour le droit, quand il reconnaît comme jurisprudence, établie et dangereuse par l’abus seulement, que la Charte n’est qu’un acte additionnel aux constitutions précédentes. Il suffit de lui demander à quelles constitutions ? La légitimité de cette jurispru- dence prétendue, s’évanouit si l’on peut se rappeler le principe que l’erreur et l’abus ne prescrivent jamais en droit public, et ne peuvent conséquemment faire une vraie jurisprudence », Revue encyclopédique ou analyse raisonnée des productions les plus remarquables dans la littérature, les sciences et les arts, t. IV, Baudoin Frères, Paris, octobre 1819, p. 235-236. Pour ce qui concerne la garantie des droits, cf. Infra.
117 J-F. Feldman, « Le constitutionnalisme selon Benjamin Constant », in Revue Française de Droit Constitutionnel, PUF, 2008/4, n° 76, p. 680.
118 « Ici [dans la troisième partie de l’ouvrage] l’auteur prouve que la royauté repose dans la constitution française sur des bases absolument différentes de celles que lui ont assignées jusqu’à présent nos publicistes ; que ce qu’est le roi constitutionnel en France, tout chef d’un bon gouvernement républicain doit l’être. En un mot, il trouve dans nos institutions actuelles la souveraineté du peuple avec toutes ses conséquences, et cela sans rien changer à la charte. Dans cette partie de l’ouvrage, il s’est entièrement écarté des routes tracées par MM. Benjamin Constant, Lanjuinais et autres ; et le lecteur trouvera des vues et des considérations absolument neuves sur la volonté générale, le mécanisme de la constitution, les pouvoirs des deux chambres, l’initiative des lois, le droit de la guerre et de la paix, et le droit de faire grâce », Bibliothèque Historique ou recueil de matériaux pour servir à l’histoire du temps, op. cit., p. 385.
119 À cet égard, La Serve rappelle à quel point il est indispensable de toujours bien définir les termes utilisés : « S’il fallait renoncer à tous les mots dont les hommes ont fréquemment abusé, il faudrait réformer presque en entier le vocabulaire des langues. En première ligne on devrait changer les mots religion, royauté, mi- nistre, obéissance, serment, etc. ; contentons-nous donc de restituer aux expressions leur véritable sens et d’empêcher que l’abus des mots n’entraîne l’abus des choses », N. Robinet de La Serve, De la Royauté…, op. cit., p. 142-143. Sa remarque est judicieuse bien qu’il eût été préférable qu’il l’applique à lui-même plus rigoureusement. Par ailleurs, il cible la fixation trop basse du cens pour être électeur comme une des causes de l’échec de la Constitution de 1791 : « Faute d’avoir exigé des conditions assez élevées dans les électeurs et les éligibles, toutes les autorités créées par voie d’élection (…) devinrent les instruments de la multitude ou plutôt de ses meneurs. En un mot, ce ne fut pas la souveraineté du peuple qui fut organisée, mais la souveraineté de la populace, le pire de tous les gouvernements », ibid. p. 213-214.
120 « Ainsi en France, maintenant, le souverain se compose du roi et des deux chambres ; ce n’est que par un abus de mots qu’on donne au roi seul ce titre », ibid., p. 43.
121 Ibid., p. 216.
122 Ibid., p. 213.
123 « Aujourd’hui, en France, le bas peuple est bonapartiste, la classe moyenne est libérale, et les grands propriétaires inclinent à l’oligarchie : c’est la pente naturelle des choses », ibid., p. 216.
124 Ibid., p. 148.
125 La prépondérance des grands propriétaires en Angleterre tend également à l’oligarchie car ils sont trop peu nombreux, leurs intérêts sont trop éloignés de ceux des basses couches de la population et donc trop éloignés de l’intérêt général. Ibid., p. 151-152.
