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Réception et questionnements sur le nouveau « modèle » politique et institutionnel dauphinois dans la province de Guyenne (1788-1789)
Par Stéphane BAUDENS
Publication en ligne le 25 juillet 2019
Table des matières
Texte intégral
1A l’été 1788, les annonces officielles par un pouvoir royal désormais aux abois de la possible réorganisation des États provinciaux, de la réunion prochaine des États généraux et de l’abandon définitif des réformes judiciaires du garde des Sceaux Lamoignon suscitent un véritable déferlement de brochures et pamphlets, souvent anonymes, dans « l’espace public ». Beaucoup de municipalités, de cours de justice, de tribunaux ou autres institutions participent également à cette prise de parole publique sans précédent tant par son intensité polémique que par son volume1.
2Au cœur de cette littérature enfiévrée, une référence s’impose assez rapidement et de manière récurrente à travers tout le royaume, censée être opérante en vue des réformes à venir aussi bien à l’échelon provincial que national. Il s’agit du cas du Dauphiné, offert par les assemblées de Vizille (21 juillet 1788) et de Romans (septembre 1788-janvier 1789), et rendu possible par la fameuse union des ordres face au « despotisme ministériel ». L’essentiel du programme établi, bientôt adopté par le « parti national » alors en voie de recomposition, est bien connu : le rétablissement des États particuliers, modifiés ou plutôt « régénérés » dans leur organisation toutefois, avec l’égalité de représentation entre le tiers état et les deux autres ordres (1/6e pour le clergé, 2/6e pour la noblesse et la moitié pour le Tiers) ; la convocation périodique des États généraux pour le consentement à l’impôt avec en ligne de mire l’égalité de répartition des contributions publiques entre les ordres ; l’élection de ses députés par les États provinciaux, avec des restrictions (élection des députés du Tiers uniquement en son sein et inéligibilité des anoblis, des fermiers et agents seigneuriaux ou du clergé) ; la délibération en commun et le vote par tête2. Par un jeu de miroirs, la nouvelle « constitution dauphinoise », sanctionnée par un arrêt du Conseil du roi du 22 octobre3 et amplement diffusée4, est en opposition presque totale avec les « anciennes formes » de 1614 pour les États généraux, encore préconisées à cette date par le Parlement de Paris notamment (égalité de représentation entre chacun des ordres, délibération séparée et veto possible). Surmontant cela, l’adoption des lumières en provenance du Dauphiné obéirait et renforcerait dans un même mouvement, selon leurs thuriféraires, le souci d’unité voire d’unanimité des opinions, maintes fois exprimé. Le cas dauphinois est donc paré de vertus non négligeables aux yeux de ceux qui le sollicitent en cette deuxième moitié de 1788.
3Cependant, une fois qu’auront été soulignées les nombreuses mentions faites du Dauphiné dans les écrits politiques du temps, dépassera-t-on ensuite ce qui ne pourrait être finalement qu’un lieu commun ou une référence commode et attendue dans ce type de littérature, avec un intérêt assez limité par conséquent ? Est-il possible et pertinent de raisonner sur un authentique modèle excitant l’émulation des autres provinces ? Un principe épistémologique, à cet égard, guide notre analyse. Nous retiendrons une double acception de l’outil conceptuel de « modèle » au sens générateur du terme5 : à la fois un ensemble de mécanismes représentatifs, précédemment décrits, mis à disposi- tion en quelque sorte, et une dynamique de mobilisation politique spécifique pouvant être insufflée dans les débats du moment, en l’espèce fondée sur le consensus entre les trois ordres. Afin d’étudier sa diffusion et discussion en 1788-89, nous porterons, pour le moment, notre attention sur une seule province : la Guyenne. Il s’agit ici d’une étude exploratoire devant être généralisée, à plus long terme, à toutes les provinces de l’ancienne France lors de la pré-Révolution pour établir ou contester assurément la per- tinence de cette « modélisation » et le degré des transferts6. À la lumière des travaux canoniques de William Doyle7 et Michel Figeac8, deux questions principales semblent préoccuper les esprits éclairés en Guyenne de juillet 1788 à mai 1789 : le rétablissement des États particuliers et la représentation du Tiers aux futurs États généraux. Axé sur la circulation des idées, l’examen de près d’une centaine de textes (brochures, délibérations institutionnelles et correspondances essentiellement) devrait permettre d’établir la possible réception de ce « modèle dauphinois » en Guyenne, les représentations de celui-ci, les appropriations intentionnelles par les acteurs de la pré-Révolution à l’aune des enjeux évoqués, ainsi que les interactions éventuelles et in fine la comparaison des leçons dauphinoises avec d’autres exemples ou contre-exemples comme ceux forgés ultérieurement en Bretagne et en Franche-Comté, clairement différents, illustrant à l’inverse une montée de la conflictualité, des frustrations et des tensions socio-politiques9.
4L’une des premières ambitions de notre démarche sera d’offrir une clé d’analyse supplémentaire pour appréhender les phénomènes prérévolutionnaires en Guyenne. Elle interrogera également les stratégies discursives de légitimation déployées par les élites locales durant cette période de crises multiples par le recours à un « modèle » extérieur (extra-provincial) jugé efficace, concurremment à l’histoire et aux singu- larismes guyennais. Au-delà, la piste de réflexion sur les exemples et modèles, très féconde en analyses, demeure encore un chantier en construction en histoire des idées politiques, lequel paraît pouvoir être approfondi. Que l’on songe, par exemple, en se limitant à la pré-Révolution française, à la Suède pour la création d’un quatrième ordre paysan dans un système de vote par ordre ou bien encore à la constitution défectueuse des États du Languedoc souvent présentée comme un repoussoir. Cette présente étude souhaite contribuer à cela, ainsi qu’à la compréhension renouvelée des origines pro- vinciales de la Révolution – une thématique loin d’être épuisée –, qui émerge depuis quelques années10. Nous nous intéresserons donc, en premier lieu, à l’exemple mobilisateur du Dauphiné pour la Guyenne prérévolutionnaire, avant d’analyser ensuite, la mise à l’épreuve du « modèle dauphinois », entre insuffisances et rejet partiel.
L’exemple mobilisateur du dauphiné pour la Guyenne prérévolutionnaire
5La discussion sur l’opportunité du rétablissement des États de Guyenne est principalement à mettre au crédit de l’activisme de la noblesse à l’été 1788. Cette dernière manifeste publiquement son hostilité aux édits de Mai et son soutien au Parlement de Bordeaux, exilé à Libourne, « victime de son patriotisme et de son courage », en adressant au roi un mémoire fort argumenté pour réclamer entre autres choses le réta- blissement des États particuliers. Développements historiques à l’appui, la réunion de gentilshommes soutient la demande de reconstitution de l’ancien duché de Guyenne et de son administration par les « États généraux de la province »11. Ainsi, l’ancienne Aquitaine pourrait être reconstituée en y incorporant la Saintonge, l’Angoumois, le Limousin et le Périgord. Enhardi par le retrait des édits et le retour du Parlement, le « parti nobiliaire » ne modifie en rien ses visées particularistes. Pour mieux appuyer leur démarche et créer un courant d’opinions favorable, les commissaires de la noblesse bordelaise écrivent à Necker12. Ils nouent également des contacts avec des gentilshommes acquis à leur cause, résidant dans chacune des sénéchaussées et provinces limitrophes13. Ils leur expédient des copies de leur fameux mémoire et divers documents, en particulier le Projet de restauration des États de Guyenne, accompagnés de brochures comme les Recherches sur le droit public et les privilèges de la province et des principales villes de la Guyenne établies par l’avocat Thomas Lumière14. L’idée est de susciter une prise de conscience au sein du second ordre, puis de favoriser une action à grande échelle15. La dynamique de l’union des ordres, née dans l’opposition aux projets ministériels, serait ainsi à la fois préservée et vivifiée. Afin de convaincre et de surmonter les réticences, la référence au cas dauphinois figure en bonne place dans l’argumentaire de légitimation du projet.
