Histoire de la faculté de droit de Poitiers
Entre ordres et préjugés,la Faculté de droit de Poitiers au XIXe siècle

Par Mathieu Touzeil-Divina
Publication en ligne le 13 mai 2019

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Texte intégral

Entre ordres et préjugés,la Faculté de droit de Poitiers au XIXe siècle

A Fadi Ibrahim

En mémoire du doyen Foucart
et à ses successeurs de l’équipe décanale

1Il n’y a pas si longtemps, Julien Gracq1 décrivait encore la cité universitaire de Poitiers comme une « bizarre cité martienne campée sur le plateau au-dessus du grumeau gris et rose, raboteux, écailleux, de la vieille ville » or, c’est précisément de cette cité martienne dont nous voudrions aujourd’hui vous entretenir2

2Nos propos – libres – et en grande partie plus historiques que juridiques seront, en effet, relatifs à l’Université de Poitiers du XIXe siècle et en particulier à sa Faculté de droit et aux relations qu’elle entretint avec les autres ordres de Facultés. Ces propos sont d’ailleurs dédiés à la mémoire d’un professeur de droit public, Emile-Victor-Masséna Foucart (né le 21 octobre 1799 et mort le 06 août 1860), universitaire, écrivain, archéologue, fondateur de la Société des Antiquaires de l’Ouest, juriste et doyen de cette même Faculté de 1840 à 18603. En ces lieux, jamais personne n’occupa cette fonction aussi longtemps que lui, pourtant il n’a ni son portrait, ni son daguerréotype et encore moins son buste, sa rue ou même son amphithéâtre. Sa tombe est en friche, sa mémoire est à défricher.

3Il s’agit pourtant de celui qui, très tôt, aura essayé de réunir dans une université commune les différents ordres des Facultés des lettres, sciences, médecine et droit telles qu’elles sont rassemblées encore aujourd’hui par la voix de leurs Ecoles doctorales. Dans cette même lignée, nos propos auront donc pour objet l’étude de l’Ecole puis Faculté de droit de Poitiers du XIXe siècle en nous intéressant plus particulièrement aux rapports qu’elle a entretenus avec les différents ordres universitaires ainsi qu’aux préjugés ou à l’image qu’elle a longtemps véhiculés et véhicule peut-être parfois encore. Evoquons alors cette autre histoire de la Faculté de droit de Poitiers et l’image qu’elle a su ou bien voulu voir se développer. Commençons tout d’abord par rappeler la place de cette Ecole parmi les différents ordres universitaires, les autorités publiques et les autres facultés (I). Ce n’est qu’ensuite que nous pourrons aborder quelques-uns de ces légendaires « préjugés » (II) :

I. La Faculté de droit de Poitiers au XIXe siècle, une Ecole au cœur des ordres

4Les ordres dont il sera ici fait mention ne sont bien sûr ni militaires ni ecclésiastiques : il ne s’agira que des ordres universitaires : d’une part s’imposant l’ordre politique et ministériel (essentiellement représenté par le recteur d’académie) et, de l’autre, ce sont les ordres des Facultés présentes à Poitiers au XIXe siècle : lettres, médecine et sciences. Mais, avant de détailler ici ce que nous avons nommé « une Ecole au cœur des ordres », nous rappellerons quelques dates importantes dans l’histoire universitaire française postrévolutionnaire4. Il faut effectivement garder à l’esprit que suite à la Révolution de 1789, les Facultés – de tous les ordres – avaient été supprimées en 17935 et que ce n’est ensuite qu’entre la fin du Consulat et les premiers temps de l’Empire que Napoléon les réinstallera. Pourtant, bien que le nom de « facultés » ait été conservé de l’ancien au nouveau régime, quelques changements furent opérés : d’abord, s’il y avait toujours cinq ordres d’enseignement, il ne s’agissait plus exactement des mêmes. Sous l’Ancien Régime, existaient en effet des Facultés de théologie, de médecine, des arts (c’est-à-dire des sciences et des lettres), des décrets (c’est-à-dire de droit canon) et des lois (c’est-à-dire de droit romain). Au temps de Louis XII, confirme ainsi le doyen Foucart6, parlant spécialement de l’ancienne7 Université des Pictaves :

« Ses quatre Facultés de théologie, de médecine, d’arts (…) de droit civil et canonique, étaient fréquentées par plus de quatre mille écoliers venus de France, d’Angleterre, d’Ecosse, d’Irlande, d’Allemagne. »

5Ensuite, à partir de l’An XI (1802), cinq autres ordres furent consacrés : la théologie, le droit, la médecine, les lettres et les sciences. Il faudra alors concrètement quatre à six années pour les faire fonctionner sur un territoire étendu et désormais impérial. A Poitiers, du reste, la Faculté de théologie (qui siégeait sous l’Ancien Régime aux lieux-dits des Cordeliers puis à Sainte‑Opportune) fut supprimée et celle des arts ne donna naissance, en 1810, qu’à une unique Faculté des lettres qui sera également supprimée dès 1816. En outre, il n’y eut à cette époque impériale aucune Faculté des sciences : ce sont donc le droit et la médecine qui ont d’abord été installés à Poitiers mais ce, en tant qu’Ecoles et non sous la dénomination de Facultés. Cette terminologie est alors importante et très révélatrice. En effet, les deux premiers établissements ainsi recréés à partir de 1806 étaient une Ecole de médecine et une Ecole de droit : il s’agissait de centres dédiés non à l’enseignement et à la divulgation des connaissances mais bien à la pratique. Il fallait y former des médecins, des avocats et des magistrats… et rien de plus ! Soulignons toutefois que le Premier Empire, en cette matière, ne faisait que confirmer une politique d’Ancien Régime puisque toutes les Facultés, à l’exception de celles des arts (lettres et sciences) étaient alors nommées « facultés professionnelles ». D’ailleurs, pendant longtemps, lesdites Facultés des arts ont surtout permis d’obtenir un « bagage culturel suffisant » afin – ensuite seulement – de pouvoir intégrer une « véritable » faculté professionnelle.

6Cela rappelé, présentons maintenant les liens qui unirent les Facultés (et en particulier la Faculté de droit de Poitiers) avec d’autres ordres et autorités publiques et politiques (A) avant d’exposer les liens régissant ces mêmes Facultés entre elles et entre leurs disciplines (B) :

A. De l’ordre entre Facultés et autorités publiques

7Ce qui est ainsi marquant pendant tout ce XIXe siècle, et ce, quelle que soit la Faculté examinée, ce sont les notions d’ordre et de soumission aux pouvoirs. Symboliquement, en ce sens, la carrière de tout professeur, titulaire ou même suppléant, débutait-elle de façon très solennelle par la prestation des serments de l’intéressé. Celui-ci devant jurer fidélité à la Constitution (ou à la Charte) mais surtout au chef de l’Etat (monarque, président, ou empereur selon les années) puis s’en remettre à l’autorité du recteur le représentant. Aussi, à chaque changement de régime ce cérémonial était-il réitéré et donnait-il lieu au départ forcé de certains enseignants, trop engagés, qui refusaient de prêter serment et de jurer obéissance à un dirigeant trop en contradiction avec leurs opinions politiques exprimées8. Le plus grand nombre enregistré de ces refus de serments eut ainsi lieu en 1830 bien que l’on demeurât sous un régime monarchique. En effet, lors de la Restauration plusieurs professeurs carlistes9 avaient été installés par Louis XVIII et durent donc partir lorsque Louis-Philippe, plus modéré, accéda au trône. Ainsi, à Toulouse, le doyen De Bastoulh et son fils, professeur de droit administratif, Carloman De Bastoulh démissionnèrent. A Caen, de même, c’est le professeur de droit administratif Charles Foucault qui refusa d’enseigner.

8A Poitiers, enfin, on notera le départ du civiliste et clérical Gibault10 que Foucart remplacera. Et, hors l’Université, l’exemple le plus connu de ce rituel successif est celui de Talleyrand qui aurait, selon Victor Hugo, déclaré à Louis-Philippe11 : « Hé, hé ; Sire, c’est là mon 13ème serment » !

9Plus acerbe est encore la critique attribuée12 à Chateaubriand qui relève : « Qu'il y ait des hommes, qui après avoir prêté serment à la République une et indivisible, au Directoire en cinq personnes, au Consulat en trois, à l'Empire en une seule, à la première Restauration, à l'acte additionnel, à la seconde Restauration, ont encore quelque chose à prêter à Louis-Philippe » ! L’impression d’ordre et de hiérarchie va alors se ressentir tout au long de la carrière des enseignants dans les relations entre Facultés, ministère, rectorat et autres autorités politiques comme les municipalités.

Ordre ministériel, ordre rectoral & Facultés

10Les liens directs avec le ministre de l’Instruction Publique (nommé « Grand-Maître de l’Université ») étaient à cette époque déjà rares voire rarissimes : la règle hiérarchique imposant de facto que toute communication ait lieu par le biais de deux hommes : le doyen (au sein de sa Faculté) et surtout le recteur, directeur de son académie. La centralisation du nouveau système d’enseignement napoléonien fut en effet marquée, on le sait, par le refus d’accorder une certaine indépendance aux Facultés et c’est dans ce cadre que le pouvoir rectoral devint le pivot le plus important de cette nouvelle organisation. L’institution universitaire fut donc davantage une administration, en tant qu’instrument du pouvoir, et non un lieu d’échange, de savoirs et de formation(s) : les différents établissements (du même ordre ou des ordres différents) y furent sciemment isolés et dépendants du seul pouvoir central. La communication entre Ecoles d’un même ordre était même interdite : toute information devant au préalable être entendue, jugée et surtout contrôlée par le ministre (ou son représentant académique). Le recteur était ainsi avant tout un gardien : il surveillait ; il contrôlait : il était l’œil puis la bouche du ministre et de jure du chef de l’Etat ; les Facultés n’ayant ni budget propre ni autonomie, il fut leur supérieur hiérarchique direct et il était hors de question de penser entreprendre une quelconque action sans son accord.

11A Poitiers toutefois, les Facultés, et en particulier l’Ecole de droit forte de l’expérience d’Ancien Régime qu’incarnaient encore des professeurs comme Allard13 et Guillemot (qui avaient enseigné avant 1793 et après 1806) essayèrent d’affirmer leur autonomie. Sous l’Empire, ainsi, aucun incident majeur ne se produisit puisque tous les agents avaient été directement nommés et choisis par Napoléon lui-même.

12En revanche, une fois la Monarchie restaurée, en 1817, par exemple14, « le recteur s’est plaint d’une sorte de résistance habituelle à l’autorité dont il [était] investi ». L’Ecole de droit avait en effet osé critiquer un ordre disciplinaire rectoral car elle considérait qu’il lui revenait de régir la police interne à son établissement. Le ministère engagea alors les deux parties à « oublier ce qui s’était passé » afin que l’ordre régnât. Ce n’est alors, pensons-nous, qu’en 1840 que cette autorité sera complètement restaurée. A partir de cette époque, on demanda en effet aux recteurs de tout consigner : de tout rapporter, tout écrire, tout voir et tout entendre. Sous le Second Empire, cette pratique devint même exponentielle : rien ne devait échapper au ministre, de la régularité des cours aux mouvements des élèves, au nombre des actes accomplis, à celui des examens, à la force des épreuves et même à la conduite privée (et publique) des membres de l’académie15. Les pouvoirs du recteur, même s’ils étaient parfois concurrencés par ceux du préfet, furent alors considérablement augmentés. En contrepartie des rapports qu’il rédigeait, il se vit ainsi attribuer la véritable direction de son académie.

13Déjà, en 1847, il avait obtenu, par déconcentration, une délégation du pouvoir ministériel en réglant lui-même toute une série de questions (telles que les congés, les dispenses de frais, les ordres disciplinaires) autrefois détenues par le ministre de l'Instruction Publique. Puis, c’est véritablement avec la Loi Falloux du 15 mars 185016 que le pouvoir rectoral sera consacré. Fortoul le confirmera du reste en 1852 en écrivant que l’objet de la réglementation rectorale est le « raffermissement » de « l’ordre et de la hiérarchie dans le corps enseignant »17. D’autres « personnages » incarnaient alors le pouvoir de l’ordre ministériel : il s’agit des inspecteurs généraux pour l’ensemble du territoire national et, dans chaque Faculté, du doyen. Concernant les premiers, on se permettra de renvoyer à nos travaux (préc.) de thèse18 ; quant au second, on rappellera simplement19 ici que le doyen était directement nommé par le chef de l’Etat et son ministre de l'Instruction Publique afin d’être un « primus inter pares ».

14Dans les faits, néanmoins, c’est bien le doyen, au quotidien, qui représentait et incarnait l’autorité même. Et, s’il n’avait que très peu de pouvoirs concrets sur ses pairs, il était surtout chargé de nombreuses responsabilités que nous qualifierons de matérielles. Aussi, dès qu’un problème pratique survenait, il lui incombait de le gérer au plus vite et au mieux… et avec peu de moyens ! Juridiquement, en revanche, la plupart de ses actes devaient être approuvés par le recteur. En conséquence l’ordre décanal était-il institué et confirmé en tant que relais indispensable : un représentant local des enseignants devant le recteur et son ministre mais également, en sens inverse, la voix du Grand‑Maître.

