Miromesnil confronté aux parlements : à l’origine de la convocation de l’assemblée des notables (1785-1787)

Par Julien NIGER
Publication en ligne le 25 juillet 2019

Texte intégral

1Louis XVI et Malesherbes eurent une conversation en octobre 1788, qui fut rapportée à l’abbé de Véri2. Elle portait sur la décision que le roi avait prise de convoquer l’assemblée des notables au début de l’année 1787, considérée par Malesherbes comme une erreur commise par les deux principaux ministres du moment : Calonne et Vergennes. Louis XVI lui répondit alors : « Ce ne sont pas ces deux-là qui m’y ont le plus décidé. C’est M. de Miromesnil ; et qui, après ce conseil, a désavoué la chose pendant toute la tenue des Notables. Voilà ce qui m’a fait prendre le parti de me séparer de lui ». Cette affirmation du roi, reprise par plusieurs historiens est à l’origine de cette communication. Elle justifie, entre autres, la décision prise par Louis XVI de convoquer les notables et de renvoyer ses deux ministres, Calonne et Miromesnil, les 8 et 9 avril 17873.

2En effet, Armand-Thomas Hue de Miromesnil (1723-1796) était garde des Sceaux depuis le 24 août 1774. Après une carrière en tant que conseiller au Grand conseil (1746), puis maître des requêtes (1751), il fut premier président du parlement de Normandie, en exercice de 1757 à 1771, puis exilé par le chancelier Maupeou. Grâce à la protection de Maurepas, il put accéder à la seconde charge de l’Etat, en étant nommé par Louis XVI chancelier en survivance et garde des Sceaux. Sa personnalité modérée, trop timorée, voire nulle selon certains contemporains, en a fait un choix de second ordre pour beaucoup, un pion entre les mains de Maurepas. Malgré le décès de ce der- nier, Miromesnil est resté près de treize ans au ministère. Le roi l’aurait gardé, pour beaucoup, par habitude. Il lui a été plus qu’utile pour, au moins, maintenir le calme dans les parlements4.

3C’est ce rôle fondamental d’un garde des Sceaux que nous allons étudier avec le cas de Miromesnil : faire le lien entre le roi, le ministère et les parlements. Après le « coup d’autorité » de Maupeou, c’est Miromesnil qui est chargé par Louis XVI et Maurepas de rétablir les parlements. Le garde des Sceaux a accompli sa tâche en imposant une ordonnance de discipline qu’il a fortement inspirée, à quelques articles près. La joie autour des « revenants »5, l’ordonnance de discipline et la pratique gouvernementale de Miromesnil expliquent que les parlements ont été globalement maintenus dans l’obéissance pendant les douze années suivantes. Mais la charnière des années 1785-1786 connaît une cassure dans cette mécanique institutionnelle mise en place par le garde des Sceaux6. Celui-ci est désormais menacé aussi bien par ses collègues au ministère que par les cours souveraines. C’est cette double intrigue qui justifie le fait que Miromesnil aurait soutenu auprès du roi l’idée de convoquer une assemblée des notables, premier acte de la « Pré-Révolution française »7. En quoi la charnière 1785-1786 diffère-t-elle des pratiques mises en place par Miromesnil pendant douze ans pour main- tenir les parlements dans l’obéissance ? En quoi la confrontation des parlements avec Miromesnil, pourtant considéré comme leur unique défenseur au ministère, est-elle à l’origine de la convocation de l’assemblée des notables, et de sa chute ?

Des parlements maintenus dans l’obéissance sous la garde des sceaux de Miromesnil ?

§ 1. – L’ordonnance de discipline et ses suites

4La garde des Sceaux de Miromesnil, commencée le 24 août 1774, se caractérise par le retour des magistrats chassés par les réformes du chancelier Maupeou. Suivant des plans médités pendant son exil de 1771 à 17748, il prépare lors de petits comités avec le roi, en présence de Maurepas et d’autres ministres, le rétablissement de tous les parlements : Paris et Rouen le 12 novembre 1774, Douai le 2 décembre, Aix et Toulouse en janvier 1775, Rennes et Bordeaux en mars, Dijon, Besançon et Grenoble en avril, Metz séparé de Nancy en octobre et Pau le 13 novembre 17759.

5Le rétablissement des parlements s’accompagne d’une ordonnance de discipline, dont le modèle est celui décidé pour le parlement de Paris. Cette ordonnance rappelle les règles ancestrales du bon déroulement des assemblées des chambres, afin que les débats s’y passent au mieux des intérêts de la monarchie.

6Cette ordonnance renforce la prééminence de la Grand’chambre et du premier président, afin de calmer les « esprits échauffés »10, notamment des plus jeunes magistrats issus des chambres des Enquêtes. En effet, Miromesnil avait listé dans ses lettres sur l’état de la magistrature, écrites pendant son exil, un certain nombre de reproches concernant la discipline intérieure : le défaut de subordination, le défaut d’assiduité dans le service et la négligence dans le soin de veiller à la conduite des officiers ministériels, la taxation trop forte des épices et des vacations, et les abus relatifs à la convocation des chambres et au droit de proposer dans les assemblées. Comme le chancelier Lamoignon de Blancmesnil, son mentor, Miromesnil craignait aussi les abus dans la rédaction des remontrances et surtout l’impression des arrêtés et des remontrances11.

7Tout ce qui a été reproché aux parlements d’avant la réforme Maupeou a ainsi trouvé des articles de discipline. Mais certains d’entre eux ont été contestés dès le retour des anciens magistrats et ont fait l’objet de remontrances et d’un nouveau lit de justice le 5 mai 1775 pour le parlement de Paris. Cela tient surtout au fait que les deux derniers articles de l’ordonnance imposent une accusation de « forfaiture » pour les démissions en corps, et la création d’une « cour plénière », que Miromesnil n’avait pas prévues dans ses recherches et qui ont dû être imposées par d’autres membres du Conseil12. C’était le système que Bourgeois de Boynes avait proposé de suivre en 1760, et que Maupeou aurait dû adopter en janvier 1771, selon l’historien du parlement Flammermont13.

8De plus, cette ordonnance limitait le droitde remontrance, qui ne s’exerçait plus après l’enregistrement imposé de la loi. Ainsi, toutes les cours n’ont pas accepté facilement cette ordonnance, à l’image de celle de Rouen14. Le conseiller aux Enquêtes, Gressent, a affirmé, en marge de la copie de l’arrêt d’enregistrement qu’il avait conservée :

9« Il n’est pas vrai que ce fut du vœu unanime [que cette ordonnance fût enregistrée], car il était défendu par lettre de cachet de délibérer. On ne demanda pas les voix, et, quoiqu’il n’y ait pas eu de protestation à cause des circonstances, il a été cependant convenu qu’on n’y auroit jamais égard, mais cela verbalement. On craignit d’en faire un arresté sur les registres, car le moins qu’il en seroit arrivé seroit la cassation. »15

10C’est d’ailleurs ce parlement qui connut la seule vraie crise contre cette ordonnance en 1778, avec sa démission en corps. Mais l’opinion publique et la cour de Versailles s’en désintéressant complètement, l’affaire se termina à la satisfaction du gouverne- ment. Ainsi, pendant douze années, les différentes lois des ministres successifs passèrent avec assez peu d’actes d’autorité, et un jeu normal et pacifié, notamment par le moyen des remontrances.

