La réforme de la constitution militaire durant la pré-révolution (Guibert et le conseil de la guerre)

Par Sébastien LE GAL
Publication en ligne le 25 juillet 2019

Texte intégral

1Le terme de pré-révolution, popularisé par Jean Egret1, est malaisé à définir. Le champ chronologique est contenu dans la formule : il s’agit, à l’évidence, de la période qui précède immédiatement la révolution elle-même. Il est néanmoins difficile de s’entendre sur l’autre borne chronologique, le terminus a quo. Egret, dans son ouvrage pionnier, choisit la réunion de l’Assemblée des notables, le 22 février 1787, dont « tous les historiens conviennent », précise-t-il, car elle marque « le début d’une crise grave »2. La crise, alors, est synonyme de pré-révolution.

2Le consensus supposé n’est que de façade, et le terme même de pré-révolution suscite des réserves. N’est-il pas d’usage tardif, comme le reconnaît implicitement l’historien, en renvoyant au précédent de Pierre Caron3 ? La crise politique majeure que révèle la réunion de l’Assemblée des notables suffit-elle à définir la période de deux années qui la suit ? Cette période embrasse l’échec du ministère Calonne puis celui de son successeur et ennemi, Loménie de Brienne jusqu’à la convocation des États généraux – Egret estime ainsi que la date du 24 janvier 1789 doit être retenue au détriment de celle du 5 mai, car elle ouvre une période électorale distincte, ce qui doit être discuté à la lueur de notre propre objet d’étude.

3Le terme de pré-révolution a le mérite non négligeable de souligner l’unicité de cette période qui se distinguerait par des caractères propres ; il a le défaut immense d’inscrire cette même période en fonction d’événements ultérieurs en donnant une interprétation téléologique à la révolution4. C’est pourquoi, il est nécessaire de rappeler les tentatives de sortir de ce déterminisme en inscrivant la révolution dans un champ chronologique plus vaste, en spéculant sur une « révolution par le haut » tentée par le monarque. Cette lecture permet de rappeler que le vent de réformes est commun aux différents États européens5, et que le despotisme éclairé qui les promeut a déclenché des réactions violentes dans divers pays (tel l’épisode de Struensee au Danemark).

4Dans ce mouvement, les particularités de la France ont été mises en relief, telle l’importance du courant physiocratique6, l’existence d’une classe moyenne plus nombreuse, ou encore une noblesse qui ne parvient pas trouver sa place dans une monarchie devenue administrative7. Surtout, en France, peut-être plus qu’ailleurs, l’opinion publique se constitue progressivement et pèse par ses effets8. Ces considérations exigeraient d’étendre le champ chronologique de la supposée pré-révolution. L’exécution de Damiens l’annoncerait-elle9 ? Devrait-on préférer la réforme Maupeou qui se distingue par son ampleur et par la violence des réactions10 ? N’en vient-on pas alors à exonérer Louis XVI de ses propres responsabilités11 ? Le champ chronologique est donc délicat à déterminer, au point de reconnaître, de prime abord, et à rebours de J. Egret, que « dans les années 1780, il serait imprudent de dire que la Révolution est déjà faite »12.

5Pourtant, au crépuscule de l’Ancien Régime, un contexte particulier, implacable, impose ses effets, fait de rivalités et de luttes entre coteries. La nouveauté tient en ceci : ces luttes sont relayées devant le tribunal de l’opinion13. La pré-révolution dans sa définition a minima serait cela : une articulation d’éléments de nature hétérogène, de facteurs divers qui influent directement sur le gouvernement, « le roi et ses ministres [devant], jour après jour, intervenir directement dans la fabrication des opinions »14. Faute d’y parvenir, les réformes sont dans l’impasse.

6La réforme lancée en matière militaire offre l’illustration de ce phénomène.

7La question militaire tient constamment une place importante durant le règne de Louis XVI : l’armée est évidemment un enjeu stratégique, mais aussi financier ; bien plus, il est un pilier central de la monarchie, puisque le roi de guerre s’appuie sur sa noblesse jalouse de cette fonction guerrière. Réformer l’armée exige de prendre la mesure de sa place réelle, mais aussi culturelle, dans la monarchie, et l’attention portée au choix du secrétaire d’État le montre. Ainsi, dès les débuts du règne de Louis XVI, Turgot s’appuie sur Saint-Germain, nommé en octobre 1775 (disgracié en septembre 1777), qui se distingue par ses vues réformatrices. Puis, passé l’épisode du ministère Montabarrey, Ségur s’impose et avec lui un nouvel élan réformiste dont la teneur demeure controversée15. Sa démission permet au Principal ministre, Loménie de Brienne, d’imposer son propre frère, le comte de Brienne, durant l’été 1787. Mais ce qui se joue à ce moment-là est plus feutré : faut-il suivre les propositions de Jacques de Guibert, qui séduisirent Ségur avant sa démission ? Loménie de Brienne les examine et les discute avant de les soutenir auprès de Louis XVI.

8À 43 ans, Jacques-Antoine-Hippolyte de Guibert a connu un destin hors norme : « lieutenant à 13 ans, colonel à 26, académicien à 42, général à 45 »16. Voilà une vie qui passe à la vitesse d’une météorite (il décède à 46 ans). À l’âge de 14 ans, il suit son père, officier devenant sur le tard gouverneur des Invalides, à la guerre. Il fera les campagnes successives durant la guerre de Sept Ans, avant de suivre son père auprès de Choiseul, pour seconder les réformes entreprises par le ministre. En 1769, il fait campagne en Corse, contre Paoli. Après quoi, il est encore sollicité au ministère, durant le ministère du comte de Saint-Germain. En 1772, à 29 ans, il devient fameux pour la publication d’un maître ouvrage de la pensée militaire, son Essai général de tactique17 ; quelques mois plus tard, on donne au théâtre, en présence du roi et de la reine Le connétable de Bourbon dont on dit à l’époque que « c’est Corneille, Racine et Voltaire fondus et perfectionnés »18. En somme, lorsque Ségur estime une réforme de l’armée indispensable, le comte de Guibert s’estime l’homme de la situation : « je lui offris de venir à son secours par un plan général »19.

9La démission de Ségur ne remet pas en cause le plan de Guibert : sur sa proposition, un Conseil de la Guerre est institué pour appuyer le secrétaire d’État de la Guerre dans la grande œuvre réformatrice qui l’attend. Comme l’exprime Guibert, ce Conseil de la Guerre aurait en charge de « créer un bon plan, faire de bons règlements, en assurer l’exécution, mettre de la suite dans les projets, apporter de l’économie dans les dépenses et introduire de l’ordre dans la comptabilité »20.

10Les réformes militaires menées par le Conseil de la guerre sous l’impulsion de Gui- bert ont été très étudiées21. Dans le contexte de la pré-révolution, elles ont pour elles une particularité non négligeable : elles seraient, de toutes les réformes de cette période « les seules où l’État et ses ministres parviennent à peu près à leurs fins »22. Ainsi, elles infirmeraient la tendance générale de la pré-révolution.

11Au contraire, il nous semble qu’elles en révèlent les contradictions, car la réforme plonge l’ensemble de l’armée dans un « malaise profond », comme le remarquait déjà Egret23, dont la portée est immense pour la suite des événements. Cette dernière remarque démontre justement l’ambiguïté de l’étude de cette période qui semble imposer, contre la démarche historienne, une lecture a posteriori des événements. Car, la réforme militaire a beau avoir été très avancée, elle est un véritable échec en considérant sa réception dans l’opinion et l’exaspération suscitée chez les militaires à la veille de la réunion des États généraux. Cet échec se rapporte au fond comme à la forme.

12L’étude qui suit entend déborder la perspective proposée par J. Egret en son temps à propos de la réforme militaire. La perspective qui avait été la sienne soulignait la cohé- rence des vues de Loménie de Brienne, les préoccupations financières du principal ministre entrant en adéquation avec les propositions du comte de Guibert. Il nous semble qu’elle ne rend pas compte du dessein de Guibert – ce que lui-même souligne – et qu’elle minimise la signification de la réforme dans le contexte de la pré-révolution, en ne rendant pas suffisamment compte de la réaction de l’opinion. Or, celle-ci attaque la réforme elle-même (I) comme la méthode (II), ce qui est remarquable dans le contexte réformateur du moment.

L’échec de la réforme de la constitution militaire

13La réforme porte sur la constitution militaire du royaume, expression dont tout le monde use couramment sans pour autant la définir (§ 1). Elle doit permettre des économies substantielles, ce qu’en espère Loménie de Brienne, tout en la rationalisant, ce que projette Guibert (§ 2).