Ordre municipal & Facultés

15Quant aux autorités municipales, les Facultés n’avaient théoriquement pas à y être confrontées puisqu’il n’existait aucun lien hiérarchique entre elles. Toutefois, outre les questions d’ordre public, il existait bien une autre attache fort pragmatique puisque financière et immobilière. En effet, les Ecoles n’étaient pas propriétaires des bâtiments qu’elles occupaient et ceux-ci étaient sous la responsabilité des municipalités dans lesquelles elles résidaient. Il fallait donc, et la lecture des archives en témoigne, que le doyen entre souvent en communication avec le maire de sa ville dès qu’il voulait obtenir une réparation, un agrandissement, etc.

16On y relève que c’est par un décret impérial dit de Milan en date du 20 floréal an XIII20 que fut cédé à la ville de Poitiers le bâtiment qui allait devenir sa Faculté de droit et dans lequel fut prononcé la présente communication21.

17Un bâtiment qui, pendant tout le XIXe siècle, sera d’ailleurs jugé en bien piteux état si l’on s’en tient aux témoignages laissés notamment par le doyen Foucart dans de nombreuses correspondances qu’il adressa au maire de sa commune. On y lit ainsi que « le toit s’effondre », qu’une forte « infiltration des eaux de pluie » a « causé de nombreux dégâts », qu’il a été découvert « d’inquiétantes crevasses » jusqu’à ce qu’en 1842, « le plafond tombe par suite d’un vice de construction »22. Apparemment, ledit Foucart ne manquait d’ailleurs pas de signaler toute imperfection… dès qu’elle apparaissait. En novembre 1840, le doyen écrivait alors :

« Le nouvel amphithéâtre23 que la Faculté doit à la bienveillance du conseil municipal et dont nous nous servons depuis le mois de mai présente un inconvénient qui a été signalé par plusieurs de mes collègues et dont je me suis aperçu moi-même.

« Les bancs sont disposés de telle sorte que les jeunes gens lorsqu’ils sont assis sont portés naturellement à poser leurs pieds sur le banc qui est devant eux ; leurs pieds salissent ce banc et quelquefois les habits de leurs camarades ; de là un sujet de discussions et de querelles entre les étudiants et de trouble pour le professeur. »

18En outre, le doyen d’une Faculté, était également conduit à rencontrer le maire de sa commune dès qu’une question d’ordre public touchait l’un des usagers de sa Faculté. Ainsi, à Poitiers, le doyen Foucart porta-t-il plainte en 185324 contre un agent municipal qui avait traité des administrés « avec une telle violence que le sang avait jailli ». De même, c’est au nom du respect de l’ordre public que cet auteur écrivit les (savoureuses) lignes suivantes25 :

« Monsieur le maire,

« Depuis quelques temps le cours de droit commercial, qui a lieu les mardi-jeudi et samedi à midi et demie dans le petit amphithéâtre de l’Ecole de droit, est troublé par les sons d’un cornet à pistons et d’un trombone dont on joue périodiquement les mêmes jours et à la même heure dans une des chambres de l’auberge (…) située rue de la petite roue très près de l’amphithéâtre.

« Tout me porte à croire que ce bruit périodique a pour cause le désir de troubler le cours.

« Veuillez donc être assez bon, monsieur le maire, pour faire donner un avertissement au propriétaire de l’auberge ; si la musique en elle-même n’est pas une contravention de police, elle peut prendre ce caractère quand elle se transforme en moyen de désordre. »

19Aussi est-ce pour de multiples raisons pratiques financières ou d’ordre public que les Facultés de tous ordres devaient communiquer avec les différentes autorités (ministérielles, rectorales, décanales et municipales). Qu’en était-il en revanche de la communication des Facultés entre elles ? Existait-il déjà (à Poitiers au XIXe siècle) une revendication d’interdisciplinarité ?

B. Des ordres et des Facultés

20A Poitiers, pendant tout ce XIXe siècle, ce fut sans conteste la Faculté de droit le moteur et le fer de lance universitaires26. Pour de multiples raisons l’Ecole des juristes était en effet au premier rang : formellement, parce qu’elle avait été désignée comme telle dans l’ordre de préséance napoléonien27 ; parce qu’elle était soutenue et fréquentée par les notables des corps municipaux, du Barreau et de la magistrature pictaves ; parce qu’en nombre les étudiants en droit ont toujours été les plus nombreux ; enfin, parce que physiquement et matériellement les bâtiments universitaires se sont un à un accolés et intégrés aux immeubles de la Faculté de droit de Poitiers : sur la place dite du marché aux légumes… dans cet établissement qui fut successivement une aumônerie de Notre-Dame-la-Grande, un Hôtel-Dieu de 1673 à 1791, puis une préfecture (jusqu’en 1801).

21Ainsi, le premier lien évident – bien qu’oublié aujourd’hui – entre tous les ordres des Facultés fut-il celui de la contiguïté physique puisque jadis, en ces lieux, cohabitèrent pendant tout le XIXe siècle les quatre Facultés : le droit au rez-de-chaussée ; les lettres à l’étage avec quelquefois le droit à nouveau et la médecine et la physique dans des bâtiments aujourd’hui quasiment détruits28. Tous les étudiants étaient donc potentiellement continuellement ensemble : dans les mêmes cours, les mêmes bâtiments, les mêmes cafés : et il en était de même pour les enseignants : il existait alors une Université et une universalité scientifique au moins matériellement.

22Pourtant, entre elles, même s’il existait une Université unique, nationale, unifiée et rassemblant tous les établissements d’enseignement, les Facultés n’entretenaient que peu de rapports : les étudiants et les professeurs de chaque établissement s’ignorant davantage qu’ils ne se mélangeaient les uns aux autres à l’exception des jours solennels de festivités et de commémoration29. Leur premier véritable contact – même s’il n’était que symbolique – eut ainsi lieu avec l’organisation, à la fin du mois d’octobre de chaque année, d’une rentrée solennelle au cours de laquelle chaque établissement rendait compte de son activité et honorait ses lauréats en présence de toutes les notabilités pictaves : corps municipal, ecclésiastique, judiciaire, etc.

23Concrètement ces séances débutèrent en 1836 pour la seule Faculté de droit à l’initiative du doyen Boncenne et du professeur Foucart qui désiraient, par cette « solennité », renforcer l’esprit de corps universitaire et estudiantin. Dès 1844, l’Ecole de médecine les rejoignit, puis en 1846 s’y ajouta la nouvelle Faculté des lettres et enfin, dix ans plus tard, celle des sciences. En 185430, en outre, il faut noter la création des comités de perfectionnement de l’enseignement supérieur spéciaux aux questions des Facultés qui permettaient, précisément, la réunion de ces différents établissements. En 1858, du reste, nous possédons un exemple des véritables liens pragmatiques qui unissaient les Facultés entre elles à l’instar de la Faculté de droit avec sa commune de résidence : les questions domaniales ou immobilières. En effet, sous l’impulsion du doyen Foucart, une lettre, signée des quatre doyens des Facultés de Poitiers, réclama au maire la création d’une nouvelle voie de communication donnant accès aux établissements sans passer devant le « marché des charrettes qui ne cessent d’encombrer les lieux et de créer du bruit » (sic)31 !

24Pour des raisons scientifiques, en revanche, il semblerait que tous s’ignoraient. On se réjouira alors du fait qu’aujourd’hui – même s’ils sont maigres – des liens existent entre UFR (anciennement nommées Facultés) et ce, au nom de l’interdisciplinarité32.

25La création et le maintien, en ce sens, d’un Centre National de la Recherche Scientifique (C.N.R.S.) sont primordiaux. Le droit, en particulier, a pu réussir à franchir les portes d’autres établissements : on enseigne ainsi la médecine légale et, en Facultés de sciences, de sports, d’économie, des professeurs qualifiés viennent présenter le droit à de futurs chercheurs et praticiens non juristes. Au XIXe siècle en revanche, cette union semble a priori inexistante.

26Essayons donc de dépasser cette première impression de « vide » entre Facultés en nous intéressant aux liens tissés entre l’Ecole de droit, ce moteur universitaire du XIXe siècle poitevin, et les autres établissements universitaires33 :

Les Ecoles de la médecine et du droit :
Une tradition de coexistence élitiste et bourgeoise

27Les ordres du droit et de la médecine, à Poitiers comme ailleurs, ont trois importants points communs évidents : il s’agit des premiers établissements institués ; ce sont traditionnellement des viviers de notabilités et d’élites et, enfin, dans les deux cas, ils forment des Ecoles dédiées à la « pratique ». La Faculté de médecine de Poitiers34 – comme celle de droit – ne fut effectivement pas instituée en tant qu’établissement académique mais bien comme une Ecole pratique. En 1807, on y enseignait ainsi six matières : l’anatomie et la physiologie, la pathologie chirurgicale, les opérations et accouchements, la matière médicale et thérapeutique, la clinique interne et la clinique externe et c’est en son sein qu’enseignèrent les célèbres docteurs et professeurs Barilleau et Orillard. L’idée de Facultés de droit et de médecine essentiellement professionnelles ou pratiques ne date d’ailleurs pas de l’Empire. Dans la Rome antique et le Bas Empire déjà, les historiens nous apprennent que les enseignements du droit et de la médecine étaient donnés par les praticiens eux-mêmes et qu’il s’agissait d’un accessoire à leur profession. Aussi, ces deux enseignements ont-ils souvent été perçus comme ceux d’une corporation (d’avocats, de conseils et de magistrats ou de médecins) qui professait à une élite choisie (et souvent héréditaire) les secrets et les formules d’un art qui paraissait si mystérieux aux non-initiés.

28Quantitativement, il faut alors rappeler que le gouvernement napoléonien qui avait réinstallé l’enseignement universitaire avait eu à régler un important problème concret35 : « il fallait à la société offrir des médecins et reconstituer un barreau et une magistrature » que la Révolution avait détruits ou malmenés. On se résolut donc à « former des praticiens et non des scientifiques ou des juristes ».

29De surcroît, on avait eu pour ambition d’effacer un souvenir douloureux d’Ancien Régime : la vénalité des offices. Aux grades des Ecoles de droit et de médecine furent donc liées des habilitations à exercer toute une série de métiers. Quant aux liens propres entre le droit et la médecine, on oublie souvent par exemple, que ce furent les enseignants de médecine (et non les juristes) qui les premiers, après la Révolution, ont porté l’uniforme universitaire : la toge et ce sont donc les enseignants en droit qui ont dû les imiter et porter un costume à l’image de celui des médecins. Mais, si l’on a intitulé ce paragraphe la « coexistence » des Ecoles de droit et de médecine et non leur collaboration, ou leur « mariage » comme on l’écrira plus loin à propos des littéraires, c’est bien parce qu’une forte impression et une volonté d’indépendance se sont dégagées de l’activité de l’Ecole de médecine au XIXe siècle.

30Cette dernière, qui gardera d’ailleurs longtemps le terme d’Ecole plutôt que celui de Faculté, semble avoir été l’établissement les plus autarcique et fermé à tout échange universitaire. Aussi est-on rapidement conduit à se poser la question suivante : pourquoi l’établissement universitaire dédié à la médecine a-t-il été le plus indépendant des quatre Facultés ? Est-ce parce que l’enseignement de la médecine avait été réinstallé en France avant celui des autres Facultés ? Est-ce parce que, dès 1853 à Poitiers, l’Ecole quitta pour moitié les bâtiments de la place Notre-Dame pour rejoindre la rue dite de l’Hospice dans des bâtiments propres ? Est-ce parce que ses étudiants étaient les seuls à être – après leur succès aux examens – assurés d’obtenir un métier ? Est-ce par ce que son ministre de tutelle n’était pas le Grand-Maître de l’Université mais le ministre de l’intérieur, et dans le département, son représentant … le préfet et non le recteur ? Est-ce enfin parce qu’à Poitiers l’Ecole s’étendit rapidement en fondant des « délocalisations » à Tours et Limoges ? Nous n’avons pu répondre à cette première question : nous ne pouvons que constater cette indépendance forte de l’Ecole de médecine, indépendance qui n’est pas la caractéristique des deux autres établissements qu’il nous reste à présenter ; les rapports entre « droit et lettres », par exemple, étant bien plus nourris mais également bien plus complexes :

Les Facultés de lettres et de droit : Un mariage forcé ?

31Selon Louis Liard, l’Empereur Napoléon méprisait les études littéraires car elles n’apportaient rien de concret et n’offraient aucune utilité professionnelle exploitable. C’est pourquoi il ne leur avait d’abord consacré que les années d’enseignement général du lycée et avait demandé que l’on ne développât que peu l’ordre des Facultés des lettres qui étaient selon lui36 « un agrément et non un enseignement ; bon dans un athénée, et dans un salon, bon pour des femmes, ou pour des jeunes rhéteurs ; car ce [n’était] pas une école, mais un "café littéraire" ». On reconnaîtra évidemment ici les pensées de tout dictateur qui peut apprécier les plaisirs d’une poésie ou de la littérature mais qui ne voit pas l’utilité de son apprentissage et qui apprécie encore moins que l’on puisse apprendre aux jeunes gens à penser par eux-mêmes et à critiquer.

