Cérémonies du bicentenaire de la recréation de l’école de droit de Poitiers et remise des insignes de docteur honoris causa au Doyen J. Kranjc
Discours de présentation du Doyen Janez Kranjc, docteur honoris causa de l’Université de Poitiers

Par Jean-Marie Augustin
Publication en ligne le 13 mai 2019

Texte intégral

Discours de présentation du Doyen Janez Kranjc, docteur honoris causa
de l’Université de Poitiers

1Le lien est très facile à établir avec la codification napoléonienne et la création des écoles de droit qui viennent d’être remémorées par mon collègue Philippe Rémy. Il existe à Ljubljana, à côté de la Bibliothèque nationale et universitaire, une place de la Révolution française, sur laquelle le grand architecte slovène Joze Plečnik a élevé un obélisque à la gloire de Napoléon. Ce monument rappelle que Ljubljana a été de 1809 à 1813 la capitale des Provinces Illyriennes faisant partie de l’Empire français. Ces provinces ont été notamment étudiées par Monsieur l’ambassadeur de Slovénie à Paris, le professeur Janez Šumrada, dans son ouvrage Avènement de la Carniole napoléonienne. Vous me permettrez de rappeler ce point d’histoire car la Slovénie mérite certainement d’être mieux connue en France que par l’introduction des ours en provenance de ce pays dans les montagnes des Pyrénées.

2Monsieur le Doyen Janez Kranjc, c’est pour moi un grand honneur et un grand plaisir de vous accueillir aujourd’hui au sein de l’université de Poitiers. Vous êtes tout d’abord professeur de droit dans les facultés de droit des universités de Ljubljana et de Maribor, enseignant le droit romain et la terminologie juridique allemande. A ce titre, j’ai pu lire sur internet que votre bibliographie entre 1971 et 2006 comporte exactement 193 références d’ouvrages, articles, compte-rendus, monographies et commentaires. Quand je dis que vous êtes romaniste, il suffit d’évoquer votre thèse sur l’actio praescriptis verbis et vos recherches sur le crimen majestatis ou la définition du droit donnée par Ulpien jus est ars boni et aequi : le droit est l’art du bon et de l’équitable. De manière générale vous vous intéressez à la terminologie juridique et particulièrement aux adages. Fin 2000, vous avez publié un ouvrage important de 389 pages sur les adages latins du droit ; et vous devez venir nous parler, au colloque qui se tiendra à Poitiers les 20 et 21 octobre prochains sur « Coutumes, doctrine et droit savant », des « Principes généraux du droit d’origine latine dans le droit slovène ». Bien évidemment, vous êtes aussi passionné pour l’histoire du droit de votre pays et vous avez beaucoup publié dans ce domaine.

3L’histoire récente de la Slovénie, tout d’abord l’indépendance proclamée en 1991, puis l’entrée dans l’Union européenne en 2004, enfin l’adoption de l’euro au 1er janvier 2007 vous ont amené à vous intéresser de près à l’Europe. On relève dans votre bibliographie récente des articles sur les problèmes périodiques posés par les migrations, sur le concept de citoyenneté dans la tradition européenne, sur la langue slovène comme langue officielle de l’Union européenne. Vous dirigez une recherche sur la terminologie juridique de droit européen en slovène et vous avez écrit un article sur le Projet de traité établissant une constitution pour l’Europe.

4Je sais également que vous vous impliquez à fond dans le processus Sorbonne-Bologne qui vise à construire un espace européen de l’enseignement supérieur en plaçant les systèmes nationaux dans un cadre commun reposant sur les fameux LMD : licence, master, doctorat. Si, du reste, vous n’avez pas pu recevoir le doctorat honoris causa en même temps que les autres professeurs gratifiés cette année, lors de la rentrée solennelle de l’université de Poitiers le 22 septembre dernier, c’est parce que, ce jour-là, vous organisiez un colloque, prévu de longue date, sur le sujet à Ljubljana. Ce colloque réunissait des délégués d’un certain nombre d’universités européennes et notre collègue le Doyen Dominique Breillat y représentait l’université de Poitiers.