§ 2. – Pas de parlement fort sous un gouvernement uni et fort : les moyens habituels pour tenir les parlements

11Parmi les principes monarchiques professés par Miromesnil, il ne peut y avoir de parlement fort sous un gouvernement fort. Et cette force vient de la confiance que le monarque accorde à ses ministres unis16. Cette unité, souvent de façade, doit éviter la construction de partis au sein des compagnies de magistrature et donc la désunion des cours et leur division avec le ministère. L’historien Peter R. Campbell a très bien montré ces mécanismes aussi bien sous le gouvernement du cardinal de Fleury, que dans les années 178017.

12De plus, à l’image du parlement de Paris, le gouvernement peut compter sur un « parti ministériel » au sein des compagnies18. Les situations sont plus diverses d’une cour à l’autre, les divisions de l’ère Maupeou les ayant particulièrement marquées. C’est ainsi que, douze ans après le rappel des parlements, le premier président de celui de Toulouse, les procureurs généraux de Grenoble et de Colmar étaient toujours éloignés de leur compagnie et des affaires du roi. Ces partis ministériels sont en effet construits autour des deux hommes du roi par excellence : le premier président et le procureur général (d’Aligre et Joly de Fleury à Paris). Le parlement de Paris connaît aussi un poste de rapporteur de la cour19, tenu de 1774 à 1782 par l’abbé Sahuguet d’Espagnac, de 1782 à 1785 par Lefèvre d’Amécourt, puis par l’abbé Tandeau à partir de 1786. Il s’agit pour ces hommes de convaincre les têtes les plus sages du parlement, celles de la Grand’Chambre, et de contenir les torrents tumultueux des autres chambres20. Ce système ne peut fonctionner que si le roi reconnaît la valeur des hommes qui le servent par des flatteries ou des sermons, mais aussi par des récompenses, tant pécuniaires qu’honorifiques21. Les archives de la chancellerie ont conservé des états de somme versés aux parlements, dont les montants pourraient paraître ridicules par rapport à ceux versés aux courtisans et bien moindres que ce que le public soupçonnait22.

13Une solide gestion de l’information est mise en place entre le garde des Sceaux et les cours, de manière plus ou moins lâche selon l’éloignement ou les caractères desdits hommes. Elle a permis à ce premier de se maintenir longuement en place et d’aider ses collègues à faire passer avec plus ou moins de facilité les différentes réformes, et notamment les édits bursaux, comme l’a bien montré Augeard :

« Les sots et la multitude n’ont cessé de dire et de répéter que M. de Maurepas avoit perdu le royaume en faisant revenir le Parlement ; qu’il étoit la cause de tous les malheurs de la France, et que le roi auroit dû brider davantage l’autorité du Parlement ; comme si depuis 1774 jusqu’au mois de décembre 1786, le Parlement n’avoit pas été le plus obséquieux possible à toutes les volontés de MM. les ministres ; comme s’il n’avoit pas enregistré en 1781, dans l’espace de six mois, les deux sous pour livres et les […] vingtièmes sans aucune remontrance. »23

§ 3. – Une mesure de l’autorité et des relations parlements/ministres : les remontrances

14La méthode employée par Miromesnil pour circonvenir les cours est la même que celle que l’abbé de Véri le soupçonne d’employer vis-à-vis du roi :

« Dans un des comités devant le Roi où le garde des Sceaux, M. de Malesherbes et M. Turgot se trouvaient, le premier eut occasion de développer sa manière d’agir avec les tribunaux. Il s’étendait avec complaisance sur les tournures adroites qu’il prenait, étant premier président à Rouen, pour amener ses confrères à son but en paraissant ne rien vouloir d’eux. Comme ces tournures dont il faisait parade étaient de même genre que celles dont ces deux ministres croyaient qu’il faisait usage au- près du Roi et de M. de Maurepas, un mouvement naturel fit rencontrer leurs yeux et les fit sourire… »24

15C’est ainsi que le garde des Sceaux est toujours en première ligne pour les relations avec les cours souveraines. Il reçoit les remontrances des cours au nom du roi, il rédige les réponses et les renvoie. Au cours de ce processus, c’est lui qui, après concertation avec ses collègues, conseille le roi sur ce qu’il convient de faire. Ainsi, en juillet 1782, voici comment Miromesnil a circonvenu Louis XVI pour faire passer le troisième vingtième préconisé par le contrôleur général Joly de Fleury, au moment de la guerre d’indépendance américaine :

« Je dois pourtant reconnaître que malgré cette maussaderie gauche qu’on a rai- son de lui reprocher, il m’a bien secondé pour l’enregistrement de l’édit du troisième vingtième. Je vis d’abord son bon cœur dans sa répugnance pour augmenter les impôts, et ensuite son bon sens dans la peine qu’il ressentait d’en demander au moment où, de tous côtés, on lui offrait généreusement des vaisseaux. Il ne voulut se décider qu’après un comité où je fus appelé. La fonction de M. Joly de Fleury fut de nous en exposer la nécessité ce qui ne fut pas bien difficile et la décision en fut faite. La balle me vint alors pour faire enregistrer l’édit au Parlement. J’arrangeai mes discours, mes démarches en conséquence, mais je sentis que mes paroles les plus persuasives n’en vaudraient pas quelques-unes de celles qui sortiraient de la bouche du Roi. Je voulus m’en étayer et je lui persuadai de faire passer dans son cabinet le premier président du Parlement de Paris, à la première occasion qu’il viendrait à Versailles. Je ne voulus pas le mander avec appareil ; et, un jour de dimanche qu’il devait s’y rendre, je lui dis de m’attendre dans la chambre du lever parce que, peut- être, j’y aurais besoin de sa présence. Lorsque le Roi fut passé dans son cabinet je vins simplement au premier président et je le priai de me suivre chez le Roi qui avait un mot à lui dire. Le Roi joua parfaitement son rôle, et la peine qu’il sentait à lever un nouvel impôt étant sincère, il lui fut facile de la bien exprimer. Le premier président, attendri des sentiments qu’il lui montrait, répondit avec attendrissement, les mains jointes et la larme à l’œil, de son zèle et de celui du Parlement quand il lui rendrait compte des sentiments de bonté paternelle dont Sa Majesté était remplie. Nous fîmes bien tous les trois notre personnage, puisqu’il en est résulté que l’édit a passé comme nous l’avions arrangé. »25

16Cette conversation, entre Miromesnil et l’abbé de Véri est corroborée par les re- gistres secrets du parlement de Paris26. Tout ne se passe pas toujours aussi bien. Les cours continuent de présenter des remontrances au roi, selon un rituel strict imposé par l’ordonnance de discipline. Et c’est dans la vision de Miromesnil que ce dialogue s’instaure. Alors que d’autres ministres ou courtisans préféreraient des relations plus autoritaires, voire despotiques. Ce n’est pas le nombre de remontrances qui inquiète le garde des Sceaux et le roi, c’est leur publicité et l’union possible entre les parlements et le public27. Problème qui ne s’est avéré qu’au tournant des années 1785-1786.