32A Poitiers, la Faculté des lettres37 du XIXe siècle n’a certes pas eu à sa tête et sur ses bancs autant de célébrités qu’elle en avait compté sous l’Ancien Régime (à l’instar de Francis Bacon) mais il ne faut pas oublier que c’est dans ses murs que le futur ministre Louis Liard, le sénateur-maire et doyen de la Faculté de droit, Léopold Thézard ou encore Adhémar Esmein étudièrent. Parmi ses enseignants, il faut naturellement citer les patronymes des doyens Boissonnade et Derome ou encore ceux des professeurs Beaussire ou de l’historien de la Révolution Alphonse Aulard.

33Concernant plus précisément les rapports entre « lettres et droit », les juristes ont longtemps considéré les études littéraires comme un « bagage » intellectuel indispensable à leur propre culture juridique : d’ailleurs pour faire son droit il fallait d’abord, à cette époque, obtenir un baccalauréat ès lettres. En outre, l’écrasante majorité des juristes du XIXe siècle était constituée de notables qui peuplaient les sociétés littéraires et qui avaient l’impression d’incarner la tradition du bon goût, des bons mots et de la culture. Les juristes étant hommes de parole et fils de l’art oratoire, il leur était indispensable d’être « lettrés ». On pourrait alors a priori croire que les lettres, en revanche, n’avaient pas besoin des Facultés de droit. Ce serait pourtant commettre (à Poitiers en tout cas) une grave erreur que d’opposer ces deux établissements unis, indiquait-on plus haut, « pour le meilleur et pour le pire ». En effet, on se rappelle que la Faculté des lettres de Poitiers a d’abord été créée en 1810 puis supprimée en 1816 faute d’étudiants peu nombreux. Avant sa réinstallation définitive, en 1845, il fallut que de nombreuses personnes et institutions se réunissent pour demander de concert cette recréation. Or, à Poitiers, c’est la Faculté de droit qui, à plus de quatre reprises, entre 1838 et 184438, fut la plus vigoureuse et véhémente pour réclamer un tel établissement. Car – même en 1845 après sa réinstallation – le principal problème de la Facultés des lettres fut son manque d’étudiants. Dès 1847, on projeta donc d’en refermer les portes et cette menace d’une fermeture potentielle fut fréquemment agitée pendant toute la seconde moitié du XIXe siècle. Et ce n’est qu’en 1922, avec le déménagement de la Faculté vers l’hôtel dit de Fumé, que l’on prit enfin acte de son essor et de son importance en nombre d’étudiants.

34Il faut également ne pas oublier qu’au XIXe siècle, comme aujourd’hui, les études supérieures étaient très chères. Il était donc bien rare que des familles investissent dans des études littéraires qui n’avaient pas d’utilité pratique selon elles. La plupart des « étudiants » de ces établissements étaient alors des auditeurs libres et « mondains » qui venaient, le mercredi après-midi, approfondir leurs connaissances mais surtout discuter. Pourtant, un homme, convaincu de l’utilité des études de lettres et de l’union du droit et de celles-ci, trouva une solution afin d’offrir à la Faculté littéraire des revenus minimums et conséquemment un nombre suffisant d’inscriptions estudiantines. Le doyen Foucart imposa en effet à ses étudiants – juristes – de prendre – avec obligation de fournir un certificat d’assiduité – deux inscriptions à des cours de lettres (en fait essentiellement de philosophie et d’histoire et rarement de littérature ancienne, française ou étrangère).

35Sans cette intervention (aujourd’hui oubliée à l’hôtel Fumé), la Faculté aurait été à nouveau fermée en 1847. Certes, on ne saurait dire que tous les étudiants et les enseignants de la Faculté de droit de Poitiers applaudirent à cette initiative de « sauvetage » de la Faculté des lettres : loin s’en faut. Elle conduisit même à de nombreuses querelles.

36Pour les étudiants, la situation était effectivement simple : ils devaient assister à deux cours à propos desquels ils ne seraient ni examinés ni tenus d’être attentifs. Il ne fallut donc pas en dire davantage pour que la plupart d’entre eux n’ait aucune envie d’assister aux leçons de littérature. Ainsi, les étudiants juristes poitevins qui estimaient superfétatoires et trop nombreux les cours de littérature adressèrent-ils plusieurs pétitions aux membres de la Faculté de droit. Les élèves firent alors39 « observer qu’ils ne pouvaient pas donner à l’étude du droit tout le temps qui lui était nécessaire et demandaient à être dispensés de l’assiduité aux cours des Facultés des lettres et des sciences ». Ils expliquaient ainsi qu’ils avaient déjà onze ou douze leçons de droit par semaine et ne pouvaient donc supporter deux leçons supplémentaires de lettres. Prudente, mais pas téméraire, la Faculté de droit de Poitiers répondit qu’il ne fallait pas supprimer ces cours annexes mais qu’en revanche, il serait, peut-être, opportun de supprimer l’obligation de présenter un certificat d’assiduité à ces cours pour se présenter aux examens de droit. Il avait alors fallu, pour calmer les plus hostiles, que le doyen Foucart essaie à nouveau de convaincre ses collègues et ses étudiants de l’utilité de l’alliance du droit et des lettres : ces dernières étaient selon lui le complément indispensable aux études de droit bien trop tournées vers la pratique. Il avait ainsi expliqué aux élèves réticents que les études littéraires, notamment basées sur l’enseignement de la philosophie et de l’histoire, permettaient de ne pas40 « soumettre son intelligence à un régime exclusif » en lui offrant de rencontrer d’autres schémas de pensées car, à son avis, un enseignement pour être bénéfique, ne devait jamais provenir d’une source unique. Il allait même plus loin en osant affirmer que sans le secours des lettres, un étudiant ne deviendrait jamais un bon juriste : « C’est en revanche (…) par l’étude de la philosophie et de l’histoire que vous deviendrez jurisconsultes » affirmait-il fréquemment à ses élèves41.

37C’est d’ailleurs suite à cette initiative pictave que Fortoul, ministre de l'Instruction Publique à partir de 1851 et qui avait été professeur de littérature à Aix et à Toulouse, prit un décret du 10 avril 185242 reprenant purement et simplement la « méthode Foucart » !

38Par cette norme, le ministre constatant la faiblesse des inscriptions en lettres et en science, avait imposé aux étudiants des Facultés de droit qu’ils prennent chaque année deux inscriptions dans les Facultés de lettres et de sciences ce qui permettait d’offrir un peu de culture aux juristes, mais surtout d’assurer un auditoire et un financement (les inscriptions étant payantes) aux professeurs de littérature et de sciences. Pourtant, bien que l’obligation ne fut plus pictave et décanale mais ministérielle, elle rencontrait encore de nombreux opposants. Ainsi dès 1853, suite à une nouvelle pétition, Foucart avait-il dû prendre de nouveau la défense des études littéraires : à ceux qui prétendaient que les cours de lettres placés l’après-midi (alors que ceux de droit avaient lieu le matin) empêchaient les juristes de travailler dans les études notariales et d’avoués, rendant impossible le mariage de la pratique à la théorie, il avait répondu que « si la pratique des affaires (…) est utile (…) et indispensable pour ceux qui veulent acquérir une charge », elle devait dans tous les cas « être précédée par des études théoriques : sans cela, elle est aveugle, elle produit la routine et non la science ». Et le doyen de conclure : « aussi donc, jeunes gens, quand vous entendrez dire autour de vous que la pratique est tout, et qu’on ne saurait s’y livrer trop tôt, ne le croyez pas ; méfiez-vous de ceux qui nient la science : ils prouvent par cela même qu’ils ne la connaissent pas »43.

39Et, en 185744, lorsque le nouveau ministre demanda : « Quelle a été sur la force des études de droit l’influence du décret du 10 Avril 1852 qui oblige les élèves à suivre les cours de la Faculté des lettres ? », l’Ecole pictave répondit (malgré le vote contraire du doyen Foucart) que le texte n’avait « produit aucune amélioration sur les études de droit. Bien loin de là, quelques jeunes gens capables ayant voulu se livrer à des études littéraires et faire des mémoires pour la Faculté des lettres, ont consacré à ce travail beaucoup de temps et ont subi leurs examens moins bien que leur capacité ne le faisait espérer. Trois années étant à peine suffisantes pour faire les études de droit », cet « excès de travail » a causé la perte « d’étudiants les plus capables et les plus studieux ». Et la Faculté prit alors le soin d’ajouter que ce qui importait davantage aux juristes ce n’était ni les lettres ni les sciences mais « la pratique du droit » : « il y aurait pour eux plus d’avantage à joindre le travail chez des avoués ou des notaires à leurs études théoriques qu’à suivre des cours de la Faculté des lettres ». Et les professeurs d’ajouter : « il serait bon que le décret (…) fût abrogé et que l’assistance aux cours (…) de lettres restât libre comme auparavant ».

40Ainsi, la Faculté des lettres a-t-elle eu la chance de recevoir les inscriptions des étudiants en droit, grâce en particulier aux efforts du doyen Foucart, mais ces mêmes étudiants juristes et la plupart de leurs enseignants, quant à eux, n’ont pas su saisir l’intérêt de cette union. L’histoire, le latin et la littérature leurs semblaient hors de propos. Peut-être est-ce d’ailleurs encore le cas aujourd’hui ce qui nous semble particulièrement regrettable ; nous qui militons en faveur de l’institution de cours d’initiation à la langue latine et d’expression française (écrite et orale) en Facultés de droit …

Les Facultés de sciences et de droit :
Un enrichissement réciproque

41L’attache matérielle de la Faculté des sciences45 à la Faculté de droit est aujourd’hui bien ténue : il ne reste encore de visible qu’un porche, une arcade, derrière le 43 de la place dite du marché aux légumes ! On y enseignait alors les mathématiques, la physique, la chimie et les sciences naturelles dans des locaux peu éclairés, exigus, sales et sans aération ce qui rendait les expérimentations bien difficiles.

42De nombreux courriers furent alors adressés au sénateur-maire Thézard (qui était par ailleurs doyen de la Faculté de droit de Poitiers) afin d’obtenir de plus grands moyens. Mais ce dernier, de façon aussi rocambolesque que Monsieur Schultz dans l’œuvre romancée des travaux de Pierre et Marie Curie46, répondit au doyen de la Faculté des sciences47 : « des hommes comme Pasteur ou Claude Bernard ont fait des découvertes exceptionnelles dans des locaux bien inférieurs à ceux de Poitiers » : vous vous contenterez donc de ces bâtiments plus grands en attendant de découvrir bien plus ! Sur le même modèle – et le même ton – il faut alors se remémorer cette citation dudit Schultz à qui les Curie faisaient remarquer qu’il est impossible de faire des recherches sérieuses sans matériel approprié :

« Non ? Et Newton alors ? Une pauv'pomme qui tombe.... ! Paf ! La gravitation universelle... ! Deux siècles après … on en parle encore ! » Et Schultz de conclure : « Si vous avez besoin de pommes – ou de poires même – je peux vous en fournir un cageot entier ! »

43Cela dit, revenons aux liens plus précis entre Facultés de droit et des sciences. D’abord, il faut relever que comme précédemment avec la Faculté des lettres, la Faculté des sciences dut l’accélération de sa création (en 1854 à Poitiers) puis le maintien de son existence dans les dix premières années de sa vie au moins, au soutien matériel de la Faculté de droit de Poitiers et au soutien intellectuel et personnel de son doyen en particulier. En effet, de 1839 à 1854, on compte près de dix pétitions et délibérations de l’Ecole de droit en faveur de cette nouvelle création universitaire et, alors qu’en 1857 un rapport ministériel proposait déjà la fermeture de l’établissement, ce n’est que grâce aux inscriptions des étudiants juristes que l’Ecole scientifique put se maintenir comme dix ans auparavant l’avait fait la Faculté des lettres. Parmi ces étudiants – futurs juristes – on notera la présence d’un certain Baudry-Lacantinerie qui dans ses mémoires se souviendra avec beaucoup d’émotion de ces cours obligatoires de sciences naturelles.

44Néanmoins, plus encore que pour les lettres, les protestations d’enseignants et d’étudiants juristes furent vives. On retrouvera ainsi chez Jules Mallein48, professeur de droit administratif à Grenoble, l’expression commune de ce rejet. Pour cet auteur, en effet, le règlement de Fortoul prescrit en 1852 au profit des Facultés des lettres et de sciences créait un « régime bâtard » car il se contentait d’obliger les étudiants à être présents sans leur imposer d’assiduité intellectuelle. Autrement dit, il n’était d’aucun intérêt (sauf pour les rares bons étudiants) puisqu’il n’établissait aucun examen qui sanctionnerait le travail des élèves, les poussant alors à ne pas écouter voire à distraire leurs camarades. En outre, Mallein ajoutait qu’il était préjudiciable aux étudiants de fréquenter les Facultés de lettres et de sciences car, en ces lieux où ils ne seraient pas jugés, ils pouvaient se disperser, troubler les cours et être eux-mêmes troublés puisqu’en contact avec… des étudiantes49.