§ 1. – Le Dauphiné ou le « plus bel exemple » à suivre pour dynamiser et préserver l’union des ordres en Guyenne
6Au commencement du débat, le Dauphiné ne se distingue pas encore véritablement parmi toutes les références invoquées. Il figure, en effet, aux côtés des autres provinces, comme la Bretagne et le Béarn, qui se sont particulièrement illustrées dans la lutte contre le « despotisme ministériel » plusieurs semaines auparavant. Ainsi, la Guyenne est-elle invitée à imiter leur « grand exemple » quant à la convocation de futurs États particuliers16. Une brochure anonyme invite dans ce sens le clergé et surtout le tiers état à suivre la « route glorieuse » ouverte par les Dauphinois, les Bretons et les Béarnais, et donc à se rallier à l’invitation de la noblesse de Guyenne : « réunissez-vous à elle, étayez-vous mutuellement et marchez de concert. Vous attendiez une convocation. Si le patriotisme vous enflamme, la voilà »17. Toutefois, assez rapidement, d’exemple parmi d’autres, le cas du Dauphiné ne tarde pas à devenir la référence privilégiée s’agissant du rétablissement des États particuliers. Un libelle de début 1789 observe que le Languedoc, la Bourgogne et la Guyenne travaillent à suivre « le plus bel exemple » en la matière, celui donné par les Dauphinois18. Notons, au passage, que la cause de la noblesse de Guyenne est ici assimilée à l’ensemble de la province. Un autre pamphlet, sous forme d’un discours du marquis de Rabar, lieutenant des maréchaux de France et gouverneur de la ville de Sainte-Foy, devant être prononcé à l’assemblée des trois ordres de la ville de Libourne en mars 1789, salue « le zèle patriotique » des gentilshommes bordelais et souligne le fait que celle-ci a pris « pour modèle », dans l’élaboration de son projet, le plan des États du Dauphiné qui peut se prévaloir d’une double validation en quelque sorte : « l’approbation du souverain et le suffrage général de la nation »19. Il est assez fréquent alors de relever, dans cette littérature, des commen- taires très positifs sur le fait que la Guyenne doit « calquer » ses États sur le « plan de la constitution du Dauphiné », sans chercher d’ailleurs à le modifier, ou tout du moins à s’en rapprocher le plus possible20. Une brochure, un peu plus audacieuse, remarque, après avoir encensé les Bordelais pour avoir forgé leur projet sur l’exemple delphinal, que ledit projet contient des articles encore plus prévoyants ou tout simplement oubliés par l’assemblée de Romans21. Cette vision d’une nécessaire conformité au « modèle » des États du Dauphiné subsiste jusque dans quelques cahiers de doléances22.
7Ces textes, dans leur majorité, sont conçus à destination du Tiers de Guyenne pour dissiper ses craintes quant aux véritables intentions des partisans du rétablissement des États particuliers et conforter l’union des ordres, sans quoi le projet échouerait certainement. Dans cette quête d’unité, toujours précaire, tant au sujet des États de Guyenne que des États généraux, des concessions doivent, en parallèle, être effectuées par la noblesse de la province, en particulier ses composantes les plus conservatrices. C’est en tout cas ce que rappellent des plumes issues de la noblesse libérale ou de la tendance plus modérée du « parti national », de futurs girondins pour beaucoup, en n’omettant pas évidemment d’ériger le Dauphiné en exemple. Mentionnons quelquesuns de ces textes. Tout d’abord, Gabriel de Rochon baron de Vormeselle (ou Worme- selle), seigneur de Queyssac, paraît regretter de ne pas être Dauphinois, car, selon lui, les habitants de cette province n’ont « tous qu’une âme, qu’un but »23. Dans un élan quasi-mystique, il invite même, à l’intérieur d’une seconde brochure, les membres de son ordre à se prosterner devant les Dauphinois, « bénis » pour leurs actes récents24. Le meilleur moyen d’entretenir l’harmonie entre les trois ordres, gage de la réussite des projets en cours, serait l’abandon volontaire des intérêts particuliers. Aussi, au nom du « bien public », la noblesse de Guyenne doit-elle, à l’instar de celle du Dauphiné, se dépouiller de ses « antiques préjugés ». Le compromis s’impose pour préserver la concorde entre les ordres. « Sachons sentir que notre force consiste dans l’ensemble ; soyons assez vrais pour être justes », insiste Vormeselle25. En ce sens, un partisan très actif en faveur des États provinciaux, Duvigneau, avocat et procureur au Parlement, loue en décembre 1788 le courage de la noblesse bordelaise qui a su renoncer, comme celle du Dauphiné, à « d’injustes prétentions » en accordant au tiers état une égalité en matière de représentation qui « les immortalise »26. Enfin, plus sévère à l’encontre du second ordre bordelais, un autre avocat, Antoine Duranthon, proche de la « mouvance patriote », futur ministre de la Justice dans le ministère Dumouriez, invoque lui les prescriptions du « législateur de la France », le Dauphiné, pour plaider en faveur du vote par tête27. Il désapprouve, par conséquent, le principe du vote par ordre contenu dans le projet de la noblesse, auquel il serait préférable de renoncer28. Ces trois auteurs seront, en 1793, des membres de la commission populaire de salut public de la Gironde.
8Soucieuse de sauvegarder l’union des ordres, une part non négligeable de la litté- rature pamphlétaire en Guyenne semble recourir au « modèle dauphinois » et le mar- tèle, parfois différemment, en vue d’accroître à la fois la légitimation de la restauration des anciens États particuliers et celle de la régénération des États généraux. Au même moment, un réveil des élites municipales se produit dans la province et à travers tout le royaume de France. Assez logiquement, celles-ci, dans leurs délibérations et lettres, prennent position sur ces deux sujets. La référence au Dauphiné y est très présente. Pourquoi et comment ? Quels sont les ressorts de cette diffusion avec succès ? L’étude d’un cas de figure, l’Agenais, apporte des éléments de réponse.
§ 2. – L’Agenais en action durant l’hiver 1788 : une illustration de la diffusion du « modèle dauphinois »
9La consultation des Archives de la ville d’Agen, de sa Bibliothèque municipale et des Archives Nationales permet de mettre au jour plus d’une cinquantaine de lettres et de délibérations de jurades et communautés de l’Agenais entre la fin du mois de décembre 1788 et la mi-février 1789 portant sur la question des États particuliers et des États généraux. Ces documents sont pour la plupart manuscrits et jusqu’à présent inconnus, sept sont imprimés. Des références explicites au Dauphiné pour les États de Guyenne sont mentionnées dans onze d’entre eux, soit un peu plus de 20 %. Quant aux États généraux, le cas dauphinois est convoqué, seulement pourrait-on dire, dans trois textes. Sans surprise, on y vante la « législation sublime »29 du Dauphiné, sa sagesse30 et son glorieux patriotisme31. Cette province offre à la France « un modèle si parfait » selon le procureur syndic de Penne d’Agenais, Michel Mourgues32. Si des ajustements seront sans doute nécessaires, exigés par « le sol, le commerce, la population et autres causes particulières »33, l’enthousiasme semble régner au sujet du « modèle » des États du Dauphiné34. À cet égard, l’un des propagateurs les plus zélés du cas dauphinois semble être Bernard Cazemajor de la Vièle (ou Vielle), homme influent et futur révolutionnaire35, que l’on retrouve à deux reprises dans nos textes, une pre- mière fois comme premier consul de Pujols d’Agenais, puis comme procureur d’office de Tombetout. En cette dernière occasion, son discours précédant la délibération est très laudateur à l’égard des Dauphinois : « La liberté, la raison, le désintéressement et la justice, qui ont dirigé les divers ordres du Dauphiné, ont tracé à toutes les provinces du royaume le plan d’une constitution d’États provinciaux, le plus capable de maintenir la liberté, de féconder tous les talents et d’animer tous les citoyens du même esprit et du même zèle pour la gloire du souverain et la félicité des sujets »36. Précisons que la sanction royale du plan des États de Dauphiné et les « éloges de la France » sont utilement rappelés dans plusieurs textes37. Certaines communautés, comme Longueville en janvier 1789, n’envisagent d’ailleurs le rétablissement des anciens États qu’à la « condition [qu’ils soien]t régénérés dans la forme de ceux du Dauphiné que Sa Majesté vient d’autoriser par l’arrêt de son Conseil »38. Pour être beaucoup plus rare, la référence delphinale pour les États généraux n’en est pas moins passionnée. Pour tout ce qui relève de la future assemblée de la nation, sa convocation, sa tenue et sa « constitution », le Dauphiné et ses États, « si justement admirés », ont établi des « principes » qui doivent être adoptés, servir de « règles » et « de modèle à tout bon Français »39. Les trois ordres du royaume sont invités à imiter, « par une généreuse réunion, l’exemple d’une province qui mérite à jamais le tribut d’éloges le plus éclatant »40. En particulier, les officiers municipaux de Marmande, seconde ville du pays, se déclarent favorables, dès le 22 décembre 1788, à « la demande faite au roi par le Dauphiné » pour « l’élection libre » des représentants du Tiers41.