126 Ibid., p. 146-148. En outre, sa définition de l’opinion publique éclaire un peu plus encore sur sa conception de la classe moyenne : « c’est, dans tous les pays, l’opinion de la classe moyenne ou intermédiaire. Intéressée, par ses propriétés, au maintien de l’ordre public, et capable, par ses lumières et sa moralité, d’exercer une influence salutaire sur le gouvernement, cette classe est l’élite de la nation, elle donne l’impulsion à tout le corps social, et sa volonté est en réalité la volonté générale », ibid., p. 153. À charge pour la Charte de s’assurer que la volonté générale puisse régner. La position de La Serve épouse très bien les principes de la majorité des représentants à l’Assemblée constituante comme Sieyès, majorité opposée à l’égalitarisme manifesté par Robespierre à l’Assemblée Nationale Constituante du 25 janvier 1790, Archives Parlementaires, Recueil complet des débats législatifs et politiques des Chambres françaises, dir. J. Madival et E. Laurent, t. XII, Assemblée nationale constituante du 2 mars 1789 au 14 avril 1790, Paris, P. Dupont, 1881, p. 320-325. Il préfigure aussi le mouvement des Francs-Créoles à l’Ile Bourbon au début de la Restauration. Cf. Infra.
127 « Il résulte que le système des suffrages universels est absolument impropre à faire connaître l’expression fidèle de la volonté générale, et que le bas peuple étant dans l’ordre politique ce qu’est le mineur dans l’ordre civil, il doit être privé de l’exercice des droits politiques dans son intérêt comme dans l’intérêt géné- ral de la société », N. Robinet de La Serve, De la Royauté…, op. cit., p. 151.
128 Ibid., p. 141.
129 Ibid.
130 Ibid.
131 « Avec la loi d’élection telle que nous la possédons, notre Charte est une excellente constitution, la plus libérale, la plus sage peut-être dont aucun peuple ait joui », ibid., p. 204.
132 « Ainsi, la nation, par une marche graduelle, rentrera sans efforts et sans secousses dans la plénitude de sa souveraineté », ibid., p. 44.
133 « On a parlé au nom de cette nation ; on a vu en elle la source de tous les pouvoirs ; delà le dogme fatal de la souveraineté du peuple, et son épouvantable résultat. – La Charte nous a placés dans une situation différente ; elle ne demande que ses électeurs et ses députés à la nation entière ; elle ne les demande qu’à des hommes réunissant certaines conditions », P. De Barante, La vie politique de Royer-Collard. Ses discours et ses écrits, t. 1, Didier et Cie, Paris, 1861, p. 290.
134 Voir à ce sujet, Philippe Lauvaux, « La technique de l’octroi et la nature de la Charte », in Jus Politicum, vol. VII, 2015, p. 19-28.
135 N. Robinet de La Serve, De la Royauté…, op. cit., p. 140.
136 E. Travers, « Constant et Chateaubriand, deux défenses de la Monarchie », in Revue Française d’Histoire des Idées Politiques, n° 19, 2004/1, p. 116.
137 « Vues politiques sur les changements à faire à la Constitution d’Espagne, afin de la consolider, spécialement dans le royaume des Deux-Siciles, Janvier 1821 » in J-D. Lanjuinais, Œuvres, t. 2, Dondey-Dupré, Paris, 1832, p. 528-529. Il s’avère que dès 1819 la chose était connue : « Le véritable titre de l’ouvrage n’est pas celui sous lequel il est paru ; mais le suivant lui aurait bien mieux convenu : La Royauté sur la Souve- raineté de la Nation, suivant les lois révélées, les lois naturelles et la Charte constitutionnelle. Tel est effectivement celui que l’auteur voulait d’abord lui donner, parce qu’il exprime avec justesse l’idée dominante de l’ouvrage, celle qui se reproduit dans chaque chapitre », Bibliothèque Historique ou recueil…, op. cit., p. 382-386.
138 Le propos de Lanjuinais remonte au mois de janvier 1821 alors que De Villèle ne devient ministre principal qu’au mois de décembre. Rappelons qu’il était marié à Mélanie Panon Desbassayns, dont la famille était une des plus riches de l’Ile Bourbon. De Villèle était particulièrement attentif aux agissements des « compatriotes » de son épouse. Il est évidemment fort regrettable que cet ouvrage n’ait jamais pu être publié et qu’il ne puisse sans doute jamais l’être.