45Enfin, par rapport à l’enseignement du droit lui-même, le professeur grenoblois ne comprenait pas pourquoi les étudiants juristes auraient à travailler la littérature ou les sciences alors qu’il y avait encore tant de chaires à créer dans les sciences juridiques. Comment en effet pouvait-on refuser des cours de droit constitutionnel, de droit naturel ou canonique si utiles aux juristes alors que des cours de lettres, bien moins salutaires, étaient imposés ? En guise de conclusion, Mallein rappelait alors que si l’initiative de Fortoul était peut-être bonne parce qu’elle permettait une plus grande ouverture d’esprit et une culture saine aux juristes, elle n’en était pour autant pas judicieuse et ce, parce qu’elle était obligatoire :

« Elevons des temples au génie, lisons ces œuvres immortelles, accourons vers les professeurs voués à son culte, mais ne faisons pas intervenir la contrainte dans les entretiens du Portique. »

46Pourtant, les sciences et l’établissement d’une Faculté en ce sens ont beaucoup apporté aux études de droit : en particulier, c’est le développement en ces établissements scientifiques des premières thèses de doctorat50 dignes de ce nom qui va influer – en partie – sur les autres ordres universitaires. A Poitiers, c’est alors sous l’influence d’hommes tels que l’un des pères du calcul intégral, Henri Lebesgue (qui enseigna à Poitiers avant de rejoindre la Sorbonne), que la valeur des thèses et ce que l’on va exiger des doctorants va s’accroître. Il faut alors se souvenir – ainsi que l’a amèrement constaté le recteur Bouchard51 – qu’à l’origine, la thèse de doctorat n’a pas été instituée pour servir la science et la recherche mais pour servir l’Etat :

« Le drame de l’enseignement supérieur français au XIXème siècle provient (…) de ce que la recherche était réservée comme une sorte de chasse gardée où les Facultés n’étaient point invitées. »

47La recherche, en effet, était circonscrite à l’Institut et à quelques centres ou observatoires. Les Facultés, elles, avaient une fonction uniquement professionnelle : fournir des praticiens. C’est pourquoi il a fallu des hommes tels que Barilleau et Orillard en médecine ; Lallemand en physique et Foucart en droit pour que la thèse de doctorat puisse être consacrée à la recherche52. Auparavant, une thèse de doctorat se résumait à une cinquantaine de pages sur un sujet connu et rebattu : il n’y s’agissait ni d’innover ni même de chercher mais bien de redire dans un langage formaté ce que d’autres avaient dit et redit. Enfin, grâce aux sciences en particulier, les thèses évoluèrent : petit à petit les travaux d’équipes et individuels firent place à la recherche, à la découverte, à la démonstration nouvelle et à l’innovation.

48Le doctorat n’a d’abord été effectivement considéré que comme un grade supplémentaire dans l’échelle des diplômes : ce n’était qu’un ultime examen académique sans aucune particularité. Ce n’est que très progressivement qu’il s’est distingué des autres examens « traditionnels » pour conquérir un caractère singulier : c’est alors notamment grâce au choix du sujet de la thèse de doctorat que ce diplôme a pu devenir un exercice scientifique et non une énième obligation académique. A Poitiers, concernant plus strictement le droit, c’est très rapidement que le doyen Foucart fut convaincu du rôle scientifique de la thèse de doctorat. Ainsi, dans de nombreux rapports, n’a-t-il pas hésité à écrire que le niveau de l’impétrant ne lui semblait pas atteint lorsque ce dernier se contentait des connaissances acquises jusqu’à la licence. Pour Foucart , en effet, le doctorat devait permettre de différencier l’élite de l’étudiant moyen. Profitant certainement de ses rapports très amicaux avec le premier doyen de la Faculté des sciences, le mathématicien Chenou, le doyen de la Faculté de droit de Poitiers a sûrement profité de l’installation d’un établissement dit scientifique pour imposer – à son Ecole de droit – des changements de vue sur ce que devait être, selon lui, un véritable doctorat.

49En outre – d’un point de vue de la méthodologie – par l’instauration dans ces établissements scientifiques de cours qui n’étaient plus seulement magistraux mais reposaient sur un nouveau rapport entre l’enseignant et l’étudiant (un rapport d’explication, de proximité) les Facultés des sciences ont, à nouveau, influencé celles du droit. Ainsi, les créations des premiers travaux dirigés (ou pratiques), des premières agrégations et des maîtrises de conférence furent-elles réalisées en premier lieu dans les établissements scientifiques, de médecine, et littéraires. Les juristes auront été les plus réticents à ces nouveaux corps enseignants et à ces nouvelles méthodologies53 !

50Ce qui est, du reste, certainement l’expression de l’un des préjugés (la peur du changement) sur lesquels nous allons maintenant nous exprimer.

II. La Faculté de droit de Poitiers au XIXe siècle, une Ecole au carrefour des préjugés

51A l’image des cinq ordres de Facultés, nous allons maintenant soumettre à notre lectorat cinq préjugés importants et fréquemment associés à l’image des Ecoles de droit du XIXe siècle. Naturellement, nous laisserons à chacun le soin de se forger une opinion sur la valeur de ces ressentis passés… et / ou présents. Il s’agira concrètement de présenter les cinq propositions suivantes : les études de droit sont arides et pénibles (A) ; les professeurs de droit sont trop formalistes (B) ; les professeurs de droit ont peur du changement (C) ; les professeurs de droit sont fiers… de porter la robe (D) ; les étudiants en droit sont trop indisciplinés (E) !

A. Les études de droit (du XIXe siècle) sont arides et pénibles

52Honoré de Balzac, qui avait fréquenté les mêmes bancs parisiens de l’Ecole de droit dite du Panthéon à la même époque que le doyen Foucart , avait écrit à propos de l’enseignement des Facultés de droit : « Je ne me suis point sali les pieds dans ce bouge à commentaires, dans ce grenier à bavardages, appelé Ecole de droit »54. Ce même argument dépréciatif (et présentant les études juridiques comme des études arides et pénibles) fut d’ailleurs subtilement et précisément employé par le doyen Foucart lui-même dans un discours de 1839 sur « l’esprit qui doit guider les étudiants en droit ». Dans ce discours, l’auteur présenta ainsi le droit par rapport aux autres disciplines55 :

« L’étude du droit, messieurs, paraît à bien des gens une étude sèche et ingrate, un travail pénible qui consiste à se charger la mémoire d’une foule de dispositions de Loi minutieuses et presque toutes difficiles à comprendre : on s’y décide moins par goût que par nécessité et pour se rendre propre aux fonctions du barreau ou de la magistrature. Sans doute, le droit ne présente pas cet enchaînement facile et rigoureux des mathématiques, qui plaît tant à l’esprit ; il n’a pas cet intérêt de curiosités des sciences naturelles qui pénètre dans les secrets de l’Univers ; ni le charme des études purement littéraires qui enlève l’homme à la vie réelle pour le promener dans les vastes champs de l’imagination…

Mais ne demandons pas au droit ce qu’il n’est pas dans sa nature de donner : sachons trouver l’intérêt véritable qu’il renferme, intérêt méconnu seulement des esprits à vues étroites et exclusives. »

53Car, pour cet auteur, résumer l’étude du droit à celle de pages apprises par cœur était fort mal appropriée. Il fallait que chacun comprenne (enfin ?) que le centre et l’objet des sciences juridiques n’était pas la ou les règle(s) en soi mais l’homme : « L’objet du droit c’est l’homme » enseignait en effet Foucart : « La connaissance de l’homme et de sa destinée vous révèlera les fondements du droit ». Dès 1832 d’ailleurs, lors de l’une de ses toutes premières leçons de droit administratif, il avait ainsi entamé son cours56 :

« L’objet principal du droit est l’homme ; il impose donc, avant tout, d’avoir des idées justes sur sa nature et sa destinée : car les Lois qui doivent le régir ne sont que les conséquences de l’une et de l’autre. »

54N’y a-t-il pas, aujourd’hui encore, de plus belle définition ? Car si l’on étudie le droit sous ce mode anthropologique il devient (pensons-nous) bien plus intéressant : ce n’est plus la règle isolée et technique qui s’impose seule mais son objet, ses origines et ses évolutions. Le droit est alors au cœur de la société entre histoire, philosophie, anthropologie et sociologie.

55A propos de ce premier préjugé sur le caractère aride et pénible (sic) des études juridiques, on rappellera qu’en droit – particulièrement – certains usages eurent longtemps cours : ainsi en fut-il de la dictée, du formalisme exacerbé de la tenue des examens57 ou encore du cours… excessivement magistral. Il est d’ailleurs singulièrement paradoxal pour une Ecole qui se voulait et se disait pratique et professionnelle de n’enseigner que par et pour un cours magistral. C’est pourquoi Pierre Bourdieu58 nommait cette méthode celle du « monologue théâtral » et c’est exactement ce qui semble s’être longtemps déroulé dans nos Facultés de droit qui ont été les dernières, en 1954 avec la réforme Duverger, à intégrer les travaux pratiques et dirigés. Ailleurs – en sciences en particulier – c’est, un siècle auparavant, dès 1860 que cette progression vers un enseignement rapproché s’était accomplie. Il faut dire qu’en droit un phénomène avait retardé la naissance des conférences et autres travaux dirigés : il s’agit de la reconnaissance officieuse des répétiteurs privés au sein même de l’Ecole. En effet, existaient auprès des Ecoles de droit ceux que l’on nommait alors des « siffleurs d’examens », anciens étudiants, jeunes docteurs généralement, qui étaient moins onéreux et plus proches de l’étudiant que les professeurs, titulaires ou même suppléants.

56A Poitiers, ainsi, a-t-on pu décrire la reconnaissance officielle même, par l’Ecole de droit, de la « société dikazologique » qui avait obtenu le droit de siéger dans la grande salle de la Faculté au même titre que les conférences facultatives des enseignants qui y avaient lieu depuis 1855 au même endroit59.

57A Paris, de même, certains répétiteurs privés, bien que n’enseignant pas rue Soufflot, avaient acquis une certaine renommée auprès du public estudiantin ce qui leur permit de faire imprimer des ouvrages (souvent intitulés répétitions écrites) qui furent les « ancêtres » de nos actuels mémentos. Il faut alors citer le cas du parisien François Bœuf60 (mais on pourrait également retenir celui du toulousain René Foignet) qui, entre 1866 et 1910, fit publier plus de soixante-dix manuels concernant tant le droit administratif que le droit pénal, le droit commercial et même le Code civil.

58Pour conclure sur ce premier préjugé, on notera toutefois, avec Gilles Deleuze61, que le cours magistral, renommé par l’auteur « partition musicale », possède également de nombreux avantages : il n’est pas qu’un « monologue théâtral » : il a une utilité concrète et essentielle car il s’agit du moment où les étudiants reçoivent sans intervenir : comme s’ils écoutaient une musique. Or, ce moment – sans interaction – est indispensable : il ne faut donc pas, pensons-nous, l’exclure ou le rejeter trop rapidement.

B. Les professeurs de droit (du XIXe siècle)
sont bien trop formalistes

59Le professeur de droit du XIXe siècle se « crispe » aisément : il est formaliste et tient, dit-on, aux règles de la préséance. Rappelons alors, cela dit, que la réforme universitaire napoléonienne qui les avait institués avait largement encouragé et donné la possibilité auxdits professeurs de se sentir investis et détenteurs de telles prérogatives formelles. Ainsi, le droit était-il présenté comme le second des cinq ordres recréés. Le catholicisme étant religion d’Etat, c’est la théologie qui fut proclamée premier ordre et le droit précédait alors la médecine, les sciences et les lettres reléguées au dernier rang car n’ayant pas, selon l’Empereur, d’utilité pratique.

60Or, comme sous l’Ancien Régime, lorsqu’il y avait une « solennité », un événement public, les membres de l’Université devaient paraître de façon très ordonnée. Un véritable protocole était alors institué et toute infraction, bien que purement formelle, était alors pointée du doigt impérial. Sous la monarchie restaurée, cet état des choses ne fut pas ou peu modifié. Aussi, tous les premiers mai par exemple, pour la fête du Roi, tous les agents de l’académie étaient-ils invités à assister à un office religieux et à accomplir des « prières publiques »62. De même en était-il lors de fêtes commémoratives du régime en place ou lors du passage, dans la commune, du chef de l’Etat. On prendra ici un exemple particulier de ce formalisme exacerbé à travers ce que l’on a nommé : « l’affaire des chaises vides ».