Le « réveil » des parlements (1785-1786)

§ 1. – L’affaire Lemaître révélatrice des tensions internes au sein du ministère et du parlement de Paris

17L’affaire Lemaître est une de celles qui montrent le mieux comment, en sous-main, des divisions entre ministres se transforment en coup d’éclat dans le public. Elle montre aussi que Miromesnil n’arrive non seulement plus à tenir les imprimeurs, mais aussi le parlement de Paris28.

18En effet, Lemaître (Pierre-Jacques, 1742-1795), est un secrétaire du roi arrêté à la barrière du Temple (octobre 1785) portant sur lui de nombreux pamphlets et une planche d’imprimerie29. Cet ancien imprimeur a joué un rôle trouble tant lors des réformes Maupeou, en publiant des textes d’Augeard et de Miromesnil, que dans les années 1780, en participant à des pamphlets de Calonne contre ses prédécesseurs et Miromesnil. Les deux ministres voulurent ainsi étouffer le scandale, Calonne en faisant juger Lemaître par la Tournelle du parlement plutôt qu’au Châtelet, Miromesnil en essayant de récupérer les pièces, que la Tournelle finalement brûla.

19Cette affaire montre aussi la peur de la publicité chez le garde des Sceaux, suivant en cela les ordres du roi, alors que le public est avide, lui, d’informations, notamment judiciaires. C’est l’époque du procès du cardinal de Rohan, de l’affaire des roués. Le tribunal est désormais dans la rue avec la multiplication des mémoires judiciaires et des pamphlets30. C’est d’ailleurs ce moyen qui permit à Lemaître de s’en sortir vis-à- vis de ses juges.

20Cette affaire révèle aussi que Calonne peut agir dans le parlement et faire prendre une décision d’ordre judiciaire, en défaveur du garde des Sceaux. Celui-ci, amer, le rappellera en octobre 1786, au procureur général Joly de Fleury, qui lui écrivait qu’une imprimerie clandestine du Temple produisait des pamphlets contre des membres du parlement, et notamment contre l’avocat général Séguier :

« Je sens comme vous, monsieur, le danger des imprimeries clandestines, vous savez ce que j’avois fait au sujet du sieur Le Maître. Si MM. du parlement en la chambre des Tournelles n’avoient pas interrompu la procédure du Châtelet, on auroit pu parvenir à faire des exemples capables d’en imposer aux libellistes. »31

§ 2. – Un garde des Sceaux incapable de contenir les parlements ?

21Au tournant des années 1785-1786, plusieurs parlements s’agitèrent contre les décisions prises par le contrôleur général : ceux de Bretagne, de Bordeaux, de Grenoble, mais aussi de Dijon et de Besançon. Nous allons étudier deux cas de figure, où la méthode appliquée fut la même pour résoudre la crise, mais avec des conséquences différentes.

22En janvier et février 1786, ce fut l’affaire du parlement de Bretagne concernant le tabac et les offices de barbiers perruquiers de la ville de Nantes. À cette occasion, une petite délégation fut reçue par le roi, qui les réprimanda sur la forme plutôt que sur le fond. C’est le résultat de la parfaite synthèse entre la volonté de Calonne de réprimer des abus dans les propos des remontrances, et celle de Miromesnil de calmer le jeu32. Mais la réponse de Louis XVI à son parlement de Rennes fut jugée par le public :

« Longue, entortillée, soutient le pour & le contre, & en général déplaît beaucoup aux patriotes, & contient des propositions très erronées, que sans doute les magistrats ne laisseront pas passer sans réfutation : cependant on leur dit à la fin des douceurs, dans l’espoir peut-être de les faire mollir sur les vrais principes : en un mot, en donnant absolument gain de cause au fond au parlement, on le blâme sur la forme, & on justifie absolument le garde des sceaux & le contrôleur général, qui ont suggéré cette forme pour maintenir des abus évidents & contraires au bien public. »33

23C’est à ce moment-là que le marquis de Bombelles, proche du baron de Breteuil, résume assez bien le sentiment de beaucoup sur la manière dont le garde des Sceaux traitait les affaires du gouvernement avec les parlements. Le 5 février 1786, il note ainsi dans son Journal :

« Il faut […] convenir qu’au milieu de sa médiocrité, le Roi et l’Etat sont mieux servis par le ministre des Affaires étrangères que par le chef de la Justice. Tous les parlements sortent petit à petit de la sage tutelle où ils devraient être tenus par un garde des Sceaux digne de l’éminence et de l’importance de son poste.

Monsieur de Miromesnil confond toujours la prudence avec la faiblesse. Laissant tout aller plus ou moins au gré des circonstances, il dit que son premier secrétaire est le temps, et que c’est celui qui lui expédie le plus de besogne. Il s’en prépare ou en laissera à son successeur, une bien embarrassante […]. »34

24De même, l’affaire des alluvions a été un tournant dans la manière dont les deux ministres s’occupaient des affaires parlementaires. Cette affaire, entre le parlement de Bordeaux et le gouvernement, est bien connue grâce aux travaux des historiens Henri Carré, Alain Plantey et William Doyle35. Il s’agit d’un conflit soulevé entre le domaine du roi et les riverains de la Garonne. Il commença en 1781 et connut de nombreux rebondissements jusqu’en 1786, où il devint des plus aigus. Le contrôleur général Calonne fit déclarer, par lettres patentes du 14 juin, que les détenteurs d’atterrissements ou alluvions des rivières auraient à produire leurs titres de propriété ; or aucun ne le pouvait ; la véritable raison aurait été les intérêts de la coterie des Polignac.

25Le 30 juin 1786, le parlement de Bordeaux rendit un arrêt où il flétrissait « le système de déprédation » appliqué à la Guyenne et « les hommes que l’indignation universelle, disait-il, s’accordait à proscrire »36 ; puis il présenta des remontrances. Arrêt et remontrances furent publiés et lus avec avidité. Chacun savait que les juges dénonçaient les Polignac.