10À la lecture de tous ces textes, se dégage, de prime abord, une impression d’enthousiasme indéniable pour le rétablissement des États de Guyenne sur le modèle dauphinois. Puis, nous ressentons assez vite comme une forme de répétition, d’enchaînement cadencé des arguments, d’entente voire de concertation. Avec un peu d’attention, on retrouve sans peine le point de départ : Agen. En effet, les jurats de la ville et communauté, en qualité de « syndics du pays d’Agenais », ont adressé une lettre du 18 décembre 1788 et leur délibération du 25 décembre suivant – laquelle évite cependant soigneusement d’aborder le projet de rétablissement des États – à tous les consuls des villes et communautés pour l’organisation d’assemblées de jurades et des habitants à travers la sénéchaussée42. Après la lecture publique de ces textes, la rédaction d’une synthèse des discussions et une approbation collective doivent avoir lieu. Seule contrainte à respecter pour que toutes ces contributions locales puissent se comparer, se combiner et s’ajointer au niveau du pays : suivre l’ordre de discussion adopté par la lettre et les sept articles de la délibération. À mesure que les premiers magistrats d’Agen reçoivent l’adhésion de quelque communauté, surtout si cette adhésion est formulée sur un ton particulièrement emphatique, ils s’empressent de la faire publier chez la veuve de Jean Noubel, imprimeur-libraire. Le but premier est de susciter l’entraînement pour créer une dynamique de mobilisation de grande ampleur à l’échelle de la sénéchaussée, puis, dans un second temps, d’afficher un effet de masse. Les jurats d’Agen, qualifiés de « génies tutélaires du pays d’Agenais »43, bénéficient dans cette entreprise de la tradition de la solidarité interurbaine pour la défense des intérêts communs et d’un suivisme relatif à l’égard de la capitale du pays réputée être mieux placée pour défendre les intérêts collectifs44. Les rédacteurs des discours et des délibérations ont peut-être aussi été inspirés par les brochures du « parti national » en circulation. Quoi qu’il en soit, cela explique en partie pourquoi tant de modestes bourgades de la sénéchaussée d’Agen émettent des vœux enflammés en faveur du modèle dauphinois dont elles n’ont certainement que quelques notions. On peut s’interroger, de surcroît, sur le point de savoir qui prend la parole réellement. Tout en restant mesuré, ne peut-on pas y voir le reflet d’une emprise de l’élite locale sur la petite bourgeoisie rurale, les paysans moyens, les marchands et artisans ordinaires ? Toutes ces délibérations sont rédigées ou mises en forme par des notables, solidement implantés, qui occupent un rôle de « médiateur politique » dans l’espace public. Ce sont en effet des officiers municipaux, des juges, des médecins et des procureurs, tous acquis aux idéaux réformateurs, qui ont canalisé les assemblées d’habitants. Délaisser la rédaction des délibérations aurait été de leur part une erreur tactique majeure, encourant ainsi le risque de faire échouer la manifestation d’unité tant désirée ou même de la voir se retourner contre leurs projets.
11Le cas particulier agenais illustre bien, à son tour, la communication et les méthodes de propagation du « modèle » en Guyenne, ses ressorts, plus coordonnés que spontanés, les interactions à l’œuvre et les stratégies d’influence ou de persuasion des groupes élitaires. La dynamique de l’union des ordres inspire encore le recours aux principes dauphinois. Cependant, dans un contexte de tensions sociales et politiques renouvelées, l’unanimité initiale apparente à propos du Dauphiné, proclamée avec grandiloquence, se fissure sous l’effet de la radicalisation rhétorique d’éléments issus du « parti national ».
La mise à l’épreuve du « modèle dauphinois », entre insuffisances et rejet partiel
12C’est assez tôt dans le déroulé de nos discussions, dès la fin de l’automne 1788, que des voix discordantes se font entendre dans plusieurs brochures et que des doutes sérieux sont émis sur la constitution dauphinoise en Guyenne. Les critiques émanent majoritairement du tiers état. Gagnée par l’audace, une partie de la « mouvance patriote » s’échauffe et combat, au nom des droits naturels du Tiers, l’attitude intransigeante de la majorité de la noblesse et du haut clergé par des surenchères juridico-politiques, notamment en matière de représentation. Ces dernières l’amènent à s’éloigner durablement de l’esprit de concorde et de compromis véhiculé par le « modèle » dauphinois, désormais contesté sur le fond, et à considérer sous un nouveau jour l’exemple de la Bretagne, où Nantais, Quimpérois et Rennais brillent par leur ardeur dans la défense de la cause commune45.
§ 1. – L’inadéquation de l’exemple dauphinois face aux surenchères de la frange radicale du « parti national »
13Au début du mois de décembre 1788, une adresse anonyme Aux communes de la Guyenne s’interroge sur le rétablissement des États particuliers sur le modèle du Dauphiné, une province qui a donné « sans doute un grand exemple »46, mais celui-ci peut-il convenir véritablement aux intérêts du tiers état de Guyenne, particulièrement du point de vue de la représentation ? Se pose donc ici la question du transfert du « modèle ». L’auteur inconnu de cette brochure entame alors un raisonnement comparatif appuyé sur un des particularismes institutionnels locaux. Le projet émane, selon lui, des ordres privilégiés. Si l’on compare la situation de la province à celle de la Bretagne, où la « prépondérance » du clergé et de la noblesse aux États provinciaux maintient, de manière intolérable, le Tiers « jusqu’ici dans une espèce de servitude et d’avilissement », si les deux premiers ordres bretons restituaient au troisième l’égalité de représentation à la manière du Dauphiné, ce serait « un généreux effort de raison et de justice »47. Mais, à Bordeaux, la situation n’est pas la même : la jurade, le gouvernement de la cité qui « se perd dans la nuit des temps », est composée de six membres élus : deux gentilshommes, deux avocats et deux bourgeois ou marchands. Par conséquent, « le clergé n’[y] est rien, la noblesse peu de chose et le tiers état tout ce qu’il doit être »48. Instituée aux États de Guyenne et aux États généraux, l’égalité entre « la noblesse et le clergé confédérés », unis par les mêmes intérêts et formant donc un seul et même ordre « séparé du corps de la nation », d’un côté et le Tiers de l’autre, comme le propose le cas dauphinois, ne serait donc pas du tout une « concession » généreuse de leur part, encore moins un « sacrifice de leurs droits », mais bien plutôt, à la lumière de l’exemple de la jurade bordelaise, une « usurpation » du clergé et un « empiètement » du second ordre49. Il conviendrait donc que le Tiers, sur qui repose la majeure partie des charges fiscales et qui constitue la force vive de l’État, ait « le plus d’influence » dans le corps représentatif de la nation50. Le recours au bien-fondé de la représentativité des jurats bordelais peut surprendre en partie, tant ceux-ci ont fait l’objet de critiques très sévères dans les mois précédents au sein de la littérature pro-parlementaire, contribuant ainsi à leur discrédit partiel dans l’opinion51. Cette plume acquise au « parti national » ne s’embarrasse pas de cela pour tenter de faire triompher son argumentaire critique de l’exemple delphinal. C’est le propre de la littérature pamphlétaire qui fait flèche de tout bois.