61En 1847, les membres de l’académie furent invités le 01 mai (pour la fête du Roi) puis le 27 juillet (pour la fête commémorative des Trois Glorieuses) afin de participer aux prières publiques rituelles. Selon l’Ordo diocésain toutes les autorités du département étaient alors invitées à la cathédrale. L’ordre de préséance à respecter à l’entrée et à la sortie de la messe était alors le suivant63 : l’évêque, le préfet, le recteur, les doyens et professeurs des trois ordres de Facultés et enfin les corps municipaux et les Tribunaux. Le doyen de la Faculté de droit de Poitiers, Foucart , ne se rendit néanmoins pas à la première de ces célébrations car il avait été appelé64 à Paris pour siéger comme président au concours qui allait pourvoir la chaire pictave de droit romain, une chaire civiliste à Strasbourg et la chaire rennaise de droit administratif. Or, lorsqu’il revint de la capitale, le 27 juillet, pour se rendre à la commémoration des journées de juillet 1840, il fut surpris de ne trouver à ses côtés aucun professeur mais les seuls suppléants Martial Pervinquiere, Alphonse Lepetit et le secrétaire Darragon. Les professeurs titulaires avaient en effet refusé de se rendre aux prières publiques. Stupéfait, le doyen écrivit alors à ses collègues « que cet isolement avait été désagréable pour les membres qui assistèrent presque seuls à la cérémonie et désobligeant pour les personnes qui avaient fait la convocation. Il pouvait donc nuire dans le public à la considération de la Faculté » et Foucart pour pouvoir en comprendre la raison provoqua une assemblée générale65. Lors de cette réunion, l’un des professeurs expliqua qu’il avait manqué de places et surtout qu’il était inadmissible selon lui qu’au moment de la sortie de l’office, la Faculté de droit ait été : « obligée de marcher confondue avec les membres du Tribunal de commerce, les officiers de la troupe de la ligne et de la garde nationale et une foule de fonctionnaires qui se joignent soit à M. le Préfet, soit à M. le Maire et affectent même de prendre le pas sur elle (…). La Faculté de droit de Poitiers, en costume, se devait de réclamer son rang officiel au lieu de se trouver pêle-mêle avec la foule qui encombre le chœur et qui sort confusément. »

62Le doyen Foucart se rangea alors à l’avis de ses collègues et se chargea d’expliquer la situation au recteur66 en lui rappelant les dispositions du décret de préséance67 : « à la cérémonie du 01 Mai, (…) des chaises avaient manqué et les membres de la Faculté n’avaient trouvé à se placer qu’avec beaucoup de temps et de peine »68 . De plus, écrivit-il, lors de la sortie de cet office, les membres des Facultés de lettres et de médecine ainsi que le corps municipal avaient osé devancer les professeurs juristes alors que ces derniers auraient dû normalement les précéder. Le recteur accorda aux juristes que le premier argument (le manque de place) était exceptionnellement fondé mais rassura aussitôt les professeurs car cela n’était qu’un accident logistique. En revanche, concernant la sortie de l’Eglise, en rangs, le recteur estima que Foucart et ses collègues étaient bien trop formalistes :

« Si vous vous informiez de ce qui se passe dans quelques villes voisines, vous sauriez que rien n’approche à Poitiers du pêle-mêle que l’on y remarque dans les cérémonies publiques. En ce qui me regarde, j’ai habité Amiens, Montpellier, Orléans, et je puis affirmer que je n’ai jamais vu que l’ordre hiérarchique fut observé ni pour l’entrée dans l’Eglise ni pour la sortie mais seulement pour la place qu’occupe chacun des corps. »

63Personne ne désirant tirer les conséquences de cette « affaire », l’évêque accepta, invité en ce sens par le ministre de l'Instruction Publique, de tout faire pour que cela ne se reproduisît plus. Et il faut dire qu’à cette occasion les professeurs de droit avaient pu faire état d’un autre préjugé qui leur était alors reproché : ils auraient été conservateurs (sic) et même réfractaires à toute nouveauté :

C. Les professeurs de droit (du XIXe siècle)
sont réfractaires au changement

64Conservateurs et certainement frileux à l’arrivée de la plupart des nouveautés, il est vrai que les enseignants juristes du XIXe siècle ont le plus souvent eu peur de l’instauration de nouvelles méthodologies et, ainsi qu’on l’a vu supra, de tous les nouveaux corps enseignants : des agrégés aux maîtres de conférences. Surtout, par crainte, par méconnaissance et par défense de leur propre pré carré, ils ont refusé l’arrivée de nouvelles matières telles que celles issues du droit public et de l’histoire. Alors qu’ailleurs on se réjouissait généralement des progrès de la science et des améliorations portées à l’enseignement ainsi qu’à son développement, les juristes ont longtemps été réticents sinon réfractaires à toute modification de leur système.

65Ainsi, de 1806 à 1954 on a enseigné comme si rien n’avait changé en 150 ans les droits civil, pénal et romain basés sur la seule étude de leurs textes originels et sans exploiter (ou trop peu) la jurisprudence et la doctrine. Poitiers ne fut d’ailleurs pas en reste s’agissant de ce préjugé : on s’en rendit explicitement compte lors de l’arrivée – et du refus – de l’enseignement du droit administratif par une partie des membres de la Faculté. C’est en effet en 1832 que Foucart69, aidé par le doyen Boncenne, obtint la création à son profit d’une chaire de droit administratif70 : la première en France (et de façon durable) après Paris71. Mais cette création dans la Faculté, comme en ville, fut mal accueillie. L’absence d’unanimité scientifique quant à l’utilité d’une chaire de droit administratif à Poitiers se manifesta alors en deux temps : avant la prise même de décision, ce furent deux enseignants de la Faculté de droit, le civiliste Henri Grellaud et Pierre Becane, professeur de droit commercial depuis 1823, qui écrivirent au ministre pour protester (de façon préventive) contre l’érection de la future chaire. On assista alors à un véritable « lobbying » antidroit public … et anti-Foucart72 !

66Au lendemain de la prise des ordonnances des 02 et 04 septembre 1832, cette fois, ce fut dans la presse locale73 que l’on put lire les griefs les plus forts à l’égard de la chaire nouvelle : « n’est-il pas (…) singulier de voir la création de la nouvelle chaire comme une marque de distinction pour la Faculté ? » y écrivit-on en première page. Or, le journaliste, rédacteur de ces lignes, n’était autre qu’un parent direct de l’un des deux professeurs qui avaient lutté contre Foucart et contre le droit administratif avant que la chaire n’existât.

67Plus tard, une autre peur du changement se manifesta à l’encontre dudit Foucart lorsqu’il eut l’honneur d’être nommé doyen par le ministre de l’Instruction publique Victor Cousin en mars 184074. Foucart cumulait alors les a priori : il n’avait que quarante ans ce qui paraissait plus que jeune aux yeux de certains de ses collègues qui espéraient la nomination de leur pair : le maire, protégé du recteur et titulaire de la chaire de code civil Henri Grellaud ; il était parisien (et n’avait en effet jamais fait ses études à Poitiers bien qu’il y habitât depuis plus de treize ans) ; on refusait alors de le considérer comme « local » bien qu’il ait écrit ce qu’il est convenu aujourd’hui de décrire comme l’un des plus beaux et riches ouvrages sur la ville même de Poitiers75… et alors qu’il avait été l’un des onze fondateurs de la prestigieuse Société des Antiquaires de l’Ouest ; il refusait de plaider (bien qu’avocat inscrit au Barreau, il préférait se dévouer à son enseignement ce qui était mal vu de la part de ses collègues qui, pour la plupart, plaidaient plus qu’ils n’enseignaient !) ; enfin, il était professeur de droit administratif : autrement dit, il n’était pas un véritable juriste privatiste (même s’il avait enseigné le droit romain et le droit civil dans cette même Faculté de 1827 à 1832 !). Avec un peu de temps néanmoins, ce que le professeur Guglielmi76 nomma « l’affaire du décanat » se dissipa rapidement et les a priori exprimés à l’égard de Foucart furent oubliés au profit de sa rigueur et de son sérieux décanaux.

D. Les professeurs de droit (du XIXe siècle)
sont fiers de porter la robe

68Avec la création de l’Université napoléonienne, chaque ordre s’était vu attribuer une couleur – visible sur son uniforme universitaire77 – : noire et hermine pour la théologie, rouge pour le droit, cramoisie (et soie nacarat) pour la médecine, amarante pour les sciences et orange pour les lettres. Or, on sait qu’en droit pendant très longtemps il y eut et il y a encore parfois un certain engouement à porter cet uniforme78.

69Ridicule, pédante, dépassée, m’as-tu-vu, arriérée et parfois même réactionnaire, tels sont les adjectifs les plus souvent accolés au port de la robe universitaire lorsque certains enseignants se risquent à cet usage en amphithéâtre ou dans les couloirs d’une Faculté de droit. Jusqu’en mai 1968, pourtant, le port de cette même robe, aux couleurs pourpre et d’ébène, était la règle. La simarre, la cornette ou le guleron n’étaient alors pas des mots inconnus … ou paraissant barbares. A l’origine consulaire, c’est un article 68 (qui n’a jamais été abrogé) du décret du 4ème jour complémentaire de l’An XII79 qui avait imposé aux enseignants juristes de porter « un costume semblable à celui des professeurs docteurs en médecine, si ce n’est qu’au lieu de la couleur cramoisie on y emploiera[it] le rouge assigné au costume des cours de justice ». Lorsque par la suite, passé 1808, on créa l’Université, le costume universitaire fut maintenu et, ni les monarchistes, ni les républicains, ne le firent modifier jusqu’à nos jours.

70Cet uniforme, car s’en est un, était en réalité assez proche de celui porté, à Paris notamment, sous l’Ancien Régime. Il se composait d’une robe ample et rouge aux grandes manches à revers de soie noire. La toge portait les stigmates de la simarre noire et était serrée à la taille par une ceinture de soie puis fermée par une rangée de boutons80. Elle était flanquée à l’épaule gauche d’une chausse reflétant le grade de celui qui la portait et, abandonnant la pratique du rabat double encore porté par certains pasteurs, on lui avait imposé une cravate de batiste plissée faisant office de rabat. Enfin, on avait maintenu le port de la toque rouge (garnie d’un galon d’or), rappel ancestral du mortier judiciaire.

71A proprement parler d’ailleurs il n’y avait pas un uniforme mais trois : nous venons de décrire le grand costume (la robe rouge) porté par les professeurs, les suppléants, et depuis 1855 par les agrégés dans les occasions solennelles. Mais il existait aussi un petit costume (aux couleurs inversées du précédent) pour les « travaux quotidiens » : C’est-à-dire une robe noire aux revers (simarre) rouges : en somme, le « rouge de travail » du juriste ! De surcroît, existait un troisième costume noir, sans simarre, et donc très proche de la robe d’avocat et qui ne s’en distinguait que par le port d’une épitoge rouge. Ce costume était celui des docteurs, et, nous dit Neveu81, « le costume que doivent en principe revêtir les candidats à l’agrégation lorsqu’ils font leurs leçons. »

72En outre, sous le 2nd Empire82, le régime voulut instaurer un quatrième uniforme court et brodé83 pour les fastes de la vie officielle mais il semble n’avoir pas ou peu était porté peut-être en raison de son prix exorbitant et de l’attachement séculaire des Facultés de droit au port de la robe écarlate. Mais il ne faut pas s’y tromper, ce costume, (ré)instauré par Napoléon en l’an XII, n’avait pas qu’un seul objectif : auréoler d’apparat la fonction prestigieuse de membre de l’Université ainsi qu’on portait, sous l’Ancien Régime, la robe en tant que symbole d’une justice de source royale.

73Il s’agissait avant tout d’un costume officiel ayant pour fonction, comme tous les uniformes encore portés à ce jour, de faire disparaître l’individu qui le porte pour ne privilégier et ne mettre en avant que sa fonction. Comme un acteur qui entre en scène, le professeur de droit porte son costume et puise en lui sa dignité et sa force. Il « devient » l’enseignant et peut oublier sa personnalité, ses tracas, son quotidien, lorsqu’il a revêtu ses apparats.

74En outre, le port de la robe est aussi le reflet de l’Egalité car il transcende les différences originelles pour placer tous les professeurs, riches, pauvres, fille de doyen ou petit-fils de maçon émigré, derrière un uniforme commun. Lorsque l’enseignant s’exprime alors, c’est tout un corps, c’est l’Université qui est à ses côtés, quel qu’il soit. De surcroît, ainsi que le rappelait Achille Mestre dans ses mémoires84, « la robe (…) est la Providence de ceux, assez nombreux dans le corps enseignant (…), qui n’ont pas eu le loisir de méditer sur la coupe de leur veston » : elle est pratique car elle est toujours la même et permet en conséquence de porter ce que l’on veut dessous ! Tissons enfin un dernier parallèle : à l’opéra, lorsqu’une cantatrice comme Marilyn Horne incarne l’Orlando furioso de Vivaldi, il ne vient à personne, appréciant cet art, de s’exclamer qu’elle est ridicule dans une armure d’homme. De même, lorsque Paul Agnew, dans le Platée de Rameau, devient une nymphe aux allures de batracien ou que Gaële Le Roi incarne Ascagne, le fils d’Enée dans les Troyens, on se laisse aisément convaincre : pourquoi ? Parce que les spectateurs acceptent ces symboles et y croient, emportés par la magie du spectacle. La cause est identique s’agissant du costume universitaire : si l’on ne croit pas en ce qu’il représente, il devient risible. Aussi, symbole puissant, prestigieux, source d’uniformisation consacrant la fonction et non l’individu, mécanisme égalitaire et pratique : ne s’agit-il pas là de raisons bien légitimes de porter un costume aujourd’hui honni ? Certes, ceux qui continuent de porter la robe par snobisme, en pensant qu’elle leur donnera de l’esprit ou uniquement par prestige en ont manifestement oublié les sens et peuvent être critiqués. Quant aux autres, s’ils savent expliquer ce geste et cette symbolique égalitaire, ils ne doivent plus – selon nous – être abhorrés.