26Le gouvernement manda alors en Cour tout le parlement. Les magistrats se mirent en route « avec armes et bagages », c’est-à-dire avec leurs greffiers et leurs registres. Quand les magistrats arrivèrent à Versailles, le 21 juillet, « une foule immense » les attendait sur leur passage. Le 22 juillet 1786, à 13 heures, dans la salle du trône, Louis XVI reçut le parlement de Bordeaux et lui déclara que l’affaire des alluvions était très importante, et qu’il chargeait Miromesnil et les conseillers d’Etat Berthier de Sauvigny et Vidaud de la Tour de l’examiner conjointement, en présence du premier président et du procureur général. « Ils lui en rendraient compte, disait-il, et il ferait lui-même connaître ses intentions ». Tout cela avait été préparé de longue date par les ministres et le garde des Sceaux, dont tous les projets ont été retenus. En effet, certains partici- pants ont rapporté que le roi aurait dit ensuite : « On m’a induit en erreur, mais je m’en souviendrai longtemps ». L’aura de Calonne pâlit alors un peu, du fait de sa proximité avec certains intervenants de l’affaire.

27La proposition de Miromesnil était que le roi fît enregistrer ses lettres patentes par le parlement mais protestât qu’il n’avait jamais voulu « porter les prétentions du domaine jusqu’à usurper sur les propriétés de ses sujets »37. Le parlement fut enchanté, mais les relations entre Calonne et Miromesnil étaient désormais celles d’une guerre ouverte. C’est à ce moment-là que le contrôleur général commença ses grands projets, et qu’en parallèle, Miromesnil s’inquiéta auprès de Louis XVI en janvier 1787, de ce que :

« ceux qui n’aiment pas les parlements, et le nombre en est assez grand, profitent des fautes de celui de Besançon, de celui de Dijon, de celui de Grenoble, pour effraÿer sur le danger de leurs entreprises. Je ne serois même pas surpris que l’on cherchât en sous-main à exciter le parlement de Paris à prendre quelque parti ridicule afin de vous indisposer contre la magistrature. Cecy n’est qu’une conjecture, mais vous me permettez de vous marquer tout ce que je pense. »38

La convocation des notables, révélatrice des tensions au sein de la cour, du gouvernement et des parlements

§ 1. – La main-mise de Calonne sur le gouvernement et la destruction du « parti ministériel »

28Après un peu moins de trois années, pendant lesquelles un statu quo semblait se maintenir entre le baron de Breteuil, Calonne et Miromesnil, la rupture paraît définitivement consommée à l’été 1786 avec l’affaire des alluvions du parlement de Bordeaux. Miromesnil semble même avoir proposé au roi de se retirer à l’automne39, sentant ne plus pouvoir travailler avec le contrôleur général.

29Les désaccords profonds qui existent depuis longtemps entre les deux hommes ont resurgi et font réfléchir sur la manière dont les affaires entre le ministère et le parlement se sont déroulées entre 1785 et 1787. D’abord, au sein du gouvernement : si on exclut les deux maréchaux, dont la noblesse d’épée et les affaires les mettent à part des robins, le rapprochement entre Calonne et Vergennes à partir de l’été 1786 semble exclure de facto Miromesnil du jeu40. Le baron de Breteuil, ouvertement hostile à Calonne, est, lui aussi, à part, mais sous la protection de la reine. Calonne, ayant l’oreille du roi et de Vergennes, peut alors proposer ses réformes, dans le plus grand secret, Miromesnil n’étant inclus dans le triumvirat, qu’après avoir été assuré du soutien du roi. La prépondérance que semble prendre Calonne sur ses collègues tient non seulement à l’urgence de la situation des finances, dont très peu de personnes sont au courant, mais aussi à son habileté à faire croire qu’il tient les cours souveraines, dont le parlement de Paris, depuis décembre 1785.

30En effet, malgré l’intervention de Miromesnil afin de modérer le parlement quant à la question de l’emprunt de 80 millions de livres, c’est Calonne qui reprend les choses en main et impose une séance « royale » à Versailles, qui ne soit pas un lit de justice, mais en ait toutes les apparences, notamment par des mortifications de pure forme, le 23 décembre 1785.

31Lors de cette séance, la modération de Miromesnil ne se remarque que dans les débuts de la réponse royale. La publicité apportée aux dissensions entre la cour et le ministère a permis à Calonne d’imposer au roi une réponse plus énergique et flétrissante à cette compagnie. Le public ne s’y trompe pas : « M. de Calonne a paru triompher dans la séance de Versailles », rapportent les Mémoires secrets de Bachaumont le 14 janvier 178641. En-dehors de ce succès, la rupture semble consommée entre le parlement, surtout le premier président d’Aligre, et Calonne. De même, le parti ministériel, si lentement mis en place par Maurepas, Miromesnil et d’Aligre, est détruit : Lefèvre d’Amécourt, rapporteur de la cour, est prié par le roi de ne plus se charger de ses affaires42.

32En conséquence, le parti ministériel se délite, le premier président faisant tout pour se maintenir, aussi bien auprès de ses confrères, qu’auprès du roi43, le procureur général Joly de Fleury s’éloignant progressivement du garde des Sceaux, malgré sa fidélité envers le souverain, et le nouveau rapporteur de la cour, l’abbé Tandeau de Marsac, n’ayant aucun poids, alors que l’ancien semble porté au pinacle44. L’affaire des mon- naies, débutant par des remontrances de la cour des monnaies en janvier 1786, pour- suivie par celles du parlement de Paris en mars, se termine encore par une victoire de Calonne en octobre 1786, le rôle de Miromesnil étant cantonné à porter la parole du roi.

33Celui-ci veut donc reprendre la main, quitte pour cela, à aller à contre-courant de ce que semblent penser les parlements à la fin de l’année 1786, de la situation des finances.

§ 2. – Le rôle politique et logistique de Miromesnil dans l’organisation de l’assemblée des notables

34Miromesnil joue donc un rôle dans la convocation des notables. Mais comme le rappelle l’historien John Hardman, à juste titre, c’est Calonne qui est à l’origine du projet et suggère l’idée à Louis XVI45. Son objectif est de faire passer ses réformes auprès des personnages les plus considérables de l’Etat, avant de les imposer aux parlements, quitte à utiliser des enregistrements d’autorité. Il s’appuie sur Vergennes, président du conseil royal des finances. Ce dernier semble très hésitant, et le public a du mal à cerner son rôle réel. Mais comme le prouve la citation de Véri, vue au début de la communication, il poussa aussi le roi à une telle décision. Enfin, Miromesnil est compris dans la combinaison, pour les aspects juridiques et pratiques indispensables46. Il semble cependant avoir eu un rôle politique important dans la prise de décision de Louis XVI.