§ 1. – La constitution militaire, une notion aux contours débattus

14La notion de constitution militaire du royaume est utilisée constamment, mais sa définition est malaisée. Dès 1760, un ouvrage anonyme, intitulé Nouvelles constitutions militaires…, distingue deux éléments qui composent la « science militaire » : « la première renferme tout ce qui a rapport à la constitution militaire ; la deuxième comprend l’art de la guerre ». La constitution militaire est alors définie comme comprenant « tout ce qui peut contribuer à mettre la portion ou le corps des citoyens, qui sont destinés à la défense et à la sûreté d’un État, dans le plus grand degré de perfection possible »24. Ces questions très diverses doivent s’articuler les unes aux autres, en fonction de la constitution de l’État, avec une rigueur et une harmonie indispensables. C’est précisément cette harmonie qui devient l’objet des réflexions des militaires, qui manifeste une réflexion sur le droit politique propre aux militaires : « Constitution militaire n’est autre chose que la composition, l’ordre et les règles établis pour une certaine portion des sujets d’un État réduits en corps pour protéger et défendre les autres parties du même État »25. À l’instar d’une montre – métaphore constante26 –, l’armée est mobile et dynamique, voilà pourquoi « un seul ressort doit en faire mouvoir tout et les parties, dont les proportions, les dimensions et les liaisons doivent être parfaites, sans quoi la montre va mal »27.

15Or, à l’évidence, la constitution militaire de la monarchie française ne répond pas à de telles exigences, et la défaite de la guerre de Sept Ans le démontra par le passé. Vingt-cinq ans plus tard, la constitution militaire de la France est toujours aussi défectueuse.

16Pour sa part, Guibert cherche les principes d’une bonne constitution militaire tant dans le précédent romain que dans le modèle prussien de Frédéric II. L’un et l’autre se distinguent par leurs succès, qu’il faut rechercher prioritairement dans l’adéquation entre constitution militaire et constitution politique. Or, tel n’est pas le cas en France, où la faveur, les injustices, les vices, la perversion morale, ont fait sombrer l’armée. Ce constat est largement partagé, et décrit de façon imagée par l’un de ses contemporains les plus écoutés, le baron de Wimpfen : « si un Iroquois arrivait à Paris, & qu’on lui mit sous les yeux le tableau vrai & détaillé de l’état actuel de notre militaire, il dirait que nous sommes mille fois plus Iroquois que lui »28.

17Pour y remédier, le travail est immense. Selon Guibert, « la refonte générale d’une constitution militaire […] est le plus grand et le plus difficile ouvrage qu’on puisse entreprendre dans un État »29. Les caractères de ce dernier conditionnent sa constitution militaire, comme le démontrait le chevalier de Scallier, l’un des auteurs qui définissent le mieux la constitution militaire. Dès 1777, au moment où Saint-Germain subit les attaques des officiers qui sont hostiles à ses réformes, il écrit : « ce qu’il faut entendre par le terme générique de constitution militaire, c’est l’ensemble des lois, des édits, des ordonnances, des règlements qui statuent, ordonnent, règlent et gouvernent le corps militaire d’un État et tout ce qui en dépend »30. Pour caractériser la constitution militaire propre d’un État, Scallier ne se contente pas du relativisme politique en vogue à l’époque : si la constitution militaire est propre à chaque pays, c’est que « tout ce qui concerne l’ordre, la discipline, la subordination, la tenue, les peines, les récompenses, l’administration des finances, la conduite des affaires, etc. sont des objets mixtes qui doivent être réglés par les lois de la constitution militaire »31. Or, ces lois doivent être conformes au genre de chaque gouvernement, à l’esprit des lois fondamentales, les usages et les préjugés de la nation. Lecteur de Montesquieu, Scallier décline l’esprit de la constitution militaire selon qu’elle se rapporte à un despote, servi par intérêt, un monarque servi par honneur, ou une république, guidée par l’amour de la liberté et de la patrie.

18Il faut donc avoir une interprétation lucide de la constitution politique pour réformer la constitution militaire. Ce n’est pas le moindre des mérites de Guibert qui livrait dès 1772, dans son Essai général de tactique. De fait, comme le rappelle Brissot, annotant l’Essai général de tactique, Guibert considère que sa réflexion militaire doit embrasser « tout ce qui prépare le bonheur et la puissance d’une société est de son ressort, lois, mœurs, coutumes, préjugés, esprit national, justice, police, population, agriculture, commerce, revenus de la Nation »32, car tout cela forme un système général. L’avocat y découvre donc « un tableau de politique très essentiel »33. Guibert serait donc le mieux à même de parvenir à réformer cette constitution militaire.

19Reste que l’armée est un pilier qui suscite les passions.

20En France, la monarchie a un rapport particulier à son armée : la profession des armes est un état et non un métier. C’est pourquoi « la partie de la nation née pour l’embrasser sert par devoir et par honneur »34. Cette conviction est largement parta- gée ; elle suppose des valeurs morales qui doivent être encouragées, considérant que les ordonnances ne pourront jamais prévenir des « circonstances qui varient à l’infini »35. Dans cette perspective, les convictions véhiculées au siècle précédent demeurent. Ainsi, les qualités morales du chef de guerre doivent être encouragées ; elles font de ces chefs « des lois vivantes à la tête des troupes », pour le plus grand profit du Prince pour qui « il est bien plus facile […] de faire d’excellents capitaines qu’une ordonnance sans défaut »36.

21Une fois les bases du système général posées, l’état de la monarchie doit être diagnostiqué. Or, unanimement, on dénonce la « décadence de l’esprit militaire en France »37. Voilà pourquoi le législateur militaire est en même temps un homme d’État, conclut Scallier, car il doit non seulement déterminer l’ampleur des réformes, mais aussi les moyens de faire accepter ses réformes. La pertinence de cette réflexion est doublement remarquable : dans le contexte de la pré-révolution qui s’annonce comme élément explicatif de l’échec de Guibert.

22L’homme d’État doit-il réformer en suivant un plan rationnel ? Pour Guibert, nourri des idées du temps, la réponse est évidente : il faut suivre un enchaînement de principes avec méthode, en changeant tout à fait de constitution militaire. Il se fait l’écho de certains de ses prédécesseurs convaincus que « jamais les bons & les mauvais principes mêlés ensemble ne produisent de bons effets »38.

23Ces considérations préalables expliquent que se glisse une ambiguïté originelle entre les propositions de Guibert, les aspirations des différents ministres, et les miliaires.

§ 2. – Une réforme incomprise

24Guibert n’est pas le premier à appeler une réforme d’ampleur. Depuis la guerre de Sept Ans, les réformes se multiplient et suscitent une hostilité croissante. En 1777, celles de Saint-Germain, qui marquent les débuts du règne de Louis XVI en la matière, suscitent de vives critiques. Toulongeon, notamment, les condamne, car, selon lui, avec elles, le militaire est « ébranlé jusque dans ses fondements », avant de continuer sa critique en filant la métaphore : « on l’a traité comme un vieux monument qui croule de toutes parts »39. Or, conclut-il, « l’esprit de changement est pernicieux pour le militaire »40. Deux logiques s’affrontent donc parmi les officiers qui ont déjà l’expérience des vagues réformatrices précédentes.

25Le plan de Guibert se distingue par les ambitions de son auteur. Il faut un « plan général »41. De l’aveu même de Guibert, le mot aurait effrayé Ségur, qui croyait « qu’il s’agissait rien moins que de tout refondre et de tout bouleverser »42. Guibert se veut rassurant : « quoique sans doute pour parvenir à un bien complet, à d’immenses économies, et à la régénération d’une constitution militaire pleine d’abus […] le mieux serait de faire table rase, cependant, il est possible de tirer parti de ce qui existe »43. Cette réaction l’invite à modérer son exposé lorsque, quelque temps plus tard, il s’adresse à l’archevêque de Toulouse : pas de table rase, assure-t-il, « il y a des gouvernements et des temps qui ne permettent pas le mieux désirable […] qui est presque toujours chimérique »44, alors que, « sagement », il faut savoir se contenter « du mieux possible », qui suppose de prendre en compte les facteurs conjoncturels. Au passage, d’ailleurs Guibert, ne peut s’empêcher de donner un conseil au principal ministre pour réformer le royaume : « ce n’est qu’en tenant cette marche que M. L’archevêque peut se faire sur chaque département un plan particulier qu’il liera et qu’il amalgamera avec son plan général »45.