14Durant la même période, André-Daniel Laffon de Ladebat, banquier philanthrope, issu d’une famille de riches négociants-armateurs protestants et l’un des futurs inspi- rateurs du cahier de la minorité « libérale » de la noblesse bordelaise, choisit un angle d’attaque similaire, mais fondé sur une autre autorité. Il faut se défier, selon lui, de l’« apparence d’égalité » numérique contenue dans le plan du Dauphiné qui dissimulerait une « inégalité très réelle ». La proportion entre les trois ordres ainsi proposée serait « arbitraire » car « aucun droit ne la fonde ». Cette « égalité des suffrages » est même jugée « contraire aux droits du peuple »52. Laffon de Ladebat appuie sa rhétorique jusnaturaliste sur les idées du fameux avocat parisien Target relatives à la représentation des ordres qui « sont d’un grand poids, parce que son patriotisme, son zèle et son talent sont connus »53. Le vétéran de la lutte contre le « despotisme ministériel » depuis les années 1770, également membre de l’Académie française (élu en 1785) et de l’influent Club des Trente54, propose ainsi 1/5e pour le clergé, 1/5e pour la noblesse et 3/5e pour le Tiers55. Non sans quelques arrière-pensées, Laffon de Ladebat préfère une proportion de quatre pour le Tiers, deux pour la noblesse et un pour le clergé dans les États généraux, et quatre pour le Tiers, un pour la noblesse, un pour le clergé aux États provinciaux56. Au-delà, cet auteur ne fait ici qu’exprimer publiquement les réticences, voire le rejet de l’exemple dauphinois, en cette fin d’année 1788, de la part de la frange avancée ou radicale du « parti national » en Guyenne, exaspérée par les résultats, décevants à ses yeux, de la seconde assemblée des notables. En témoigne un extrait de la lettre manuscrite adressée par les cinq commissaires des négociants de Bordeaux à un avocat de Sainte-Foy, Mathias Mestre, cheville ouvrière du « parti national » dans son entourage57, où les rédacteurs estiment que « le temps seul [pourra] montrer si la nouvelle constitution des États du Dauphiné était propre à faire prospérer cette province, mais (...) cela ne prouverait rien pour la Guyenne qui, par sa position, par sa population, par les productions de son sol, son commerce intérieur et extérieur, ne ressemble en rien au Dauphiné »58 ». L’idée d’un modèle dauphinois est ici clairement récusée au nom de spécificités guyennaises désormais rédhibitoires.
15Terminons ce point particulier consacré au rejet du « modèle » avec quelques remarques émanant du clergé bordelais. Quoique grand perdant par rapport au Tiers et à la noblesse en cas d’adoption de la répartition delphinale, le premier ordre de Guyenne s’était montré circonspect jusqu’à présent. Une de ses brochures, datée du même jour que celle de Laffon de Ladebat, égratigne pourtant le principe même d’un modèle dauphinois. « L’exemple d’une province particulière ne fait pas loi pour toutes les autres »59, peut-on y lire. S’ensuit un rappel du contexte impérieux et du tumulte des événements de l’été 1788 qui pressèrent les membres du clergé du Dauphiné, « le plus pauvre du royaume », à céder, « pour le bien de la paix », en acceptant les principes de Vizille, tout en espérant une évolution de ceux-ci dans la future assemblée des États particuliers60. Fort heureusement, selon ce texte, le clergé de Guyenne n’est absolument pas confronté à une telle situation et souhaite, suivant « l’impulsion de la nature et de l’équité », l’égalité de représentation entre les deux premiers ordres et la « supériorité » du Tiers sans apporter plus de détails61.
16Toujours en quête de références saisissantes pour asseoir la légitimité de leurs revendications, plusieurs écrits politiques ou discours publics en Guyenne, favorables au tiers état, souvent accentués par une sensibilité « plébéianiste » quelque peu manichéenne, de temps à autre hostiles au rétablissement des États particuliers, vont tourner leur regard vers le cas breton. Celui-ci, sans éclipser le « modèle » offert par le Dauphiné, pourrait devenir un exemple concurrent au tournant de l’année 1789, au risque d’accentuer les clivages latents.
§ 2. – Les références au cas breton en Guyenne : l’émergence d’un exemple concurrent ?
17Parvenu au terme de notre étude, il pourrait sembler curieux peut-être de présenter quelques réflexions sur le recours à l’exemple breton dans la littérature politique prérévolutionnaire en Guyenne compte tenu du sujet initial. Mais, précisément, le cas breton, entendu par un jeu de miroirs comme le contre-exemple parfait ou l’opposé du modèle dauphinois, trouve pleinement sa place dans notre questionnement. Si le Dau- phiné est un argument majeur pour convaincre du bien-fondé du rétablissement des États particuliers, un libelle hostile à ce projet, au contraire, loue, sous les traits d’un personnage populaire prototypique « M. Tire-Pied, savetier », l’attitude exemplaire des Bretons, « de braves gens », qui « ont demandé à notre bon roi le chavirement des États de Bretagne »62. Pour conclure ensuite, qu’« une province, administrée par ses États, n’a pas plus d’avantage qu’une autre »63. Au-delà, dans notre corpus de documents, le mode d’action choisi par le Tiers breton, aussi aventureux et diviseur soit-il, frappe les esprits par son intrépidité et par sa pugnacité. Ainsi, l’envoi au début du mois de novembre d’une députation à Versailles par la Commune de Nantes, avec à sa tête l’agitateur Jacques Cottin, porteuse de requêtes en faveur d’une meilleure représentation du Tiers aux États généraux, impressionne favorablement Duvigneau64. Le procureur au Parlement estime, le 1er décembre, que le tiers état de Guyenne devrait s’en inspirer et désigner à son tour douze députés qui ne manqueraient pas d’être « guidés par les sages et courageux Nantais, dont ils suiv[raient] les traces »65. On retrouve la même tonalité admirative lors de l’assemblée générale du Tiers de la ville de Condom huit jours plus tard dans le discours de son premier consul, Jean Paul Joseph de Moncade, chevalier de Saint-Louis, ancien sous-brigadier des gardes du corps du roi :
« Puisse l’exemple de la Bretagne enflammer tous les cœurs de cette émulation généreuse et montrer à notre roi que le Français sait tout sacrifier quand il s’agit de son honneur ! Imitons ces généreux patriotes, allons aux pieds du souverain faire valoir nos intentions, nos ressources, nos droits »66.
18Une députation du Tiers de la ville de Bordeaux est finalement nommée par une délibération prise au couvent des Jacobins le 16 décembre 1788, et envoyée à Paris. Son retour a lieu au début de mois de février 178967.
19Alors que le modèle dauphinois exprime une forme d’harmonie apaisante par l’union des trois ordres, la référence à la Bretagne devient, au printemps 1789, synonyme d’amertume, d’insatisfactions politiques et de radicalité au sein du tiers état. En ce sens, on trouve une ultime trace du cas breton dans la période prérévolutionnaire, une nouvelle fois à Condom, dans une lettre anonyme non datée, mais certainement de mars 1789, faisant le récit des derniers événements : la rédaction des cahiers de doléances et la désignation des députés du Tiers aux États généraux. Par le point de vue développé, résolument antinobiliaire68, son auteur paraît acquis aux intérêts défendus par les corporations du bas tiers état et par le présidial de la cité, éphémère grand bailliage l’année précédente. Il dénonce d’ailleurs les diverses manipulations des « gens du haut Tiers », de la « cabale » parlementaire et des « suppôts de la chicane » que subit le « pauvre tiers état de la sénéchaussée »69. Pour parer à cela, il aurait fallu introduire, dans l’ordonnance d’application du règlement royal, « une clause portant qu’on devrait faire tomber l’élection sur ceux des plébéiens qu’on trouverait les plus désintéressés, les plus intègres et les plus éclairés et qui ne fussent attachés ni par le sang ni par le cœur à aucun ordre ni corps privilégiés »70. Un Discours prononcé à l’Hôtel de Ville par un député des corporations contre les droits féodaux, le 6 mars 1789 est inséré à la fin de la lettre, où l’auteur s’en prend vigoureusement aux privilèges fiscaux et à la féodalité, tous deux fondés sur « des vieux parchemins vermoulus arrosés de larmes et encore teints du sang de tant de milliers de malheureuses victimes qui ont été immolées à l’inhumanité et à l’injustice ». Cette diatribe s’achève par le souhait, « avec la province de Bretagne, que les droits féodaux de toute espèce soient entièrement supprimés »71. Les enseignements du Dauphiné paraissent bien oubliés…
20En guise de conclusion, notre étude montre ainsi, premièrement, qu’il existe bel et bien une volonté d’imitation du Dauphiné en Guyenne dans de nombreux discours publics. Entre adhésion sincère et mobilisation opportune, la constitution dauphinoise fait figure de ressource importante pour les partisans du rétablissement des États de Guyenne et ceux d’États généraux rénovés. Toutefois, le transfert n’est que partiel. L’exemplarité delphinale fonctionne davantage comme gisement de légitimité, comme aiguillon et comme slogan politique de légitimation des projets décentralisateurs des élites locales et ceux du « parti national » que comme mécanismes transposables aisément. L’attention ici portée aux vecteurs de circulation, de diffusion et de réception permet de rappeler que les options choisies ne peuvent évidemment s’abstraire de l’influence de dialectiques sous-tendues qui restent largement inscrites dans des limites locales. L’abandon du projet d’États provinciaux pour la Guyenne au début de l’année 1789 scelle le sort de la question.