75Dans l’Ecole du doyen Foucart, le port de la robe a toujours été très suivi85 et fortement pris au sérieux. Au XIXe siècle, deux anecdotes peuvent en témoigner : en 1829, par exemple, la Faculté dut se réunir plusieurs fois pour pouvoir fixer ce qui semblerait superfétatoire aujourd’hui : le costume à porter lors des honneurs funèbres86. L’une des questions posées était notamment celle de savoir s’il faudrait revêtir le même costume pour un membre de la Faculté, un suppléant ou l’épouse d’un de ses membres.

76En l’occurrence, la Faculté de droit de Poitiers décida de toujours porter le grand costume « même pour les veuves non remariées et pour les femmes de professeurs suppléants ». Et, comme la situation n’avait pas vraiment été tranchée et que quelques incidents étaient survenus87, en 1860 le recteur Juste provoqua un nouveau règlement88.

77De même, en 1846, Foucart prit-il le soin de réglementer la situation des suppléants provisoires non considérés comme des membres de la Faculté. Afin de les intégrer au corps enseignant, Foucart avait décidé d’obliger tout enseignant, quel que soit son statut, à porter au moins le « petit costume ». Et lorsqu’on lui fit remarquer que certains vacataires n’avaient pas encore conquis le grade de docteur et ne pouvaient donc pas porter l’uniforme, le doyen leur répondit simplement89 :

« Achetez donc dès demain une chausse de docteur et faites-en découdre le troisième galon que vous garderez précieusement » et que vous pourrez ensuite appliquer « une fois ce grade conquis. »

78Cette innovation sera d’ailleurs reprise et généralisée en 1888 par une circulaire ministérielle prescrivant le port de l’épitoge avec un rang de moins pour tous les chargés de cours non titulaires90.

E. Les étudiants en droit (du XIXe siècle) sont indisciplinés

79Alors qu’aujourd’hui les étudiants en droit sont connus (et reconnus ?) pour être des individus destinés à tout sauf à la révolution et à la revendication, et pour être en règle générale les seuls ou les derniers91 à s’investir dans un mouvement estudiantin ou universitaire, autrefois ils ont longtemps été considérés comme étant les plus turbulents.

80D’ailleurs, si l’on consulte le registre92 des jugements du Conseil royal de l'Instruction Publique de 1820 à 1850, cette impression semble se vérifier. En effet, sur 215 occurrences, 80 sont relatives aux Facultés de droit93 soit près de 40 % des affaires qui touchent pourtant toute l’Instruction Publique : des collèges royaux aux Facultés des lettres. Concernant les étudiants en droit, on trouve essentiellement des affaires politiques (plus de 33 %) ou d’outrages aux mœurs (23 %) mais ce sont surtout les duels (près de 40 %) qui sont l’objet des sanctions disciplinaires94.

81Foucart, en tant que doyen de la Faculté de droit de Poitiers, était très paternaliste lorsqu’il s’agissait de la police interne à son établissement. Contrairement à ce que l’on pourrait alors croire il n’était pas partisan d’une politique répressive automatique. Tant qu’il le pouvait, il évitait la sanction et préférait que l’étudiant fautif se repente sincèrement. Car concrètement, le doyen d’une Ecole de droit et le recteur, en son conseil académique, disposaient d’un large pouvoir disciplinaire dont le Conseil royal de l'Instruction Publique formait le dernier échelon. En cas de troubles à l’intérieur ou à l’extérieur même de la Faculté de droit, les chefs d’établissement et d’académie pouvaient sanctionner leurs élèves par des peines pécuniaires ou des exclusions.

82Ainsi, depuis 182095, une fois le grade conféré, les recteurs avaient-ils toujours la possibilité de refuser de signer le diplôme en question si la conduite du postulant s’était avérée répréhensible. Le ministre de l'Instruction Publique avait alors indiqué que l’Université devait refuser d’admettre « dans le corps respectable de ses gradués, des jeunes gens qui se seraient rendus indignes de cette distinction, soit par des mœurs vicieuses, soit par une conduite turbulente ».

83Cependant, il ne faut jamais oublier, à la décharge des étudiants en droit, que l’époque dont il s’agit est particulièrement tourmentée. Les régimes se succèdent et doivent donc cohabiter ensemble royalistes modérés, constitutionnels, ultras, bonapartistes, néobonapartistes et républicains. Aussi n’est-il pas rare, lorsqu’un changement de régime se produit96, que pendant les mois et éventuellement les années qui suivent, des troubles surviennent97. De surcroît, les étudiants en droit, dont la quasi-majorité est alors issue des « bonnes familles de France » (d’origines bourgeoises et nobles), sont très souvent politisés ou engagés politiquement98. Il arrive alors que des discussions s’enveniment et que, pour des raisons purement politiques, on en vienne aux mains ou aux armes. De même, il est fréquent que des troubles soient organisés en ville (et notamment à Poitiers) par des étudiants en droit. Ainsi, en 183499, plusieurs étudiants avaient-ils décidé de porter atteinte à l’image royale en singeant lors de la « fête du Roi » le souverain qu’ils imitaient alors que d’aucuns « criaient « Vive le Roi » avec un accent marqué de dérision ».

84Mais il n’y a pas que dans les actions collectives et politiques que les étudiants en droit étaient surveillés. Leur action individuelle était également contrôlée. Ainsi trouve-t-on dans les archives de nombreux témoignages d’actions personnelles ayant conduit à des procès ou des exclusions pour « mauvais comportements ».

85En 1812100, l’Ecole de droit de Poitiers avait ainsi demandé au maire qu’il interdise une représentation théâtrale dans laquelle des étudiants « voulaient jouer la comédie » et « formaient le projet (…) d’y paraître travestis en femmes ». Il fallait, à tout prix, que le magistrat communal empêche ce désastre accompli par « de jeunes destinés à remplir un jour des fonctions augustes de la magistrature ou du barreau ».

86En 1831, c’est Labadie de Lalande101 qui est exclu pour « destruction de biens destinés à l’utilité publique et d’arbres entourant un monument du culte ». En 1843102 ce sont plusieurs étudiants qui ont « causé du trouble au spectacle (…) en sifflant avec affectation une actrice ». L’un ivre aurait même injurié son camarade situé au parterre « de la manière la plus grossière et la plus obscène ». Parfois, il s’agit d’affaires de mœurs où se mêlent argent, boissons et filles publiques. En 1845103 ainsi, « les faits ont eu lieu après une orgie de plus de trois heures dans la chambre de Chevalier la nuit du 20 au 21 février dernier, orgie à laquelle ils étaient avec deux filles publiques ». On condamna alors les étudiants juristes pour avoir commis un « tapage scandaleux qui a troublé toute la maison, cassé les meubles de la chambre, les assiettes, les bouteilles, brisé même les vitres des fenêtres ».

87Souvent, ces faits avaient lieu après une pièce de théâtre, un bal ou lors du carnaval. Ainsi, en 1853104 est-ce après un bal costumé que l’on vit déambuler des étudiants « dans la ville et sur le parvis de Notre-Dame alors qu’on allait et sortait de la messe : à moitié ivres et encore costumés du bal de la veille ». Plus graves en 1847 et 1849105 furent les cas d’attentats à la pudeur et « d’enlèvement de mineur et rapt par séduction ». Pendant les cours également, il arrivait que des troubles soient commis. Il apparaît alors que les étudiants d’aujourd’hui n’ont rien inventé106 : on retrouve dans les archives la mention d’élèves ayant chanté en cours, lancé des « boulettes de papier » contre le professeur, ou essayé d’empêcher le cours en introduisant dans la salle « un flacon d’assa foetida », l’ancêtre de nos « boules puantes ». Mais ce qui arrivait le plus souvent, au grand désespoir de Foucart qui avait tout entrepris pour que cela cesse, était l’organisation de duels107.

88A Poitiers en effet, il semble que l’usage du duel ait longtemps perduré. Sur les 28 occurrences figurant ainsi dans le registre108 des jugements disciplinaires du Conseil royal de l'Instruction Publique, 13 sont relatifs à des étudiants pictaves ce qui représente près de 50 % d’entre eux. Dans l’enceinte même de la Faculté de droit les duels étaient rarissimes puisque très tôt109 il avait été indiqué aux étudiants ainsi qu’aux auditeurs bénévoles qu’ils devraient tous « déposer leurs armes et cartouches » chez l’appariteur.

89La plupart des duels qui eurent lieu se déroulèrent au pistolet et ce qu’il est intéressant de constater c’est que les témoins du duel ou de la tentative de duel étaient autant punis que les rescapés de l’affrontement. En 1843110, ainsi, MM. Dumont et Devallee furent-ils chacun privés de deux inscriptions pour ne pas s’être suffisamment interposés afin d’éviter le duel. Très affecté par ces conflits, le doyen Foucart avait entrepris de bien faire comprendre aux étudiants qu’ils s’égaraient et qu’il leur serait préjudiciable même de simplement assister à un duel.

90Lors d’une séance solennelle, il déclara111 ainsi publiquement : « la conduite des étudiants, au dehors de l’école, (…) a été généralement bonne ; malheureusement deux étudiants, d’une conduite d’ailleurs irréprochable, ont eu le tort grave d’assister comme témoins à un duel. Ce fait, quelques bonnes que fussent leurs intentions (…) constituait une faute ». Il faut donc, estime Foucart, que les étudiants comprennent que « quelle que soit l’issue du combat, leur avenir peut être compromis ». Il y eut ainsi de nombreuses sanctions112 et refus de diplômes113 pour duel.

91Souvent, les conflits étaient générés pour des raisons qui aujourd’hui paraîtraient obsolètes. En 1853114 ainsi, le commissaire de police explique-t-il que « M. Pougnet, en parlant de M. Laurier disait dans tous les cafés où n’allait pas ce dernier : « Laurier est un polisson, un galopin » ; un ami officieux vint répéter le propos à M. Laurier qui se rendit immédiatement au café Castille pour demander » si les propos étaient véridiques. Comme tel était le cas, il s’en suivit un duel. Les protagonistes allaient alors tirer au pistolet mais heureusement « avant de faire feu » l’un d’eux se retourna et dit : « tu es toujours mon ami, je ne tirerai jamais sur toi ».

92Mais ces préjugés (II) et ces relations entre Ordres et Facultés (I) sont-ils si propres à notre Université poitevine ou sont-ils plus universels qu’il n’y paraît ? Sous l’Ancien Régime, il existait semble-t-il une spécificité pictave que mit en avant Corneille par le biais des mots de Dorante115 :

« Paris, après tout, est bien loin de Poitiers, le climat différent veut une autre méthode : ce qu’on admire ailleurs est ici hors de mode ! »

93Laissons aux lecteurs et aux chercheurs le soin de répondre à cette question s’agissant du XIXe siècle et de ceux qui lui succèderont.

Notes

1 Gracq Julien, Carnets du grand chemin ; Paris, Corti ; 1992 : « Liberté grande ».

2 Le présent article est issu d’une communication réalisée le 21 octobre 2005 lors de la rentrée des Ecoles doctorales de l’Université de Poitiers à la demande du directeur de son Ecole doctorale juridique, M. le professeur Braconnier, que l’auteur tient ici à remercier chaleureusement. En conséquence, et en connaissance de cause, le lecteur voudra bien nous pardonner le style parfois trop « oral » de ces lignes.

3 Les présentes recherches sont essentiellement issues de travaux de thèse relatifs à l’œuvre et à l’influence dudit doyen Foucart et réalisés par l’auteur à l’Université de Paris II Panthéon-Assas. Elles constituent d’ailleurs une Annexe de ces travaux auxquels on fera référence ici en mentionnant : « [§…] » avec le numéro de paragraphe opportun renvoyant à la thèse multigraphiée dont le titre est : Touzeil-Divina Mathieu, Le doyen Foucart (1799-1860), un père du droit administratif moderne ; Paris, Université de Paris II ; 2007.

4 Pour de plus amples détails sur ce sujet, l’ouvrage de référence demeure encore aujourd’hui celui du ministre de l’Instruction Publique, ancien étudiant de la Faculté des lettres de Poitiers, Louis Liard (1846-1917) : L’enseignement supérieur en France (1789-1883) ; Paris, Armand Colin ; 1888.

5 Décret du 08 août 1793 portant suppression de toutes les Académies et Sociétés littéraires patentées ou dotées par la Nation in Beauchamp Alfred de, Recueil des lois et règlements sur l’enseignement supérieur, comprenant les décisions de jurisprudence et les avis du conseil de l’Instruction Publique et du Conseil d’Etat ; Paris, Delalain ; 1880 ; TI, p. 14 ; décret qui fut du reste confirmé par la Loi du 15 septembre 1793. Sachant toutefois que cette Loi fut rapportée le lendemain même (faute à la Convention de ne pas avoir trouvé d’accord sur le système qui remplacerait le précédent), certains mentionnent que c’est, en droit, une Loi du 07 Ventôse an III qui supprima définitivement « tous les anciens établissements consacrés à l’Instruction Publique ». Nous ne le contestons pas mais relevons simplement que dans les faits les Facultés avaient bien disparu depuis 1793.