139 N. Robinet de La Serve, De la Royauté…, op. cit., p. 267.
140 Ibid., p. 269.
141 Archives Nationales d’Outre-Mer, Fond Ministériel, Série Géographique, Réunion, Carton. 108, dossier. 783. Dernières observations sur la convenance et l’opportunité de proclamer les lois coloniales de 1790 et 1791, à l’ouverture du premier conseil général électif de l’Ile Bourbon, par Robinet de la Serve, août 1832. L’année précédente il avait contribué à faire imprimer à l’Ile Maurice, sous couvert de l’anonymat, une brochure intitulée : Mémoire sur cette question : La loi du 9 avril 1790 a-t-elle été abrogée à l’Ile Bourbon ? Y est-elle tombée en désuétude ? Enfin si elle a conservé sa vigueur législative, doit-elle être exécutée ? Convient- il qu’elle soit exécutée ? par un ancien membre de l’Assemblée coloniale.
142 J-D. Lanjuinais, Œuvres…, op. cit., p. 303-312.
143 P. Rolland, « Les leçons d’un texte constitutionnel », in Jus Policum, vol. VII, 2015, p. 168-169.
144 J-L. Mestre, « Les juridictions judiciaires et l’inconstitutionnalité des ordonnances royales de la Restauration au IInd Empire », in Revue française de droit constitutionnel, n° 15, 1993, p. 451-453 ; G. Bigot, « L’inconstitutionnalité des actes réglementaires de 1814 à 1851 », in Administration et droit. Textes réunis par François Burdeau, Paris, LGDJ, 1996, p. 123-128.
145 G. Bigot, L’autorité judiciaire et le contentieux de l’administration. Vicissitudes d’une ambition (1800- 1872), Paris, LGDJ, p. 184-190.
146 G. de Staël, Des Circonstances actuelles qui peuvent terminer la Révolution et des principes qui doivent fonder la République en Fran, Edition critique par Lucia Omacini, Droz, Genève, 1979, p. 9-57.
147 Selon l’article 14, le roi est le chef suprême de l’État et il est inviolable en vertu de l’article précédent. Cabueil souscrit au point de vue de Lanjuinais. R. de Cabueil, De la Charte, Paris, Librairie de Rusand et Cie, 1830, p. 15. Cf. F. Saint-Bonnet, L’Etat d’exception, Paris, PUF, 2001, p. 316-334. Cf. O. Ferreira, Le pouvoir royal…, op. cit., p. 650.
148 La Serve poursuit ainsi : « Aux yeux d’un observateur superficiel, elle semble investir le prince d’une im- mense prérogative au moyen de laquelle il peut à chaque instant emporter et précipiter la balance de quelque côté qu’il se tourne, et braver impunément la volonté générale en y substituant sa volonté particulière ou celle de ses ministres. Mais pour peu qu’on médite les dispositions de la Charte, on s’aperçoit que cette apparence est trompeuse, et qu’elle cache une réalité bien différente », N. Robinet de La Serve, De la Royauté…, op. cit., p. 202. Les ambiguïtés laissées par la Charte, ou son incomplétude pour reprendre la formule de Stéphane Rials, donne la possibilité de multiplier les interprétations. En 1816, Chateaubriand n’y voit que le triomphe de l’absolutisme : « Le roi, dans cette monarchie, est plus absolu que ses ancêtres ne l’ont jamais été, plus puissant que le sultan à Constantinople, plus maître que Louis XIV à Versailles », R. de Chateaubriand, De la Monarchie…, op. cit., p. 9-10. Emeric Travers rappelle combien, dans ses Réflexions politiques, Chateaubriand a cherché à détacher la monarchie française de l’absolutisme, « Constant et Chateaubriand, deux défenses de la Monarchie », op. cit., p. 95-101.