35Les objectifs politiques de Miromesnil sont clairs et transparaissent dans les lettres qu’il écrit alors au roi en décembre 178647. Il s’agit, dans un premier temps pour lui, de reprendre la main dans les parlements, et notamment le parlement de Paris, en passant par le haut : les hommes et gens du roi, premiers président et procureurs généraux. Dans la convocation à l’assemblée, le parlement de Paris réussit à imposer en plus trois présidents à mortier, Miromesnil ajouta alors les premiers présidents et procureurs généraux de la cour des comptes et de la cour des aides de Paris. Il est important, pour lui, de dévoiler au roi les menées sourdes de Lefèvre d’Amécourt contre l’impôt du timbre, que Miromesnil déconseille à Louis XVI de présenter au parlement, avant l’assemblée (malgré l’urgence des besoins en numéraire), ainsi que celles du président Lamoignon. La question se pose d’ailleurs de savoir si, dans sa correspondance avec le roi, Miromesnil ne laisse pas transparaître que Lamoignon tient le parlement, alors que lui non. C’est un point de réflexion important pour la suite. Le moyen que propose d’ailleurs le garde des Sceaux à Louis XVI pour arrêter ces menées est d’interdire toute communication entre les hommes du roi convoqués à l’assemblée et leur compagnie, pendant la durée de l’assemblée des notables, et aux parlementaires de délibérer au fur et à mesure des nouvelles. L’autre objectif est que, les finances l’exigeant, les notables puissent faire des représentations sur les objets proposés par le ministre Calonne. En effet, s’il n’y en a pas, cette assemblée ne servirait à rien48. Alors que s’il y a débat entre le ministère et l’assemblée, les décisions qui en sortiraient seraient forcément acceptées par les parlements, sans qu’il y ait besoin « d’une convocation d’états généraux qui deviendroit peut-être indispensable et qui vu la disposition des esprits ne pourroit être que très orageuse »49.

36Miromesnil est chargé alors de tous les aspects juridiques et pratiques (même si les envois des courriers se font par le baron de Breteuil, secrétaire d’Etat de la Maison du roi, et les autres secrétaires d’Etat en fonction des provinces dont ils ont la charge). Il cherche les antécédents, et notamment ceux de 162650. Le choix des notables est le fruit d’une âpre négociation. Les magistrats représentent un gros cinquième, les deux premiers ordres l’essentiel, le tiers-état n’est représenté que par quelques maires. De plus, pour les aspects juridiques, Miromesnil n’a jamais caché au roi toute la difficulté de l’opération menée par le contrôleur général. Dans une lettre datée du 28 décembre, la veille du conseil des dépêches qui décide de la convocation, Miromesnil lui fait part des difficultés de tous les points soulevés par Calonne en même temps : l’imposition territoriale, les dettes du clergé, l’inféodation des terres du domaine, la suppression des corvées, les assemblées provinciales. De plus, il ajoute :

« La rédaction des différentes loix, que vous allez être dans le cas de donner mérite grande attention : il faut qu’elles soient claires, précises, faciles à entendre, à exécu- ter. Il est difficile, j’ose dire impossible, que trois personnes soient suffisantes pour y travailler. Il sera donc nécessaire que Votre Majesté nous adjoigne quelques magis- trats pour cette rédaction. Enfin je crois qu’il sera de votre sagesse d’admettre aussi les secrétaires d’Etat aux conférences qui me paroissent indispensables dans une opération aussi importante pour votre gloire que pour le salut de l’Etat. »51

37En clair, contrairement à ce que beaucoup de commentateurs de l’époque et nombre d’historiens ont écrit, Miromesnil n’a jamais caché ce qu’il pensait de Calonne, ses menées n’étaient pas inconnues du roi. Il a sans doute voulu une assemblée de notables pour se renforcer et montrer à Louis XVI l’incapacité de son contrôleur général à me- ner à bien une opération aussi complexe. Cette assemblée les chassera tous les deux du pouvoir.

§ 3. – L’échec final

38L’assemblée des notables connut quelques vicissitudes à ses débuts, quant à sa date d’inauguration, plusieurs fois repoussée, à cause de la maladie des trois principaux ministres : Vergennes, qui décéda le 13 février, puis Calonne et Miromesnil, à cause d’un hiver trop froid et d’une trop grande surcharge de travail. Finalement, l’assemblée s’ouvrit le 22 février 1787, et le rôle de Miromesnil, qui est de parler au nom du roi au début, fut aussi de vérifier que les rangs et préséances fussent respectés. Afin de mettre en avant la magistrature, une petite astuce fut mise en place pour permettre au premier président d’Aligre d’être le premier notable à prendre la parole face au roi, puis l’archevêque de Narbonne prit la parole pour se plaindre que le clergé n’eût pas la primauté de rendre ses hommages au roi. Cette question des préséances se retrouve tout au long du Journal du premier président du parlement de Nancy, Coeurderoy, qui en parle même à l’intérieur du bureau du comte d’Artois52. En effet, le surlendemain, les questions de la formation et de la présidence des bureaux étant réglées, le travail des notables a pu commencer.

39Les événements peuvent alors être suivis pour les historiens par les comptes-rendus, mais aussi par des journaux ou des mémoires comme ceux du comte de Brienne pour le bureau de Monsieur, frère du roi, ou de Coeurderoy et de Loménie de Brienne pour le bureau du comte d’Artois53. Ce qui ressort est l’impréparation de Calonne, incapable de fournir les mémoires à temps, n’apportant pas de réponse solide aux questions des notables. Miromesnil fait le relai entre les notables et le roi concernant leurs idées, en préparant des synthèses, en lui donnant les grandes lignes. Mais très vite, toute la mécanique se grippe autour de la réalité du déficit que tous ces impôts sur lesquels les notables travaillent devraient combler. Depuis le Compte-rendu au roi de Necker en 1781, toutes les élites de la nation se sont intéressées à la publicité des finances de la monarchie. Or, la pratique du secret est la seule règle que veuille suivre Louis XVI. Cependant, ce dernier aurait autorisé Calonne à répliquer à toutes ces demandes et critiques par un ouvrage similaire : un Avertissement publié le 31 mars. Cet ouvrage commet l’erreur de personnaliser les fautes politiques du passé, nommément Necker et Joly de Fleury, et d’avancer un chiffre de déficit sans le justifier. L’engrenage est lancé et les notables ne vont cesser de réclamer la publicité et un droit de regard sur les finances. La situation semble inextricable pour Louis XVI qui croit perdre alors le contrôle.