21En outre, le détour par le Dauphiné permet finalement à ceux qui en usent de déployer une critique relativement modérée de l’ordre social finissant. La légalité absolutiste vacille certes, mais la vieille division tripartite de la société n’est pas encore remise en cause. Le miracle dauphinois demeure indissociable d’une phase ou d’une séquence de la pré-Révolution encore pétrie d’euphorie réformatrice et de concorde élitaire grâce à la dynamique positive de l’union des ordres. Cette référence semble s’estomper progressivement au fil de l’année 1789, consécutivement aux premières déceptions, à la critique de « l’égoïsme » des privilégiés et à la flambée des tensions socio-politiques.
22« La révolution de l’égalité est en marche »72. Dans un tel contexte agonistique, le modèle dauphinois est beaucoup moins utile et même dépassé, voire obsolète, dans les querelles publiques. Il a fait son œuvre. Au fond, l’union des ordres peut être envisagée aussi comme une transition vers l’unité nationale. Les rapports de force évoluant, l’exemple du Dauphiné cède sa place à une logique de reconnaissance de la division et des antagonismes, puis de remise en cause véritable, de ruptures et de déconstruction. D’où les références au cas breton de plus en plus nombreuses, enthousiastes, impa- tientes ou inquiètes, dans les textes étudiés à partir de l’hiver 1788-1789.
Notes
1 Voir l’étude classique de Jean Egret, La pré-révolution française, 1787-1788, Paris, PUF, 1962.
2 Cf. Assemblée des trois ordres de la province de Dauphiné [au château de Vizille, le 21 juillet 1788], s.l., 1788 ; Plan pour la formation des États du Dauphiné, arrêté et rédigé par les États assemblés à Romans le 14 septembre 1788, s.l.n.d. ; Procès-verbal de l’Assemblée générale des trois ordres de la province de Dauphiné, tenue à Romans, par permission du roi, Grenoble, J.-M. Cuchet, 1788 ; Second procès-verbal de l’Assemblée générale des trois ordres de la province de Dauphiné tenue dans la ville de Romans, le 2 novembre 1788, Grenoble, J.-M. Cuchet, 1788 ; Procès-verbal des États de Dauphiné, assemblés à Romans dans le mois de décembre 1788, Grenoble, J.-M. Cuchet, 1788 ; Extrait des registres des États de Dauphiné, assemblés à Romans, du 9 décembre 1788, s.l., 1788 ; Extrait du procès-verbal des États de la province du Dauphiné, assemblés à Romans, du 31 décembre 1788, s.l., 1788. Le rôle déterminant joué par Jean-Joseph Mounier dans la préparation et la diffusion de ces différents textes est connu. On peut toujours se reporter avec profit vers l’étude de Jean Egret, Les derniers États de Dauphiné. Romans (septembre 1788-janvier 1789), Grenoble, Allier père et fils, 1942 ; ainsi que l’article de Robert Chagny, « De Vizille à Romans », Les débuts de la Révolution française en Dauphiné 1788-1791, textes réunis et présentés par Vital Chomel, Grenoble, PUG, 1988, pp. 99-141.
3 Arrêt du Conseil d’État du roi du 22 octobre 1788, portant règlement pour la nouvelle formation des États de la province du Dauphiné, Paris, N.-H. Nyon, 1788. L’ancien avocat général au Parlement de Grenoble, Servan, originaire de Romans, voit dans ce texte « le sujet de l’entretien de l’Europe et l’objet de ses éloges », et « un des plus beaux monuments de ce règne, par son origine et par ses suites » (Conseils au clergé de Provence, s.l., 28 décembre 1788, pp. 11 et 13). Voir également cette remarque du jeune avocat Joseph Fau- chet, auteur du despotisme des parlements, ou Lettre d’un Anglais à un Français : « Le Dauphiné a l’avan- tage inappréciable d’avoir obtenu un arrêt du Conseil qui forme la constitution de ses États particuliers » (Londres, 1788, p. 10). Enfin, au début de l’année 1789, le marquis de Poncins, écuyer, ancien officier aux Gardes françaises, vétéran de la guerre de Sept Ans, physiocrate et partisan de la création d’États pour le Forez, rappelle que « le Dauphiné a donné le signal et a dicté le code de cette heureuse révolution, reconnu universellement pour un chef-d’œuvre de législation. Le roi l’a approuvé » (Jean-Hector de Montaigne, marquis de Poncins, Mémoire présenté au roi contenant adhésion en faveur du tiers état, s.l., 1789, p. 15). Dans une courte missive adressée au ministère, ce gentilhomme déclare avoir fait imprimer et adresser son Mémoire à toutes les principales villes du royaume pour « opérer un contrepoids et susciter par [s]on exemple une confédération décisive contre les divisions survenues en Bretagne et en Bourgogne » (AN Ba 6/1 (68), Lettre, 2 février 1789, f° 1).
4 « Les principes de l’assemblée dauphinoise se propagent promptement par tout le royaume » (Jean Luzac, Nouvelles extraordinaires de divers endroits, Leyde, 1788, n° XCVI, 28 novembre 1788, Extrait d’une lettre de Paris du 21 novembre 1788, p. 3).
5 Une expression très proche de la nôtre, celle de « socle générateur », à propos de l’exemple donné par le Dauphiné à cette date, figure dans l’étude sur la nation à la fin de l’Ancien Régime d’Ahmed Slimani, La modernité du concept de nation au xviiie siècle (1715-1789) : apports des thèses parlementaires et des idées politiques du temps, Aix-en-Provence, PUAM, 2004, p. 417.
6 On peut mentionner une première vraie tentative intéressante dans ce sens avec les articles de Robert Chagny, « La « Révolution dauphinoise » et la Nation », et de Jean-Pierre Donnadieu, « Vizille en Languedoc (1788-1789) », dans Robert Chagny (dir.), Aux origines provinciales de la Révolution, Grenoble, PUG, 1990, pp. 373-389 et 391-402. Le second évoque ainsi l’utilité de « faire une étude du rayonnement delphinal dans l’ensemble du territoire national » (p. 400). Voir également notre texte sur l’un des aspects principaux du « modèle » dauphinois, la conservation de l’union entre les ordres, analysé dans l’Anjou prérévolutionnaire dans les Mélanges offerts à Michel Ganzin, Paris, Éditions de la Mémoire du droit, 2016.
7 Cf. notamment The Parlement of Bordeaux and the end of Old Regime, Londres, E. Benn, 1974.
8 Voir en particulier Destins de la noblesse bordelaise (1770-1830), 2 t., Bordeaux, Fédération historique du Sud-Ouest, 1996.
9 « Cette union si désirée et si désirable, cette union, source unique de toute prospérité, n’est encore ni dans les cœurs ni dans les intérêts. Ces intérêts particuliers, que l’amour de la patrie étouffera sans doute, se débattent violemment en Franche-Comté, en Bretagne, et l’effet de cette lutte terrible est encore incertain » (Paul-Victor de Sèze, médecin et futur député à la Constituante, Les vœux d’un citoyen, discours adressé au tiers état de Bordeaux, à l’occasion des lettres de convocation pour les États généraux de 1789, Bordeaux, 1789, pp. 15-16). Pour le Périgord prérévolutionnaire, un ouvrage récent étudie l’utilisation de « deux modes d’action opposés » par la noblesse, « un mode de conciliation à la dauphinoise au Sud » de la province et « un mode d’affrontement sur le modèle breton au Nord » (Guy Mandon, 1789 en Périgord. La Révolution et les chemins de la liberté, Bordeaux, Éditions Sud Ouest, 2012, pp. 37 et s.).