149 C’est pourquoi, en principe, il privilégie le monocamérisme : « S’il pouvait exister un mode de représentation nationale tel, que le corps des députés du peuple exprimât d’une manière toujours fidèle la volonté générale, il n’y aurait plus de difficulté dans l’organisation du pouvoir législatif. Ce corps de représentans devrait être investi de la souveraineté la plus entière, la Chambre des pairs deviendrait inutile, et le roi lui-même ne serait légitimement que l’exécuteur des lois faites par les assemblées », N. Robinet de La Serve, De la Royauté…, op. cit., p. 154.
150 N. Robinet de La Serve, De la Royauté…, op. cit., p. 161. La Serve insiste : « Les fonctions de député au corps législatif sont déjà et deviendront bien plus avec le temps la plus flatteuse des distinctions. (…) Quant aux mandataires infidèles du peuple, à ces hommes qui se rendent coupables de la plus digne prévarication en trahissant les intérêts qui leur sont confiés, ils en sortiront pour n’y plus rentrer, marqués du fer de l’opinion. Oui, notre avenir politique ne s’est jamais offert à nos yeux sous un aspect aussi favorable, et tout nous présage, avant peu d’années, l’influence bienfaisante d’une majorité nationale dans notre Chambre élective », ibid., p. 232.
151 Ibid., p. 55.
152 Les esquisses du Tribunat de Rousseau ou du jury constitutionnaire de Sieyès n’avaient pas su trouver leur place dans une constitution. Sur la question du pouvoir modérateur ou préservateur, il faut s’en référer à la thèse d’Oscar Ferreira. L’auteur rassemble et analyse les développements à ce sujet de très nombreux auteurs à travers la question du quatrième pouvoir. O. Ferreira, Le pouvoir royal (1814-1848)…, op. cit.
153 N. Robinet de La Serve, De la Royauté…, op. cit., p. 160.
154 Voir à ce sujet, P. Rolland, « Comment préserver les institutions politiques ? La théorie du pouvoir neutre chez B. Constant », in Revue française d’histoire des idées politiques, n° 27, 2008/1, p. 43-73.
155 L. Pertué, « Royer-Collard et la Charte de 1814 », in Historia Constitucional, n° 15, 2014, p. 33 (http:// www.historiaconstitucional.com).
156 Comme La Serve, Constant est conscient que le temps fait évoluer les institutions : « Je ne veux point nier qu’il n’y ait dans le tableau d’un pouvoir monarchique plus animé, plus actif, quelque chose de séduisant, mais les institutions dépendent des temps plus que des hommes. L’action directe du monarque s’affaiblit toujours inévitablement, en raison des progrès de la civilisation », B. Constant, Cours de politique constitutionnelle…, op. cit., p. 214 (Note C, à la page 20, Du Pouvoir royal. Il ajoute cette note : « Dans la première édition de cette esquisse de constitution, je m’étais servi du mot pouvoir exécutif en opposition au pouvoir royal, et j’ai conservé cette expression dans le texte, mais j’ai adopté dans ces notes celle de pouvoir ministé- riel qui est également juste, encore plus claire, et qui a l’avantage d’être conforme à la lettre de la Charte »).
157 M. Pertué, « Royer-Collard et la Charte de 1814 », op. cit., p. 62.
158 Il se range derrière les opinions de Rousseau et Mirabeau, comme l’a déjà fait La Serve.
159 N. Robinet de La Serve, De la Royauté…, op. cit., p. 154-155.
160 Revue encyclopédique…, op. cit., p. 235-236.
161 La Serve ne remet pas en question la cohérence du texte, ce que fait aujourd’hui Michel Pertué, « Royer-Collard et la Charte de 1814 », op. cit., p. 32-35 ; à la différence d’Alain Laquièze, Les origines du gouvernement parlementaire, PUF, Paris, 2002, p. 75.
162 Revue encyclopédique…, op. cit., p. 235-236.
163 Ibid.
164 P. de Barante, La vie politique de M. Royer-Collard. Ses discours et ses écrits, t. 1, Didier et Cie, 2ème édition, Paris, 1863, p. 228-229. Voir, J-F. Jacouty, « Tradition et modernité dans la pensée politique de Royer-Collard », in Revue française d’histoire des idées politiques, n° 27, 2008/1, p. 102.