40Dans un contexte de forte tension internationale, avec la question de la Hollande, et d’une raréfaction du numéraire dans les caisses de l’Etat, le roi ne semble pas savoir comment s’en sortir. D’autant plus que ses deux ministres principalement chargés de cette assemblée, ne cessent de se diviser54. Calonne accuse Miromesnil de collusion avec les magistrats pour faire échouer les réformes quand elles passeront devant les parlements. Les témoignages de Coeurderoy et du conseiller Sallier contredisent hautement ces assertions55. De plus, Calonne inclut dans ses attaques Le Camus de Néville, intendant de Bordeaux, maître des requêtes, et proche de Miromesnil. Ce magistrat du conseil s’en prend à nombre de points des réformes dans son bureau, et est soupçonné par le roi, grâce aux insinuations de Calonne, de vouloir prendre la place de contrôleur général56. Ainsi, tout le mois de mars, le garde des Sceaux voit ses relations avec le roi se tendre, alors qu’il tente de défendre le point-de-vue des notables, et notamment les privilèges des corps et des provinces, là où Calonne voulait les supprimer. La mésentente entre les deux ministres ne pouvant plaire au roi, celui-ci était prêt à renvoyer son garde des Sceaux quand ce dernier lui montra une lettre de Joly de Fleury, justifiant son action de contrôleur général des finances de 1781 à 1783 et niant les chiffres avancés par Calonne dans son Avertissement57.

41Louis XVI trancha alors, comme son grand-père Louis XV avec d’Argenson et Machault trente ans plus tôt, en renvoyant ces deux ministres en même temps, les 8 et 9 avril 1787.

Conclusion

42Il est indubitable que la convocation de l’assemblée des notables et son échec furent en lien avec les divisions du ministère, et notamment entre Miromesnil et Calonne. Cela tient à des différences de tempérament et de vision de ce que doit être la monarchie. Le réveil des parlements, amorti par la modération de Miromesnil, peut désormais être violent. Contrairement à toutes les accusations prodiguées à l’encontre de Miromesnil, c’est Lamoignon qui, une fois détenteur des sceaux, réunit tous les magistrats notables pour discuter avec eux, écrivit directement aux parlements pour faire passer les réformes58… Il veut trancher tant dans le fond que dans la forme avec son prédécesseur (malgré certaines continuités). Si Miromesnil sut, tant bien que mal, limiter la prolifération des publications de textes parlementaires et de pamphlets, celle-ci s’est indubitablement multipliée dans les années 1787-1788, donnant à cette période un caractère « prérévolutionnaire »59.

43La position de Miromesnil au début de la Pré-Révolution est connue par un long extrait d’une lettre envoyée par le comte Du Cluzel à la fille de Miromesnil, Mme Le Bret, en 1823 (centenaire de la naissance de l’ancien garde des Sceaux), personnage qui a connu les premières semaines de l’exil volontaire de Miromesnil à Montalet à la fin du printemps 178760 :

« Vous m’avez ouï dire souvent que si l’avis de Mgr le garde des Sceaux de Miromes- nil avoit été suivi, il n’y auroit pas eu de révolution ; pour que vous ne voyez dans cette assertion ni prévention illusoire, ni flatterie, je vais vous en donner la preuve, dans le simple récit de ce qui s’est passé sous mes yeux […]. »

44Suite à une promenade et à l’arrivée d’un courrier provenant de l’archevêque Lomé- nie de Brienne, alors principal ministre, Miromesnil montra à Du Cluzel « la dépêche de l’archevêque et la réponse qu’il venoit d’y faire. »

« Un fils respectueux qui écrivoit à son père pour le consulter n’employeroit pas des expressions plus tendres, tout respiroit dans la lettre de M. de Brienne la confiance, la déférence, l’abandon le plus absolu dans l’amitié, les conseils et les lumières de M. le garde des Sceaux. Il le prioit de l’éclairer sur la conduite qu’il avoit à tenir vis-à-vis des notables et s’il ne feroit pas bien d’en congédier l’assemblée comme il en étoit fort tenté. M. de Miroménil dans sa réponse le félicitoit d’arriver au ministère pendant une assemblée des notables, surtout aussi bien disposée qu’elle l’étoit pour luy personnellement. Il l’engageoit à la laisser terminer son travail sur les finances, il l’en prioit par intérêt pour lui, par le désir du bien de l’Etat et celuy de la tranquillité du roi. Les parlements, ajoutoit-il, ne scauroient se refuser à enregistrer ce que les notables auront arrêtés ; l’épine des finances arrachée, vous n’auriez plus que les roses du ministère et vous éviterez une convocation d’états généraux qui deviendroit peut-être indispensable et qui vu la disposition des esprits ne pourroit être que très orageuse, etc.

Que de sagesse dans ce conseil ! Qu’il était simple de le suivre. Mais il étoit écrit que l’ineptie présomptueuse de M. de Brienne nous méneroit à la plus terrible des révolutions : quel fut notre étonnement lorsque nous apprîmes que les notables venoient d’être congédiés sans avoir rien arretté, qu’il étoit question d’une cour plénière, de grands bailliages etc. sans un écu au trésor royal ! M. de Miroménil vit avec douleur tout perdu. »

Notes

2 Duc de Castries, « L’abbé de Véri et son journal », La revue de Paris, novembre 1953, pp. 76-93, ici pp. 84-86.

3 John Hardman, Louis XVI, New Haven et Londres, Yale University Press, 1993 ; Idem, The life of Louis XVI, New Haven et Londres, Yale University Press, 2016 ; Joël Félix, Louis XVI et Marie-Antoinette, Un couple en politique, Paris, Payot, 2006.

4 William Doyle, « The Parlements of France and the breakdown of the Old Regime », dans Officers, Nobles and Revolutionaries. Essays on Eighteenth-Century France, Londres et Rio Grande, The Hambledon Press, (1970) 1995, pp. 1-48.

5 Stéphane Baudens, « Les vicissitudes de la carrière d’un magistrat au service de la monarchie absolue au XVIIIe siècle : le cas de Louis Basset de La Marelle », dans Caroline Le Mao (dir.), Hommes et gens du roi dans les parlements de France à l’époque moderne, Pessac, Maison des sciences de l’homme d’Aquitaine, 2011, pp. 111-122.

6 Pour le parlement de Paris, voir David Feutry, Plumes de fer et robes de papier. Logiques institutionnelles et pratiques politiques du parlement de Paris au XVIIIe siècle, 1715-1790, Paris, Institut universitaire Varenne, 2013 ; Julien Niger, « L’assemblée des chambres du Parlement de Paris révélée par les bulletins adressés aux ministres ? (24 août 1774-8 avril 1787) », dans Histoire et archives, n° 14, Le Parlement de Paris - Lo- giques politiques et pratiques documentaires XVIIe-XVIIIe siècles, Paris, Honoré Champion éditeur, 2016, pp. 221-241.

7 Jean Egret, La Pré-Révolution française 1787-1788, Paris, Presses universitaires de France, 1962, notam- ment pp. 9-16.