10 Parmi les nombreux travaux parus, on peut citer notamment Marie-Laure Legay, « La fin du pouvoir provincial (4 août 1789-21 septembre 1791) », Annales historiques de la Révolution française, 2003-2, pp. 25-53 ; Jean-Louis Mestre, « Les emplois initiaux de l’expression « droit constitutionnel » », Revue fran- çaise de droit constitutionnel, 55, juillet 2003, pp. 453-472 ; Paul Perdrix, Opinion publique, hommes de loi et cahiers de doléances en Bresse et en Dombes (mai 1788-avril 1789), Editions Bonavitacola, 2004 ; Julian Swann, « Les États généraux de Bourgogne : un gouvernement provincial au siècle des Lumières », Revue d’histoire moderne et contemporaine, t. 53, avril-juin 2006, pp. 35-69 ; Arnaud Vergne, La notion de constitution d’après les cours et assemblées à la fin de l’Ancien Régime (1750-1789), Paris, De Boccard, 2006 ; Stéphane Baudens et Ahmed Slimani, « La Bretagne : un autre laboratoire juridique et politique de la Révolution française (1788-1789) », Revue française d’histoire des idées politiques, 29, 2009, pp. 95-148 ; Gilduin Davy, « Les lois de Rollon au XVIIIe siècle : remarques sur le souvenir du pouvoir normatif ducal dans l’historiographie juridique normande des Lumières », Revue historique de droit français et étranger, t. 86, 2009, 2, pp. 181-209 ; Hervé Leuwers, « La liberté par les libertés. Trois barreaux parlementaires contre la réforme Lamoignon (Aix, Rennes, Toulouse. 1788) », dans A. J. Lemaitre (dir.), Le monde par- lementaire au XVIIIe siècle. L’invention d’un discours politique, Rennes, PUR, 2010, pp. 239-253 ; Stéphane Baudens, « De la province à la nation. Débats sur la constitution des États provinciaux à la veille de la Révolution : le cas de l’Anjou », Annales historiques de la Révolution française, 2011, 2, pp. 85-109 ; Gilduin Davy, « Primitivisme et réformisme dans le De la constitution du duché ou État souverain de Normandie de Guillaume de La Foy (1789) », Annales de Droit de l’Université de Rouen, 5, 2011, pp. 17-42 ; Ahmed Sli- mani, « Les discours politiques et juridiques en Picardie à la veille de la Révolution française (1788-1789) », Revue du Nord, 394, janvier-mars 2012, pp. 149-169 ; Stéphane Baudens, « Infâmes versus Revenants : une lutte inégale ? Honneur et opinion publique dans la défense du bailliage-présidial de Bourg en Bresse face au Parlement de Dijon à la fin de l’Ancien Régime (1788-1789) », Les parlementaires, acteurs de la vie provinciale, XVIIe-XVIIIe siècles, Rennes, PUR, 2013, pp. 205-226 ; Jean-Pierre Donnadieu, « La contestation de la constitutionnalité des États en 1788 et 1789 », dans Stéphane Durand, Arlette Jouanna et Élie Pélaquier (dir.), Des États dans l’État. Les États de Languedoc, de la Fronde à la Révolution, Genève, Droz, 2014, pp. 605-634 ; Michel Figeac (dir.), Les débuts de la Révolution française, dans Histoire, économie et société, 33, 2014-3 ; Ahmed Slimani, « Les discours politiques et institutionnels contestataires en Franche-Comté (1788-1789) », Revue historique de droit français et étranger, t. 92, 2014, 2, pp. 231-262.
11 Mémoire adressé au roi par la noblesse de la province de Guyenne, Gascogne et Périgord au sujet des opérations ministérielles du 8 mai 1788, en Guyenne, 1788, pp. 8 et 13. L’avocat-feudiste Thomas Lumière serait le rédacteur du mémoire (W. Doyle, The Parlement of Bordeaux and the end of Old Regime, op. cit., p. 289).
12 Lettre de la noblesse de Guyenne à M. Necker en lui envoyant une copie du mémoire qu’elle a eu l’honneur d’adresser au roi, s.l., 1788. La démarche daterait du 10 octobre 1788 (W. Doyle, The Parlement of Bor- deaux and the end of Old Regime, op. cit., p. 290).
13 Cf. la synthèse et les références à ce sujet de Michel Cassan, « L’imprimé limousin sous la Révolution : production, diffusion, usages », dans Michel Cassan et Jean Boutier (dir.), Les imprimés limousins, 1788- 1789, Rencontre des historiens du Limousin, Limoges, PULIM, 1994, p. 188.
14 S.l., 1788-1789, 3 numéros.
15 À l’invitation d’une délibération de la noblesse locale, une assemblée des trois ordres est réunie dans chaque ville principale pour discuter de la proposition de la noblesse de Bordeaux au sujet des États particuliers ; chacun des ordres est alors censé exprimer un vœu d’adhésion, puis désigner des représentants aux futurs États. Cf. par exemple Projet de restauration des États de la Guyenne, proposé par MM. les commissaires de la noblesse du pays d’Agenais, aux deux ordres du clergé et du tiers état, du même pays, s.l., 1789. Le projet de délibération s’intitule Vœu des trois ordres de la sénéchaussée d’Agenais sur le rétablissement des États de la province et duché de Guyenne.
16 Observations sur les affaires du temps et en particulier sur les privilèges de la province de Guyenne, s.l., 1788, p. 14.
17 Ibid., p. 25.
18 Le mot d’un cosmopolite sur les démêlés entre la noblesse de Bretagne et le tiers état, s.l., 1789, pp. 21-22.
19 Discours qui devait être prononcé par M. le marquis de R*** à l’assemblée des trois ordres de la ville de Libourne invités par la noblesse à se réunir le 7 janvier 1789, chez les RR. PP. Cordeliers, s.l., 1789, p. 3.
20 Lettre à MM. de la noblesse de Bordeaux qui s’occupent du plan de restauration des États de Guyenne, s.l., janvier 1789, p. 3 ; Louis Journu dit Journu-Montagny, riche négociant armateur en particulier vers les Indes et les Antilles, issu d’une famille très influente, Idées à consulter par ceux qui travailleront à la compo- sition du cahier du tiers état, s.l., [mars] 1789, p. 16 ; J.-H. de Montaigne, marquis de Poncins, Mémoire présenté au roi contenant adhésion en faveur du tiers état, op. cit., p. 15.
21 Détails des démarches patriotiques faites par les Bordelais des trois ordres, s.l., 1788, p. 8.
22 Voir en guise d’exemples : AN Ba 20/1 (sénéchaussée de Bazas, dossier V, 8), Cahier des plaintes, doléances et réclamations formées par l’assemblée du tiers état de la ville et juridiction de Langon, Langon, 4 mars 1789, art. 20, f° 4 ; AN Ba 20/1 (sénéchaussée de Bazas, dossier V, 6), Remontrances, plaintes et doléances des communes de la ville de La Réole, sénéchaussée de Bazas, s.l.n.d. [avril 1789], f° 3 v°.
23 Gabriel de Rochon, baron de Vormeselle, Ce que je pense et ce que j’ai dit, s.l., 1788, p. 8. Le seigneur de Queyssac, franc-maçon, semble avoir fréquenté le cercle mesmérien bergeracois avant la Révolution, L’Harmonie créé en 1783. Il est l’un des membres de la scission « libérale » de la noblesse animée par le duc de Duras. Vormeselle intègre ensuite les sociétés des Amis de la Constitution de Bordeaux et de Bergerac. Élu administrateur du département de la Gironde, l’ancien capitaine des chevau-légers de la garde ordinaire du roi devient « général de l’armée patriotique du Bas-Médoc ». Considéré comme fédéraliste, « traître à la patrie et mis hors de la loi » sous la seconde Terreur, le « ci-devant baron », arrêté en septembre 1793 et transféré à Paris, est guillotiné deux mois plus tard.