165 « La monarchie reconstituée par la Charte est, affirme Royer-Collard, une monarchie mixte, dans laquelle plusieurs pouvoirs concourent avec le pouvoir royal. Entre plusieurs pouvoirs qui concourent, la force des choses et le besoin de l’unité font prédominer plus ou moins l’un de ces pouvoirs, qui acquiert sur les autres une influence ouverte ou cachée. Nul doute que, dans notre gouvernement, le pouvoir royal ne soit celui auquel doit appartenir cette influence de direction. Quand il ne la tiendrait pas de sa primauté constitutionnelle, de l’initiative qui lui est réservée, de la plénitude du pouvoir exécutif qui l’investit de toutes les connaissances, qui lui amène, qui lui soumet tous les intérêts, il la tiendrait encore de nos mœurs, de nos souvenirs, de notre respect instinctif pour la Majesté, et de ce sentiment d’amour et de fidélité envers le monarque qui distinguent si éminemment la nation française », P. de Barante, La vie politique de M. Royer-Collard…, op. cit., p. 222. Sur les idées de Royer-Collard, voir J-P. Clément, « Une doctrine poli- tique de style Restauration : celle de Royer-Collard », in Repenser la Restauration, sous la dir. de J-Y. Mollier, M. Reid et J-C. Yon, Nouveau Monde Editions, 2005, p. 115-125.
166 C. Dunoyer, « De la Royauté ou De la première magistrature de l’État dans une monarchie constitution- nelle », in Le Censeur, t. V, 1815.
167 La Serve aussi avait incité les Français à se rallier à Bonaparte en 1815. L’intérêt de présenter l’opinion constitutionnelle de Dunoyer est d’offrir un autre point de vue différent.
168 Il ajoute également en note : « on peut en dire autant de la chambre des pairs, considérée sous son véritable point de vue ; puisqu’alors ses fonctions sont les mêmes que celles du roi à l’égard du pouvoir législatif. La chambre des pairs ne prend véritablement part à la législation qu’à titre de seconde chambre représentative », C. Dunoyer, « De la Royauté… », in Le Censeur, t. V, op. cit., p. 47.
169 Cf. Infra.
170 Ces idées sont développées dans le chapitre IV de la troisième partie intitulé : Le Roi est-il le premier des grands pouvoirs de l’État ? La Serve, p. 163-164. Oscar Ferreira précise la notion d’arbitre dans ce cas d’espèce : « le pouvoir préservateur n’est pas un arbitre ; mais il n’est pas certain que le pouvoir royal, en dehors de ses attributions purement régulatrices, ne le soit pas dans le sens formel du terme », O. Ferreira, Le pouvoir royal (1814-1848)…, op. cit., p. 594-595. Il distingue le pouvoir régulateur que l’on retrouve chez Constant ou Dunoyer, chargé de veiller au respect des mécanismes de la Constitution en dehors de toute lutte partisane, et celui de Royer-Collard et Fonfrède, qu’il qualifie de conservateur, pouvoir impliqué dans les conflits entre les partis politiques. Ce pouvoir peut être assimilé, selon lui, à un dictateur vertueux à même de redresser l’État. La Serve est manifestement plus proche de la première tendance. En outre, Oscar Ferreira estime qu’à part Dunoyer, aucun penseur n’envisage la notion d’arbitre selon « ses actuels canons définitionnels et ne suppose nullement l’identité, mais, au contraire, l’altérité ». Effectivement, celle-ci existe sous la Restauration puisque La Serve l’emploie mais comme les autres, il confie ce pouvoir au roi. Néanmoins, les autres branches du pouvoir possèdent aussi des moyens de régulation, ce qui retire donc cette exclusivité au roi. O. Ferreira, « Le Roi « dans » la Charte de 1814. Prisons imaginaires », op. cit., p. 14-15.