8 Julien Niger, « Entre reconstruction de l’histoire et analyse de leurs défauts : comment réhabiliter les parlements d’avant la réforme Maupeou. Les Lettres sur l’état de la magistrature de Miromesnil », dans Frédéric Bidouze (dir.), Les Parlementaires, les Lettres et l’Histoire au siècle des Lumières 1715-1789, Pau, Presses universitaires de Pau et des Pays de l’Adour, « Etudes C.I.H.A.E. vol. lxxxviii », 2008, pp. 47-63 ; Idem, « Miromesnil face aux réformes Maupeou », dans Caroline Le Mao (dir.), Hommes et gens du roi dans les parlements de France à l’époque moderne, Pessac, Maison des sciences de l’homme d’Aquitaine, 2011, pp. 239-255.

9 Henri Carré, « Turgot et le rappel des parlements », La Révolution française, 1902 (juillet-décembre), tome 43, pp. 193-208.

10 Olivier Chaline, « Les infortunes de la fidélité – Les partisans du pouvoir royal dans les parlements au XVIIIe siècle », Histoire, Économie & Société, 2006, n° 3, pp. 335-353.

11 Julien Niger, Armand-Thomas Hue de Miromesnil premier président du Parlement de Normandie (1757- 1771), mémoire de maîtrise dactylographié, université Jean Moulin Lyon III, 2000, pp. 130-139.

12 Julien Niger, Armand-Thomas Hue de Miromesnil, Premier Président du Parlement de Normandie et Garde des Sceaux de France (1723-1796), mémoire de master 2 dactylographié, université Paris-Sorbonne Paris IV, 2006, p. 195.

13 Jules Flammermont, Le Chancelier Maupeou et les Parlements, Paris, Picard, 1883, pp. 578-580.

14 Julien Niger, « L’assemblée des chambres du parlement de Normandie sous la garde des Sceaux de Mi- romesnil (1774-1787) », dans Les Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, numéro spécial dirigé par Gautier Aubert et David Feutry, Les Parlements de l’Ouest, Presses universitaires de Rennes, tome 122, septembre 2015, n° 3, pp. 107-126.

15 Robert Langlois comte d’Estaintot, « Notes manuscrites d’un conseiller au parlement de Normandie, 1769-1789 », Précis analytique des travaux de l’Académie de Rouen… 1887-1888, Rouen, 1889, pp. 339-399, ici pp. 363-364.

16 John Hardman, op. cit., 2016, pp. 182-183; Idem, French Politics, 1774-1789, From the Accession of Louis XVI to the Fall of the Bastille, Londres et New York, Longman, 1995.

17 Power and Politics in Old Regime France 1720-1745, Londres, Rootledge, 1996; « The Paris Parlement in the 1780s », dans Peter R. Campbell (éd.), The Origins of the French Revolution, Palgrave Macmillan, « Problems in Focus », 2006, p. 87-111.

18 Bailey Stone, The Parlement of Paris, 1774-1789, Chapel Hill, The University of North Carolina Press, 1981, notamment pp. 22-28; John Hardman, op. cit., 1993, pp. 71-72, 82-83, 85; Munro Price, Preserving the Monarchy: The comte de Vergennes (1774-1787), Cambridge University Press, 1995, pp. 155-162, 184-186.

19 Bailey Stone, The French Parlements and the Crisis of the Old Regime, Chapel Hill et Londres, The Univer- sity of North Carolina Press, 1986, p. 25; John Hardman, op. cit., 1995, pp. 220-222, 226-228.

20 « Vous avés bien fait de ne pas vous opposer au torrent ; cela eust été inutile et même vous auroit fait perdre la confiance de vostre Compagnie, qu’il est important d’acquérir dans les commencements. » Lettre de La- moignon de Blancmesnil à Miromesnil, 10 août 1757 (Pierre Le Verdier (éd.), Correspondance politique et administrative de Miromesnil, premier président du parlement de Normandie, Rouen-Paris, Lestringant- Picard, 1899, tome 1, p. 3).

21 John Hardman, op. cit., 1995, pp. 216-231; Olivier Chaline, Art. cit., 2006.

22 Archives nationales, BB30 62.

23 Jacques-Matthieu Augeard, Mémoires secrets de J. M. Augeard, secrétaire des commandements de la reine Marie-Antoinette (1760 à 1800). Documents inédits sur les événements accomplis en France pendant les der- nières années du règne de Louis XV, le règne de Louis XVI et la Révolution jusqu’au 18 brumaire, précédés d’une introduction par M. Évariste Bavoux, Paris, Plon, 1866, p. 80.

24 Baron Jehan de Witte (éd.), Journal de l’abbé de Véri, Paris, Tallandier, tome 2, 1930, p. 24-26.

25 Duc de Castries, Art. cit., 1953, pp. 79-81.

26 Archives nationales, X1A 8588, f°80-83.

27 Keith Michael Baker, Au tribunal de l’opinion, Essais sur l’imaginaire politique au xviiie siècle, Paris, Payot, (1990) 1993 ; Julian Swann, « Ministres et opinion publique en France au xviiie siècle », et Alain J. Lemaitre, « Le monde parlementaire en quête de légitimité », dans Bertrand Binoche et Alain J. Lemaitre (dir.), L’opinion publique dans l’Europe des Lumières, stratégies et concepts, Paris, Armand Colin, « Recherches », 2013, pp. 41-59, et pp. 107-125.

28 Sur l’importance de l’imprimerie et de la librairie pour Miromesnil, voir Julien Niger, « Miromesnil et la librairie de Rouen », dans Olivier Chaline (dir.), Les parlements et les Lumières, Bordeaux, Maison des Sciences de l’Homme d’Aquitaine, 2012, p. 137-156 ; Siméon-Prosper Hardy, Mes Loisirs, ou Journal d’événements tels qu’ils parviennent à ma connoissance (1753-1789), Pascal Bastien, Sabine Juratic & Daniel Roche (dir.), Paris, Hermann, 2014, vol. V, présentation de Sabine Juratic, Ordre et désordre dans la librairie, pp. 1-27.

29 Joël Félix, op. cit., 2006, pp. 304-305 ; Archives nationales, K163, n° 83, 88, 89, 810, lettres de Miromesnil à Louis XVI, décembre 1785-février 1786 ; K700, n° 16, lettre de Miromesnil au président Le Peletier de Rosambo, 6 janvier 1786 ; témoignage partial de Jacques-Matthieu Augeard, op. cit., 1866, pp. 115-116, 131-157, 164, 288.

30 Sarah Maza, Vies privées, affaires publiques, Les causes célèbres de la France prérévolutionnaire, Paris, Fayard, (1993) 1997.

31 Bibliothèque nationale de France, Joly de Fleury 1682 (MF 8469), f°312, dossier f°307-322.

32 Archives nationales, H1 439, pièces 305 à 350.

33 Mémoires secrets pour servir à l’histoire de la République des Lettres en France depuis 1762 jusqu’à nos jours [dits Mémoires secrets de Bachaumont], Londres, chez John Adamson, tome 31, 1788, p. 121.