24 Sentiments d’un patriote, s.l., 1788, p. 6. Pour des éléments complémentaires sur l’instrumentalisation du sacré dans les libelles du temps, voir Christopher Hodson, « In Praise of the Third Estate : Religious and Social Imagery in the Early French Revolution », Eighteenth-century studies, 34-3, 2001, pp. 337-362.
25 G. de Rochon, baron de Vormeselle, Sentiments d’un patriote, op. cit., p. 8.
26 Pierre-Hyacinthe Duvigneau, Lettre au tiers état de la ville de Bordeaux, s.l., 1er décembre 1788, p. 25. Cet esprit éclairé, polygraphe insatiable, pourfendeur acharné du « despotisme ministériel », devient commis- saire des procureurs au Parlement au comité du tiers état de Bordeaux et, par la suite, un ardent révolution- naire en tant que membre actif de la société des Amis de la Constitution. Il est également greffier du tribu- nal criminel (1791) et élu au conseil général du département. Très hostile à la Convention montagnarde, il est dénoncé, jugé et finalement exécuté le 26 juillet 1794 à la fin de la « Grande Terreur ».
27 Antoine Duranthon, Consultation de M. Duranthon, avocat au parlement de Bordeaux pour la communauté de… lue à l’assemblée du tiers état de Bordeaux et imprimée à sa demande, s.l., 1789, pp. 37-38. Ancien syndic de l’ordre des avocats avant 1787, Duranthon est un des fondateurs de la société des Amis de la Constitution de Bordeaux en avril 1790 et est élu procureur syndic du district en juin de la même année. L’ancien élève des jésuites se montre partisan du clergé constitutionnel. Il est nommé ministre de la Justice d’avril à juillet 1792. Revenu à Bordeaux, élu administrateur du département, il est arrêté et condamné le 19 décembre 1793 à la peine de mort et à la confiscation de ses biens. Plus spécifiquement, en ce qui concerne la figure du législateur, mythe politique quelque peu éculé à partir du milieu du siècle, voir David Wisner, The Cult of the Legislator in France, 1750-1830: A Study in the Political Theology of the French Enlightenment, Oxford, Voltaire Foundation, 1997.
28 A. Duranthon, Consultation de M. Duranthon, avocat au parlement de Bordeaux…, op. cit., pp. 38-39.
29 Délibération de la communauté de Villeneuve-d’Agen, concernant le rétablissement des États de la province de Guyenne, du 30 décembre 1788, Agen, Veuve Noubel, 1789, p. 4. La délibération est précédée d’un discours de M. de Maydieu, procureur du roi, titulaire en la présente communauté, issu d’une famille de consuls (pp. 3-8). Dans la lettre aux jurats d’Agen accompagnant leur délibération, les officiers municipaux de Villeneuve d’Agenais déclarent n’avoir pas hésité à « adhérer à cette voix universelle de la province et de tous les bons citoyens qui appelle à grands cris le rétablissement de ses États » (AM Agen, AA 47 (113), Lettre, Villeneuve d’Agenais, 10 janvier 1789, f° 1 v°).
30 Délibération de la communauté de Villeneuve-d’Agen…, op. cit., p. 4 ; Délibération de la ville et communauté de Monflanquin en Agenais, dans l’intérêt du tiers état et pour le rétablissement des États de la Guyenne, du 20 janvier 1789, Agen, Veuve Noubel, 1789, p. 9. Un discours de Jean-Baptiste Alquié de Fonguillere, médecin et premier consul de la ville, figure avant la délibération (pp. 3-9).
31 Délibération de la ville et communauté de Monflanquin en Agenais…, op. cit., p. 9.
32 Délibération de la communauté de Penne d’Agenais, concernant le rétablissement des États de la province de Guyenne, du 30 janvier 1789, Agen, Veuve Noubel, 1789, p. 5. Le discours de Mourgues précède la délibération (pp. 3-9).
33 Délibération de la ville et communauté de Pujols d’Agenais, du 18 janvier 1789, dans l’intérêt du tiers état et pour le rétablissement des États de la Guyenne, Agen, Veuve Noubel, 1789, p. 13. Le texte est précédé d’un discours de Bernard Cazemajor de la Vièle, premier consul (pp. 4-13). Cf. également Délibération de la communauté de Tombetout, concernant le rétablissement des États particuliers de la province de Guyenne, du 29 janvier 1789, Agen, Veuve Noubel, 1789, pp. 9-10. Un autre discours de Cazemajor de la Vièle, cette fois-ci en tant que procureur d’office de cette juridiction, précède la délibération (pp. 3-10).
34 AM Agen, AA 47 (67), Délibération de la ville et communauté de Monclar du 11 janvier 1789, f° 1 v° ; AM Agen, AA 47 (106), Délibération des communautés de Soumensac et de Malromé du 11 janvier 1789, f° 3 v°-4 v°, la délibération est précédée d’un discours de Royère, juge de police de la juridiction de Soumensac (f° 1-5) ; AM Agen, AA 47 (45), Lettre des officiers municipaux de la paroisse et juridiction de Galapian, envoyée à ceux de la ville d’Agen, Galapian, 13 janvier 1789, f° 2.
35 Notaire et feudiste, membre du directoire de la commune de Villeneuve d’Agen en 1793, vice-président du district puis commissaire en 1799, apprenti à la loge L’Aimable Concorde de Villeneuve, le 2 février 1782, secrétaire-adjoint le 26 juillet 1783, terrible le 24 juin 1787 (Jacques Clouché, La Franc-maçonnerie en Lot-et-Garonne (1759-1940), Narosse, Editions d’Albret, 2010, p. 455).
36 Délibération de la communauté de Tombetout…, op. cit., pp. 6-7.
37 AM Agen, AA 47 (44), Délibération des habitants de la ville de Gratéloup, le 6 janvier 1789, f° 2 ; AM Agen, AA 47 (89), Délibération des principaux habitants de la communauté de Saint-Maurin en Agenais du 11 janvier 1789, f° 2 ; Délibération de la ville et communauté de Monflanquin en Agenais…, op. cit., p. 9.
38 AM Agen, AA 47 (58), Lettre des officiers municipaux de Longueville aux officiers municipaux d’Agen, 8 janvier 1789, f° 1 v°.
39 Délibération de la ville et communauté de Tonneins-Dessous en Agenais, du 1er janvier 1789, Agen, Veuve Noubel, 1789, p. 13, la délibération est précédée d’un Mémoire présenté à MM. les maire et consuls de la ville et juridiction de Tonneins-Dessous, chef-lieu [du] duché-pairie de la Vauguyon par les notables, communautés, corporations et citoyens de ladite ville (pp. 9-20), avec près d’une centaine de signatures ; AM Agen, AA 47 (111), Lettre du maire et des consuls de la ville et juridiction de Verteuil aux officiers municipaux d’Agen, Verteuil, 1er janvier 1789, f° 1 v°.
40 Délibération de la ville et communauté de Tonneins-Dessous en Agenais…, op. cit., p. 13.
41 AM Agen, AA 47 (61), Lettre des officiers municipaux de Marmande aux officiers municipaux d’Agen, 22 décembre 1788, f° 2.
42 Cf. Délibération de la ville et communauté d’Agen, dans l’intérêt de ladite ville et de toute la province d’Agenais, du 25 décembre 1788, Agen, Veuve Noubel, 1788. Le texte comporte vingt-quatre signatures, dont celles de l’élite locale des salons et sociétés philosophiques.
43 Lettre du maire et des consuls de la ville et juridiction de Verteuil, op. cit., f° 1.
44 AM Agen, AA 47 (26), Lettre des officiers municipaux de Clairac, envoyée à ceux de la ville d’Agen, Clai- rac, 15 décembre 1788, f° 1-1 v° ; AM Agen, AA 47 (60), Lettre des officiers municipaux de Marmande aux officiers municipaux d’Agen, 18 décembre 1788, f° 1 v°-2 ; « Tout le monde est de votre avis » (AM Agen, AA 47 (1), Lettre de Lacour, premier consul d’Agmé, aux officiers municipaux d’Agen, Agmé, 6 janvier 1789, f° 1) ; AM Agen, AA 47 (15), Extrait des registres de la communauté de Casseneuil, délibération du 4 janvier 1789, f° 3-3 v°. Il faut du même coup remarquer la voix discordante venue du petit village de Dondas : « Sa Majesté en invitant les communautés, les corps et corporations à faire des recherches sur les États généraux, n’a pas prétendu qu’une communauté parlât par la bouche d’une autre, le travail doit être particulier à chacune. Nous attendrons donc que le roi fasse connaître l’ordre qu’il lui plaira de donner pour la convocation et la représentation du tiers état aux dits États et nous ferons alors éclater nos vœux pour le bien public » (AM Agen AA 47 (32), Lettre des officiers dondassiens, envoyée à ceux de la ville d’Agen, Dondas, 11 janvier 1789, f° 1).