171 « La constitution de l’an 8 et celle de 1814 avaient exclusivement attribué au chef de l’État l’initiative des lois. On sent combien cette prérogative s’accordait peu avec l’objet de ses fonctions », C. Dunoyer, « De la Royauté… », in Le Censeur, t. V, op. cit., p. 24.
172 B. Constant, Cours de politique constitutionnelle…, op. cit., p. 65.
173 J-D. Lanjuinais, Œuvres…, op. cit., p. 273.
174 « On s’est beaucoup récrié sur ce vice des ricochets et des lenteurs qu’entraîne l’initiative indirecte. MM. Lanjuinais, Benj. Constant, M. de Chateaubriand même, et une foule d’autres bons esprits, se sont prononcés contre cette forme de proposition ; mais quelque imposante que soit la réunion de telles autorités, je ne puis partager cette opinion ; et, avec une grande défiance sans doute, je me permettrai de les combattre », N. Robinet de La Serve, De la Royauté…, op. cit., p. 167.
175 Ibid., p. 170. Chateaubriand a raillé la lenteur de ces « ricochets », F-R. de Chateaubriand, De la Monarchie…, op. cit., p. 8-9 (chapitre X).
176 N. Robinet de La Serve, De la Royauté…, op. cit., p. 171.
177 C. Dunoyer, « De la Royauté… », in Le Censeur, t. V, op. cit., p. 47-48.
178 N. Robinet de La Serve, De la Royauté…, op. cit., p. 163.
179 « Le roi est la principale branche de notre gouvernement, et supérieure à toutes par les prérogatives singulières du pouvoir royal ; il est au sommet des grands pouvoirs ; il est la pointe de la pyramide sociale, le grand chef supérieur, et l’unique sous bien des rapports », Lanjuinais, Essais (cité par N. Robinet de La Serve, De la Royauté…, op. cit., p. 163).
180 Ibid., p. 86. La Serve reconnaît à Louis XVIII une grande humilité pour avoir accepté de rendre des comptes au peuple : « il faut avoir une véritable grandeur d’âme pour s’élever ainsi au-dessus de l’orgueil héréditaire, et de ce qu’on peut appeler des préjugés de roi », ibid.
181 Ibid.
182 « Au roi seul appartient le droit de choisir les ministres et de les révoquer ; mais, lorsque la majorité nationale sera indestructible dans la Chambre des députés, il est évident que le roi ne pourra nommer que des ministres agréables à la nation ; et si un roi, par faiblesse ou par erreur, confiait le ministère à des hommes indignes de la confiance publique, ceux-ci ne pourraient se maintenir, et la force des choses l’obligerait à faire un meilleur choix », ibid., p. 164-165.
183 « Le ministère doit sortir de la majorité de la chambre des députés, puisque les députés sont les principaux organes de l’opinion populaire. C’est assez de dire que les ministres doivent être membres des chambres, parce que représentant alors une partie de l’opinion publique, ils entrent mieux dans le sens de cette opinion, et sont portés par elle à leur tour », R. de Chateaubriand, De la Monarchie…, op. cit., p. 21.
184 « Ce pouvoir est un complément nécessaire à l’administration de la justice, et dont le noble dépôt est confié à la conscience royale comme à un fort inaccessible à la partialité, en raison de son immense élévation au-dessus des justiciables. (…) Le roi est donc un juge suprême de l’équité qui prononce en dernier ressort sur toutes les accusations criminelles ; mais dans ce sens seulement qu’il ne peut exercer son pouvoir judiciaire que favorablement à l’accusé. En dernier résultat, le droit de faire grâce est une sauvegarde pour l’innocence, un refuge et un appui pour la faiblesse, mais non un moyen d’impunité pour le crime. Et tout roi qui sciemment fait servir ce droit à un autre usage, est un juge prévaricateur », N. Robinet de La Serve, De la Royauté…, op. cit., p. 189-190. Par ailleurs, l’interprétation de Benjamin Constant diffère quelque peu par son caractère presque divin : « A eux [les monarques] appartient ce droit de faire grâce, droit d’une nature presque divine, qui répare les erreurs de la justice humaine ou ses sévérités trop inflexibles », B. Constant, Note C (…) Du Pouvoir royal…, op. cit., p. 215.