34 Marquis de Bombelles, Journal, publié sous les auspices de son arrière-petit-fils Georges, comte Clam Martinic, texte établi, présenté et annoté par Jean Grassien et Frans Durif, Genève, Droz, tome 2, 1982, pp. 110-111.

35 Henri Carré, La noblesse et l’opinion publique au XVIIIe siècle, Paris, Honoré Champion, 1920, pp. 260- 262 ; Alain Plantey, « Un exemple de la continuité des principes de droit public français : l’affaire des alluvions », Revue du droit public et de la science politique en France et à l’étranger, juillet/septembre 1955, n° 3, pp. 537-569 ; William Doyle, The Parlement of Bordeaux and the end of the Old Regime 1771-1790, Londres, Tonbridge, 1974, chapitre 16, Vindication : The Alluvions, pp. 249-263.

36 Toutes les citations sont tirées d’Henri Carré, op. cit., 1920, pp. 260-262.

37 Archives nationales, K708, n° 62 à 75, dont tous les projets autographes de Miromesnil.

38 Archives nationales, AN, K163, n° 824, lettre de Miromesnil à Louis XVI, 3 janvier 1787.

39 Plusieurs témoignages contradictoires au moment du renvoi de Miromesnil, le 9 avril 1787, font part de cette volonté antérieure de se retirer, voir Pierre Chevallier (éd.), Journal de l’assemblée des notables de 1787 par le comte de Brienne et Etienne Charles de Loménie de Brienne archevêque de Toulouse (bureau de Monsieur et bureau du comte d’Artois), Paris, Klincksieck, 1960, p. 56 ; Marie-Thérèse Allemand-Gay, L’Assemblée des notables de 1787 et l’esprit de réforme. Les réflexions de Michel Joseph de Coeurderoy pre- mier président du parlement de Nancy, Nancy, Presses universitaires de Nancy, 2007, p. 72.

40 Munro Price, op. cit., 1995, pp. 223-231.

41 Mémoires secrets… op. cit., tome 31, 1788, pp. 36-37.

42 Bibliothèque nationale de France, Naf 22111, f°65 et suivants.

43 Archives nationales, K163, n° 814, 821, 824, 826, lettres de Miromesnil à Louis XVI, août, décembre 1786, janvier, février 1787.

44 Mémoires secrets… op. cit., tome 31, 1788, pp. 71-72.

45 John Hardman, « Decision-making », dans Peter R. Campbell (éd.), The Origins of the French Revolution, Palgrave Macmillan, « Problems in Focus », 2006, pp. 63-86, notamment pp. 75-84.

46 John Hardman, Overture to Revolution. The 1787 Assembly of Notables and the Crisis of France’s Old Regime, Oxford, Oxford University Press, 2010, pp. 59, 80, 83-85, 104-107, 110-111.

47 Archives nationales, K163, n° 822 et 23, lettres de Miromesnil à Louis XVI, 28 et 30 décembre 1786.

48 Archives nationales, K163, n° 87, lettre de Miromesnil à Louis XVI, 4 janvier 1786 [1787].

49 Archives nationales, 512AP 37, lettre de Du Cluzel, comte de la Chabrerie, à Mme Le Bret, 1er février 1823.

50 Archives nationales, BB30 175, les dossiers autographes de Miromesnil sur l’assemblée des notables de 1787 ont été conservés par son successeur, Lamoignon de Bâville, pour préparer celle de 1788.

51 Archives nationales, K163, n° 822, lettre de Miromesnil à Louis XVI, 28 décembre 1786.

52 Marie-Thérèse Allemand-Gay, L’Assemblée des notables de 1787… Op. cit., 2007.

53 John Hardman, op cit., 2010, notamment pp. 91-117, 199-230 ; Vivian Gruder, The Notables and the Nation, The Political Schooling of the French, 1787-1788, Cambridge et Londres, Harvard University Press, 2007, notamment pp. 11-33, pp. 91-111 ; Pierre Chevallier (éd.), Journal de l’assemblée des notables… Op. cit., 1960 ; Marie-Thérèse Allemand-Gay, L’Assemblée des notables de 1787… Op. cit., 2007.

54 Olga Ilovaïsky, La disgrâce de Calonne, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2008 ; John Hardman, op. cit., 2010, pp. 33, 35-37, 54, 94, 116-117, 214-219 ; Joël Félix, op. cit., 2006, pp. 390-393.

55 Marie-Thérèse Allemand-Gay, L’Assemblée des notables de 1787… Op. cit., 2007, pp. 57, 71-72 ; Guy- Marie Sallier Chaumont de Laroche, Annales françaises, depuis le commencement du règne de Louis XVI, jusqu’aux Etats généraux. 1774-1789, Paris, Leriche, 1813, pp. 65-67.

56 Archives nationales, K163, n° 828, lettre de Miromesnil à Louis XVI, 14 mars 1787.

57 Archives nationales, K163, n° 832, ettre de Miromesnil à Louis XVI, 5 avril 1787, n° 835, lettre de Joly de Fleury à Miromesnil, 5 avril 1787 ; Bibliothèque nationale de France, Joly de Fleury 1432, f°135-166, no- tamment f°146, accusé de réception de Miromesnil à la lettre de Joly de Fleury et lui assurant qu’il en a fait « l’usage unique [qu’il pouvoit] en faire, et que [Joly de Fleury a] pu prévoir [qu’il en feroit]. »

58 Marie-Thérèse Allemand-Gay, L’Assemblée des notables de 1787… Op. cit., 2007, pp. 74 et 79.

59 Selon l’expression de Jean Egret et les travaux d’Ahmed Slimani et de Stéphane Baudens. Voir notam- ment, pour la Normandie, Ahmed Slimani, « La pré-révolution politique et institutionnelle en Normandie (1788-1789) », Annales historiques de la Révolution française, 2011, n° 2, pp. 111-135.

60 Archives nationales, 512AP 37, lettre d’Antoine-Marie Du Cluzel, comte de la Chabrerie, à Anne Angé- lique Armande Georgette Hue de Miromesnil épouse Cardin Le Bret, 1er février 1823.

Pour citer ce document

Par Julien NIGER, «Miromesnil confronté aux parlements : à l’origine de la convocation de l’assemblée des notables (1785-1787)», Les cahiers poitevins d'histoire du droit [En ligne], Huitième et neuvième cahiers, mis à jour le : 25/07/2019, URL : https://cahiers-poitevins.edel.univ-poitiers.fr:443/cahiers-poitevins/index.php?id=162.

Quelques mots à propos de :  Julien NIGER

Doctorant à l’Université Paris-Sorbonne