26Pour sa part, Guibert est convaincu d’avoir trouvé l’équilibre adéquat : « j’ai proportionné mes vues et mes idées au pays et au moment. Je n’ai point touché à la constitution de l’armée, parce qu’on […] peut en tirer, soit à la paix, soit à la guerre un parti suffisamment bon »46. Tout en s’assurant de l’indispensable cohésion de toutes les parties de la chose militaire : « cet ensemble est une chaîne dont on ne peut affaiblir ou supprimer quelques anneaux sans que sa force et sa solidité s’évanouissent »47. Guibert entend ainsi en rabattre sur le plan de réforme qui avait effrayé Ségur : il veut emporter la conviction de Loménie de Brienne, sans voir que ce dernier est prioritairement intéressé par la promesse d’économies substantielles, comme l’a souligné l’un des critiques de Guibert : « l’archevêque était séduit par les millions d’épargnes qu’ils offraient… »48. Il est certain que le Mémoire sur le conseil de guerre permanent avait de quoi satisfaire de telles attentes, encouragées par les premières notes transmises par Ségur à Loménie de Brienne. Le procédé suscite l’ire de Guibert : le maréchal a donné « une note informe et vague de 13 millions 600 mille livres de prétendues réformes ou économies »… Or, « cette note n’a aucun rapport avec mon plan » affirme l’ombrageux réformateur49. Point d’économie sans régénération. Voilà, en substance, la logique suivie par Guibert, qui utilise le terme devenu à la mode50. Pour lui, cette régénération est indispensable, car l’armée française n’est pas en mesure de mener une guerre, tous les avis convergent pour le reconnaître. La justification est avant tout stratégique. Or, il se trouve que son administration actuelle coûte « presque aussi cher que les armées prussiennes et autrichiennes réunies », et que sa régénération réduirait ces abus, mais ce n’est là qu’une conséquence.

27L’incompréhension est plus grande encore parmi les officiers qui, eux, rejettent sa portée organique. L’armée doit être telle une pyramide – métaphore volontiers employée –, dont « la tête est fort pointue et la base ou le pied fort large »51. Il y a trop de gradés. Voilà « La partie la plus instante à mettre sous les yeux du conseil de la guerre […] [À savoir] une bonne hiérarchie des grades et un système de promotion satisfaisant »52.

28Selon une opinion communément partagée, le Conseil attribuait le déclin moral des officiers à la présence d’un certain nombre de membres de la noblesse de Cour pervertissant la vertu morale du soldat, qui embrassaient la carrière en intégrant les corps de la Maison du Roi, avant de briguer un brevet de colonel dans les régiments de ligne. Guibert résume la situation en dénonçant « l’engorgement qui en résulte »53. Voilà l’armée gangrénée, et la tradition militaire vertueuse de la noblesse de province menacée.

29Pour y répondre, le Conseil de la Guerre entreprit à la fois une réforme des grades, une réforme des avancements et une réforme des corps de la Maison du Roi, et cela dans un souci vertueux évident. La régénération de cet élément moral est soulignée dès le préambule de l’ordonnance du 17 mars 1788 relatif à l’avancement. Ses dispositions doivent « animer l’émulation par la vue de l’ordre et par l’espérance de la justice, et calmer la fermentation universelle de prétentions par le défaut de règles ».

30Cela devait passer, par la rationalisation des grades, et par la promotion de la noblesse de province aux postes d’officiers à responsabilité. L’initiative était louable, mais la mise en œuvre si complexe et subtile dans ses modalités que les intéressés la fustigèrent. On préservait la promotion de la noblesse de Cour, en la privant, dans les faits, de responsabilités effectives. C’était, selon le mot de Guibert lui-même, « la part faite aux convenances »54. On privilégiait la noblesse d’épée en lui réservant tous les postes de commandement effectif, et essentiel, et en imposant le principe de l’ancienneté. Le Conseil de la Guerre devait ensuite opérer les choix relatifs aux colonels et aux généraux supérieurs, dont le nombre, au passage, était sensiblement réduit.

31L’opinion, parmi les militaires, se déchaîne à la suite de la promulgation des ordonnances : on défend cette vieille noblesse en avançant ses qualités morales : « douée de sensibilité et d’énergie », elle est capable « de choses plus qu’humaines »55, « sans fortune, sans crédit […] elle est la partie la plus saine et la plus nerveuse de la Nation »56. Or, le système adopté par le Conseil de la Guerre méconnaît cette valeur, bien plus, il sacrifie la noblesse de province, estime-t-on, pour préserver la noblesse de Cour. Voilà un calcul irrecevable, à l’évidence.

32À la veille de la réunion des États généraux, les mémoires envoyés au ministère appellent à la suppression de ces réformes injurieuses ; bientôt, on réclame des mesures réactionnaires, et un retour à la patrimonialité des régiments pour les colonels, aux antipodes de la professionnalisation et de l’étatisation de l’armée dessinée depuis Belle-Isle et Choiseul57.

33L’hostilité s’est installée qui est entretenue par l’introduction de la discipline prussienne (qui suppose le maintien des coups de plat de sabre) et l’uniformité des manœuvres. Dans l’opinion, on ne voit dans ces réformes que « l’établissement d’un nouveau système établissant dans les corps le despotisme et la dureté des chefs »58.

34Dans son Rapport du 5 décembre 1788, Guibert souligne le travail considérable entrepris, pour mettre en perspective ce qui reste à faire. Ce rapport est donc un jalon essentiel, un an après son institution. Pour Guibert, « la masse de la constitution de l’armée est à peu près faite »59. Hors du conseil, l’exaspération est immense, et la méthode réformatrice n’est pas le moindre de ses moteurs. Au siècle suivant, elle est encore manifeste, puisque l’on considère que le Conseil de la Guerre fut « plus occupé de signaler les abus qu’habile à y remédier »60, rejetant ainsi la méthode réformatrice employée.

L’échec de la méthode réformatrice

35Le Conseil de la Guerre est la cheville ouvrière de la réforme militaire projetée par Guibert. Pour les contemporains, cette institution perpétue la tentation du gouvernement par conseil61. Cependant, les idées de Guibert s’articulent-elles de façon si évidente avec cette tradition ? Pour répondre, il faut aborder la répartition des com- pétences, et les méthodes de travail du Conseil de la Guerre, qui, là encore, suscite la critique. L’échec du Conseil de la Guerre se perçoit à un triple niveau : d’une part, la répartition perfectible des compétences entre le secrétaire d’État de la Guerre et le Conseil (§ 1), d’autre part, les méthodes de travail adoptées par le Conseil de la Guerre en son sein (§ 2), enfin, la procédure employée pour réformer (§ 3).

§ 1. – Le rejet de l’institution du Conseil de la guerre

36L’institution d’un Conseil de la Guerre n’est pas nouvelle en soi. En son temps, Saint-Germain avait projeté un Conseil de la Guerre, mais il n’eut pas le loisir de le mettre en œuvre, étant remercié avant. Guibert s’en fait à son tour le vibrant avocat, lui qui avait, très jeune, secondé le ministre. Par ailleurs, Guibert n’est pas le seul à appeler un tel conseil de ses vœux : d’autres officiers font parvenir aux bureaux de la guerre des mémoires dans lesquels ils offrent leurs vues sur les réformes indispensables et esquissent un organe assez proche. La pertinence de ces projets est très variable, on s’en doute. Dix ans après la disgrâce du comte de Saint-Germain, certains saluent son œuvre, lui qui découvrit les moyens de rendre à l’armée son énergie, et se fit l’adroit collaborateur de Turgot, qui, en ce qui le concerne, connaissait les vrais principes de l’administration.

37Le principe admis ne règle pas la détermination des modalités de répartitions des compétences entre le ministre et le Conseil de la Guerre. Cette question déchaîne les passions : la composition comme les compétences ne sont pas aisément déterminables. Guibert lui-même évolue sur ce point. Initialement, il suggère qu’il soit composé de cinq officiers supérieurs, dont l’un présiderait sans voix prépondérante, et serait l’intermédiaire entre le Conseil et le Roi, un financier, et un homme de loi. Tous auraient voix délibérante pour adopter les projets de règlements soumis à l’adoption du roi. Chacun des cinq officiers serait secondé par un officier supérieur ; les deux autres membres du Conseil ayant à leur côté un chef de bureau62. Finalement, le Conseil de la Guerre est composé de quatre lieutenants-généraux (Gribeauval, Puységur, Guynes, Jaucourt), quatre maréchaux de camp (Fourcroy, Esterhazy, Lambert, Autichamp), et un officier supérieur rapporteur (Guibert). Pas un seul maréchal de France n’est nommé dans le Conseil, alors que les mémoires proposant spontanément des réformes militaires évoquent ces mêmes maréchaux, au sommet de la pyramide militaire, comme des lé- gislateurs naturels de la constitution militaire63. Le Conseil de la Guerre est encore fragilisé par le refus de sa nomination par l’un des hommes les plus reconnus du moment, Rochambeau.