185 M. Morabito, Histoire Constitutionnelle de la France de 1789 à nos jours, Montchrestien Lextenso éditions, 12ème édition, Paris, 2012, p. 183.
186 Selon Jean Foyer (cité par Christophe Vimbert) le mode de scrutin est crucial lorsqu’il est déterminé dans la constitution pour distinguer une république et une monarchie constitutionnelle. L’article 35 de la Charte de 1814 empêche donc de faire de la Restauration une république. C. Vimbert, La « tradition républicaine » en droit public français, Bibliothèque constitutionnelle et de science politique, t. 72, LGDJ, PUR, 1992, p. 58.
187 Voir le développement d’Oscar Ferreira sur le concept de « monarque républicain », O. Ferreira, Le pouvoir royal…, op. cit., p. 854-857. Voir aussi, P. Serna, « Rigomer Bazin et la Restauration : penser la république dans la monarchie », in Annales historiques de la Révolution française, n° 325, juillet-septembre 2001, p. 53-76.
188 N. Robinet de La Serve, Adresse aux bons Français…, op. cit., p. 50. Ces dires font écho à ceux de Chateaubriand, qui liait république et protestantisme : « Ce ne furent pas seulement les protestants qui révèrent des républiques », F-R. de Chateaubriand, Réflexions politiques sur quelques écrits et sur les intérêts de tous les Français, Le Normant, Paris, 1814, p. 8.
189 N. Robinet de La Serve, Adresse aux bons Français…, op. cit., p. 51.
190 N. Robinet de La Serve, De la Royauté…, op. cit., p. 257-258.
191 La Serve ajoute encore : « Quant à la monarchie, elle n’existe réellement plus. La dénomination monarchie constitutionnelle, que l’on donne à notre gouvernement, fait accroire à ceux qui jugent sur l’étiquette, que la chose subsiste encore : mais ils se trompent. La monarchie est le gouvernement fondé pour l’avantage d’une seule famille et de quelques privilégiés, et où tout se rapporte, en conséquence, à l’intérêt, à la gloire et aux plaisirs du prince et des privilégiés ; c’est le gouvernement où, comme dit Montesquieu et une foule de publicistes, toute la puissance politique et civile réside dans le roi. Mais quand cette même puissance réside dans la nation, quand le roi n’est plus que l’exécuteur des volontés du peuple, quand la nation est le souverain, et que le roi n’en est que le premier magistrat et le premier citoyen, alors le gouvernement est plutôt république que monarchie, parce que la chose publique devient la chose principale, et que la chose monarchique n’en est plus que l’accessoire et l’intérêt secondaire », ibid., p. 256-257.
192 H-F. Rivoire, De la république selon la Charte, A. Desauges, Paris, 1830, 67 p. Voir aussi, F. Dernier, « Les modèles révolutionnaires du Parti national en 1830 », in Romantisme, 1980, n° 28-29. Mille huit cent trente, p. 47-68.
193 Il justifie son aversion pour la démocratie en s’appuyant sur l’article 1 de la Déclaration des droits de l’homme qu’il cite intégralement et sur Montesquieu dont il résume ainsi la pensée : « L’égalité entre les citoyens peut-être ôtée dans la démocratie, pour l’utilité de la démocratie », N. Robinet de La Serve, De la Royauté…, op. cit., p. 150.
194 La Serve parle clairement de contreseing ministériel. Ibid., p. 194.
195 Sur « la parlementarisation de la Charte », se reporter à P. Rolland, « Les leçons d’un texte constitutionnel », op. cit., p. 173-178.