45 Cf. Stéphane Baudens et Ahmed Slimani, « La Bretagne : un autre laboratoire juridique et politique de la Révolution française (1788-1789) », op. cit., pp. 124 et s.
46 Aux communes de la Guyenne, s.l., 1788, p. 4.
47 Ibid.
48 Ibid., pp. 5-6.
49 Ibid., pp. 6-7.
50 Ibid., p. 11.
51 Cf. Délibération des jurats de Bordeaux, au sujet de l’Assemblée des Cent-Trente. Et réponse à la critique qu’on en fait. Ouvrage dédié aux jurats, par un citoyen qui se nommerait dans un gouvernement où il n’y aurait que des tribunaux de justice et point de lettres de petit-cachet, s.l., 1788 ; Supplément à l’apologie des jurats de Bordeaux, d’après les mémoires de M. S… ancien jurat de la même ville. Avec un extrait des privilèges de la ville ; suivi de réflexions sur les affaires du temps, Bordeaux, chez l’imprimeur des nouveautés, 1788. Contrairement à ce que ces intitulés laissent entendre, il s’agit bien de critiques formulées à l’encontre des jurats.
52 Observations lues à MM. les représentants du tiers état de la ville de Bordeaux, s.l., 22 décembre 1788, p. 13.
53 Ibid., p. 16.
54 Voir à ce sujet Daniel L. Wick, « The Court Nobility and the French Revolution: The Example of the Soci- ety of Thirty », Eighteenth-Century studies, 13, 1979-1980, pp. 263-284; Kenneth Margerison, Pamphlets and Public Opinion. The Campaign for a Union of Orders in the Early French Revolution, West Lafayette, Indiana, Purdue University Press, 1998, pp. 51-70.
55 Cf. Guy-Jean-Baptiste Target, Les États généraux convoqués par Louis XVI, s.l.n.d., p. 63 ; id., IIe suite de l’écrit intitulé : Les États généraux convoqués par Louis XVI, s.l.n.d., p. 41.
56 Observations lues à MM. les représentants du tiers état de la ville de Bordeaux, op. cit., pp. 16-17. Laffon de Ladebat, fils d’anobli, cherche à se faire élire par le Tiers au printemps 1789. Toutefois, sa nomination comme représentant du tiers état de la communauté rurale de Pessac à l’assemblée générale des trois ordres de Bordeaux ayant été invalidée, il n’est élu finalement que député suppléant de la noblesse par la scission « libérale ». Ses ambitions politiques sont assouvies plus tard. Après avoir été nommé membre du directoire de la Gironde, il est élu en août 1791 député à la Législative, où il défend des positions modérées, éphémère président de celle-ci durant l’été 1792. Inquiété un temps sous la Convention, puis pendant la Terreur, il siège à partir d’octobre 1795 au Conseil des Anciens, qu’il préside lorsque survient le 18 fructidor. Déporté en Guyane par le second Directoire et libéré grâce au coup d’État de Brumaire, il achève sa carrière politique élu au Sénat conservateur, mais sans y être admis par Bonaparte (Edna Hindie Lemay, Dictionnaire des Législateurs, 1791-1792, Centre international d’étude du xviiie siècle, Ferney-Voltaire, 2007, t. II, pp. 445-449).
57 Parmi les figures du pays foyen lors de la pré-Révolution, cet avocat protestant joue un rôle important lors de la réunion des habitants de sa ville le 23 décembre 1788. Désigné pour participer à l’assemblée des trois états de la sénéchaussée de Libourne, il s’y fait élire député du Tiers. Il est, l’année suivante, un des fondateurs de la société des Amis de la Constitution de Sainte-Foy. Cf. Martine Boit, « La correspondance de Mathias Mestre, député aux États généraux », 750 ans de la Bastide de Sainte-Foy-la-Grande, actes du colloque organisé les 3 et 4 décembre 2005 par les amis de Sainte-Foy et sa région, Sainte-Foy-la-Grande, 2007, pp. 87-99.
58 Copie de la réponse sous forme de lettre, faite par les commissaires des négociants de Bordeaux, s.l.n.d., à une lettre adressée au « comité du tiers état de Bordeaux » par M. Mestre, datée de Sainte-Foy, du 25 décembre 1788, f° 3 v°, jointe au registre, AM Bordeaux AA 27 (22), Registre tenu par les députés du tiers état de la ville de Bordeaux soussignés, nommés par sa délibération prise au couvent des RR. PP. Jacobins le 16 décembre 1788.
59 Précis des observations proposées par MM. les commissaires de l’ordre du clergé, sur le projet de restauration des États provinciaux du duché de Guyenne, soumis à leur examen, Bordeaux, J.-B. Séjourné, 22 décembre 1788, p. 19.
60 Ibid.
61 Ibid., p. 21.
62 Lettre à M. Duvigneau, avocat et procureur au parlement de Bordeaux, en réponse à celle qu’il a adressée, le 1er décembre 1788, au tiers état de la ville de Bordeaux. Par M. Tire-Pied, savetier, et membre du tiers état, s.l., 1788, p. 9. Cette brochure paraît clairement destinée au bas tiers état. Pour une étude de ce type de textes, voir Vivian R. Gruder, « Un message politique adressé au public : les pamphlets « populaires » à la veille de la Révolution », Revue d’Histoire moderne et contemporaine, t. 39-2, avril-juin 1992, pp. 190-193.
63 Lettre à M. Duvigneau, avocat et procureur au parlement de Bordeaux, en réponse…, op. cit., p. 9.
64 Sur les démarches de la députation nantaise auprès du roi et des ministres, voir Augustin Cochin, Les sociétés de pensée et la Révolution en Bretagne (1788-1789), Paris, Librairie Plon, 1925, t. I, pp. 228-233.
65 P.-H. Duvigneau, Lettre au tiers état de la ville de Bordeaux, op. cit., p. 25.
66 Assemblée générale du tiers état de la ville et juridiction de Condom le 9 décembre 1788, Condom, B. Du- pouy, 1788, pp. 8-9. Cette assemblée devant portée sur « des objets relatifs au bien public et aux circonstances actuelles » est convoquée par une délibération du 5 décembre, à la demande de deux conseillers au présidial (Bordet et Bion) et de l’avocat du roi Duffau, députés du présidial et « comme étant à la tête du tiers état de la ville et juridiction » (AM Condom, BB 189, Registre des délibérations et autres actes (1786- 1788), f° 99- 99 v°).
67 Pour de plus amples précisions, voir Marcel Marion, « Un épisode du mouvement de 1789 à Bordeaux », Revue d’Histoire moderne et contemporaine, 1901-1902, pp. 739-753.
68 « La noblesse fait aujourd’hui le plus grand effort pour saper la constitution de l’État jusque dans ses derniers fondements en s’arrogeant dans le royaume une suprématie inconcevable et le privilège inhumain de dévorer de mille façons les biens des fidèles sujets du roi au grand dam de la population de l’État qui diminue de plus en plus et des vrais intérêts du roi à la majesté duquel appartient essentiellement le droit de souveraineté et de puissance exclusivement à tout autre. Sans ce principe fondamental, plus de royauté, ni de monarchie » (AN Ba 8/3 (239), Lettre, s.l.n.d. [sans doute de Condom en mars 1789], f° 1).
69 Ibid., f° 1 v°-2 v°.
70 Ibid., f° 3 v°.
71 Ibid., f° 5 v°-8. La numérotation utilisée pour les folios du Discours contient des erreurs.
72 Anne-Sophie Michon-Traversac, La citoyenneté en droit public français, Clermont-Ferrand, Fondation Varenne, Paris, LGDJ, 2009, p. 57.