38La répartition des compétences adoptée à l’automne 1787 n’est pas moins discutée. Guibert, en se fondant les écrits du comte de Saint-Germain, dessine une première répartition des compétences au sein du département de la Guerre, et en défend le principe auprès de Ségur puis de Brienne (le même mémoire étant envoyé simultanément à l’un puis à l’autre) : « M. le comte de Saint-Germain a bien démontré qu’un tribunal permanent était plus nécessaire […] et qu’il n’y avait que lui seul qui peut avoir assez de poids, de consistance et de solidité pour conserver les formes et maintenir les règles une fois établies »64. Par la suite, de très nombreux officiers – anonymes ou non – se rangent à l’opinion émise par Saint-Germain. Ainsi le Conseil serait « le gardien des lois promulguées et veillerait à leur exécution ; il s’opposerait aux caprices, aux innovations des ministres »65.

39Une telle séparation des pouvoirs est surprenante dans « l’esprit des institutions » de la monarchie66. Pourtant, le préambule du règlement du 9 octobre 1787 en reprend les termes : « l’administration du département de la guerre sera […] à l’avenir partagée entre le secrétaire d’État de la guerre et le Conseil de la Guerre, de manière que le premier reste chargé de toute la partie active et exécutive de l’administration, et que le Conseil le soit de toute la partie législative et consultative ». Dans cette période pré- révolutionnaire, le choix des mots est essentiel : on hésite encore dans leur emploi ; ils n’ont pas la précision que leur conféreront les débats ultérieurs. Surtout, il s’agit là d’une réforme administrative. Néanmoins, chacun avance un agencement institutionnel qui trahit l’intérêt partagé dans l’opinion publique pour le droit politique. Ainsi, le principe selon lequel « c’est à ceux qui sont chargés de la législation d’examiner les moyens et de les mettre en exécution pour le bien et rétablissement de l’état militaire et pour l’honneur de l’humanité »67 est acquis. Ce n’est qu’à l’épreuve des faits que la défiance à l’égard d’un tel système se manifeste, dans une certaine cacophonie. La multiplication des réformes révélerait les dysfonctionnements, et la mauvaise répartition des compétences puisque « le ministre de la Guerre est celui qui peut régir sa partie avec le plus entier despotisme »68. Plus tard, Audouin sera l’un des critiques les plus virulents, cette fois contre le principe du Conseil lui-même : « ce n’est pas contre les membres du Conseil de la Guerre, institué en 1788, que je porte une accusation ; c’est contre l’institution elle-même […] je soutiens qu’il est impossible d’administrer en conversation »69.

40Pour se justifier, Guibert se retranche derrière l’instruction qui a « servi de base aux opérations »70. Cette instruction détaille les vues du roi, non plus sur la composition et les compétences du Conseil, mais sur « la marche qu’il doit tenir », bref, les méthodes de travail. Cette question est essentielle, car elle participe de cette mutation en marche du travail des institutions de l’État.

§ 2. – Le rejet des méthodes de travail du Conseil de la Guerre

41Guibert insiste dès la première séance du Conseil de la Guerre, le 28 octobre 1787, sur l’importance primordiale de « la méthode et de la forme qu’il désirerait adopter pour mettre plus de facilité et de promptitude dans les examens, ou les discussions du Conseil », sur « les méthodes habituelles » que devra observer le Conseil de la Guerre71.

42Guibert, en sa qualité de rapporteur, tient une place centrale. Il est véritablement « l’âme » du Conseil72, puisque c’est à lui que le travail préparatoire incombe. En quoi consiste ce travail préparatoire ? Il lui revient de faire une exposition claire de la question traitée ; d’indiquer les vues du roi sur la question ; de résumer les opinions établies sur le sujet en se fondant sur les précédents, les mémoires reçus, les expériences étrangères ; d’appuyer les dispositions à débattre sur des preuves et des calculs. L’objet de ce travail n’est pas de calquer des solutions préalablement mises en place, mais de rationaliser le travail du Conseil. En effet, il s’agit d’ « épuiser d’autant une partie des objections, resserrer les limites de la discussion, la ramener toujours à ses vues, et par là, abréger et assurer tout à la fois la marche du Conseil »73. Le Conseil n’est pas enfermé par ces matériaux, son rapporteur ne ferait qu’orienter la discussion en écartant telle solution ou approfondissant telle autre. Dans un second temps, la mise en forme du projet de règlement est également confiée au rapporteur. Il rédige le projet avant sa présentation pour approbation, car « c’est abréger le travail que de leur donner d’avance la forme réglementaire »74. Si un doute subsiste, les dispositions sont rédigées sous forme de propositions soumises au Conseil intime de la Guerre, en présence du roi, puis, si nécessaire, rédigées sous forme réglementaire après délibération.

43Le travail du rapporteur est d’ordre technique. Il ne doit pas empiéter sur celui, essentiel, de l’assemblée délibérante que constitue le Conseil de la Guerre. L’opinion, parmi les militaires, semble s’être progressivement renversée, c’est du moins un sentiment qui surgit à la lecture des multiples mémoires depuis que l’idée d’un Conseil de la Guerre se diffuse. Pourquoi un Conseil de la Guerre ? Pour Kéralio, l’établissement d’un tel conseil est une nécessité évidente : il existe des conseils dans d’autres pays d’Europe (Autriche, Prusse, Espagne), il y en eut durant la Régence. En somme, la monarchie française, pour être moderne, doit se tourner vers le gouvernement par conseil : ce « tribunal serait le gardien des lois promulguées et veillerait à leur exécution ; il s’opposerait aux caprices, aux innovations des ministres ; il oserait montrer la vérité au roi »75. Pour d’autres, un tel Conseil est indispensable pour lutter contre le despotisme d’un ministre à l’humeur fluctuante : « on nage dans l’incertitude »76, selon l’expression de l’un d’eux. Un Conseil de la Guerre permettrait, au contraire, la stabilité et la modération, gages d’une bonne administration, corollaire d’une bonne constitution politique. Composé des « hommes les plus graves et les plus expérimentés »77, dont la décision serait mûrie : « tout ce qui a été décidé et arrêté par une société d’hommes tranquillise la multitude, lui donne une forme de lois, plus imposante qu’une ordonnance »78. À ses côtés, le ministre serait l’intermédiaire entre le Conseil et le roi, et tout serait ainsi éclairé et justifié. Dix-huit mois plus tard, on n’a pas de mots assez durs pour critiquer le Conseil de la Guerre, et la répartition des compétences, mal comprise, suscite les critiques les plus vives.

44Étonnamment, personne ne souligne que les choses évoluent, au cours des mois. Pourtant, le 8 décembre 1788 – un peu plus d’un an après l’institution du Conseil de la Guerre – se tient une séance essentielle : succédant à Brienne, le comte de Puységur préside désormais le Conseil, en qualité de secrétaire d’État de la Guerre. On réforme certaines dispositions du règlement intérieur. Selon Audouin, Puységur se serait trouvé « enchaîné par ses anciens collaborateurs […] qui ne voyaient en lui que leur chargé d’exécution »79. Or, c’est le contraire qui s’observe : outre le respect dû à Puységur, ce dernier entend se prémunir contre de telles menaces, et réforma le règlement intérieur du Conseil de la Guerre, afin de conférer à sa présidence une effectivité indiscutable.

45Pour ce faire, Puységur rédige une note relative au Conseil de la Guerre, motivée, « par le vice constitutionnel »80 de sa composition, et « l’inconvénient » qui en résulte, qui s’est notamment propagé dans l’opinion. Selon lui, le conseil est déséquilibré : le secrétaire d’État et le rapporteur ont trop de poids, car, avec les voix des deux membres des armes savantes (artillerie et génie), la majorité est assurée en pratique. Puységur sollicite le remplacement de ces deux officiers par des officiers généraux de l’armée. Cette note est le prélude à une modification plus ambitieuse du travail du Conseil de la Guerre.