6 Foucart Emile-Victor-Masséna, Poitiers et ses monuments ; Poitiers, Pichot ; 1840 ; p. 84.

7 A son égard on consultera notamment et chronologiquement : Bellin de la Liborliere Léon-François-Marie, « Souvenirs de l’ancienne Université de Poitiers » in Bulletin de la Société des Antiquaires de l’Ouest (BSAO) ; 1844 ; vol. 4 ; Bull. 1 ; p. 66 ; Boissonnade Prosper (dir.), Histoire de l’Université de Poitiers, Passé et Présent (1432-1932) ; Poitiers, Imprimerie moderne ; 1932 ; Favreau Robert, « Aspects de l’Université de Poitiers au XVème siècle » in BSAO ; 1959, vol. 5, Bull. 4 ; p. 31 ; Filhol René, « L’enseignement à l’Université de Poitiers aux XVIIe et XVIIIe siècles » in BSAO ; 1961, vol. 6, Bull. 4 ; p. 7 et (du même) : L’Université de Poitiers sous l’Ancien Régime – Discours prononcé lors de la rentrée solennelle du 19 novembre 1966 ; Poitiers, CRDP de Poitiers ; 1967 ; Jarousseau Gérard, « Les offices de l’Université de Poitiers portant la masse ou la verge à la fin du XVIème siècle » in BSAO ; 1981, vol. 16, Bull. 4 ; p. 125 et Université de Poitiers, L’Université de Poitiers (1431-1981) – Catalogue de l’exposition du 550ème anniversaire ; Poitiers, Université, Mairie, Musée de Sainte-Croix et Société des Antiquaires de l’Ouest ; 1981.

8 A propos du serment voyez nos développements dans la thèse (préc.) [§ 27, 90, 187, 1116 et s.].

9 Il s’agit à proprement parler de légitimistes acquis à Charles X (d’où le substantif de carlistes qui ne se réfère nullement aux carlistes espagnols du même siècle ainsi qu’un autre doyen de la Faculté pictave nous a récemment permis d’en appréhender les différences et que nous remercions pour sa lecture attentive).

10 A son sujet, on pourra lire les deux notices suivantes : Carbonnier Jean, « Hiérome-Bonaventure Gibault, jurisconsulte poitevin (1763-1834) romancé par lui-même » in BSAO ; 1956, vol. 3, Bull. 4 ; p. 323 et De La Marsonniere Jules, « L’abbé Gibault » in BSAO ; 1892, vol. 14 p. 4 et s. 

11 Cité par Lafargue Paul, La légende de Victor Hugo ; Paris, Revue socialiste ; 1891 puis 1902 ; p. 13.

12 Dans l’anonyme nouveau dictionnaire des girouettes (Paris, Lerosey ; 1831).

13 Filhol René, « Louis-Marguerite-Aimé Allard, Professeur à la Faculté de droit de Poitiers sous l’Ancien Régime, sous l’Empire et la Restauration (1750-1827) » in BSAO ; 1971, vol. 11, Bull. 4 ; p. 11. Ledit Allard ayant eu pour descendant un dénommé Jullien Allard qui connut également la célébrité pour ses talents artistiques.

14 Lettre du recteur De La Liborliere en date du 03 juin 1817 (et réponse de la Commission de l’Instruction Publique en date du 07 juin 1817) versée aux archives nationales : A.N. F17 / 2056.

15 A cet égard, il faut lire le très bel article de : Goedert-Abaji Nathalie, « Quand les recteurs regardaient la France » in Mélanges Jacques Lelievre ; Paris, Presses Universitaires de France ; 1999 ; p. 121.

16 Loi du 15 mars 1850 relative à l’enseignement in Recueil (préc.) de Beauchamp ; TII, p. 85. Règlement d’administration publique du 29 juillet 1850 pour l’exécution de la Loi du 15 mars 1850 in Recueil de Beauchamp ; TII, p. 155. Circulaire du 26 décembre 1850 relative aux pouvoirs des recteurs in Recueil de Beauchamp ; TII, p. 192.

17 Rapport du 10 avril 1852 de M. Fortoul in Recueil de Beauchamp ; TII, p. 216.

18 Thèse Foucart [§ 1117 et s.]. Voyez également : Gerbod Paul, « Les inspecteurs généraux et l’inspection générale de l’Instruction Publique de 1802 à 1882 » in Revue historique ; 1966 ; p. 79 et s. ainsi que l’ouvrage collectif de Caplat Guy et Lebedeff-Choppin Bernadette, L’inspection générale de l’enseignement supérieur au XIXème siècle ; Paris, Institut national de recherche pédagogique (INRP) ; 2002.

19 Pour de plus amples détails, on se permettra également de renvoyer à la thèse (préc.) [§ 188 et s.].

20 Décret du 20 floréal an XIII (signé au Palais de Milan) et lettre du 18 prairial an XIII conservés aux archives municipales pictaves de la Médiathèque François Mitterrand : A.M. de Poitiers : F 213-2-(1) (3 et s.).

21 C’est-à-dire au 43, place Charles De Gaulle (anciennement place du marché Notre-Dame) à Poitiers.

22 Examen des archives municipales (préc.) : A.M. de Poitiers : F 213-2 (4) (numéros 1 à 31).

23 Dans lequel la présente communication fut lue et qui est actuellement nommé : « amphithéâtre Hardouin ».

24 Lettre en date du 03 janvier 1853 in A.M. de Poitiers : F 213-2 (4) (31).

25 Lettre en date du 23 décembre 1843 in A.M. de Poitiers : F 213-2 (4) (17).

26 A son égard, on consultera notamment (et chronologiquement) : Michon Lucien, Histoire de la Faculté de droit de Poitiers 1806-1899 ; Poitiers, Fayoux ; 1900 ; Girault Arthur, Le centenaire de l’Ecole de droit de Poitiers ; Paris, Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence ; 1906 ; également publié in RIE ; Paris, Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence ; 1906, Tome LII ; p. 399 et s. ; Audinet Eugène, Les Origines de la Faculté de droit de l’Université de Poitiers : discours prononcé à la séance publique de la Société des antiquaires de l’Ouest, le 22 janvier 1922 ; Poitiers, Société des Antiquaires de l’Ouest ; 1922 et (du même) : « La Faculté de Droit de Poitiers au XVIIIème siècle, les études, les étudiants » in BSAO ; 1928, p. 24 et s. ; Prevost Karine, Histoire de la Faculté de droit de Poitiers de 1806 à 1845 ; Poitiers, multigraphié ; 1997 (mémoire de D.E.A.) et Touzeil-Divina Mathieu, « Eléments pour une histoire de la Faculté de droit de Poitiers » in La Gazette (de Thesa Nostra) ; Poitiers, Faculté de droit de Poitiers ; 2005, n° 1.

27 Après l’ordre de la théologie (absent à Poitiers) et avant les trois autres ordres de Facultés selon le décret du 17 mars 1808 portant organisation de l’Université in Recueil (préc.) de Beauchamp ; TI, p. 171.

28 Récemment, avant la rénovation de l’amphithéâtre dit Henri Rousseau, on pouvait même encore admirer, au centre de la salle circulaire, une table à dissection vestige des anciens cours de médecine qui y avaient eu lieu.

29 Ainsi que ce fut également le cas à la fin du XIXème siècle (en 1896 avec la proclamation des « nouvelles » Universités) ou lors du siècle suivant où, par exemple, les Facultés se rencontrèrent pour fêter ensemble le 550e anniversaire de l’Université pictave (en 1931). Pour cette occasion, on décida même de matérialiser physiquement et artistiquement les liens entre Facultés par la commande puis l’exposition dans la salle des conseils de l’Université (actuellement « amphithéâtre Savatier » de la Faculté de droit) de fresques peintes par Pierre Girieud et symbolisant les quatre ordres « à la gloire de l’Université de Poitiers ».

30 Décret du 22 août 1854 et circulaire du 03 février 1855 in Recueil (préc.) de Beauchamp ; T II, p. 424.

31 Lettre en date du 13 mai 1858 conservée dans les archives universitaires de la Faculté de droit de Poitiers.

32 La Faculté de droit de Poitiers soutient en ce sens la préparation d’un colloque interdisciplinaire où des juristes, des historiens, des musicologues, des littéraires, des anthropologues et des sociologues réfléchiront aux liens unissant le Droit et l’Opéra. Pour de plus amples renseignements sur ce projet (coordonné par l’auteur de ces lignes) et prévu en 2008 on consultera le site qui lui est consacré : http://www.droitetopera.com.

33 Deux ouvrages ont précédemment offert une présentation différente (de la nôtre) de ces liens. Il s’agit de l’œuvre (préc.) du doyen Boissonnade (hélas parfois très critiquable d’un point de vue historique et scientifique) et celle d’Audouin Louis, Contribution à l’histoire de l’Université de Poitiers (et à celle de son difficile établissement au XIXème siècle) ; Poitiers ; Y’bis ; 1997.

34 A propos de cet établissement on lira notamment : Gaboriau Jean-Luc, L’histoire de la Faculté de médecine de Poitiers de 1431 à 1793 ; Poitiers, multigraphié ; 1993 (thèse d’exercice en pharmacie) et Veluet Maurice-Paul, Esquisse historique sur l’organisation de l’enseignement médical à Poitiers (…) ; Poitiers ; 1933.

35 Liard Louis, (op. cit.), Tome II, p. 101. Ces considérations se retrouvent notamment clairement énoncées dans l’exposé, par Fourcroy, des motifs de la Loi du 22 ventôse an XII ayant recréé les Ecoles de droit.

36 Liard Louis, (op. cit.), Tome II, p. 103.

37 A son égard, l’étude historique la plus poussée demeure celle (préc.) de son doyen : Prosper Boissonnade .

38 Voyez en ce sens (et par exemple) la délibération de la Faculté de droit de Poitiers du 12 juin 1838 reproduite au registre universitaire dudit établissement et dont un double figure aux archives départementales de la Vienne sous la cote : A.D. Vienne : T10 – 1936 III. Voyez également les nombreux rapports d’inspecteurs généraux – particulièrement rendus entre 1838 et 1840 par Matter – réclamant une telle création suite à une inspection de la Faculté de droit de Poitiers : A.N. F 17 / 13068.

39 Pétition annexée à la délibération de la Faculté de droit de Poitiers du 10 février 1860 (ibidem).

40 Ainsi qu’il l’avait d’ailleurs écrit dès 1854 : Foucart Emile-Victor-Masséna, « Rapport annuel du doyen sur les travaux de la Faculté (1853-1854) » in Séance solennelle de rentrée de la Faculté de droit de Poitiers et d’installation de la Faculté des Sciences (1854) ; Poitiers, Dupré ; 1854, p. 12.

41 A pari : « Rome n’a pas vécu seulement d’elle-même (…) : en s’enrichissant des trésors intellectuels de la Grèce, elle conservait ce caractère sévère, ce génie pratique qui a toujours distingué Rome d’Athènes, la République de Ciceron qui contient les principes immuables du droit politique et civil, de la République rêveuse et communiste de Platon. Rome a fait servir les lettres (…) à la science du droit, et Rome, la première dans le monde, a eu des jurisconsultes » s’écriait l’inspecteur général (et ami personnel du doyen Foucart), Laferriere Firmin, « Discours prononcé devant la Faculté de droit de Poitiers sur l’alliance des études littéraires et juridiques » in RCLJ ; Paris, Cotillon ; 1854, Tome IV ; p. 92.

42 Décret du 10 avril 1852 (en son article 13) in Recueil de Beauchamp ; TII, p. 216. Par la suite, un décret du 22 août 1854 permettra en son article 07ème de remplacer un des deux cours de lettres par une inscription en Faculté des sciences ou de théologie.

43 Foucart Emile-Victor-Masséna, « Rapport annuel du doyen sur les travaux de la Faculté (1852-1853) » in Séance solennelle de la Faculté de droit de Poitiers présidée par l’inspecteur Laferriere (1853) ; Poitiers, Dupré ; 1853, p. 19.

44 Délibération de la Faculté de droit de Poitiers du 20 juillet 1857 reproduite au registre (préc.).

45 A propos de laquelle on consultera : Université de Poitiers, 1854-2004 : histoire résumée des 150 ans de la faculté des sciences de l’Université de Poitiers ; Poitiers, multigraphié ; 2005 et Welsch Jules, Historique de la Faculté des sciences de Poitiers (1854-1922) ; Poitiers ; 1922.

46 Il faut voir à ce sujet l’excellent film de Claude Pinoteau : « Les palmes de M. Schultz » (1997). Film à propos duquel on remercie la personne qui nous l’a présenté, nous a parlé avec tant de passion(s) de ses recherches en astrophysique nucléaire et (surtout) pour tout ce qu’elle nous a apporté depuis. Merci.

47 Cité par Audouin (préc.).

48 Mallein Jules-Antoine, Considérations sur l’enseignement du Droit Administratif ; Paris, Plon ; 1857, p. 357 et s.

49 Les cours des Facultés de lettres (principalement) puis de sciences étaient en effet ouvert aux femmes ce qui ne se pratiquait pas encore dans les Facultés de droit.

50 La première thèse scientifique pictave, ce que confirme Boissonnade (op. cit. ; p. 305 et s.), porte ainsi le titre suivant : « Recherches expérimentales [sur l’équilibre et] la locomotion chez les poissons ». Elle est l’œuvre d’un certain Gouriet.

51 Bouchard Marcel, « Les Universités françaises » in Revue de l’Enseignement Supérieur ; Paris, Sevpen ; 1960, n° 3, p. 39.