5Je n’oublierai pas non plus d’évoquer vos activités au sein de l’université de Ljubljana. Vous avez été doyen de la Faculté de droit de 1995 à 2001. Vous êtes membre du sénat de l’université depuis 1986 et président de la commission statutaire. Vous êtes aussi membre du Conseil judiciaire de la Slovénie.

6Les relations entre la faculté de droit de Poitiers et celle de Ljubljana ont été établies par le Doyen Pierre Couvrat du côté français et Madame Alenka Šelih, professeure de droit pénal du côté slovène, mais vous avez largement contribué à les développer à partir du moment où vous avez été élu doyen. Depuis lors, les échanges entre enseignants-chercheurs et étudiants ont été fructueux entre nos deux facultés. Vous êtes venu plusieurs fois à Poitiers faire des conférences ou participer à des colloques et vous avez séjourné dans notre ville, en qualité de professeur invité, en mars 2005.

7Beaucoup d’enseignants poitevins ont également pris le chemin de Ljubljana pour participer à des colloques organisés en commun. Pour ma part, je me souviens de votre accueil chaleureux, en septembre 2004, pour célébrer le bicentenaire du Code civil. Nous étions trois enseignants poitevins et nous avons eu le plaisir de rencontrer des professeurs slovènes mais aussi italiens et autrichiens.

8Et puis, il y a l’université d’été de droit français et européen que vous organisez dans votre faculté, à la fin du mois de juin ou au début du mois de juillet, pour familiariser les étudiants slovènes avec le droit français. Chaque année, le thème change : le droit pénal, l’introduction générale au droit, les finances publiques, la construction européenne et dernièrement l’histoire des institutions. Un cours d’introduction au droit en France a également fait l’objet d’un CDRom par Dominique Breillat et Michel Massé dans le cadre de la mise en place d’un enseignement à distance avec l’université de Ljubljana. Ce cours s’adresse aux étudiants slovènes découvrant le droit ou aux juristes confirmés désireux de s’initier au droit français.

9Monsieur le Doyen, vous êtes le metteur en scène de ces rencontres franco-slovènes et je pense pouvoir être le porte-parole de tous mes collègues, Geneviève Giudicelli-Delage, Florence Chérigny, Monique Tranquard, Michel Massé, Joël Monnet, le Doyen Breillat, le Doyen Gojosso, qui au fil des années ont participé à cette université d’été francophone. Tous ont conservé, comme moi, le meilleur souvenir de leur séjour, à cause de la qualité des étudiants, mais aussi, il faut bien le dire, en raison de votre gentillesse et de votre disponibilité.

10A mon tour, cet été, tandis que vous nous faisiez visiter votre beau pays, j’ai découvert en vous un humaniste au savoir encyclopédique mais aussi un homme rempli de gaieté et d’humour. Je sais que vous participez à une chorale et que, loin d’être seulement un intellectuel, vous aimez les travaux manuels. Vous consacrez vos loisirs à la menuiserie et vous m’avez confié que votre passion était de réaliser des meubles. Vous aimez aussi le cinéma et dans votre faculté vous avez créé un club qui passe régulièrement des films aux étudiants en droit.

11Je trahis peut être ici des confidences, mais permettez-moi de vous remercier du fond du cœur et d’associer Madame Kranjc à ces remerciements. Je me réjouis sincèrement, cher Janez, de l’honneur qui vous est fait aujourd’hui au sein de l’université de Poitiers.

Pour citer ce document

Par Jean-Marie Augustin, «Cérémonies du bicentenaire de la recréation de l’école de droit de Poitiers et remise des insignes de docteur honoris causa au Doyen J. Kranjc», Les cahiers poitevins d'histoire du droit [En ligne], Premier cahier, mis à jour le : 13/05/2019, URL : https://cahiers-poitevins.edel.univ-poitiers.fr:443/cahiers-poitevins/index.php?id=106.

Quelques mots à propos de :  Jean-Marie Augustin

Professeur à la Faculté de droit et des sciences sociales de Poitiers