46Par ailleurs, Puységur impose une plus franche activité : désormais, aucun objet ne pourra être rapporté au Conseil, ni aucune décision sollicitée sans en informer le président par un rapport. Enfin, avant chaque séance, le président travaille avec le rappor- teur pour convenir de l’ordre du jour. Signe de la volonté de Puységur de maîtriser les séances : « le président en aura [ordre du jour] d’après laquelle il ordonnera le rapport de toutes les questions dans l’ordre où elles auront été inscrites, et le rapporteur en fera successivement le rapport… »81. Un an d’activité a permis de mesurer l’importance du règlement intérieur du Conseil de la Guerre.

47La semaine suivante, le 13 décembre 1788, Guibert livre un état du travail du Conseil de la Guerre et le programme pour les mois suivants. C’est l’occasion d’étendre l’activité des directoires qui secondent le travail du Conseil de la Guerre depuis le printemps. L’accélération et la qualité du travail du Conseil l’avaient justifié lors d’une séance tenue le 4 mai 1788. Ces directoires sont placés sous la responsabilité des dif- férents membres du Conseil, qui auront à cœur de réussir et « se sentiront en quelque sorte personnellement responsables »82. Comme l’énonce Guibert, l’institution des di- rectoires se justifie par la préparation du code général – tout se tient donc à la manière d’un système. Ainsi, pour faire les corrections des ordonnances provisoires « avec succès », selon Guibert, « il ne faut pas entreprendre cette révision dans le Conseil […] [mais, pour] une révision aussi minutieuse, et dont les détails appartiennent presque exclusivement aux gens qui en ont l’habitude et le talent […] elle sera bien mieux faite par un comité particulier présidé par un membre du Conseil de chaque arme et composé de plusieurs officiers supérieurs et quartiers-maîtres »83.

48Une fois encore, la critique s’empare de cette innovation en la disqualifiant sous les sarcasmes : « on conçoit qu’un Conseil s’occupant de tout ce qui avait été fait, de tout ce que l’on faisait, de tout ce que dans l’avenir on pourrait faire, devait être accablé, aussi le Conseil de la Guerre ne pouvant suffire appela au secours, et ce grand conseil produisit très subitement de petits conseils auxquels on répartit les détails »84. À l’évidence, si le fond des réformes n’est pas compris, l’institution et ses méthodes de travail ne le sont guère plus.

49Quelques semaines plus tard, la réunion des États généraux influe indirectement sur l’organisation du Conseil de la Guerre, ce qui montre l’étroite articulation entre le temps de la pré-révolution et celui de l’élection des députés des États généraux qui suit leur convocation. Sur ce point, la succession des étapes voulue par J. Egret paraît alors excessivement artificielle.

50Les nuages s’accumulent au-dessus de la tête de Guibert, qui va bientôt faire les frais de la grogne des mécontents85. Mi-mars 1789, Guibert échoue dans des condi- tions humiliantes à se faire désigner par la noblesse du bailliage du Berry. On a souligné que l’attaque avait visé davantage le rapporteur du Conseil de la Guerre, et à travers lui, l’institution elle-même86. Il tente de se justifier, maladroitement, en faisant publier un discours dans lequel il attaque la monarchie sur ses bases87. La réponse du roi ne se fait pas attendre. Le 3 mai 1789 : « le roi, ayant décidé la suppression de la place de rapporteur au Conseil de la Guerre, et approuvé qu’à l’avenir les officiers généraux président les directoires rapporteraient au Conseil les travaux particuliers de chaque directoire, il devient nécessaire d’établir un rédacteur du Conseil qui sera chargé de rédiger les délibérations du Conseil, les projets d’ordonnances et règlements, et de faire tenir en ordre tous les papiers relatifs au Conseil »88. Mathieu Dumas est nommé à sa place ; il n’est que secrétaire. À la veille de la réunion des États généraux, l’institution est déconsidérée.

§ 3. – Le rejet de la procédure réformatrice

51La procédure mise en œuvre par le Conseil de la Guerre doit tout particulièrement retenir l’attention, car elle révèle les mutations en marche dans cette période de pré-révolution. L’engouement réformateur est général, et déborde les frontières. L’échec d’un certain nombre d’entre elles, en France, contraint à repenser la manière de réformer. Guibert laisse en la matière une œuvre originale, très peu comprise par ses contemporains.

52Comment changer la constitution militaire du royaume ? Faut-il tout changer ? On a vu les hésitations et les flous entretenus par Guibert lui-même. Une fois à la manœuvre, il doit entreprendre ces réformes, sans offrir d’explication suffisante sur la méthode adoptée, ce qui a fortement contribué à son échec. L’opinion ne tarde pas à dénoncer l’instabilité générée par le travail de Guibert.

53Dans le Rapport du 5 décembre 1788, décidément essentiel à la compréhension de l’œuvre réformatrice du Conseil de la Guerre, Guibert s’explique sur la méthode adoptée : « le Conseil a tenu et tient la seule marche par laquelle on puisse opérer une grande révolution, qui est celle d’avoir créé avec vitesse, pour produire un grand ensemble, et de revoir ensuite avec lenteur pour profiter de toutes les lumières de la réflexion et de toutes les observations de l’expérience »89.

54Plus tard, en 1789, Guibert tente une fois encore de se justifier : « il fallait réunir tout ce qui avait une connexion et un enchaînement nécessaire », avant de recourir à la métaphore architecturale « ne faut-il pas, pour construire un édifice, jeter à la fois les fondations de toutes les parties qui se tiennent, et en mener de front les travaux ? »90.

55Rares sont les contemporains sensibles à cet aspect. Madame de Staël, proche de Guibert, condamne l’hostilité grandissante. En creux, elle souligne la médiocrité de ces attaques, qui portent non seulement sur le fond des réformes – dénonçant les mécontents qui « s’irritèrent contre des ordonnances auxquelles on n’avait jamais pensé »91 –, mais aussi sur le Conseil de la Guerre, ces mêmes mécontents « confondant les opérations d’un ministère despotique avec celles d’un Conseil de la Guerre qui agissait dans le même temps »92.

56L’attaque à l’égard des méthodes du Conseil de la Guerre allait être d’une très grande violence. Ses membres y gagneraient le surnom de « faiseurs », selon une expression rapportée par plusieurs sources concordantes93. Plusieurs points peuvent illustrer les critiques : le travail préparatoire au sein du Conseil, le rythme des réformes, et surtout, le caractère provisoire de certaines ordonnances.

57Le travail préparatoire du Conseil de la Guerre est une première cible. Le Conseil est accusé de ne présenter qu’un « amalgame de choses incohérentes qui avaient existé dans d’autres temps […] pour avoir l’apparence de faire quelque chose »94. Les « faiseurs » sont accusés de rechercher dans l’histoire et à l’étranger ce qui se pratiquait, et ce faisant, « ils oubliaient que la différence des temps et des lieux rend les meilleures choses inapplicables »95. Or, le travail du Conseil de la Guerre démontre la distance critique à l’égard de ces précédents. Par exemple, la suppression des emplois en second est projetée par certains mémoires qui s’appuient sur les exemples des armées étrangères, mais, de l’avis de Guibert, « ce n’est certainement pas sur ce point-là qu’il faut s’assimiler à elles [car] il est impossible […] par plusieurs raisons tirées de la constitution, des mœurs, et des préjugés du pays »96.

58Le rythme des réformes est un objet plus encore critiqué. L’instruction du Roi pour le Conseil de la Guerre recommandait aux membres du Conseil de travailler aux réformes avec célérité, en évitant une perte de temps « en discussions inutiles, en hypothèses spéculatives, ou en propositions étrangères ou contraires aux vues de S.M. »97.

59Le caractère provisoire des réformes est une troisième cible, d’autant plus visible qu’elle encourage les officiers à ne pas appliquer des dispositions qu’ils savent temporaires, encourageant l’indiscipline dans les rangs, synonyme de désagrégation de l’outil militaire.

60Ce caractère provisoire est voulu par Guibert qui, dans un mémoire antérieur à la création du Conseil de la Guerre, soulignait la nécessité d’ « éprouver » les réformes avant de les rendre définitives, car « combien de détails échappent dans un ensemble aussi grand ! combien de choses calculées en projet manquent à l’exécution ! […] mais l’homme de génie […] sait que la vérité naît du choc des opinions, et surtout des fautes, il sait lorsqu’il doit revenir sur ses pas […] quand elle est contrariée par l’expérience »98.