196 Cette remarque fait écho à celle de Pierre Manent au sujet de Benjamin Constant : « Chez Constant l’individualisme des Lumières est préservé et intensifié ; il s’est éprouvé dans les combats de la révolution. Constant, qui avait un talent supérieur, incarne le libéral éternel, celui qui préférera toujours affirmer ses principes à la face du monde sans jamais admettre qu’éventuellement l’évolution du monde peut remettre en cause ces principes », P. Manent, « Royer-Collard et le problème de la représentation », in Colloque François Guizot, actes du colloque de Le Val-Richer des 23 et 24 septembre 1993, p. 125.
197 S. Brunet, De l’article 64 de la Charte et observations sur l’ile Bourbon, Selligue, Paris, 1830, p. 50.
198 Cela avait été notamment le cas sous la Révolution puisque la colonie avait refusé d’appliquer le décret du 14 pluviôse an II abolissant l’esclavage, solidairement avec l’Isle de France. C. Wanquet, Les premiers députés de La Réunion à l’Assemblée nationale. Quatre insulaires en Révolution (1790-1798), Karthala, Paris, 1992, p. 233.
199 Patrick Imhaus parle d’une manœuvre délibérée destinée à nuire au jeune publiciste.
200 « M. le président donne lecture de la lettre de M. Lanjuinais témoin appelé à la requête de l’accusé La Serve. M. Lanjuinais regrette que ses affaires l’empêchent de venir déposer en faveur de cet accusé ; mais il déclare que depuis 18 ans qu’il connaît La Serve, il l’a toujours connu attaché à la dynastie des Bourbons, comme tout bon français doit l’être », Journal de Rouen, 2 décembre 1822, n° 336 (Cour d’assises de Paris, audience du 30 novembre). La feuille cléricale, L’Ami de la Religion et du Roi, n’a pas manqué elle aussi de reproduire le compte-rendu de l’audience. L’Ami de la Religion et du Roi, 4 décembre 1822, n° 868.
201 Patrick Imhaus retrace en détail les mésaventures de La Serve à ce sujet. P. Imhaus, L’Energumène…, op. cit., p. 101-122.
202 « Des sectes politiques. Dialogue entre un Royaliste pur, un Royaliste constitutionnel, un Républicain et un Métaphysicien », in Le Censeur, t. 1, 1814, p. 41-57.
203 L. Jaume, « Naissance du libéralisme et interprétation de la Charte », in Jus Politicum, vol. VII, 2015, p. 89-107.
204 Alain Laquièze distingue trois courants royalistes aux positions divergentes vis-à-vis de la Charte : les contre-révolutionnaires, hostiles à toute constitution écrite, comme Maistre et Bonald ; les modérés tels Montlosier et Fiévée, qui défendent la prérogative royale et souhaitent limiter le rôle des Chambres, et les royalistes qui se convertissent au parlementarisme à l’Anglaise comme Chateaubriand et Vitrolles. À Laquièze, « La Charte de 1814 et la question du gouvernement parlementaire », in Jus Politicum, vol. VII, 2015, p. 117-119.
205 L. Jaume, « Naissance du libéralisme et interprétation de la Charte », op. cit., p. 96-97.
206 Ibid., p. 8.
207 Alain Laquièze cite Constant, Lanjuinais, Augustin Thierry, Saint-Simon, Dunoyer, et Charles Comte parmi les libéraux d’opposition. À Laquièze, « La Charte de 1814 et la question du gouvernement parlementaire », op. cit., p. 119.
208 « Il faudrait que le conseil des Anciens fût à vie », G. de Staël, Des circonstances actuelles…, op. cit., p. 167.
209 Cette loi instaure une assemblée locale, le conseil colonial, qui lui confère le pouvoir de statuer sur un certain nombre de matières non dévolues aux Chambres métropolitaines ou au roi. J. Boutier, La question de l’assimilation politico-juridique…, op. cit., p. 75-87, 311-322, 377-378.
210 L’égalité civile et politique a été rétablie à La Réunion par l’application de la loi du 24 février 1831. J-B. Duvergier, Collection complète des lois, décrets, règlements et avis du conseil d’État. 1831. Monarchie constitutionnelle – Louis-Philippe, t. 31, 2ème édition, A. Guyot et Scribe, Paris, 1838, p. 35-36.