52 S’agissant de l’œuvre et des efforts dudit doyen Foucart , voyez nos travaux (préc.) de thèse [§ 47 et s.].

53 A cet égard, on se permettra une fois de plus de renvoyer à nos travaux : concernant le refus par les Facultés de droit de l’agrégation [§ 164 et s.], des travaux dirigés [§ 123 et s.] et de nouvelles méthodologies au XIXe siècle [§ 196 et s.].

54 Balzac Honoré (de), La Comédie Humaine ; Paris, Gallimard ; 1976 : collection de la Pléiade : Tome III, « Etudes de mœurs : scènes de la vie privée » in Le contrat de mariage ; p. 536.

55 Foucart Emile-Victor-Masséna, « Discours du susdit sur l’esprit qui doit guider les jeunes gens dans l’étude du droit » in Séance solennelle de rentrée de la Faculté de droit de Poitiers (1839) ; Poitiers, Saurin ; 1839, p. 2.

56 Phrase que l’on retrouve telle quelle dans les premières lignes de la première édition de son traité : Foucart Emile-Victor-Masséna, Eléments de droit public et administratif ; Paris, Videcocq ; 1834 ; Tome I, p. 4 (Une réimpression de ladite édition est en cours dans la collection « Une histoire du droit public » afin de rendre ce texte accessible. Pour plus de détails, voyez : http://www.chezmtd.com/hdp.htm).

57 A leur égard, et en particulier à propos de la dictée obligatoire, on renverra à nos travaux de thèse [§ 90 et s.].

58 Bourdieu Pierre (et alii), Rapport pédagogique et communication ; Paris, Mouton ; 1965 ; p. 20.

59 Concernant les conférences méthodologiques de 1855 ainsi que l’existence de ladite société : cf. [§ 124 et s.]

60 Si l’on veut bien nous pardonner l’anachronisme, on pourra d’ailleurs affirmer de François Bœuf qu’il a véritablement été le « stakhanoviste des répétiteurs » ! Nul autre, plus que lui, ne peut effectivement prétendre quantitativement avoir autant écrit et fait publier de leçons : cf. [§ 502 et s.].

61 Deleuze Gilles, Abécédaire : entretiens avec Claire Parnet ; Paris, Editions Montparnasse ; 2004 (à la lettre « P comme professeur »).

62 Prières à propos desquelles on se permettra de renvoyer à : Touzeil-Divina Mathieu, « La mort d’un couple : prière(s) et vie publiques » in Prières et droit ; Droit et bioéthique ; n° 51 de la revue Droits et Cultures ; Paris, L’Harmattan ; 2006, n° 1 ; p. 13 et s. et [§ 28 et 35 en particulier]. Les lignes du présent paragraphe sont d’ailleurs directement inspirées de celles reproduites (p. 23 et s.) de l’article (préc.).

63 Cet ordre sera maintenu tel quel sous le 2nd Empire. Voyez ainsi la circulaire du 24 décembre 1850 in Recueil (préc.) de Beauchamp ; TII, p. 192 et, originellement, le décret du 24 messidor an XII.

64 Cf. arrêté ministériel du 09 janvier 1847 et la nomination conséquente, du 03 mai 1847, permettant à Jean-Charles Babinet de remplacer Foucart dans sa chaire de droit administratif (archives universitaires).

65 Délibération de la Faculté de droit de Poitiers du 29 juillet 1847 insérée dans le registre (préc.).

66 Lettre du doyen Foucart du 03 août et réponse du recteur Delalleau du 09 août 1847 (archives universitaires : cartons (préc.) de la Faculté de droit).

67 Il s’agit notamment de l’article 165 du décret du 15 novembre 1811.

68 Et même un des membres alla s’asseoir dans une des magnifiques stalles de la Cathédrale mais dut rapidement s’en extraire … car elles étaient réservées, elles aussi, mais au clergé.

69 Qui ne sera doyen qu’en 1840 et était alors professeur suppléant (en droit civil et romain) depuis 1827.

70 Ordonnance du 02 septembre 1832 in Recueil (préc.) de Beauchamp ; TI, p. 674 insérée au Bulletin des Lois (IXe série) n°180 (2e partie) ; p. 121 (référence n 4355). Deux jours plus tard, une ordonnance nommera Emile-Victor-Masséna Foucart à cette fonction.

71 Concernant l’érection de la chaire pictave [§ 367 et s.] et, de manière générale, la naissance universitaire du droit administratif, on renverra à nos travaux de thèse [§ 340 et s.].

72 Protestation des sieurs Becane et grellaud (17 juillet 1832) : A.N. F 17 / 2057.

73 Gazette de l’Ouest (dir), « A propos de la création d’une chaire de droit Administratif » in Gazette de l’Ouest ; Poitiers ; 1832, n 168 du 11 Septembre 1832.

74 Concernant le décanat Foucart, on renverra pour plus de détails à nos travaux (préc.) [§ 192 et 2051 et s.].

75 Foucart Emile-Victor-Masséna, Poitiers et ses monuments ; Poitiers, Pichot ; 1840.

76 Guglielmi Gilles-J., « Emile-Victor Foucart ou le sacerdoce du droit public et administratif » in RDP ; Paris, Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence ; N°5 de 1996, p. 1292.

77 Décret du 31 juillet 1809 in Recueil (préc.) de Beauchamp ; TI, p. 225.

78 A propos duquel on pourra lire : Dauvillier Jean, « Origine et histoire des costumes universitaires français » in Annales de la Faculté de droit de Toulouse ; Toulouse, Faculté de droit ; 1958 ; Tome VI, p. 3 et s. ; Neveu Bruno, « Le costume universitaire français : règles et usage » in La Revue Administrative ; Paris ; 1996, p. 485 ; Julien Jérôme, « Histoires de robe… » in Gazette du Palais du 14 mars 2004, p. 2 et Touzeil-Divina Mathieu, « Réflexions sur un port honni : le costume universitaire » in Un Dix juridique (journal des étudiants des Universités de Paris X et de Paris I) ; Paris, Adfu ; 2005 ; n 3 (novembre) (p. 1 - éditorial). Voyez également, dans nos travaux de thèse (préc.) : [§ 30 et s.].

79 Décret du 4e jour complémentaire (ou 4ème sans-culottide ») de l’an XII (21 septembre 1804) concernant l’organisation des écoles de droit in Recueil (préc.) de Beauchamp ; TI, p. 142.

80 25 en principe selon Neveu Bruno (op. cit. ; p. 487.) mais actuellement et fréquemment de 13 comme… pour une soutane.

81 Op. cit. ; p. 489.

82 Décret du 24 décembre 1852 in Recueil (préc.) de Beauchamp ; TII, p. 263.

83 « Broderie en soie violette et or au collet, parements, taille, bande brochée en soie violette sur fond noir au pantalon ; chapeau à plumes noires ; épée à poignée de nacre avec garde dorée. »

84 Mestre Achille, Etudes et étudiants ; Paris, Dalloz ; 1928 ; p. 109 : « la robe ».

85 Encore aujourd’hui, l’Ecole de Poitiers est une des rares Facultés de droit dans laquelle lors de solennités telle qu’une soutenance de thèse ou une séance de rentrée, l’uniforme est porté.

86 Voyez ainsi les délibérations de la Faculté de droit des 10 mars et 25 mai 1829 dans le registre (préc.).

87 Notamment en 1830 (lettre rectorale du 07 août 1830) lors des obsèques de Madame Guillemot (épouse d’un professeur qui était de surcroît membre du conseil municipal ce qui avait donc posé de nouveaux problèmes de préséance) et en 1842 (lettre rectorale du 22 juillet 1842) lors de la commémoration en l’honneur du Duc d’Orléans où la Faculté de droit se demanda où « poser la crêpe à la toque » (sic). Lettres déposées dans les archives universitaires (préc.) des cartons de la Faculté de droit de Poitiers.

88 Rapport de l’abbé (recteur) Juste du 09 février 1860 in A.N. F17 / 4336.

89 Voyez ainsi la lettre du 12 novembre 1846 dans les archives universitaires (préc.).

90 Circulaire du 12 mai 1888 et réception de la présente norme à Poitiers le 14 juin 1888 (archives universitaires).

91 En témoigne, au début de l’année 2006 lors de la crise dite du « CPE », la volonté de certains étudiants grévistes et non juristes de bloquer l’accès à la Faculté de droit comme si elle représentait le temple de l’autorité.

92 A.N. F17 / 1909 (Registre des jugements du Conseil royal de l’Instruction Publique (1820‑1850)).

93 Sur ces 80 affaires, 5 concernent des professeurs de droit (MM. Desfougeres, Bavoux, Bravard (deux fois) et Etienne) et 75 des étudiants.

94 A cet égard et concernant les duels en particulier on renverra à nos développements de thèse [§ 92 et s.].

95 Circulaire du 15 avril 1820 in Folleville Daniel de, Recueil des règlements des Facultés de droit (…) ; Paris, Picard ; 1881 ; p. 120.

96 On pense particulièrement aux années 1816, 1830, 1848, et 1851. Ainsi en janvier 1830, plusieurs étudiants furent-ils condamnés pour « cris séditieux » (A.N. F17 / 2057). Les archives font aussi souvent mention d’étudiants condamnés pour « chants séditieux régicides » (Voyez le registre (préc.) : A.N. F17 / 1909). Pour un exemple dijonnais de ces « troubles politiques », il faut lire : Mathieu Bertrand, « Proudhon (…) et le buste de Napoléon » in RHFD ; Paris, 1988 ; n 7, p. 87. Et pour un exemple toulousain : Devaux Olivier, « Les étudiants en droit de Toulouse sous la Restauration : l’effervescence bonapartiste et libérale » in RHFD ; Paris, 1988 ; n 7, p. 93 et s.

97 En 1841, par exemple, le recteur Tardivel fait état de « banquets politiques » auxquels des étudiants en droit auraient participé (A.N. F17 / 2060). On en trouve également trace à Toulouse dans le registre (préc.) des jugements du Conseil royal de l’Instruction Publique.

98 De nos jours, encore, il n’est pas rare que les étudiants en droit soient particulièrement marqués et attirés par les domaines politiques ce qui est somme toute fort logique si l’on considère que le droit est – en partie – la manifestation d’un idéal politique.

99 Il existe sur cette affaire un rapport du préfet de la Vienne en date du 04 mai 1834 (A.N. F17/2058).

100 Délibération de la Faculté de droit de Poitiers du 28 février 1812 insérée au registre (préc.).

101 A.N. F17 / 2057.

102 Délibération du conseil académique de la Vienne du 30 décembre 1843 (archives universitaires).

103 Lettre du proviseur du collège royal Menard au recteur Delalleau (04 juillet 1845) (ibidem).

104 A.M. (préc.) de Poitiers : A (3) (4) 1.

105 Lettre du recteur Delalleau au doyen Foucart (22 septembre 1847) concernant l’étudiant Bormeau poursuivi pour attentat à la pudeur « consommé ou tenté sans violence sur des enfants âgés de moins de 11 ans » et délibération du conseil académique de la Vienne du 26 janvier 1849 (archives universitaires – cartons de la Faculté de droit de Poitiers).

106 Voyez en ce sens la délibération de la Faculté de droit de Poitiers du 21 juillet 1849 où Foucart explique comment il s’est caché derrière la porte du cours de droit commercial « prêt à intervenir » en cas de nouveaux cris : registre (préc.).

107 Duplantier Raymond, « Les duels à Poitiers et dans la Vienne au cours de la première moitié du XIXème siècle » in BSAO ; 1950 ; p. 20 et s.

108 A.N. F17 / 1909 (Registre des jugements du Conseil royal de l’Instruction Publique (1820-1850)).

109 Voyez ainsi la délibération de la Faculté de droit de Poitiers du 04 février 1825 insérée au registre (préc.).

110 Délibération du conseil académique de la Vienne du 13 mai 1843 (archives universitaires).

111 Foucart Emile-Victor-Masséna, « Rapport annuel du doyen sur les travaux de la Faculté (1842-1843) » in Séance solennelle de rentrée de la Faculté de droit de Poitiers (1843) ; Poitiers, Saurin ; 1844, p. 9.

112 Voyez en ce sens la délibération de la Faculté de droit de Poitiers du 22 mars 1843 ainsi que la lettre rectorale du 25 mars 1850 pour cinq étudiants dont le sieur Ricard (archives universitaires).

113 Ainsi le 05 mai 1828 pour Adolphe Mathieu qui ne reçut pas sa licence : A.N. F17 / 2056.

114 A.M. (préc.) de Poitiers : A 3 (4) (5).

115 Corneille Pierre, Le Menteur : tirade de « Dorante », Acte I, Scène I.

Pour citer ce document

Par Mathieu Touzeil-Divina, «Histoire de la faculté de droit de Poitiers», Les cahiers poitevins d'histoire du droit [En ligne], Premier cahier, mis à jour le : 13/05/2019, URL : https://cahiers-poitevins.edel.univ-poitiers.fr:443/cahiers-poitevins/index.php?id=100.

Quelques mots à propos de :  Mathieu Touzeil-Divina

Doctorant en droit public à l’Université de Paris II Panthéon-Assas
Ancien chargé d’enseignement (ATER) près la Faculté de droit de Poitiers