61La réforme suit ces préceptes. Ainsi, les ordonnances sont publiées dès le mois de mars 1788 à un rythme très soutenu : deux le 2 mars ; vingt autres le 17 mars (essentiellement sur la composition des troupes de l’armée royale), puis encore le 20 mai suivant, concernant les manœuvres. Parmi ces ordonnances et instructions, un certain nombre sont explicitement provisoires (ainsi l’Instruction provisoire sur l’exercice et les manœuvres de l’infanterie). Ce caractère provisoire suppose de les expérimenter sur le terrain. Les observations recueillies devraient permettre de les améliorer avant de les intégrer dans le code général. En somme, l’adoption définitive des dispositions suivrait. Ce caractère provisoire choque les esprits. On condamne une instabilité assumée qui prend la suite d’une instabilité de fait, les réformes militaires se succédant les unes aux autres depuis la guerre de Sept Ans. Les auteurs de mémoires appellent de leurs vœux la stabilité, tant il est vrai que, « pour qu’une constitution militaire soit bonne, il faut qu’elle soit invariable »99, ce que le maréchal de Saxe enseignait déjà un demi-siècle plus tôt.

62Guibert répond que « c’est l’épreuve des lois mises à exécution, c’est la révision publique qui peuvent seules éclairer sur les inconvénients et sur leurs défauts ». Ce préalable serait suivi de la collation des observations de l’armée100, « avant que les lois ne reçussent la sanction définitive du roi »101. Et Guibert de demander : « quelle mesure semblait plus propre à se concilier les esprits, à mettre à profit toutes les lumières, et à élever un monument durable ? »102. N’est-ce pas une aspiration nouvelle, révélatrice de l’air du temps ? La force de l’opinion aurait dû porter la réforme ; elle l’emportera. Le 14 juillet 1789, le secrétaire d’État, le maréchal de Broglie, supprime le Conseil de la Guerre. Au terme du texte, le Conseil aurait « fini son travail »103. Ce n’est évidemment pas exact, ultime humiliation pour ses membres.

63La Réforme militaire entreprise à partir de la fin de l’été 1787 est révélatrice de différents caractères de cette période pré-révolutionnaire.

64En premier lieu, elle révèle la place acquise par l’opinion publique. À l’évidence, personne, parmi les contemporains, ne s’accorde sur ce qu’il faut penser du Conseil de la Guerre et de son rapporteur le comte de Guibert. Au fil des mois, les critiques se font plus violentes, l’incompréhension grandit, et le divorce dans l’opinion inéluctable. L’exaspération dans l’opinion est très générale, mais y a-t-il unanimité derrière ce sentiment ? Rien n’est moins sûr. Tout le monde a son idée sur la question militaire, comme on a de la valeur littéraire du Connétable de Bourbon, ou de la pertinence de la liberté du commerce des grains. Les archives de la Guerre sont pleines de ces mémoires envoyés par les officiers du royaume ayant leur avis sur les réformes à entreprendre, qui brillent par leurs contradictions, certains n’hésitant pas, par exemple, à réclamer la mesure la plus réactionnaire qui soit dans le militaire, « rendre les compagnies aux Capitaines en propriété »104.

65En second lieu, elle met au jour l’existence d’une réflexion approfondie sur ce que signifie réformer. Les artisans de la réforme militaire, Guibert en tête, envisagent de nouvelles méthodes et manifestent la volonté de penser autrement l’action administrative. Elle reçoit une réception critique qui n’illustre pas moins l’esprit du temps. En touchant le cœur de la monarchie – l’armée et la noblesse d’épée – elle dresse contre elle ceux qui se veulent ses gardiens les plus fervents. Vaublanc rapporte dans ses mé- moires cette réflexion prémonitoire : « voyez ces gentilshommes, tous pénétrés jusqu’à la moelle des os des lumières du siècle, tous décidés à périr pour le maintien de la monarchie de leurs pères, et qui demandent tout ce qu’il faut pour la renverser »105. Guibert est l’un des hommes pénétrés des lumières du siècle, tout en se voulant le restaurateur des prérogatives de l’antique noblesse d’épée. Il ne fut pas compris.

66En troisième lieu, elle souligne les difficultés de réformer l’armée malade d’un État dont la constitution politique est à l’agonie. Miot de Melito souligne ainsi que la réforme – louable dans l’absolu – intervenait à un moment où « le trône, autour duquel des ministres insensés amassaient tant de nuages, commençait à chanceler »106.

67En quatrième lieu, elle confère une première expérience politique. À cette date, elle place les militaires dans une situation très particulière, et trop sous-estimée. La crispation des militaires est sans exemple. Les députés issus de l’armée ont l’expérience des difficultés d’une réforme de grande ampleur. Élevés dans les idées des Lumières pour certains d’entre eux, tous sont éprouvés par les difficultés de leur mise en œuvre. Les voilà par conséquent forts d’une expérience politique originale que la plupart des députés dans l’assemblée n’ont pas. Pour eux, le temps de la Pré-révolution fut le temps de l’apprentissage politique. Or, les députés issus de l’armée forment le deuxième en- semble professionnel après les juristes.

68Les impasses de la pré-révolution rendent d’autant plus visibles les potentialités ouvertes par la révolution qui signifie l’alliance des réformateurs, devenus révolutionnaires, et de l’opinion pour faire table rase de l’ordre ancien. Cette alliance, Guibert l’évoque lorsqu’il tente, une dernière fois, de justifier a posteriori son action, dans l’indifférence générale. Les fondements de l’État ont changé, reconnaît-il. Désormais, il revient à l’Assemblée nationale de « tâcher de lier l’armée à la nation, et de faire en sorte que, citoyenne sans cesser d’être militaire, énergique sans être indisciplinée, elle suffise à la défense du royaume sans absorber des trésors, et sans pouvoir devenir dangereuse dans les mains du monarque ». Or, « ce n’est pas sur de telles bases que le Conseil de la Guerre a pu ni dû asseoir son plan ; et il serait injuste de lui faire un crime de cette différence »107 : le succès de l’une soulignerait les impasses de l’autre.

69Néanmoins, l’armée était lancée sur la voie de sa modernisation par Guibert et le Conseil de la Guerre : la nécessaire professionnalisation de ses cadres, l’indispensable rationalisation de ses structures. Avec la Révolution, elle cesserait « d’être la chose du Roi pour devenir le bien de la nation, la propriété de la France »108, ce que la pré-révolution ne pouvait opérer.

Notes

1 Jean Egret, La pré-révolution française. 1787-1788, Paris, PUF, 1962.

2 Ibid., p. 1.

3 Jean Egret cite le Manuel pratique pour l’étude de la Révolution française, de Pierre Caron, dans sa deuxième édition, datée de 1947. Notons que la première édition – datée de 1912 – ne comprend pas cette expression dans l’introduction de l’ouvrage.

4 Le terme de révolution lui-même n’est pas encore affermi dans son acception politique, voir Alain Rey, Révolution. Histoire d’un mot, Paris, Gallimard, 1988.

5 Jean-Clément Martin, Nouvelle histoire de la Révolution française, Paris, Perrin, 2012, p. 40.

6 Anthony Mergey, L’État des physiocrates : autorité et décentralisation, Aix-en-Provence, PUAM, 2010.

7 François Furet, La Révolution (1770-1814), Paris, Gallimard, coll. Quarto, (1988), 2007, p. 233.

8 Reinhart Koselleck, Le Règne de la critique, Paris, Éditions de Minuit, 1979.

9 Sur l’importance de l’épisode, se reporter à Michel Foucault, Surveiller et punir, Paris, Gallimard, coll. Tel (1975), 2014.

10 Edouard Tillet, « La polyphonie du discours parlementaire sur la fonction royale au temps de la réforme Maupeou (1771-1775) », dans Marie-Bernadette Bruguière (dir.), Prendre le pouvoir : force et légitimité, Études d’histoire du droit et des idées politiques, 2002, n° 6, pp. 169-198.

11 Le débat a rebondi avec la publication de la biographie de Louis XVI par Jean-Christian Petitfils (Paris, Perrin, 2005).

12 Jean-Clément Martin, Nouvelle histoire de la Révolution française, op. cit., p. 63.

13 Keith Baker, Au tribunal de l’opinion. Essais sur l’imaginaire politique au XVIIIe siècle, Paris, Payot, 1993.

14 Jean-Clément Martin, Nouvelle histoire de la Révolution française, op. cit., p. 64.

15 Rafe Blaufarb, « Le Conseil de la Guerre (1787-1789) : aspects sociaux de la réforme militaire après l’édit de Ségur », Revue d’histoire moderne et contemporaine, juillet-septembre 1996, n° 43-3, pp. 446-463 ; id., The French Army, 1750-1820 : Careers, Talent, Merit, Manchester University Press, 2002.

16 Jean-Pierre Charnay, « Guibert ou le stratège des Lumières », dans Jacques de Guibert, Stratégiques, Paris, L’Herne, coll. Classiques de la stratégie, 1977, p. 35.

17 Jacques de Guibert, Essai général de tactique, [1772], éd. Jean-Pierre Bois, Paris, Economica, (1772), 2004.

18 Cette formule est rapportée par Jean-François de La Harpe. Considérant qu’il s’agit d’un notoire adversaire de Guibert, elle est ironique. Jean-François La Harpe, correspondance littéraire, Paris, Migneret, 1804- 1807, t. 6, p. 6.

19 shat : 1 M 1790 : Jacques de Guibert, Note particulière pour M. l’archevêque de Toulouse, 1787.

20 Eod. loc.

21 On retiendra en particulier les apports de : Albert Latreille, L’Œuvre militaire de la Révolution [I]. L’ar- mée et la nation à la fin de l’Ancien Régime : les derniers ministres de la guerre de la monarchie, Paris, Imhaus & Chapelot, 1914 ; Matti Lauerma, Jacques-Antoine-Hippolyte de Guibert (1743-1790), Helsinki, Suomalainen Tiedeakatemia, 1989 ; Claudia Opitz-Belakhal, Militärreformen zwischen Bürokratisie- rung und Adelsreaktion : das französische Kriegsministerium und seine Reformen im Offizierskrop von 1760- 1790, Sigmaringen, Thorbecke, 1994, ch. VI, p. 203 s. ; Éthel Groffier, Le stratège des Lumières : le comte de Guibert (1743-1790), Paris, H. Champion, 2005, p. 317-330 ; Samuel Gibiat, v° de Loménie, comte de Brienne, dans Thierry Sarmant (dir.), Les ministres de la Guerre. 1570-1792. Histoire et dictionnaire bio- graphique, Paris, Belin, 2007, pp. 484-490.

22 Alain Becchia, Modernités de l’Ancien Régime (1750-1789), Rennes, PUR, 2012, p. 318.

23 Jean Egret, La pré-révolution, op. cit., p. 92.

24 shat : 1 M 1708 : Anonyme, Nouvelles constitutions militaires avec une tactique adaptée à leurs principes et démontrée en vingt planches gravées en taille douce divisées en deux parties, Francfort, chez Knoch, s.d. (1784 ?), p. 3.

25 shat : 1 M 1708 : Anonyme, Discours sur la composition militaire, s.d. (1784 ?), p. 7.

26 Arnaud Guinier, L’honneur du soldat, Ethique martiale et discipline guerrière dans la France des Lumières, Seyssel, Champ Vallon, 2014.

27 shat : 1 M 1708 : Anonyme, Discours sur la composition militaire, op. cit., p. 15.

28 Pierre-Christian de Wimpfen, Commentaires des mémoires du comte de Saint-Germain, Londres, 1780, p. 106.

29 shat : 1 M 1791, Jacques de Guibert, Mémoire sur la nouvelle constitution. Au duc de Choiseul, ministre de la guerre du 27 janvier 1761 au 6 janvier 1771, p. 1.

30 Jean-Baptiste Scallier, Mémoire sur la constitution militaire, s.l., 1777, p. 17.

31 Op. cit., p. 19.

32 Jean-Pierre Brissot de Warville, Les moyens d’adoucir la rigueur des lois pénales en France, sans nuire à la sûreté publique, ou Discours couronnés par l’Académie..., s.l. 1781, p. 10.

33 Ibid., p. 9.

34 Jean-Baptiste Scallier, Mémoire sur la constitution militaire, op. cit., p. 23.

35 Antoine de Ricouart de Hérouville De Claye, Traité des légions ou mémoires sur l’infanterie par M. le Maréchal de Saxe, 1753, La Haye / Paris, Jombert, 1777 (4e éd.), p. 55.

36 Ibid., p. 56.

37 Louis-Hector Chaudru de Raynal, Correspondance littéraire, Paris, Garnier, rééd., 1879, t. 10, p. 15.

38 La Noue du Vair, Nouvelles constitutions militaires avec une tactique adaptée à leurs principes et démon- trée en vingt planches gravées en taille douce divisées en deux parties, Francfort, chez Knoch, 1760, p. 3.

39 shat : 1 M 1714 : Hippolyte-Jean-René de Toulongeon, Réflexions sur l’état militaire, novembre 1777, p. 4.

40 Ibid., p. 1.

41 shat : 1 M 1790 : Jacques Guibert, Note particulière pour M. l’archevêque de Toulouse, [1787].

42 Eod. loc.

43 Eod. loc.

44 Eod. loc.

45 Eod. loc.

46 shat : 1 M 1790 : Jacques de Guibert, Mémoire servant à la fois d’introduction et de résumé au plan géné- ral de réforme du département de la guerre, [1787], p. 6.

47 Eod. loc., p. 15.

48 Pierre de Besenval, Mémoires du baron de Besenval, Paris, Baudouin frères, 1821, t. 2, p. 282.

49 shat : 1 M 1790 : Jacques de Guibert, Note particulière pour M. l’archevêque de Toulouse, [1787].

50 Mona Ozouf, v° régénération, dans Mona Ozouf et François Furet (dir.), Dictionnaire critique de la Révolution française, Paris, Flammarion, coll. Champs, (1988), t. « idées », pp. 373-389.

51 shat : 1 M 1708, Mémoire sur la nécessité et la forme d’une nouvelle constitution militaire, op. cit. p. 14.

52 shat : 1 M 1790 : Jacques de Guibert, Première séance du Conseil de la Guerre, 28 octobre 1787.

53 Jacques de Guibert, Le système de la guerre moderne, dans Œuvres militaires de Guibert, Paris, Magimel, 1803, t. 4, p. 75.

54 Jacques de Guibert, Mémoire adressé au public et à l’armée, in Œuvres militaires de Guibert, Paris, Magi- mel, 1803, t. 5, p. 209.

55 Marquis de Saint Aulaire, De la constitution du corps militaire en France, dans ses rapports avec celle du gouvernement & avec le caractère national, s.l., 1786, p. 21.

56 Ibid., p. 20.

57 Pour une perspective générale, se reporter à Jean Chagniot, « Les progrès de l’administration militaire », dans André Corvisier (dir.), Histoire militaire de la France, Jean Delmas (dir.), t. II : de 1715 à 1871, Paris, PUF, coll. Quadrige, (1992), 1997, p. 29-54 ; Thierry Sarmant (dir.), Les ministres de la Guerre. 1570-1792. Histoire et dictionnaire biographique, op. cit.

58 Joseph Servan, Le soldat citoyen, s.l., 1780, p. 34.

59 Jacques de Guibert, Rapport lu au Conseil de la Guerre, dans Œuvres militaires, op. cit., t. 5, p. 250.

60 D., « Note sur le Conseil de la Guerre », Le spectateur militaire, 1828, 4e vol. , p. 447.

61 Alexandre Dupilet et Thierry Sarmant, « Polysynodie et gouvernement par conseil en France et en Eu- rope du XVIIe au XIXe siècle », Histoire, économie et société, 2007 / 4, pp. 51-65.

62 AN : 4 AP 189 : Jacques de Guibert, Mémoire sur le Conseil de guerre permanent, [1787].

63 La composition du conseil selon les vœux de Saint-Germain est reprise à plusieurs reprises. Un mémoire de 1792 l’avance tout particulièrement. Claude-Louis de Saint Germain, Commentaires des Mémoires de Monsieur de Saint-Germain..., Londres, 1780 ; Anonyme, Le parfait guerrier ou l’esprit militaire, Paris : Laurens jeune, 1792, p. 12.

64 AN : 4 AP 189 : Jacques de Guibert, Mémoire sur le Conseil de guerre permanent, [1787].

65 shat : 1 M 1716 : Louis-Félix Guinement de Keralio, Armée de France. Premier mémoire, 1787, fol. 4.

66 Denis Richet, La France Moderne : l’esprit des institutions, Paris, Flammarion, 1973.

67 shat : 1 M 1708 : Anonyme, Mémoire sur la nécessité et la forme d’une nouvelle constitution militaire, [1784 ?], p. 47.

68 shat :1M1714 :Hippolyte-Jean-RenédeToulongeon,Réflexionssurl’étatdumilitaire,novembre1777,p. 1. Plus tard, la critique sera ainsi formulée : « le mépris des lois militaires qu’on voit sans cesse contredites les unes par les autres ; l’ignorance des troupes qui n’ont le temps de s’affermir dans aucune méthode ; leur dégoût, leur mécontentement & ces épidémies si fréquentes de désertion, voilà une partie des maux qu’enfante l’abus d’abandonner à un secrétaire d’État la Législation de la Guerre ». Anonyme, Le parfait guerrier ou l’esprit militaire, Paris : Laurens jeune, 1792, p. 11.

69 Xavier Audouin, Histoire de l’administration de la guerre, Paris, Didot l’aîné, 1811, t. 4, p. 228.

70 Jacques de Guibert, Rapport lu au Conseil de la Guerre, dans Œuvres militaires, op. cit., t. 5, p. 230.

71 shat : 1 M 1790 : Jacques de Guibert, Rapport fait au conseil concernant les emplois d’officiers généraux, Première séance du Conseil de la Guerre, 28 octobre 1787.

72 Adolphe Granier de Cassagnac, Histoire des causes de la Révolution française, Paris, Garnier, 1850, t. 2, p. 218.

73 shat : 1 M 1790 : Jacques de Guibert, Mémoire servant à la fois d’introduction et de résumé au plan géné- ral de réforme du département de la guerre, p. 13.

74 shat : 1 M 1790 : Jacques de Guibert, première séance du Conseil de la Guerre, 26 octobre 1787.

75 shat : 1 M 1716 : pi. 35 : Louis-Félix Guinement de Keralio, Armée de France. Premier mémoire, 1787.

76 shat : 1 M 1716 : pi. 36 : Anonyme, Réflexions générales sur la formation d’un Conseil de Guerre, sa diffi- culté, sa composition, l’étendue de son pouvoir, &a. Tableau du militaire français : Réflexion sur le choix des majors et l’avantage d’avoir rendu à l’ancienneté la place de lieutenant-colonel, 1787.

77 Eod. loc.

78 Eod. loc.

79 Xavier Audouin, Histoire de l’administration de la guerre, op. cit., t. 4, p. 276.

80 shat : 1 M 1790 : pi. 16 : Louis Pierre de Chastenet de Puységur, Proposition au roi, relative au Conseil de la Guerre.

81 Eod. loc.

82 shat : 1 M 1790 : pi. 36 : Jacques de Guibert, Rapport concernant les différents directoires établis par le Conseil de la Guerre et le plus nécessaire à se former en conséquence, 4 mai 1788.

83 Jacques de Guibert, Rapport lu au Conseil de la Guerre, dans Œuvres militaires, op. cit., t. 5, p. 253.

84 Xavier Audouin, Histoire de l’administration de la guerre, op. cit., t. 4, p. 211.

85 La visite des camps d’instruction de Metz et de Saint-Omer, qui devaient démontrer les avantages des réformes entreprises jusqu’alors se soldèrent pas un fiasco orchestré par les officiers mécontents. L’hostilité à l’égard de Guibert fut telle qu’il fut contraint de quitter les lieux à la hâte. Se reporter à André-François Miot de Melito, Mémoires du comte Miot de Melito, ancien ministre, ambassadeur, conseiller d’État et membre de l’Institut (1788-1815), Paris, M. Lévy frères, 1858, t. 1, p. 2-4 ; Albert Latreille, L’Œuvre mili- taire de la Révolution, op. cit., p. 297-298 ; Matti Lauerma, Jacques-Antoine-Hippolyte de Guibert, op. cit., p. 214-216 ; Éthel Groffier, Le stratège des Lumières, op. cit., p. 327-328.

86 Matti Lauerma, Jacques-Antoine-Hippolyte de Guibert (1743-1790), op. cit., p. 219.

87 Jacques de Guibert, Précis de ce qui s’est passé à mon égard à l’Assemblée de Berry, s.l., 1789.

88 shat : Ya 74 : [suppression du rapporteur du Conseil de la Guerre].

89 Jacques de Guibert, Rapport lu au Conseil de la Guerre, dans Œuvres militaires, op. cit., t. 5, p. 251.

90 Ibid., p. 242.

91 Germaine de Staël, Œuvres complètes de Madame la baronne de Staël-Holstein, Paris, Firmin-Didot, 1836, t. 2, p. 621.

92 Ibid.

93 Bertrand Barère, Mémoires de B. Barrère, éd. Hippolyte Carnot, Paris, Labitte, 1842, t. 1, p. 236-237. Le terme se trouve également sous la plume de Vaublanc, par exemple… et chez Guibert dans son Essai général de tactique, qui fustige les « faiseurs de systèmes ». Jacques de Guibert, Essai général de tactique, dans Œuvres militaires, op. cit., t. 1, p. 131.

94 Xavier Audouin, Histoire de l’administration de la guerre, op. cit., p. 248.

95 Ibid., p. 204.

96 shat : 1 M 1790 : pi. 25 : Jacques de Guibert, Rapport à faire au Conseil de la Guerre, sur la formation de l’armée, c’est-à-dire sur celle des troupes de ligne, p. 10.

97 shat : 1 M 1790 : pi. 46 : Instruction du Roi pour le Conseil de la Guerre.

98 shat : 1 M 1791 : Jacques de Guibert, Mémoire sur la nouvelle constitution. Au duc de Choiseul, ministre de la guerre du 27 janvier 1761 au 6 janvier 1771.

99 Lancelot Turpin de Cissé, Commentaires sur les mémoires de Montecuculi, généralissime des Armées & Grand-Maître de l’artillerie de l’Empereur, Paris, Chez Lacombe, 1769, t. 1, p. 141. C’est une aspiration constante rappelée par Turpin lui-même plus loin (ibid., p. 162). C’est un refrain que l’on reprend du maréchal de Saxe, puis de Saint-Germain (Mémoire sur l’établissement d’une nouvelle constitution militaire), et chez les auteurs de mémoires (Jean-Baptiste Scallier, Mémoire sur la consti- tution militaire, op. cit., p. 90), ou de traités militaires (Joseph Servant, Le soldat citoyen, op. cit., p. 33).

100 Le retour des observations fait l’objet de précisions énoncées dans la séance du 15 novembre 1788 : « toutes les observations envoyées sur les ordonnances qui ont paru seront rassemblées et mises sous les yeux du Conseil de la Guerre, en forme d’extrait, en désignant l’objet, le nom de leur auteur, et le n° de la pièce ori- ginale qui sera en même temps consultée au besoin. À mesure que le Conseil de la Guerre prononcera sur chaque objet, sa décision sera enregistrée sur le livre des délibérations et de plus inscrite à la marge de chaque article de l’ordonnance qui y aura rapport ». shat : A3 125, Délibérations du Conseil de la Guerre : « Rentrée du Conseil de la Guerre première séance du 15 novembre 1788 », p. 69 v°.

101 Jacques de Guibert, Rapport lu au Conseil de la Guerre, dans Œuvres militaires, op. cit., t. 5, p. 242.

102 Ibid.

103 shat : Ya 74 : Ordonnance concernant le Conseil de la Guerre, du 14 juillet 1789.

104 Le relevé de ces aspirations est fait par Claudia Opitz-Belakhal, Militärreformen zwischen Bürokrati- sierung und Adelsreaktion : das französische Kriegsministerium und seine Reformen im Offizierskrop von 1760-1790, op. cit., p. 234-235.

105 Vincent-Marie Vienot de Vaublanc, Mémoires sur la Révolution de France et recherches sur la cause qui a amené la Révolution de 1789 et celles qui l’ont suivie, Paris, Dentu, 1833, t. 1, p. 187.

106 André-François Miot de Melito, Mémoires du comte Miot de Melito, op. cit., t. 1, p. 4.

107 Jacques de Guibert, Rapport lu au Conseil de la Guerre, dans Œuvres militaires, op. cit., t. 5, p. 192.

108 Albert Latreille, L’Œuvre militaire de la Révolution, op. cit., p. 303.

Pour citer ce document

Par Sébastien LE GAL, «La réforme de la constitution militaire durant la pré-révolution (Guibert et le conseil de la guerre)», Les cahiers poitevins d'histoire du droit [En ligne], Huitième et neuvième cahiers, mis à jour le : 25/07/2019, URL : https://cahiers-poitevins.edel.univ-poitiers.fr:443/cahiers-poitevins/index.php?id=160.

Quelques mots à propos de :  Sébastien LE GAL

Professeur à l’Université Grenoble-Alpes (CESICE)